Desandrouin Gédéon

Socio-économique, Entreprise

ou DES ANDROUINS

Clermont en Argonne en 1640, Lodelinsart 02/07/1735

Après avoir fait construire la place forte de Charleroi (1666), Charles II, roi d’Espagne et des Pays-Bas (1665-1700) veut développer une politique visant à susciter la création durable d’établissements industriels aux abords de l’ancienne paroisse de Charnoy : celle-ci est située sur la rive gauche de la Sambre, dans le comté de Namur, et fait face à Marcinelle qui dépend, quant à elle, de la principauté de Liège. Mais le 2 juin 1667, durant la courte guerre de Dévolution, Turenne s’empare de Charleroi. Attribuée au royaume de France par le Traité des Pyrénées (1668), la place forte ne revient dans les mains espagnoles qu’en 1678, lors du Traité de Nimègue. 

C’est dans ce contexte historique que viennent de Lorraine deux jeunes verriers, Gédéon des Androuins et François de Dorlodot. Les deux hommes semblent être « cousins » ; ils deviendront beaux-frères par leur mariage avec des filles de Jean de Condé, maître verrier de Jumet qui, l’un des premiers, a reçu le privilège du roi Louis XIV de développer une activité verrière dans le Faubourg de Charleroi (1669). C’est ainsi qu’allaient naître deux dynasties d’industriels carolorégiens.

Formé au métier du verre par tradition familiale (des parents auraient travaillé dans ce secteur en principauté de Liège), Gédéon Desandrouin (l’orthographe de son nom varie d’une source à l’autre) épouse Marie de Condé en juillet 1680 et héritera de la verrerie de son beau-père. Avec sa fortune, des Androuins acquiert des terres et des titres : seigneurie d’Heppignies, château de Lodelinsart, fief de Lombois, seigneurie de Villers-sur-Lesse. Parallèlement, dans les bois de Soleilmont, à Heppignies, il participe, avec d’autres comparchonniers, à l’exploitation de gisements de houille. Les techniques sont encore rudimentaires, mais les gains sont appréciables et font de Gédéon des Androuins un entrepreneur prospère, à la fois patron verrier, maître de forges et charbonnier. Établi à Lodelinsart où il s’est fait construire un château après l’établissement de sa verrerie (1690), ce gentilhomme obtient la reconnaissance de titres de noblesse à Paris en 1701, est reçu au sein de l’État noble en 1708 par le comté de Namur et obtiendra le titre de vicomte de l’Empereur en 1733 (ou 1731). Ce statut lui vaut maints privilèges dont celui d’éviter de payer des impôts, ou d’échapper à la justice. 

Son nom de famille s’est transformé en Desandrouin lorsque son fils Jean-Jacques hérite de la majeure partie de son patrimoine, notamment de plusieurs mines du côté de Fresnes-sur-Escaut. Sans se préoccuper des frontières, alors fort fluctuantes, ou plus exactement en jouant sur les incohérences de l’administration dues aux multiples traités d’échange de territoires, Desandrouin a obtenu le droit d’exploiter du charbon en France dès 1712, près de Fresnes et d’Anzin. Il n’aura de cesse, avec Jean-Jacques et François-Joseph (1696-1731), deux de ses dix enfants, d’intensifier sa prospection dans le nord de la France, en dépit d’une concurrence tenace avec les industriels locaux.

Par ailleurs, Gédéon des Androuins établira encore des verreries à Aywaille, Anzin et Fresnes. On a là affaire à une forme précoce d’intégration verticale. Grandes consommatrices de houille, les verreries consomment une partie importante de l’extraction et assurent un débouché permanent.

 

Sources

Georges DANSAERT, Faire son chemin. Histoire de la famille Desandrouin, dans Documents et rapports de la Société royale paléontologique et archéologique de l'arrondissement judiciaire de Charleroi, Charleroi, 1937, t. XLII, p. 3-117
Jean-Louis DELAET (dir.), Libre-sur-Sambre : Charleroi sous les révolutions, 1789-1799, Charleroi, 1989, p. 35-36
Virgile LEFEBVRE, La verrerie à vitres et les verriers de Belgique depuis le XVe siècle, Charleroi, Université du Travail, 1938, p. 28-29
Revue du Conseil économique wallon, n°40, septembre 1959, p. 68-69
Revue du Conseil économique wallon, n°82, janvier-mars 1967, p. 41-45
La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Histoire. Économies. Sociétés, t. I, p. 332
Hervé HASQUIN, Une mutation, le « Pays de Charleroi » au XVIIe siècle et XVIIIe siècle. Aux origines de la Révolution industrielle en Belgique, Bruxelles, 1971, p. 77, 81-83