Patar Vincent

Culture, Cinéma

Les Bulles 02/09/1965

Le succès public et la reconnaissance internationale accordée par le milieu cinématographique au film Ernest et Célestine ont davantage mis en lumière le travail de Vincent Patar et de son complice Stéphane Aubier. Dans un autre genre, La Bûche de Noël (2014) et La foire agricole (2019) ont également attiré l’attention sur un cinéma d’animation brillant par son humour et son originalité. De tels succès ne sont pas le fruit du hasard, mais le résultat d’un travail de longue haleine, souvent avec des moyens dérisoires.

Quand il mène ses études artistiques à l’École supérieure des Arts Saint-Luc à Liège, au début des années 1980, le Gaumais Vincent Patar fait la rencontre du Verviétois Stéphane Aubier. Ensemble ils vont partager de nombreux projets et obtenir d’abord leur diplôme, non sans se démarquer des préceptes de la maison Saint-Luc (1986). Souhaitant se former au dessin animé, ils fréquentent ensuite tous les deux l’École supérieure des Arts visuels de la Cambre, dont ils sortent diplômés en 1991. Travaillant de concert, Patar et Aubier créent et partagent un univers commun qui devient progressivement leur griffe artistique. Maîtrisant rapidement les principaux ressorts de l’animation, ils utilisent des moyens techniques rudimentaires pour créer une atmosphère singulière, au terme d’un travail exigeant une patience toute particulière.

Auteur et réalisateur de films d’animation, Vincent Patar est d’emblée catalogué comme un créateur iconoclaste tant ses productions impressionnent par la multiplicité des techniques employées et par un ton humoristique décalé. En quatre épisodes, la série des courts métrages d’animation du Pic Pic André Shoow met notamment en scène Pic Pic le cochon Magik (créé par Aubier), ainsi qu’André, le Mauvais Cheval, et Coboy (sortis de l’imagination de Patar). Dès le numéro zéro, la série attire l’attention et flirte avec les prix dans les festivals (fin des années 1980). Saint Nicolas chez les Balthus déconcerte aussi un public averti avec ses papiers découpés animés.

Recourant aux marionnettes, à la pâte à modeler, aux dessins sur papier Cello ou aux papiers découpés, le cinéma d’animation déjanté des deux jeunes Wallons trouve un public de plus en plus large dans les années 1990. Ils trouvent aussi leur style. Narrant les aventures des trois héros Cowboy, Indien et Cheval, les vingt épisodes de Panique au village imposent un nouvel univers, fait de personnages improbables (2001). Grâce au producteur arlonais Philippe Kauffman et au Namurois Vincent Tavier, le duo Aubier-Patar connaît alors un premier succès « grand public » sur Canal+ en 2002. Dans le même temps, les deux créateurs signent des mini-BD dans des hebdomadaires (Télé-Moustique, L’Express, et par la suite Mosquito) ou réalisent des publicités. 

En 2009, Panique au village devient un film long métrage qui bénéficie des voix de Benoît Poelvoorde (rencontré aux études), Bouli Lanners, Jeanne Balibar ou Frédéric Jannin, entre autres. Sélectionné au Festival de Cannes 2009 (hors compétition) et nommé au César 2010 du meilleur film étranger (il n’est finalement précédé que par le Gran Torino de Clint Eastwood), l’impressionnant travail du duo séduit. Lors de la toute première édition du prix, Panique au village reçoit deux Magritte du cinéma, pour le meilleur son et pour les meilleurs décors (2011).

Adaptant l’œuvre de la peintre et illustratrice bruxelloise Gabrielle Vincent, Vincent Patar et Stéphane Aubier, auxquels s’est associé le Français Benjamin Renner comme coréalisateur, planchent sur un projet à l’imaginaire bien différent en s’intéressant à l’univers d’Ernest et Célestine. Film plein de trouvailles, sorti en 2012, ce long métrage d’animation marque durablement les esprits. En s’attachant le savoir-faire de la société liégeoise Digital Graphics et en confiant à Benjamin Renner la partie graphique, les réalisateurs développent un tout nouveau système informatique de traitements de données, créant une animation à la fois technique et artistique, en sublimant toutes les subtilités de l’aquarelle. Sélectionné pour les Oscars 2014 avec quatre autres productions internationales, il n’est finalement privé de la célèbre statuette hollywoodienne que par Walt Disney et sa Reine des Neiges. Il reçoit néanmoins d’autres prix, dont le César 2013 du meilleur film d’animation et le Magritte 2014 du meilleur film. 

Sorti en 2014, La Bûche de Noël va recevoir également de nombreux prix. Ce court métrage d’animation met toujours en scène les trois héros Cowboy, Indien et Cheval encore avec les voix de B. Poelvoorde, B. Lanners, F. Jannin, ainsi que celles de Patar et Aubier eux-mêmes. Le duo décroche notamment le Cartoon d’or au 25e Cartoon Forum à Toulouse, en soit une consécration européenne, puis le Magritte 2015 du meilleur court métrage.

Dans la même veine que La Bûche de Noël, Vincent Patar et Stéphane Aubier, auxquels s’est associé le scénariste Vincent Tavier, réalisent successivement La rentrée des classes (2016), La foire agricole (2019) et Les Grandes vacances (2022), autant d’aventures rocambolesques qui s’inscrivent sous la franchise Panique au village, dans le format d’animation en stop motion développée par le duo de réalisateurs. La Bûche en 2015 et La Rentrée des Classes en 2019 remportent le Prix du public du festival en ligne MyFrenchFilmFestival.com. Dès sa sortie, le court métrage La Foire agricole est, quant à lui, accueilli par un Cristal, soit le Premier prix du Festival international du film d’animation d’Annecy (juin 2019), puis par un Cartoon Tribute, lors de la 30e édition du forum européen qui se tient à Toulouse (septembre 2019) ; il reçoit ensuite le Magritte 2020 du meilleur court-métrage d’animation. La même année, le duo publie chez Casterman Pic Pic André & leurs amis, une bande dessinée multipliant les gags, où Pic Pic et André, les principaux protagonistes, sont rejoints par Éléphant, offrant une vision très personnelle de l’histoire de l’art, de la musique et de la littérature.

En 2019, le duo inséparable de réalisateurs Aubier-Patar préside la 9e cérémonie des Magritte du cinéma, édition spéciale « cinéma d’animation », où Raoul Servais, pionnier du genre, reçoit un Magritte d’honneur.
 

Réalisations

Pic Pic André Shoow (1988)
Saint-Nicolas chez les Baltus (1991)
Panique au village (1991)
Inspecteur Mémo (1991)
Le Voleur de cirque (1993)
Pic Pic André Shoow. The first (1995)
Pic Pic André Shoow - le deuxième (1997)
Les Baltus au cirque (1999)
UFO boven Geel (1999)
Pic Pic André Shoow - 4 moins 1 (1999)
Panique au village, 20 épisodes (2001)
Panique au village, long-métrage d'animation (2009)
Ernest et Célestine (2012)
La Bûche de Noël (2014)
La Rentrée des Classes (2016)
La Foire agricole (2019)
Chien Pourri à Paris (2020)
Le Noël de Chien Pourri (2020)
Les Grandes Vacances (2023)

 

Sources

Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse (-12/2024), dont Le Soir, 21 février 2020
Alain LORFÈVRE, Destins animés : Patar, Aubier et Cie, Bruxelles, 2011
Fabrice du Welz, Des Cowboys et des Indiens, le cinéma de Patar et Aubier, Bruxelles, (Cinémathèque CFB), 2014 (documentaire)
http://www.dailymotion.com/video/x5f224_stephane-aubier-et-vincent-patar_shortfilms (s.v. décembre 2014)
https://www.cinergie.be/personne/patar-vincent