Lamensch Marco

Etterbeek 05/03/1947

Producteur à la RTB, Marco Lamensch lance en 1985, avec Jean Libon, un nouveau genre de documentaire en décortiquant la société dans le cadre du magazine Strip-Tease. Un genre, une griffe, Strip-Tease s’est imposé comme « l’émission qui vous déshabille », ainsi qu’avait l’habitude de le dire Martine Matagne (1954-2012), la voix off du magazine. Preuve du succès du genre, le trio André Bonzel – Rémy Belvaux – Benoît Poelvoorde va s’en inspirer largement et s’en distancier nettement pour réaliser le film choc du début des années 1990 : C’est arrivé près de chez vous. Entre 1985 et 2002, Strip-Tease propose plus de 850 reportages, avant de laisser la place à Tout ça (ne nous rendra pas le Congo) dont Marco Lamensch est aussi le créateur, comme d’ailleurs de la version française de Strip Tease (sur FR3) dont il garde la responsabilité éditoriale jusqu’en 2005.

Entré à la RTB en 1973 afin de renforcer le service « sciences », Marco Lamensch avait mené des études en Sciences physiques à l’ULB dans la seconde moitié des années soixante et, bardé de son diplôme (1969), avait commencé une carrière d’enseignant, avant d’opter pour la vulgarisation des sciences auprès du grand public. Réalisant ses premiers films « documentaires » sur les OVNI, les balbutiements de l’informatique, un docu-fiction sur la Pataphysique…, il est co-responsable du magazine scientifique Pulsars, avant de rejoindre, en 1977, l’équipe du magazine d’enquêtes et de reportages A Suivre, où il est formé à la rude et sérieuse « École de Henri Mordant ». À la mesure de la RTB, il est en quelque sorte « grand reporter », et envoyé sur tous les terrains pour traiter de sujets d’actualité : sa conception du journalisme d’investigation et de la liberté d’expression le conduit quelques fois à être « borderline ».

Dans les années 1980, sa rencontre avec Jean Libon est décisive. Ensemble, ils sont convaincus de la force des images et de la nécessité de proposer une autre manière de percevoir le monde. Ensemble, ils réalisent, en 1984, Les Russes attaquent à l’aube, couronné d’une Antenne de Cristal décernée par l’Union des Critiques Radio-TV, et du Prix de la Communauté des Télévisions francophones de Monte-Carlo. En 1986, il reçoit le Prix du Journalisme audiovisuel.

Avec Jean Libon, Marco Lamensch propose à sa direction un nouveau concept, celui de Strip-Tease. Il s’agit de dépasser la trinité interviews/images/commentaires, de faire autre chose que de « la radio avec des images » et de traiter de sujets différents, souvent délaissés. Autorisé à tourner quelques pilotes avec des techniciens à forte personnalité de la maison, le duo Libon-Lamensch diffuse ses premiers résultats à partir de janvier 1985. D’emblée, le public est séduit par ce style de documentaire sans commentaire, où l’image est saisie « comme au cinéma », uniquement avec le son direct, sans que les techniciens interfèrent sur les « acteurs », en l’occurrence « des gens ».

Avec une série de réalisateurs de la trempe de Manu Bonmariage, Yves Hinant, Benoit Mariage, Philippe Dutilleul et André François notamment, Strip-Tease s’impose comme un ovni dans le paysage audiovisuel. À partir de 1992, les documentaires débordent les frontières du pays wallon et trouvent du côté français un terrain propice, à la fois pour les sujets et pour leur diffusion sur la chaîne France 3.

Après toutes ces années de production, le duo Lamensch-Libon totalise 850 numéros promis assurément à un avenir pour les futurs sociologues et ethnologues, dont une soixante sont signés par le réalisateur Marco Lamensch. Au-delà du succès populaire de Strip-Tease, le milieu des professionnels reconnaît des qualités à ce nouveau style documentaire et lui attribue le Sept d’Or 1996 du meilleur magazine de société. En 1999, le Sept d’Or du meilleur générique lui revient et en 2000 lui est attribué le Sept d’Or du meilleur magazine documentaire. Viendra encore le Sept d’Or 2003 de la meilleure série documentaire.

En 2003, le plan Magellan (plan de restructuration de la RTBf) place Lamensch en disponibilité et, à partir de la saison 2002-2003, orphelin de l’un de ses pères fondateurs, Strip-Tease se transforme, change de format et prend un autre nom, inspiré d’une expression bruxelloise : Tout çà (ne nous rendra pas le Congo) ; c’est Lamensch qui a conçu et finalisé le générique de ce nouveau magazine, avant de quitter la maison rtbéenne. En 2002, le Parlement de la Communauté française ne manque pas de saluer la carrière de Marco Lamensch en attribuant le Prix du Journalisme à l’ensemble de l’équipe Strip-Tease. En janvier 2012, le Festival international de Programmes audiovisuels (FIPA) rend hommage au duo Libon-Lamensch en remettant aux deux hommes son EuroFipa d’honneur pour l’ensemble de leur carrière de producteur, « au service d’une télévision créative et impertinente ».

Auteur d’un ouvrage important effeuillant l’expérience Strip-Tease (2018), Marco Lamensch apporte une réponse aux détracteurs du magazine qui prétendent qu’il a mis à mal la tradition du documentaire « belge » de langue française. En 2019, il se mobilise, avec Jean Libon, contre la vente par la RTBf des droits sur l’émission (nom, musique, générique, concept de l’émission) à une société de production belge (Matchpoint), dont les nouvelles réalisations sont notamment vendues à une chaîne privée française (RMC-Story). Sans avoir été consultés, les créateurs de Strip-Tease dénoncent avoir été déshabillés et perdre ainsi leur bébé vendu au privé. En janvier 2025, les 40 ans du concept Strip-Tease sont fêtés de diverses manières, tant par la RTBf que par la sortie dans les salles de cinéma d’un Strip-Tease intégral, réalisé par Jean Libon et composé de cinq reportages qui sont autant de portraits récents et inédits (29 janvier 2025).

Sources

Centre de Recherche & Archives de Wallonie, Institut Destrée, Revue de presse (-12/2024), dont Télérama du 3 avril 2008, entretien de Hubert Heyrendt, dans La Libre, 8 octobre 2011 ; Le Monde Culture, 3 juillet 2012 ; Le Soir, 27 janvier 2025
Marco Lamensch, Strip-Tease se déshabille, Bruxelles, éditions Chronique, 2018
On retrouve ici https://fr.wikipedia.org/wiki/Marco_Lamensch l’ensemble de ses réalisations (s.v. janvier 2025)