Aubier Stéphane

Culture, Cinéma

Heusy 08/10/1964

En 2012, le succès public et la reconnaissance internationale accordée par le milieu cinématographique au film Ernest et Célestine ont davantage mis en lumière le travail de Stéphane Aubier et de son complice Vincent Patar. Dans un autre genre, La Bûche de Noël (2014) et La foire agricole (2019) ont également attiré l’attention sur un cinéma d’animation brillant par son humour et son originalité. De tels succès ne sont pas le fruit du hasard, mais le résultat d’un travail de longue haleine, souvent avec des moyens dérisoires, entrepris par les deux compères depuis leur rencontre liégeoise.

Après une scolarité qui le voit fréquenter quatre écoles secondaires différentes dans la région de Verviers-Dison, Stéphane Aubier trouve sa voie à Saint-Luc Liège au début des années 1980. C’est au cours de sa formation artistique qu’il fait la rencontre du Gaumais Vincent Patar avec lequel il va désormais partager de nombreux projets. Tous deux diplômés de l’École supérieure des Arts Saint-Luc Liège, tout en se démarquant des préceptes de la maison (1986), ils souhaitent se former au dessin animé et s’inscrivent à l’École supérieure des Arts visuels de la Cambre, où ils croisent la route de Rémy Belvaux (1991). Travaillant de concert, Aubier et Patar créent et partagent un univers commun qui deviendra progressivement leur griffe artistique. Avec leur société de production, ils alternent courts métrages d’animation, publicités, voire clips vidéo (Plastic Bertrand, Louise Attaque, etc.), ainsi que bandes dessinées.

Auteur et réalisateur de films d’animation, Stéphane Aubier a d’emblée été catalogué comme un créateur iconoclaste en raison de la multiplicité des techniques employées dans ses productions et d’un ton humoristique décalé. Maîtrisant les principaux ressorts de l’animation, il utilise des moyens techniques rudimentaires pour créer une atmosphère singulière, au terme d’un travail exigeant une patience toute particulière. En quatre épisodes, la série de courts métrages d’animation du Pic Pic André Shoow met notamment en scène Pic Pic le cochon Magik (créé par Aubier), André le Mauvais Cheval et Coboy (sortis de l’imagination de Patar). Dès le numéro zéro, la série attire l’attention et flirte avec les prix dans les festivals (fin des années 1980). Vient ensuite Saint Nicolas chez les Balthus qui déconcerte le public averti avec ses papiers découpés animés (on retrouvera Les Baltus au cirque en 1999). 

Qu’elles recourent aux marionnettes, à la pâte à modeler, aux dessins sur papier Cello ou aux papiers découpés, les animations déjantées des deux jeunes Wallons imposent un style et se trouvent un public de plus en plus large dans les années 1990. Narrant les aventures des trois héros Cowboy, Indien et Cheval, les vingt épisodes de Panique au village créent un univers original, fait de personnages improbables (2001). Grâce au producteur arlonais Philippe Kauffman et au Namurois Vincent Tavier, le duo Aubier-Patar connaît alors son premier succès « grand public » sur Canal+ (2002). Dans le même temps, les deux créateurs signent des mini-BD dans des hebdomadaires (Télé-Moustique, L’Express, et par la suite Mosquito) ou réalisent des publicités.

En 2009, Panique au village devient un film long métrage qui bénéficie des voix de Benoît Poelvoorde rencontré aux études), Bouli Lanners, Jeanne Balibar et Frédéric Jannin, entre autres. Sélectionné au Festival de Cannes 2009 (hors compétition) et nommé au César 2010 du meilleur film étranger (il n’est finalement précédé que par Gran Torino de Clint Eastwood), l’impressionnant travail du duo séduit. Lors de la toute première édition du prix, il reçoit deux Magritte du cinéma pour le meilleur son et pour les meilleurs décors (2011).

Adaptant l’œuvre de la peintre et illustratrice bruxelloise Gabrielle Vincent, Vincent Patar et Stéphane Aubier, auxquels s’est associé le Français Benjamin Renner comme coréalisateur, planchent sur un projet à l’imaginaire bien différent en s’intéressant à l’univers d’Ernest et Célestine. Film plein de trouvailles, sorti en 2012, ce long métrage d’animation marque durablement les esprits. En s’attachant le savoir-faire de la société liégeoise Digital Graphics et en confiant à Benjamin Renner la partie graphique, les réalisateurs développent un tout nouveau système informatique de traitements de données, créant une animation à la fois technique et artistique, en sublimant toutes les subtilités de l’aquarelle. Sélectionné pour les Oscars 2014 avec quatre autres productions internationales, il n’est finalement privé de la célèbre statuette hollywoodienne que par Walt Disney et sa Reine des Neiges. Il reçoit néanmoins d’autres prix, dont le César 2013 du meilleur film d’animation et le Magritte 2014 du meilleur film. Sorti en 2014, La Bûche de Noël reçoit également de nombreux prix. Ce court métrage d’animation met toujours en scène les trois héros Cowboy, Indien et Cheval, encore avec les voix de B. Poelvoorde, B. Lanners, F. Jannin, ainsi que celles de Patar et Aubier eux-mêmes ; le duo décroche notamment le Cartoon d’or au 25e Cartoon Forum à Toulouse, en soit une consécration européenne, puis le Magritte 2015 du meilleur court métrage, tandis qu’en juin 2014, Stéphane Aubier est élevé au rang de citoyen d’honneur de la ville de Verviers.

Dans la même veine que La Bûche de Noël, Stéphane Aubier et Vincent Patar, auxquels s’est associé le scénariste Vincent Tavier, réalisent successivement La rentrée des classes (2016), La foire agricole (2019) et Les Grandes vacances (2022), autant d’aventures rocambolesques qui s’inscrivent sous la franchise Panique au village, dans le format d’animation en stop motion développée par le duo de réalisateurs. La Bûche en 2015 et La Rentrée des Classes en 2019 remportent le Prix du public du festival en ligne MyFrenchFilmFestival.com. Dès sa sortie, le court métrage La Foire agricole est, quant à lui, accueilli par un Cristal, soit le premier prix du festival international du film d’animation d’Annecy (juin 2019), puis par un Cartoon Tribute, lors de la 30e édition du forum européen qui se tient à Toulouse (septembre 2019) ; il reçoit ensuite le Magritte 2020 du meilleur court-métrage d’animation. La même année, le duo publie chez Casterman Pic Pic André & leurs amis, une bande dessinée multipliant les gags, où Pic Pic et André, les principaux protagonistes, sont rejoints par éléphant, offrant une vision très personnelle de l’histoire de l’art, de la musique et de la littérature.

En 2019, le duo inséparable de réalisateurs Aubier-Patar préside la 9e cérémonie des Magritte du cinéma, édition spéciale « cinéma d’animation », où Raoul Servais, pionnier du genre, reçoit un Magritte d’honneur.

 

Réalisations

Pic Pic André Shoow (1988)
Saint-Nicolas chez les Baltus (1991)
Panique au village (1991)
Inspecteur Mémo (1991)
Le Voleur de cirque (1993)
Pic Pic André Shoow. The first (1995)
Pic Pic André Shoow - le deuxième (1997)
Les Baltus au cirque (1999)
UFO boven Geel (1999)
Pic Pic André Shoow - 4 moins 1 (1999)
Panique au village, 20 épisodes (2001)
Panique au village, long-métrage d'animation (2009)
Ernest et Célestine (2012)
La Bûche de Noël (2014)
La Rentrée des Classes (2016)
La Foire agricole (2019)
Chien Pourri à Paris (2020)
Le Noël de Chien Pourri (2020)
Les Grandes Vacances (2023)

 

Sources

Centre de Recherche & Archives de Wallonie, Institut Destrée, Revue de presse (-12/2024) dont Le Soir, 21 février 2020
Alain Lorfèvre, Destins animés : Patar, Aubier et Cie, Bruxelles, 2011
Fabrice du Welz, Des Cowboys et des Indiens, le cinéma de Patar et Aubier, Bruxelles, (Cinémathèque CFB), 2014 (documentaire)
http://www.dailymotion.com/video/x5f224_stephane-aubier-et-vincent-patar_shortfilms (s.v. décembre 2014)
https://www.cinergie.be/personne/aubier-stephane 
https://www.arte.tv/fr/videos/120742-000-A/rencontre-avec-vincent-patar-et-stephane-aubier/ (s.v. janvier 2025)