
Reynaert Philippe
Culture, Cinéma
Bruxelles 30/11/1955
A la tête de Wallimage pendant vingt ans, Philippe Reynaert est un cinéphile critique qui a contribué à la promotion des acteurs et réalisateurs wallons et au développement économique du cinéma en Wallonie. Si sa famille est originaire de Marchienne-au-Pont, c’est à Bruxelles qu’il naît et à Liège qu’il grandit, privé de cinéma en raison de fortes préventions d’une famille protestante rigoriste. À seize ans, il découvre et se passionne pour le septième art, fréquentant assidument, à Bruxelles, la cinémathèque pour « récupérer » des années de privation. À l’ULB, il mène des licences en Philologie romane, et son mémoire est consacré à Julien Gracq, découvrant que le cinéaste André Delvaux a réalisé Rendez-vous à Bray (1971), en adaptant une nouvelle du romancier français (ULB, 1979). Sa rencontre avec Delvaux débouche sur des rendez-vous réguliers au cours desquels celui qui vient d’achever Femme entre chien et loup et prépare Benvenuta lui apprend le langage du cinéma. Le jeune diplômé entame une courte carrière d’enseignant (1980-1982), tout en s’orientant vers le journalisme. Rédacteur en chef du magazine de cinéma Visions (1982-1988), critique dans divers hebdomadaires (Télé7Jours, Marie-Claire, W’Allons nous ?, etc.), il fait ses premiers pas à la RTBf en tant que présentateur du Ciné-Club de Minuit (1983), avec le redoutable défi de succéder à Dimitri Balachoff. C’est de cette époque que datent ses ostensibles lunettes blanches.
Publicitaire et présentateur de télévision, critique de films, Philippe Reynaert fait sa place comme « Monsieur Cinéma », dans le paysage culturel francophone de la fin des années 1980 et des années 1990, s’attelant à faire découvrir des films et des réalisateurs peu connus. Les amateurs des salles obscures qui suivent avec attention et curiosité son Ciné-Club de Minuit, découvrent ensuite TéléCinéma (393 numéros entre 1995 et 2002), puis L’Envers de l’écran (de 2004 à 2007), où il invite tous les principaux acteurs et réalisateurs wallons du cinéma de l’époque. Il anime aussi les débuts de Ciné Station (2010-2011), avec Cathy Immelen et Christophe Bourdon, ainsi que Lunettes Noires et Lunettes Blanches (2013-2015), autant d’émissions qui font la part belle au cinéma de Wallonie.
Les dernières années du XXe siècle sont justement marquées par le succès des acteurs et réalisateurs wallons dans les festivals internationaux les plus divers, même si ce sont les Palmes d’or des frères Dardenne et les pépites de Benoît Poelvoorde qui sont les plus médiatisées. Cette dynamique conduit les autorités wallonnes à considérer le cinéma sous son angle économique. Un Fonds Régional d’Investissement dans l’Audiovisuel est créé par la Région wallonne (2001) ; il s’appellera Wallimage. Philippe Reynaert devient le directeur général de Wallimage Coproductions et l’administrateur délégué de Wallimage Entreprise s.a. (2001-2020).
A ce titre, il prend part au développement d’une industrie du cinéma proprement wallonne, contribuant à faire connaître les lieux de tournages en Wallonie, à pérenniser le travail des acteurs, réalisateurs et techniciens wallons et à générer ainsi une dynamique économique. Par ailleurs, via Wallimage, la plupart des longs métrages tournés en Wallonie et qui ont bénéficié du soutien financier de la Région sont proposés, depuis 2017, en diffusion gratuite sur les télévisions locales de Wallonie. En 2018, un effort est consenti par la Wallonie pour soutenir davantage le secteur du jeu vidéo. En 2019, pour fêter ses 20 ans, Wallimage lance l’application Wallywood, une application gratuite qui permet d’identifier les lieux de tournage en Wallonie des 195 coproductions réalisées en 20 ans. Wallimage a aussi organisé un week-end événementiel, Wallywood on tour(ne).
En 2008, sur le modèle de l’outil wallon, la Région de Bruxelles-Capitale qui s’associe pour l’occasion à la Communauté française de Belgique crée Bruxellimage et en confie la direction à Philippe Reynaert (2009-2015) ; depuis Mons, l’équipe de Wallimage contribue au développement de ce Fonds bruxellois de soutien à la production audiovisuelle, mais, à partir de 2016, dans le processus d’évolution institutionnelle de l’état fédéral, Bruxellimage prend son autonomie, les autorités bruxelloises souhaitant se dégager de leur partenariat avec la Wallonie pour faire désormais cavalier seul, et concurrence, sous le nom de Screen Brussels, désormais dirigé par Noël Magis.
A diverses reprises, Philippe Reynaert s’exprime clairement en faveur de la création d’un ministère wallon de la culture, propos qu’il confirme dans Par ailleurs le cinéma est une industrie (2016), ouvrage d’entretiens où il explique son rôle à la tête de Wallimage et comment se développe peu à peu une industrie du cinéma proprement wallonne. En recevant le titre d’officier du mérite wallon, Philippe Reynaert écrit dans le livre d’or : Aujourd’hui la Wallonie est prête à accueillir les compétences culturelles qu’elle mérite !
Administrateur de la RTBf (2002-2019), président de la chaîne de télévision publique locale Télé MB (2002-2007), directeur artistique et responsable de la programmation de « Cinéma Mons 2015 », administrateur de la Sonuma, du Pôle Image de Liège s.a., de Vio Universel s.a., de TSF.be s.a. jusqu’en 2018, Philippe Reynaert préside aussi Cine-Regio, un très important réseau de fonds de subvention à l’audiovisuel financé par l’Union européenne, et il est membre de l’Académie Delvaux qui organise la cérémonie et l’attribution des Magritte du cinéma depuis 2011.
Après son départ de Wallimage et son remplacement par Virginie Nouvelle (juillet 2020), Philippe Reynaert présente le Festival du cinéma belge de Moustier (2020), anime la brève émission Belgorama sur la RTBf (2021), et continue d’emmener ses lunettes blanches dans les salles obscures et partout où se fait le cinéma. Consultant audiovisuel au sein de Xanadu srl depuis 2020, il est le directeur artistique des rencontres annuelles organisées à Liège sous le label Politik, sorte de festival du cinéma sans jury et sans films en compétition, mais avec des débats et des films politiques (2021-). Auteur de plusieurs ouvrages sur le cinéma, il continue d’écrire et de publier, signant, en 2023, De Julien Gracq à André Delvaux, en fait son mémoire de licence de 1979 retravaillé. En 2020, avec son épouse, la photographe Myriam Debehault, il a réuni dans un livre, Visions du Festival de Cannes, le souvenir de 40 années de présence au Festival de Cannes.
Sources
Centre de Recherche & Archives de Wallonie, Institut Destrée, Revue de presse (-12/2024), dont Le Soir, 29 mai 2002, 27 janvier 2017, 27 septembre 2018 ; La Libre, 26 octobre 2015
Richard Olivier, Big Memory. Cinéastes de Belgique, s.l., Les Impressions nouvelles, 2011, p. 284-285
Philippe Reynaert, Myriam Debehault, Visions du Festival de Cannes, Mons, CEP, 2020
https://www.wawmagazine.be/fr/etiquettes/philippe-reynaerts
https://www.youtube.com/watch?v=v16TjsnX4eQ
https://www.cinergie.be/actualites/bruxellimage
http://connaitrelawallonie.wallonie.be/fr/wallons-marquants/merite/reynaert-philippe#.XbxMouhKhhE
Le Vif/L’Express, 25 avril 2019, p. 83
https://www.cinergie.be/personne/reynaert-philippe
https://www.cinergie.be/actualites/de-julien-gracq-a-andre-delvaux-par-phillipe-reynaert (s.v. janvier 2025)
Philippe Reynaert, Philippe Elhem, Le cinéma en fumée, 1990
Philippe Reynaert, De Marilyn au Titanic : 50 ans de celluloïd passés en VHS ou en DVD, pour en finir une fois pour toutes avec le XXe siècle, Bruxelles, Médiathèque de la Communauté française de Belgique, 2000
Philippe Reynaert interviewé par Jacques Bredael, Par ailleurs le cinéma est une industrie, 2016
Philippe Reynaert, Myriam Debehault, Visions du Festival de Cannes, Mons, CEP, 2020