Defrance Léonard
Culture, Peinture
Liège 05/11/1735, Liège 1805
Parmi les artistes de Wallonie, il en est un qui se distingue à la fois par ses dons de peintre et par son rôle politique dans les événements révolutionnaires qui marquent la principauté de Liège à partir de 1789. Peintre reconnu dès la deuxième moitié du XVIIIe siècle, professeur à l’Académie des Beaux-Arts, Léonard Defrance devient le directeur de cette institution créée par le prince-évêque Velbruck. Animateur de la Société d’Émulation, Léonard Defrance s’intéresse particulièrement à l’évolution des techniques. En 1789, il remporte d’ailleurs le prix de l’Académie des Sciences de Paris en réponse à la question « La recherche des moyens par lesquels on pourrait garantir les broyeurs de couleurs des maladies qui les attaquent fréquemment et qui sont la suite de leur travail ».
Après une adolescence chahutée, L. Defrance est formé à Liège par Jean-Baptiste Coclers. Devenu peintre, il s’est d’abord conformé à la tradition et a respecté les règles, réalisant comme beaucoup d’autres avant lui et après lui le voyage en Italie. Sur le chemin du retour, il s’arrête à Montpellier, à Toulouse et à Paris. De retour à Liège (1764), il se dégage de l’école classique pour emprunter des chemins plus modernes inspirés tantôt par Joseph Vernet, par Teniers voire par Watteau. Dès les années 1760, il a l’habitude de se rendre régulièrement à Paris, où il parcourt les Salons de peinture. Il se lie à Fragonard. À la fin du siècle, ses œuvres trouveront dans la capitale française de nombreux acheteurs. À Liège, il expose de façon régulière et ses œuvres sont accueillies avec beaucoup de ferveur.
S’adonnant à la peinture de genre, Defrance développe d’abord des sujets d’histoire puisés chez les Grecs et les Romains, avant de se plonger dans son temps : certes, il actualise les scènes de cabarets, mais il représente surtout des situations liées à l’actualité politique de son temps. Ainsi retrouve-t-on à plusieurs reprises une évocation explicite à l’acte de suppression des couvents décrété par Joseph II ; il évoque aussi l’abolition des privilèges ; il s’intéresse aussi au ciel et aux comètes. Il aime aussi représenter des scènes de la vie quotidienne, joueurs de cartes, clients de cabarets, etc. Ce sont cependant ses « visites » qui caractérisent le plus son œuvre, car elles offrent l’occasion unique de se rendre compte du travail et du contexte de vie des artisans de son temps, et d’une révolution en cours qui mène au machinisme : clouterie, fabrique d’armes, fonderie, forge, fenderie, manufacture de tabac, imprimerie, carrières, rien n’échappe à l’œil de l’artiste qui se fait le photographe original de son temps. En introduisant plusieurs catégories sociales dans le même espace, l’artiste est aussi engagé dans les luttes de son époque. Ses pamphlets anticléricaux témoignent du tempérament de l’artiste engagé.
Généralement, le nom de Léonard Defrance est associé à la démolition de la cathédrale Saint-Lambert. Voulant manifester leur ferme intention de rompre avec l’Ancien Régime, les Liégeois réservèrent en effet un sort funeste au symbole du pouvoir religieux au sein de leur principauté. Defrance fut un activiste de la démolition de la cathédrale. Dès 1789, il avait participé à la première révolution liégeoise et avait accueilli avec faveur la première annexion française. Lors de la seconde restauration autrichienne (mars 1793-juillet 1794), il avait fui à Paris où il ne manquait pas de contacts et où il contribua à la formation d’une Assemblée générale des Liégeois à Paris. Ce patriote s’installa un moment à Charleville où il entreprit, avec Fassin et Henkart, de constituer un musée privé, en rachetant à bas prix les œuvres d’art confisquées par la République. De nombreuses œuvres significatives de Léonard Defrance étaient visibles au Musée de la Vie wallonne avant sa disparition.
Sources
Jules HELBIG, La peinture au pays de Liège et sur les bords de la Meuse, Liège, 1903, p. 460-465
Jacques STIENNON, dans Freddy JORIS, Natalie ARCHAMBEAU (dir.), Wallonie. Atouts et références d’une région, Namur, 2005
Jacques STIENNON, dans La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Lettres - arts - culture, t. II, p. 90-91, 248-252, 294
Adolphe SIRET, dans Biographie nationale, t. VII, Bruxelles, 1897, col. 227-230
Françoise DEHOUSSE, Maurice PAUCHEN, Léonard Defrance : Mémoires, Liège, Wahle, 1980
Institut Destrée, Paul Delforge
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