Desandrouin Jean-Jacques

Socio-économique, Entreprise

Lodelinsart 25/05/1681 ou 1682, Lodelinsart 16/11/1761

Fils du vicomte Gédéon des Androuins, Jean-Jacques Desandrouin n’a pas connu l’Argonne, terre natale de son paternel ; il est né à Lodelinsart à un moment où l’entreprise verrière familiale prenait son essor, et avant qu’elle ne se diversifie dans la sidérurgie et les charbonnages. Seigneur de Lodelinsart, d’Heppignies et Castillon, bailli héréditaire de Charleroi et membre de l’État noble du comté de Namur dont faisait alors partie la cité créée en 1666 sur la rive gauche de la Sambre, Jean-Jacques Desandrouin mena de front une activité politique avec des responsabilités de patron d’industrie.

Après avoir servi les armées françaises et gagné des galons de capitaine, Jean-Jacques Desandrouin s’investit totalement dans les affaires familiales. Compensant la crise passagère du secteur verrier en diversifiant ses activités, il acquiert plusieurs forges et fourneaux dans la Basse-Sambre, jusqu’à Chimay, de nombreux moulins à moudre le grain à Charleroi et à Lodelinsart, ainsi que la fabrique d’armes fondé trente ans plus tôt par Nicolas Moreau. Il va surtout donner un coup d’accélérateur majeur à l’exploitation charbonnière dans cette partie du Hainaut. En plus de houillères à Charleroi et près de Mons, il forme une société avec son frère Pierre et d’autres associés chargée d’explorer dans la région de Fresnes-sur-Escaut ; après trois années d’essais, le succès est au rendez-vous (1720). Entouré de spécialistes des techniques d’exhaure – dont Jacques Mathieu – et de mineurs natifs de sa seigneurie de Lodelinsart et des environs de Charleroi, il réalise d’autres forages (une trentaine entre 1716 et 1735), jusqu’au moment où il découvre une veine à hauteur d’Anzin.

Malgré les progrès introduits par Jacques de Neuville notamment, l’exploitation de la houille reste tributaire de la capacité à extraire l’eau des galeries et des puits. Les bourriquets de remontée mobilisent une main-d’œuvre importante pour un rendement faible. La première innovation introduite par Desandrouin consiste à remplacer les hommes par des chevaux. L’efficacité s’en trouve décuplée et la main-d’œuvre libérée pour des tâches d’extraction. Disposant de capitaux importants, Jean-Jacques Desandrouin se lance dans une seconde révolution beaucoup plus importante : sur le modèle de l’anglais Newcomen, une machine à feu est construite par les techniciens wallons les plus expérimentés et avec les matériaux de la plus grande qualité, avec l’aide de l’Anglais Sanders qui avait déjà aidé le duc d’Arenberg à la mine de Vedrin. Après deux années de travail, la « pompe à feu » du Fayat est inaugurée en 1735, sur le site de la houillère de Lodelinsart. Une grande fête est organisée au cours de laquelle J-J. Desandrouin rend hommage à Pierre Misonne (1675-1760) le technicien de Ransart qui dirigea le chantier, ainsi qu’à la famille Mathieu.

À sa mort, en 1761, le « patron » de la Compagnie des mines d’Anzin (créée en 1757 et dont il est le premier régisseur) était devenu l’une des personnalités les plus riches et les plus puissantes de l’Entre-Sambre-et-Meuse. Son fils, Stanislas, parviendra à reprendre le flambeau et à faire prospérer davantage encore les activités familiales.

Sources

Georges DANSAERT, Faire son chemin. Histoire de la famille Desandrouin, dans Documents et rapports de la Société royale paléontologique et archéologique de l’arrondissement judiciaire de Charleroi, Thuin, 1937, t. 37, p. 1-117
Revue du Conseil économique wallon, n°40, septembre 1959, p. 68-69
Revue du Conseil économique wallon, n°82, janvier-mars 1967, p. 41-45
La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Histoire. Économies. Sociétés, t. I, p. 332
Ginette KURGAN, Serge JAUMAIN, Valérie MONTENS, Dictionnaire des patrons en Belgique, Bruxelles, 1996, p. 467
Hervé HASQUIN, Une mutation, le « Pays de Charleroi » au XVIIe siècle et XVIIIe siècle. Aux origines de la Révolution industrielle en Belgique, Bruxelles, 1971, p. 77, 81-83
Édouard GRAR, Histoire de la recherche, de la découverte et de l’exploitation de la houille dans le Hainaut français, dans la Flandre française et dans l’Artois, 1716-1791, Valenciennes, 1850, t. III, p. 11-12