Harmegnies Lucien

Politique

Flawinne 12/02/1916, Marcinelle-en-Montagne/Saint-Nicolas la Chapelle (Savoie) 18/02/1994

Ministre entre 1968 et 1972, Lucien Harmegnies a surtout marqué l’histoire du pays de Charleroi. Le hasard a voulu qu’il fasse fonction de bourgmestre de Marcinelle au moment où s’est produite la terrible catastrophe minière du Bois du Cazier. Par ailleurs, le 1er janvier 1977, il devenait le premier bourgmestre du « Grand Charleroi », prenant la tête de la métropole wallonne au lendemain d’une fusion des communes qu’il avait tenté de mener à son terme quand il occupait le ministère de l’Intérieur.

Formé à l’école communale du Centre, puis à l’Athénée de Namur où il a Fernand Danhaive comme professeur d’histoire, élève libre à l’Université libre de Bruxelles, très jeune militant socialiste à l’exemple de son père, parlementaire namurois, Lucien Harmegnies entame une carrière d’instituteur tout en mettant ses talents de rédacteur au service de la presse régionale. C’est ainsi qu’il est parmi les premiers journalistes arrivés sur le site de Marche-les-Dames, lors de la chute mortelle du roi Albert. Pendant vingt-cinq ans, sous le pseudonyme de Vendémiaire, il écrit notamment dans le Journal de Charleroi. Sa passion pour la politique est la plus forte. Jeune Garde socialiste, militant anti-rexiste, combattant de ’40 fait prisonnier lors de la Campagne des 18 Jours, il parvient à s’évader (1941), puis, dans la clandestinité à œuvrer à la rédaction du Peuple et à la reconstruction du PSB. Président des JGS de Namur (1948-1953), il est élu conseiller communal en 1952 et devient d’emblée Premier échevin de Marcinelle, en charge de l’Instruction publique (1953-1958). La maladie de Marius Meurée fait de Lucien Harmegnies un bourgmestre intérimaire, avant qu’il ne remplace définitivement l’ancien maïeur, au lendemain des élections de 1958 ; le créateur du « Centre social de Délassement » sera le dernier bourgmestre de Marcinelle et de ses 26.000 habitants (1958-1976), avant de devenir le premier du Grand Charleroi et des 200.000 habitants (1976-1982).

Quand il est élu député de l’arrondissement de Charleroi, en 1958, il quitte son métier de journaliste. Durant l’hiver ’60-’61, le mandataire socialiste apporte un fort soutien aux grévistes mobilisés contre la Loi unique, dénonçant haut et fort les « brutalités policières ». Il apporte également son soutien à André Renard et à son programme de réformes de structure et en faveur du fédéralisme. D’ailleurs, se distançant des instances dirigeantes du PSB carolorégien et bravant les interdits imposés par Arthur Gailly, il invite Renard à prendre la parole dans sa commune de Marcinelle ! C’est aussi la première grande manifestation publique du Mouvement populaire wallon (30 septembre 1961), groupement dont il devient un membre actif. Jouant résolument la carte wallonne, le jeune député contresigne, avec Fernand Massart, Arthur Nazé, Justin Peeters et Henri Cugnon, un projet complet de révision de la Constitution, texte déposé par Simon Paque sur le bureau de la Chambre, à l’initiative du Congrès national wallon et de Wallonie libre (1961-1962). Vice-président fédéral du Mouvement populaire wallon (fin 1961), Harmegnies marche alors sur une corde tendue et quand le PSB sanctionne les dirigeants du Mouvement populaire wallon comme ceux du journal La Gauche, Harmegnies donne sa préférence au PSB, prétextant que les socialistes wallons défendent eux aussi le fédéralisme et les réformes de structure. Si le portefeuille des Communications lui échappe en 1965, il s’inscrit dans le sillon tracé par Freddy Terwagne, J-J. Merlot et André Cools.

Soutenant le programme des socialistes wallon voté à Verviers et à Klemskerke, il est choisi comme ministre dans le gouvernement Eyskens-Merlot, malgré l’opposition de sa fédération (printemps 1968). En charge de l’Intérieur, entre 1968 et 1971, il devient ensuite Secrétaire d’État à la Coopération au Développement (1972). Député européen entre 1973 et 1974, il siège surtout au tout nouveau Conseil culturel de la Communauté culturelle française de Belgique (1971-1977). En tant que député, il a notamment voté la loi Terwagne de décentralisation et de planification économique, ainsi que les dispositions de la révision de la Constitution (1970). Dans le prolongement de cette réforme institutionnelle, Lucien Harmegnies fait voter une loi qui donne au gouvernement la mission de dresser le plan des fusions de communes que devra ratifier le Parlement (23 juillet 1971). S’il ouvre la boîte de Pandore, Harmegnies n’aura pas le temps de réaliser le projet. Édouard Close s’y essayera et finalement Joseph Michel réalisera cette fusion qui fâche les milieux socialistes de Charleroi.

Bien qu’il ait été un farouche opposant au « Plan Michel », en particulier à la constitution d’un grand Charleroi, Lucien Harmegnies abandonne ses fonctions parlementaires au lendemain de la fusion des communes (son fils Marc lui succède), pour occuper, à temps plein, les fonctions de bourgmestre du nouveau Charleroi (1977-1982). Jamais, jusque-là, une ville wallonne n’avait compté autant d’habitants. En 1978, il anticipe la mise en place du futur paysage institutionnel wallon en s’accordant avec les autres bourgmestres des grandes villes wallonnes ; ensemble, ils reconnaissent à Namur le statut de capitale politique de la Wallonie, attribuent à Liège les fonctions économiques, à Mons les organismes culturels et à Charleroi les administrations sociales.

À l’issue de son maïorat, le 1er janvier 1983, il quitte la vie politique active, laissant l’écharpe de bourgmestre à Jean-Claude Van Cauwenberghe, pour s’occuper plus activement de la gestion de Marcinelle-en-Montagne. C’est là, en Haute-Savoie, qu’il avait développé un village de vacances et de loisirs destinés aux enfants du pays de Charleroi : au lendemain de la catastrophe du Cazier, des terrains sont achetés à Flumet par les autorités de Marcinelle (sur l’exemple de projets menés par des maires communistes français) et, entre 1966 et 1982, une infrastructure est progressivement mise en place pour accueillir des enfants, pendant trois semaines, en classe de neige. 

Sources

Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse
Paul DELFORGE, Encyclopédie du Mouvement wallon, Charleroi, Institut Destrée, 2001, t. II, p. 
La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Histoire. Économies. Sociétés, t. II, p. 423

Mandats politiques

Conseiller communal de Marcinelle (1953-1976)
Échevin (1953-1958)
Bourgmestre (1958-1976)
Député (1958-1977)
Ministre (1968-1971)
Secrétaire d’État (1972)
Conseiller communal de Charleroi (1976-1982)
Bourgmestre (1976-1982)