de Lairesse Gérard

Culture, Gravure, Peinture

Liège 11/09/1640, Amsterdam 28/07/1711

Disciple de Bertholet Flémalle (ou Flémal) au même titre que J-G. Carlier et E. Fisen, Gérard de Lairesse est l’un des représentants majeurs de la troisième génération de l’école liégeoise de peinture du XVIIe siècle. À une époque où l’école de Rubens et l’art flamand brillaient encore de mille feux, des artistes vivant en principauté de Liège sont davantage attirés par ce qui se fait en Italie et en France. Au sein de cette école liégeoise de peinture qui se distancie du baroque exubérant, et où l’on ne retrouve ni peintures de mœurs, ni scènes de chasse ou natures mortes truculentes, Gérard de Lairesse se distingue très jeune par ses qualités artistiques, à la fois en musique, en littérature et en peinture. Confié à Bertholet Flémalle qui lui apprend l’art des anciens, par les gravures et les médailles, et le dispense ainsi du traditionnel voyage en Italie, le jeune artiste se fait rapidement une solide renommée à Liège en tant que peintre et se rend à Aix-la-Chapelle où il exécute un tableau pour l’église Sainte-Ursule qui lui vaudra d’étendre sa réputation en-dehors de sa ville natale.

Cependant, à une époque où la Contre-Réforme veille particulièrement à la bonne conduite des âmes, Gérard de Lairesse se trouve dans une situation conflictuelle avec une de ses modèles et est contraint de quitter Liège (avril 1664) pour Maastricht, épousant en chemin la cousine de son beau-frère. Le couple aura 3 garçons, tous deviendront peintres, mais bien avant cela le peintre « en fuite » vit d’expédients, vend quelques tableaux à Bois-le-Duc et y exécute des enseignes. Fixé ensuite à Utrecht, Gérard de Lairesse peint des tableaux pour un marchand d’objets d’art d’Amsterdam qui fait connaître son travail. Son œuvre de graveur est également considérable. S’y manifeste sa prédilection pour les thèmes mythologiques et une grande connaissance « technique » en de nombreux domaines, tandis que ses sujets religieux trahissent son manque de ferveur chrétienne.

En 1667, le peintre obtient les droits de bourgeoisie de la ville d’Amsterdam et la maison qu’il loue sur le marché Saint-Antoine devient le lieu de rencontres des peintres et amis de l’art, des mécènes. Durant les années 1670 et 1680, à Amsterdam et à La Haye, villes qui connaissent une grande prospérité, les commandes affluent : décoration intérieure de maisons et bâtiments, décors de théâtre, dessins, portraits, allégories… Il devient « l’un des initiateurs par excellence de la peinture en grisaille qui triomphera si bien au XVIIIe avec Jacob de Wit et Gheraerds dans les pays nordiques, Sauvage, Boucher et Pierre en France, etc. » (Jacques Foucart). Il représente des scènes mythologiques, historiques, des sujets bibliques tirés de l’Ancien et du Nouveau Testament ou encore des allégories, le plus souvent dans de grands formats. Doué pour la représentation des « femmes », c’est en associant la jeunesse de la femme, de l’homme et des adolescents qu’il a créé un de ses chefs-d’œuvre : Énée chez Didon (conservé au château de Schleissheim). Il importe dans les Provinces-Unies le style si caractéristique de l’école liégeoise, inspirée des artistes italiens et français. De Lairesse y est surnommé le « Poussin hollandais » et est alors considéré comme un réel rival de Rembrandt, mais dans un autre style.

Vers 1690, âgé de cinquante ans, de Lairesse devient aveugle. Il décide alors d’organiser, avec l’aide de ses fils, des conférences consacrées à l’art, et réunit autour de lui élèves et confrères, plusieurs fois par semaine. Les notes prises par ses fils, au fil des leçons, sont rassemblées dans un ouvrage, publié après la mort de l’artiste sous le titre Le grand livre des peintres. Rédigé en néerlandais, il sera ensuite traduit en français, en allemand et en anglais et de nombreuses fois réédité. Si une certaine notoriété entoura l’artiste liégeois en « fuite », c’est dans l’indigence qu’il meurt à Amsterdam, à 71 ans. Il laisse derrière lui une œuvre très diversifiée, puisqu’à côté des toiles, portraits et dessins d’art, il dessina pour l’Anatomia corporis humani de Govert Bidloo qui valut à ce dernier la chaire d’Anatomie de Leyde. Plus tard, les cuivres des dessins de Lairesse sont utilisés pour illustrer le célèbre traité d’anatomie de William Cooper, tandis que les dessins originaux, rehaussés de lavis sont la propriété de la faculté de Médecine de Paris.

Sources

Jules HELBIG, dans Biographie nationale, t. XI, col. 57-68.
Jules HELBIG, La peinture au pays de Liège et sur les bords de la Meuse, Liège, 1903, p. 253 et ssv.
Jacques HENDRICK, dans La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Lettres - arts - culture, t. II, p. 233, 238, 240-241, 363
Pierre-Yves KAIRIS, Foisonnement et diversité : les peintres du XVIIe siècle, dans Un double regard sur 2000 ans d’art wallon, Tournai, La Renaissance du livre, 2000, p. 321-341
Jacques STIENNON, dans Freddy JORIS, Natalie ARCHAMBEAU (dir.), Wallonie. Atouts et références d’une région, Namur, 2005
Jacques FOUCARD, Catalogue des Nouvelles Acquisitions du Musée d’Orléans, Exposition au Musée du Louvre au début de l’année 1977