Pire (né Georges Pire) Dominique
Eglises, Humanisme-Egalité, Nobel, Résistance
Dinant (Leffe) 10/02/1910, Louvain 30/01/1969
Quatre Wallons ont reçu un Prix Nobel. Trois sont des scientifiques. Le quatrième, Dominique Pire, est honoré du Prix Nobel de la Paix, en 1958, pour son action marquante dans une Europe désolée par la guerre, en faveur des multiples personnes déplacées, réfugiées et démunies. Ce n’est qu’après ce Prix Nobel que le Père Dominique Pire a étendu son action dans les pays du Tiers Monde.
Aîné d’une famille de sept enfants contrainte à l’exil durant la Grande Guerre, Georges Pire suit une année de philosophie au Séminaire de Floreffe, puis entre au Couvent dominicain de La Sarte à Huy (1928-1932). Quand il prononce ses vœux (1932), il adopte le nom de Dominique, en référence au fondateur de son ordre religieux. Docteur en théologie morale de l’Université dominicaine de Rome (1936), il complète sa formation à la Faculté des Sciences sociales et politiques de l’Université catholique de Louvain (1939). Juste avant que n’éclate la Seconde Guerre mondiale, il devient professeur de morale et de sociologie au Couvent de la Sarte, tout en s’occupant de l’économat de l’établissement (1939). En 1946, il devient le curé de la paroisse de La Sarte.
Par-delà l’impression laissée par un parcours de formation très intellectuelle, le Père Pire est un homme pragmatique, imprégné de la réalité concrète qui l’entoure. Le Service d’entraide familiale qu’il crée en 1938 est destiné à apporter une aide gratuite aux familles pauvres ; les Stations de Plein Air qu’il lance à Huy permettront de nourrir plusieurs centaines d’enfants pendant la guerre. Résistant, SRA, il est aumônier au sein de l’Armée secrète dans le secteur de Huy-Waremme et contribue au sauvetage de pilotes d’avion. Après la Libération, le Père Pire conservera cet esprit de la Résistance où une aide est accordée nonobstant les clivages traditionnels, philosophiques, politiques ou nationaux.
C’est à l’occasion d’une conférence qu’il découvre la réalité des personnes déplacées, surtout en Europe de l’Est et centrale, des suites de la guerre (1949). Il se mobilise alors pour leur venir en aide. Placée sous le signe de la fraternité, l’opération « Aide aux Personnes déplacées » vise à créer un réseau de parrainages. Les dons reçus permettent l’ouverture de quatre homes pour réfugiés âgés (Huy, Esneux, Aartselaer et Braine-le-Comte), puis la création de sept villages européens pour les délaissés, sous les auspices du Conseil de l’Europe. L’inauguration du premier village, en Allemagne, se fait en présence de Robert Schuman (1956). Les villages sont implantés à proximité de zones d’activités économiques afin que les familles puissent trouver aisément du travail (Aix-la-Chapelle, Augsbourg, Spiesen, Wuppertal, Euskirchen ; Bregenz et Berchem-sainte-Agathe).
Cette campagne du cœur a un retentissement considérable en Europe ; la fin de la guerre est encore proche et chacun mesure l’importance du remaillage social à l’échelle du vieux continent ; à côté de l’Europe politique et économique se construit une Europe du Cœur ; grâce à l’initiative de Dominique Pire, ce sont près de 20.000 personnes déplacées qui ont trouvé un parrain. On comprend parfaitement que cet esprit de fraternité et de pacification ait été distingué par le Prix Nobel de la Paix 1958.
Ce prix prestigieux n’est pas un couronnement pour le père Pire, mais l’occasion de lancer de nouveaux projets, qui s’étendent cette fois à l’ensemble de la planète. À l’entame des années 1960, le père Pire est à l’origine d’une ambitieuse Université de la Paix, installée à Tihange, et destinée à former les « ouvriers de la paix ». Il met encore sur pied les « Amitiés mondiales », « réseau d’échanges et de relations amicales interindividuelles qui doit contribuer à une meilleure compréhension entre les peuples ». Avec l’association « Le Cœur ouvert sur le monde » créée en 1959, il se lance dans la lutte contre la pauvreté. Sa méthode reste originale puisque l’aide au Tiers-Monde est basée sur le self-help. « Si tu donnes un poisson à un homme, il mangera un jour. Si tu lui apprends à pêcher, il mangera toute sa vie » (1962). La première « Île de paix » est créée en 1962 à Gohira, au Pakistan occidental (actuel Bangladesh). D’autres Îles de Paix verront le jour : à Kalakad (Inde), Tombouctou (Mali), Yalogo (Burkina-Faso), Bolama (Guinée Bissau), ainsi qu’en Equateur, Bolivie et au Pérou.
Peu de temps avant sa disparition, le père Pire publie un ouvrage Bâtir la Paix, petit manuel du bon citoyen du monde (1966) qui sera traduit en une dizaine de langues, dont le japonais. La Fondation Dominique Pire assure la continuité des activités de celui qui disait notamment : « Je crois que le monde progresse spirituellement. Lentement sans doute, mais il progresse. À peu près à la cadence de trois pas en avant et deux pas en arrière. L’important, c’est de faire le pas supplémentaire, le troisième pas ».
Sources
PIRE Dominique (né Georges Pire) SCHUFFENECKER Gérard, Une révolution tranquille, Fondation Pire, Huy, 1979
VEHENNE Hugues, Dominique Pire. Souvenirs et entretiens, Julliard, Paris, 1959
VAN DAMME Guido, Le Père Pire, Prix Nobel de la Paix 1958, Éditions Fidélité, Namur, 2008
PIRE Dominique (né Georges Pire) Prix Nobel 1958P564-WaE
© Îles de Paix, Paul Delforge