Vandestrick Michel

Socio-économique, Entreprise

Seraing 28/10/1926, Nandrin 31/03/2007

Comme beaucoup de patrons ou d’ingénieurs wallons pendant les années d’après-guerre, Michel Vandestrick est un entrepreneur peu exposé à la visibilité du grand public, sauf quand des difficultés économiques surgissent. C’est ainsi que, discrètement, il s’est hissé à la tête de l’une des plus importantes entreprises liégeoises, la Fabrique nationale d’Armes de Guerre de Herstal, qu’il va diriger jusqu’en 1986, moment où il est remplacé par Albert Diehl. Conseiller à la Société générale de Belgique, c’est en 1971 que Michel Vandestrick succède à René Laloux comme directeur général de la FN. Après plus d’un demi-siècle de contrôle par la famille Laloux, la FN est placée entre les mains d’un homme de la Société Générale. Il est chargé d’introduire une toute nouvelle culture d’entreprise à la FN, ayant l’intention de moderniser et l’outil et l’esprit de la société. Ingénieur issu de la métallurgie liégeoise, il n’a pas d’expérience particulière dans le métier des armes ; il s’entoure de managers diplômés et de consultants, et force les cadres à de nouvelles formations. 

Outre le changement du mode de gestion, il s’attache à inscrire la FN dans le train des technologies de pointe, tout en devant faire face à la crise qui frappe le monde à partir du début des années 1970. Durant son mandat, le patron de la FN va s’employer à diversifier la production avec le FAL, la MAG et les munitions 7,62 mm suivies par les 5,56 mm ; il cherche des débouchés dans le monde du sport, de la sécurité, de la maintenance industrielle ou du recyclage de déchets, en plus des secteurs traditionnels des moteurs et des armes. Des filiales sont aussi créées. À la vue des comptes affichés en 1980 et 1981, les critiques s’amoncellent sur la tête de Vandestrick ; les investissements ont été particulièrement lourds et mangent les bénéfices ; de surcroît, le nombre de travailleurs est passé de 13.000 en 1964 à 9.000 dix ans plus tard, tandis que l’organigramme s’est complexifié. En 1982, le patron reçoit mission dans la sidérurgie wallonne ; il sera progressivement remplacé à la tête de la FN, par Bernard Regout, puis Albert Diehl.

Dans le même temps, Michel Vandestrick exerce des fonctions en vue au sein de l'Union wallonne des Entreprises, puisqu’il en devient l’un des vice-présidents. Née au printemps 1968, cette association s’est résolument inscrite comme partenaire dans l’application de la loi dite Terwagne de planification et de décentralisation économique votée en juillet 1970. Tout en se structurant, elle a accompagné l’émergence de la Région wallonne. Or, cette même région, toute jeune institutionnellement, est confrontée à la crise d’un des secteurs qui ont fait sa prospérité. À l’entame des années 1980, la constitution de Cockerill-Sambre constitue l’aboutissement d’un processus de regroupements, d’absorptions et de fusions d’une multitude d’outils et de sites sidérurgiques wallons, processus entamé simultanément du côté liégeois et du côté carolorégien, afin de lier le destin des deux bassins. 

La naissance de CS le 16 janvier 1981 ne règle cependant pas la crise économique et financière que traverse alors la sidérurgie wallonne. Plusieurs plans ont déjà été présentés, mais ils ne donnent pas entière satisfaction quand M. Vandestrick est nommé administrateur-délégué de CS après la démission d’Albert Frère en mars 1982. Dans une certaine mesure, il y représente la Société Générale. Les rapports et plans qui sont sur la table se contredisent, de même que s’affrontent syndicats, décideurs politiques de tout bord et des différents niveaux de pouvoir. Dans ce contexte périlleux, le nouvel administrateur-délégué tente une synthèse constructive et dépose son propre plan (mai 1982) : il prévoit un retour à la rentabilité financière en 1985, une restructuration équilibrée entre les deux bassins et une seule société commerciale, ainsi que la rentabilité des filières industrielles. Très vite, pourtant, son plan est revu à la baisse en raison des exigences de la Commission européenne et d’autres paramètres sur lesquels il n’a pas prise. En l’absence de décisions fermes, Michel Vandestrick jette le gant (février 1983), laissant la place à Jean Gandois.

Ses efforts sont unanimement reconnus ; administrateur à Fabrimétal, il est nommé à la présidence de la FEB de 1983 à 1987. D’autre part, il est appelé à succéder à Roger Van der Schueren à la présidence de l’UWE dès 1983 et jusqu’en 1987. Il prend cette présidence au moment même où l’UWE devient un acteur plus important au sein du CERW devenu précisément le CERSW en 1983, du fait du retrait des « politiques » dans son organisation. Afin d’améliorer la qualité des interventions de l’UWE au CERSW, Vandestrick fait développer des études économiques et des enquêtes. À l’heure où l’Exécutif régional wallon tend davantage la main à l’initiative industrielle privée et met l’accent sur les nouvelles technologies, le président de l’UWE encourage cette orientation et prône la nécessité de combattre les réticences à l’égard de la notion de libre entreprise, concept qui semble effrayer les Wallons. Il encourage une série d’opérations comme les journées portes ouvertes en entreprise, et l’amélioration de l’information vers le monde politique et celui des enseignants.

 

Sources

Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse
Pascal DELOGE, Une histoire de la Fabrique Nationale de Herstal. Technologie et politique à la division « Moteurs » (1889-1992), Céfal, 2012, p. 70-75, 82-83
Jean STEPHENNE, L’Union wallonne des Entreprises, dans Jean-Claude VAN CAUWENBERGHE (dir.), L’aventure régionale, Bruxelles, Luc Pire, 2000, p. 137-143
Cédric LOMBA, Gérer l’indétermination des frontières de l’entreprise, dans Les Cahiers du Centre de recherches historiques, http://ccrh.revues.org/1662
Michel CAPRON, La sidérurgie en Wallonie entre Usinor, Duferco et Arcelor, dans CH du CRISP, n°1786-1787, Bruxelles, 2003
Rik DECAN, Qui est qui en Belgique francophone 1985-1989, Encyclopédie biographique, Bruxelles, Lannoo, 1984, p. 876

Van Der Schueren Roger

Socio-économique, Entreprise

Ninove 20/09/1922, Baudour 24/12/1995

Né dans une famille propriétaire de la « Brasserie de Verviers », Roger Van der Schueren est tombé dans le monde brassicole quand il était petit : perpétuant une activité transmise de père en fils, il gravit rapidement tous les échelons du métier. Ayant mené ses études à Bruxelles (humanités au Collège Saint-Michel, puis ingénieur technicien à l’Institut national des Industries de Fermentation), et ayant traversé la Seconde Guerre mondiale comme agent de l’Armée secrète, il devient administrateur puis administrateur-délégué de la « Brasserie le Coq d’Or », à Wegnez, et de la « Brasserie et Malterie Zeeberg » à Alost. 

Président fondateur (1956) de la jeune Chambre économique de Verviers puis de la Chambre de commerce et d’industrie de l’arrondissement de Verviers, le président-directeur général de la Brasserie du Coq d’Or accroît ses affaires avec une brasserie au Zaïre, puis s’engage dans de nombreuses autres sociétés financières, immobilières et industrielles, comme les Sources minérales de Baudour. Ses participations s’étendent encore au monde de la presse et de l’édition : président de la Société d’édition Écho de Bourse, il est aussi chez Dupuis et dans le groupe La Libre-Belgique/La Dernière Heure. Le secteur brassicole demeure cependant son domaine de prédilection. Président de la Fédération générale des Brasseurs belges (1973-1975), il est à la tête de la Confédération des Brasseries de Belgique de 1983 à 1989 et contribue, durant cette période, au lancement du concept de l'Année de la bière et à l’engagement de grandes campagnes de promotion de la bière belge au niveau international.

Frère de Guy (patron de Petrofina) et de Jacques (ministre libéral des Affaires économiques de 1958 à 1961 et plus particulièrement au moment de la Grande Grève wallonne contre la Loi unique), Roger van der Schueren succède à Léon Jacques à la tête de l’Union wallonne des Entreprises en 1971. Née en 1968, cette Union est appelée à représenter le monde patronal au sein du Conseil économique de la Wallonie. Durant son mandat (février 1971-avril 1973), il donne une forte impulsion à la jeune institution dont le nombre de membres atteint les 470 entreprises en 1972, à l’heure où la décentralisation économique décidée par la Loi Terwagne de juillet 1970 se met en place.

Entre 1975 et 1978, il devient le président de la Fédération des Entreprises de Belgique, toute jeune institution née en 1973 de la fusion de la Fédération des Industries (FIB) et de la Fédération des Entreprises non industrielles. Ayant parfaitement compris le processus inéluctable de la régionalisation, il contribue alors à la prise en compte de cette évolution ainsi qu’à préciser les modalités de relations entre VEV, UWE et UEB et leurs compétences territoriales respectives. À la même époque, Roger van der Schueren est aussi le président de l’Office belge du commerce extérieur (1977-1981).

En 1979, il retrouve pour trois ans la présidence de l’Union wallonne des Entreprises (1979-1983). Durant ses deux mandats à la tête de l’UWE, il contribue à la mise au point d’un tableau de bord de l’économie wallonne avec l’IRES, au lancement d’une enquête sur l’esprit d’entreprise en Wallonie, avec un intérêt particulier pour le secteur des biotechnologies, initiative relayée par les Pouvoirs publics et notamment le Ministre(-Président) wallon Melchior Wathelet. Tout en engageant des chargés de missions, le patron de l’UWE encourage aussi la constitution de groupes de travail internes, afin de préparer les commissions correspondantes du CERW. En 1983, un décret wallon transforme le CERW en un Conseil économique et social de la Région wallonne où les politiques n’ont plus de rôle à jouer, à l’inverse des organisations syndicales et patronales.

 

Sources

Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse
Ginette KURGAN, Serge JAUMAIN, Valérie MONTENS, Dictionnaire des patrons en Belgique, Bruxelles, 1996, p. 610-611

Trasenster (Jean-)Louis

Socio-économique, Entreprise

Beaufays 10/01/1816, Liège 01/01/1887

Professeur de l’Université de Liège (1846), fondateur et président (de 1847 à 1885) de l’Association des anciens Ingénieurs de l’Université de Liège (AILg), recteur de 1879 à 1886, Jean-Louis Trasenster oriente durablement son institution vers le domaine des sciences, favorise l’École des Mines, tout en s’intéressant à une série de questions qui dépassent les seules préoccupations des ingénieurs.

Diplômé de l’École des Mines de Liège (1838), il est nommé « sous-ingénieur de l’État au district de Liège » (1842), mais fait surtout carrière dans son Université, où il réorganise profondément l’enseignement des Écoles spéciales et favorise la création d’Instituts de recherche. Professeur extraordinaire (1846), professeur ordinaire (1855), il donne le cours « d’exploitation des mines ». Inspecteur des études à l’École spéciale des Mines, le recteur ouvre les portes de son institution aux jeunes filles à partir de 1881, faisant ainsi œuvre de pionnier. Par ses différentes initiatives, il contribue surtout à placer le savoir au-dessus de la pratique et à ranger l’artisan au second rang, derrière l’ingénieur omnipotent. À partir de 1858, il dirige le Musée d'Exploitation des mines de Liège, réunissant des collections diverses relatives aux domaines minier et métallurgique.

Par son mariage avec Marie Desoer, Louis Trasenster devient le gendre de l’éditeur du quotidien libéral Le Journal de Liège et renforce aussi la présence de sa famille (qui doit sa fortune à ses activités dans le secteur de l’agriculture) dans les réseaux industriels liégeois. Administrateur de la SA des Charbonnages et Hauts fourneaux d’Ougrée (1852), il emmène en 1853 un consortium qui obtient la concession de gisements près de Duisbourg. Depuis 1851, il est encore ingénieur-consultant auprès des Établissements Cockerill. Sur le plan politique, son beau-père l’invite à manifester publiquement ses opinions libérales. Au-delà de quelques papiers dans le quotidien doctrinaire, Trasenster qui s’est lié d’amitié avec Walthère Frère-Orban se hasarde sur le terrain électoral, mais ne parvient pas à émerger lors des élections internes à sa propre formation politique.

Auteur de nombreuses publications, scientifiques comme politiques, Trasenster a notamment publié, en 1848, la première partie d’un ouvrage qui n’aura pas de second volume et intitulé : De la nationalité belge ou des idées politiques et religieuses en Belgique, avec en exergue « Dieu, Patrie, Liberté ». Par réaction à la puissance de la France, l’auteur était profondément convaincu que la Belgique avait un rôle à jouer dans le concert des nations, en étant un petit État libéral, attentif à la protection de ses minorités. Chrétien, anticlérical et franc-maçon, opposé à l’instruction obligatoire, philanthrope, membre de la Société Franklin et de la Société libre d’Émulation, Transenster a été un homme de pouvoir, doté d’une personnalité qui a marqué profondément son époque.

 

Sources

Michel ORIS, dans Freddy JORIS, Natalie ARCHAMBEAU (dir.), Wallonie. Atouts et références d’une région, Namur, 1995
Bruno MAGERMAN, Louis Transenster, l’ingénieur et l’universitaire, (s.v. novembre 2013)
Ginette KURGAN, Serge JAUMAIN, Valérie MONTENS, Dictionnaire des patrons en Belgique, Bruxelles, 1996, p. 585
Musée des Beaux-Arts, Exposition Le romantisme au pays de Liège, Liège, 10 septembre-31 octobre 1955, Liège (G. Thone), s.d., p. 219, 227
L. DENOËL, dans L’Université de Liège de 1867 à 1935. Liber Memorialis, Liège, 1936, t. II, p. 413-417
Alphonse LE ROY, dans L’Université de Liège depuis sa fondation. Liber Memorialis, Liège, 1869, col. 957-963

no picture

Spitaels Ferdinand

Politique, Socio-économique, Entreprise

Grammont 28/09/1800, Ixelles 07/02/1869

Formé à l’École des Mines de Paris, le jeune Ferdinand Spitaels se fixe à Charleroi vers 1827/1828 afin d’aider son oncle par alliance, le banquier et industriel Pierre Joseph de Fontaine-Spitaels, dans son ambitieux projet de créer un complexe de sidérurgie intégrée à Couillet. Manquant de capitaux, la Maison Fontaine-Spitaels est mise en liquidation à la mort de son patron, au printemps 1833. Engagée dans ce projet, la Société Générale décide de transformer ses créances en participation dans une nouvelle société anonyme : la « SA des hauts fourneaux, Usines et Charbonnages de Marcinelle et Couillet », constituée le 1er juillet 1833. Elle décide de faire confiance à Ferdinand Spitaels, dont le frère, Prosper, est resté banquier dans leur ville natale de Grammont. 

Administrateur puis président du Conseil d’administration de la société de Marcinelle et Couillet (1838), Ferdinand Spitaels devient « le maître d’œuvre de la politique industrielle de la Société Générale dans le bassin de Charleroi » et, grâce à l’apport d’argent frais de la banque, réalise le rêve de son oncle : créer du profit en alliant la direction de charbonnages, hauts-fourneaux, minières, fours à puddler, laminoirs, ateliers de construction de machines à vapeur, voire de locomotives. Via Ferdinand Spitaels, la Générale dispose de participations dans tous les fers de lance de l’économie carolorégienne. Actionnaire aux multiples ramifications dans l’économie wallonne de son temps, l’homme d’affaire est aussi le promoteur de l’unification des chemins de fer au sein de la SA des chemins de fer de l’Est belge (1859).

Entrepreneur, Ferdinand Spitaels est aussi un politique. Avant de se fixer à Charleroi, il avait été bourgmestre d’Onkerzele, entre 1825 et 1829. Quant à son rôle dans les événements de septembre 1830 il a été particulièrement remarqué. Avec Huart-Chapel qu’il avait convaincu de fusionner ses affaires industrielles avec celles de son oncle au sein de la Fontaine-Spitaels et Cie, il avait manifesté qu’il voulait en finir avec la politique de Guillaume d’Orange et avait forcé la décision du Conseil de Régence, présidé par l’industriel Ferdinand Puissant d’Agimont, pour qu’il se rallie aux « patriotes ». 

Premier lieutenant de la compagnie des canonniers de Charleroi, il participe à la campagne militaire de 1831. Conseiller provincial du Hainaut (1846-1848), membre de la Chambre de Commerce de Charleroi (1839-1842, 1845-1859) dont il assure la vice-présidence de 1851 jusqu’en 1859, il participe aux discussions visant à former une union douanière avec la France, avant d’être candidat libéral pour un mandat de sénateur en 1848, comme son frère Prosper (à Alost). Plutôt libéral conservateur représentant direct de Charleroi, Ferdinand Spitaels siègera à la Haute Assemblée jusqu’en 1863. Le soutien d’un journal catholique qui voit en lui la personnification de la grande industrie carolorégienne, lui est alors fatal. En 1866, il est à l’initiative de la création de l’Association des Maîtres de forges de Charleroi ; il préside ce « syndic patronal » jusqu’à son décès, en 1869.

 

Sources

Jean-Louis DELAET, dans Ginette KURGAN, Serge JAUMAIN, Valérie MONTENS, Dictionnaire des patrons en Belgique, Bruxelles, 1996, p. 560-561
Jean-Luc DE PAEPE, Christiane RAINDORF-GÉRARD (dir.), Le Parlement belge 1831-1894. Données biographiques, Bruxelles, 1996, p. 519
Histoire du Sénat de Belgique de 1831 à 1995, Bruxelles, Racine, 1999, p. 432

 

Mandats politiques

Conseiller provincial du Hainaut (1846-1848)
Sénateur (1848-1863)

Simonis Marie-Anne

Socio-économique, Entreprise

épouse BIOLLEY

Verviers 17/01/1758, château de Hodbomont (Theux) 21/11/1831

Originaires de la région de Polleur où leur présence est attestée dès le XVe siècle, les Simonis se sont installés comme marchands sur la place du Marché, à Verviers, à la fin du XVIe siècle. Au XVIIIe siècle, ils fournissent des bourgmestres à la « Bonne ville » de la principauté de Liège ; c’est notamment le cas de Jacques Joseph Simonis (1717-1789), également seigneur de Barbençon et de Senzeille. De son mariage en 1745 avec Marie-Agnès Dieudonné de Franquinet (1726-1799) sont nés une dizaine d’enfants, parmi lesquels Marie-Anne (la sixième) et Jean-François Dieudonné, le cadet de la famille, dit Iwan Simonis (1769-1829), qui sera considéré, sous le régime français, comme l’homme le plus riche du pays wallon. Par les liens du mariage, les Simonis se sont unis à plusieurs familles actives dans le travail et le commerce de la laine. C’est le cas de Marie-Anne qui, en décembre 1777, épouse Jean François Biolley, seigneur de Champlon. Cousine de sa belle-mère, Marie-Anne Simonis unit ainsi sa destinée à celui qui aura à diriger la « Maison François Biolley et fils », à partir de 1790 ; de ce mariage, il n’y aura pas de descendant.

Pendant plusieurs années, Marie-Anne Simonis fréquente régulièrement les milieux mondains qui se retrouvent à Spa, la cité thermale internationale. Par son érudition, elle se tisse un réseau de relations à travers l’Europe. Elle en bénéficie lorsque les troubles révolutionnaires surviennent en principauté de Liège à partir de l’été 1789 ; lorsque la crise se prolonge, elle trouve refuge du côté de Hambourg et de Brunswick (vers l’hiver 1794-1795), avant de rentrer à Verviers (vers 1797) alors devenue cité de la République française. Le climat redevient plus propice au développement de la fabrication drapière ; de France viennent à Verviers de jeunes entrepreneurs soucieux d’apprendre le métier auprès d’une entreprise de pointe ; Marie-Anne Simonis les accueille, comme elle le fait d’ailleurs avec un mécanicien anglais recruté par son frère : en 1799, William Cockerill va apporter aux Biolley et aux Simonis les perfectionnements techniques qui placeront leurs industries loin devant toute la concurrence.

Palliant les importants problèmes de santé de son mari, Marie-Anne Biolley-Simonis parvient à s’entourer de conseillers et de directeurs avisés et, déjà du vivant de J-F. Biolley, elle apparaît comme la patronne de la « Maison François Biolley et fils », fonction qu’elle assumera jusqu’à sa disparition en 1831. Sans enfant, elle avait repéré et choisi Raymond Biolley pour leur succéder. Très impliquée dans les œuvres caritatives catholiques, elle émerge comme une figure étonnante du capitalisme wallon du début du XVIIIe siècle. Après les innovations introduites par Cockerill dans le cardage et la filature, la société de M-A. Simonis est l’une des premières à introduire la mule-jenny (1818) et la tondeuse mécanique (1821). Avec Jules Grand Ry, elle est la fondatrice, en 1822, de la première filature de laine peignée du pays ; la société est équipée d’une machine à vapeur.

 

Sources

G. DEWALQUE, dans Biographie nationale, t. II, col. 432-436
Dictionnaire des femmes belges. XIXe – XXe siècles, Bruxelles, Racine, 2006, p. 504-505
Y. LONGTAIN, Histoire de la machine textile verviétoise. Dictionnaire des constructeurs et fabricants d’accessoires, Verviers, 1987
Paul LÉON, Ywan Simonis, dans Biographie nationale, t. XLIII, col. 651-660

Simonis Jean François Dieudonné

Socio-économique, Entreprise

dit Ywan (ou Yvan)

Verviers 06/01/1769, Verviers 13/01/1829


Originaires de la région de Polleur où leur présence est attestée dès le XVe siècle, les Simonis sont une famille importante de la région verviétoise. Installés comme marchands sur la place du Marché, à Verviers, à la fin du XVIe siècle, ils sont actifs dans le secteur textile à partir de 1680 et ils fournissent plusieurs bourgmestres à la « Bonne ville » de la principauté de Liège au XVIIIe siècle. Par les liens du mariage, les Simonis se sont aussi unis à d’autres familles bourgeoises, notamment actives dans le travail et le commerce de la laine. C’est notamment le cas de Jacques Joseph Simonis (1717-1789), également seigneur de Barbençon et de Senzeille : il est bourgmestre de Verviers à trois reprises, en 1760-1761, 1765-1766 et 1770-1771. De son mariage en 1745 avec Marie-Agnès-Dieudonnée de Franquinet (1726-1799) sont nés une dizaine d’enfants, parmi lesquels Marie-Anne (la sixième) et Jean-François Dieudonné, le cadet de la famille, dit Iwan Simonis qui est considéré, sous le régime français, comme l’homme le plus riche du pays wallon.

Pourtant, lorsqu’il fête ses 20 ans, le jeune Simonis perd son père et, tandis que sa mère reprend la direction de la manufacture familiale, éclatent les troubles révolutionnaires (été 1789). Les Simonis ne sont guère favorables à ces changements brutaux. Bourgmestre de 1784 à 1786 et frère d’Iwan, Henri-Guillaume Simonis est un adversaire de J-J. Fyon par exemple, et en 1792, sous le règne du dernier prince-évêque et alors que les armées de Dumouriez sont aux portes de la principauté, le même Henri-Guillaume accepte de reprendre du service : désigné en octobre, il est écarté en novembre… Pour cette famille d’industriels, les affaires sont plus difficiles et s’aggravent surtout durant l’hiver 1794-1795. Comme de nombreux ouvriers, plusieurs familles bourgeoises ont fui devant l’arrivée des armées françaises et ont trouvé refuge du côté de Brunswick et de Hambourg ; c’est d’ailleurs là que J-F. Simonis épouse, en novembre 1795, Marie-Agnès de Grand Ry, sa nièce, issue d’une autre fratrie active dans le commerce et l’industrie, et impliquée également dans la vie « politique » de la cité sous l’Ancien Régime.

L’exil forcé dans le nord de l’Allemagne permet au jeune Simonis de découvrir les techniques utilisées dans la fabrication du textile et de tisser des relations durables. Rentrés à Verviers alors devenue cité de la République française, les Simonis reprennent leurs activités en intégrant certaines de ces techniques, tout en cherchant des débouchés nouveaux et d’autres innovations. Comme délégué dans le nord de l’Allemagne, la Maison Simonis s’est attaché les services d’un jeune Amstellodamois : Henri Mali (1774-1850). C’est lui qui, en 1798, croise la route d’un mécanicien anglais dont les idées nouvelles n’ont pas réussi à trouver preneur auprès des Russes, des Suédois et des Allemands. Mali invite William Cockerill à se rendre sur les bords de la Vesdre. 

En 1799, à bout de ressources, l’Anglais se décide ; ses frais sont pris en charge par la société d’Iwan Simonis qui installe le mécanicien dans une dépendance de ses ateliers, vraisemblablement dans une ancienne foulerie qui deviendra bientôt l’imposant bâtiment industriel surnommé « au Chat ». Le génial Anglais apporte à Verviers des techniques révolutionnaires qui vont donner aux usines Simonis et Biolley des longueurs d’avance par rapport à la concurrence. Dès le 29 décembre 1800 la filature Simonis dispose d’un moulin activé par trois personnes qui produisent 400 écheveaux par jour, ce qui remplace le travail de 100 personnes !

Engagé avec un contrat d’exclusivité, W. Cockerill construit des machines à carder et à filer la laine qui propulsent l’industrie lainière verviétoise au premier rang mondial. « Le temps du rouet avait vécu, c’était le début de la mécanisation de l’industrie lainière ».

En faisant appel à James Hodson et à ses fils, William Cockerill trouvera un moyen de se défaire de son contrat avec les Simonis et Biolley ; dès lors, tous les concurrents peuvent acquérir la technologie mise au point grâce à l’investissement d’Iwan Simonis. En 1810, avec une petite centaine de fabricants et plus de 20.000 travailleurs occupés, Verviers a réalisé sa révolution industrielle en une période très courte et est devenue le centre mondial des fibres cardées. Les fournitures textiles aux armées assurent la prospérité qu’un vaste marché continental favorise.

En recrutant d’autres mécaniciens, parfois anglais, et en s’entourant d’ingénieurs et directeurs verviétois de première qualité, Iwan Simonis réussit à conserver un leadership dans l’industrie. C’est un événement familial qui viendra affaiblir la « Maison Simonis ». En 1822, François-Xavier (1762-1825), frère d’Iwan, décide de retirer ses capitaux de l’affaire familiale et provoque une difficile répartition des avoirs entre les dix héritiers du père Jacques Joseph Simonis. Pour la société Simonis, ce sont deux tiers du capital qui sont ainsi soustraits. Les enfants et petits-enfants d’Iwan Simonis redresseront la barre, assurant la pérennité à l’entreprise familiale. Plus de deux cents ans après la collaboration Simonis-Cockerill, une Société Iwan Simonis existe toujours ; elle a acquis une réputation internationale indiscutable dans la confection du drap de billard.

Comme ses ancêtres, Iwan Simonis a aussi exercé des responsabilités publiques. Nommé conseiller municipal en octobre 1800, il fait partie de la délégation verviétoise qui vient saluer Napoléon lors de son passage à Liège en 1803. Conseiller général du département de l’Ourthe et membre des États-généraux, il siège à la Commission d’Arrondissement qui remplace la préfecture de Malmédy au moment du départ des Français (30 mars 1814). En 1815, il est membre du Conseil municipal, et adjoint au maire et, le 31 décembre 1817, c’est le roi des Pays-Bas, Guillaume d’Orange, qui le désigne comme membre du Conseil de Verviers, puis comme représentant de Verviers aux États généraux de Liège. Entre 1820 à 1827, il est l’un des trois bourgmestres de Verviers, et exerce comme échevin de 1824 à 1827. Depuis 1817, il est encore appelé par ses pairs à siéger au sein de la Chambre de Commerce de Verviers : de 1817 à 1826, il préside d’ailleurs ce collège de notables, au rôle essentiel entre le monde politique et le monde économique.

 

Sources

Paul LÉON, dans Biographie nationale, t. XLIII, col. 651-660
Freddy JORIS, Natalie ARCHAMBEAU (dir.), Wallonie. Atouts et références d’une région, Namur, 1995
Ginette KURGAN, Serge JAUMAIN, Valérie MONTENS, Dictionnaire des patrons en Belgique, Bruxelles, 1996, p. 145-146
Pierre LEBRUN, L’industrie de la laine à Verviers pendant le XVIIIe siècle et le début du XIXe siècle, Liège, 1948, p. 234-241
Paul HARSIN, La Révolution liégeoise de 1789, Bruxelles, Renaissance du Livre, 1954, coll. Notre Passé, p. 98
La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Histoire. Économies. Sociétés, t. I, p. 328
Histoire de la Wallonie (L. GENICOT dir.), Toulouse, 1973, p. 366, 375
Portraits verviétois (Série L-Z), dans Archives verviétoises, t. III, Verviers, 1946
Liste des bourgmestres de Verviers de 1650 à nos jours, selon Detrooz, complétée jusqu’en 2001 (s.v. juillet 2013)
Yvan SIMONIS, Transmettre un bien industriel familial pendant six générations (1750-1940). Une étude de cas en Belgique. Premiers résultats, dans Les Cahiers du Droit, 1992, vol. 33, n°3, p. 735-737

Simonis Jacques Joseph

Socio-économique, Entreprise

Verviers 12/08/1717, Verviers 03/03/1789

Originaires de la région de Polleur où leur présence est attestée dès le XVe siècle, les Simonis sont une famille importante de la région verviétoise. Installés comme marchands sur la place du Marché, à Verviers, à la fin du XVIe siècle, ils sont actifs dans le secteur textile à partir de 1680 et ils fournissent plusieurs bourgmestres à la « Bonne ville » de la principauté de Liège au XVIIIe siècle. 

Par les liens du mariage, les Simonis se sont aussi unis à d’autres familles bourgeoises, notamment actives dans le travail et le commerce de la laine. C’est notamment le cas de Jacques Joseph Simonis, fils de Henri (1686-1745) : il est bourgmestre de Verviers à trois reprises, en 1760-1761, 1765-1766 et 1770-1771. De son mariage en 1745 avec Marie-Agnès de Franquinet (1726-1799) – fille d’industriel du textile et de bourgmestre – sont nés une dizaine d’enfants, parmi lesquels Marie-Anne (la sixième) et Jean-François Dieudonné, le cadet de la famille, dit Iwan Simonis qui sera considéré, sous le régime français, comme l’homme le plus riche du pays wallon. C’est Marie-Agnès de Franquinet qui se porta acquéreuse du château de Senzeilles en 1787 et apportant ainsi à son mari le titre seigneur de Senzeille, qui s’ajoutera à celui de Barbençon. Après 1789, ce château fut confisqué.

Mais à ce moment, Jacques Joseph Simonis n’est plus là. Il a laissé à sa famille une entreprise textile qui s’est fortement transformée depuis sa création en 1680, par Guillaume Henri Simon Simonis. Comme les Dethier et les Franquinet, J-J. Simonis a pris l’initiative de rassembler sous un même toit l’ensemble des gestes du travail de la laine, hormis le filage et le tissage. Il a ainsi créé un vaste atelier qui, très vite, va compter un nombre d’ouvriers assez élevé pour l’époque (près d’une centaine). En s’installant de préférence le long du canal des usines, il a cherché à bénéficier d’une eau en abondance, mais au débit moins brusque qu’à même la rivière. Renommée notamment pour la qualité de ses toiles de billard depuis ses origines, l’entreprise de draps dirigée par J-J. Simonis doit surtout sa prospérité à sa dynamique commerciale ; elle fait affaire avec plus de 30 grossistes établis dans les grandes villes du commerce textile en Europe, de Moscou à Lisbonne, en passant par Hambourg, Amsterdam, Vienne, Lyon ou Venise. Capitaliste-marchand, J-J. Simonis avait acquis une fortune considérable que ses enfants feront encore fructifier.

Sources

Liste des bourgmestres de Verviers de 1650 à nos jours, selon Detrooz, complétée jusqu’en 2001
La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Lettres - arts - culture, t. I, p. 343 ; t. II, p. 23
Michel ORIS, dans Jean-François POTELLE (dir.), Les Wallons à l’étranger, hier et aujourd’hui, Charleroi, Institut Destrée, 2000
Yvan SIMONIS, Transmettre un bien industriel familial pendant six générations (1750-1940). Une étude de cas en Belgique. Premiers résultats, dans Les Cahiers du Droit, 1992, vol. 33, n°3, p. 735-737 (s.v. juin 2013) 

Saint-Paul de Sinçay Louis-Alexandre

Socio-économique, Entreprise

Paris 03/07/1815, Angleur 28/07/1890

Par le décret impérial du 19 janvier 1810, J-J-D. Dony avait obtenu un brevet de 15 ans pour son procédé industriel de réduction du zinc à l’état de métal. Malgré ses tentatives, le génial inventeur est contraint de vendre son savoir-faire au négociant Jean-Dominique Mosselman. Ce dernier parvient à un meilleur résultat que Dony, mais depuis 1825, le brevet est tombé dans le domaine public et d’autres entrepreneurs liégeois se sont lancés dans le secteur du zinc. Dès lors, à la mort de J-D. Mosselman en 1836, ses héritiers mobilisent leurs avoirs au sein d’une Société anonyme des Mines et fonderies de zinc de La Vieille-Montagne, avec le soutien de la Banque de Belgique. Dotée d’un siège liégeois et d’un autre parisien, elle est considérée comme la première multinationale d’Europe.

À cette époque, La Vieille Montagne possède une fonderie à Moresnet sur les minières, deux fonderies dans la banlieue liégeoise (Saint-Léonard et Angleur), des laminoirs à Tilff et en France. Entreprise intégrée, elle maîtrise l’ensemble du processus de production et ne demande qu’à se développer davantage. Elle va trouver la personne ressource auprès de son directeur nommé en 1846. Né à Paris, ingénieur diplômé de l’Université de Liège, Louis-Alexandre Saint-Paul de Sinçay va placer la société liégeoise au premier rang mondial de l’industrie du zinc, lui consacrant toute son existence.

De manière méthodique, de Sinçay accroît d’abord les ressources minières : après Moresnet, la Vieille Montagne devient propriétaire, dès les années 1850, de mines situées en Prusse (Bensberg), en Suède (Ammeberg), et en exploite en Sardaigne (1869), voire en Algérie et en Tunisie (1872). Plusieurs charbonnages mosans lui appartiennent aussi, tandis que la capacité de production de zinc brut s’étend des fonderies de Saint-Léonard et Angleur vers Flône, Valentin-Cocq, Borbeck et Mülheim (années 1850). En 1871, des fours à zinc sont achetés dans l’Aveyron, tandis que le zinc est laminé à Angleur et Tilff d’abord, à Oberhausen (Prusse) et à Bray-Lu (France) ensuite. En 1855, La Vieille-Montagne intègre tout l’avoir social de la Société du blanc de zinc, principalement des usines à blanc de Bruxelles, de Levallois-Perret et de Colladios. Réputées jusqu’alors inutilisables, les blendes font l’objet d’une attention toute particulière de la société qui n’hésite pas à investir. Fusionnant avec des entreprises situées en Allemagne, la Vieille Montagne acquiert un laminoir en Angleterre et celui de Haumont en 1887. Pour de Sinçay, « ces établissements du dehors » sont de véritables colonies du pays « de Liège, et partout ces colonies font honneur à la mère-patrie ».

Le directeur général, Saint-Paul de Sinçay est l’âme véritable de l’entreprise. Il a réussi à s’entourer de collaborateurs compétents et dévoués et à développer une forme de paternalisme efficace. De 900 ouvriers en 1837, la Vieille Montagne compte plus de 6.500 hommes en 1890 et en fait vivre plus de 20.000 dans sa périphérie. Attaché à donner de son entreprise une image sociale positive, Louis-Alexandre Saint-Paul de Sinçay organise des fêtes d’entreprise, crée des œuvres patronales philanthropiques (caisse d’épargne, habitations à bon marché, etc.), invente un système d’intéressement des ouvriers à la bonne marche de la société, bref tente d’instaurer un esprit d’entreprise dont aujourd’hui des albums photographiques sont les plus beaux exemples. En effet, réalisés en 1868, les albums dits de « Saint-Paul de Sinçay » réunissent le portrait photographique de tout le personnel de la Vieille Montagne, ouvriers, employés et cadres compris. Tous posent en studio dans leurs habits de travail. Chacun est identifié, nom et fonction dans l’entreprise. Ces albums sont considérés comme un des trésors de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

Par ailleurs, de Sinçay développera également une politique destinée à répondre aux critiques relatives aux pollutions et désagréments générés par sa société et aux conditions d’hygiène de ses ouvriers. Il sera encore attentif à la création d'une ligne-de chemin de fer de entre Liège et Aix-la-Chapelle.

Sources

Joseph DEFRECHEUX, dans Biographie nationale, t. XXI, col. 120-129
Anne STELMES, Panorama atypique d’une société industrielle : les albums photographiques dits ‘de Saint-Paul de Sinçay’, dans Art et industrie, Art&Fact, numéro 30, Liège, 2011, p. 116-119
La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Histoire. Économies. Sociétés, t. II, p. 107

Puissant Ferdinand

Socio-économique, Entreprise

Charleroi 08/03/1785, Charleroi 27/03/1833

Originaire du pays de Liège, la famille des Puissant – initialement nommé Pouchant – a fait souche dans l’Entre-Sambre-et-Meuse à la fin du XVIIe siècle. Spécialisés dans le travail du fer, les « puissants Pouchant » disposent de plusieurs forges, hauts-fourneaux, makas, fenderies disposés à proximité de forêt et de rivière fournissant l’énergie et d’exploitation de minerais ; verriers, ils sont aussi patrons de houillères. Après les Desandrouin, les Puissant forment l’une des grandes familles bourgeoises du pays de Charleroi à l’entame du XIXe siècle.

Devenu orphelin très jeune, Ferdinand Puissant est un membre de la branche de Marchienne-au-Pont qui se retrouve rapidement à la tête de plusieurs exploitations métallurgiques, tant à Gougnies qu’à Morialmé, à Biesme et autour de Charleroi. Marié en 1812 à Adelaïde Licot de Nismes, la fille d’un maître de forge du pays de Chimay, et par conséquent beau-frère d’Eugénie Licot-Bauchau, Ferdinand Puissant a conscience que ses affaires n’ont pas d’avenir s’il ne modifie pas profondément les méthodes traditionnelles. Le bourdonnement qui emplit le bassin de Liège le convainc de faire appel aux connaissances techniques de mécaniciens anglais. La rencontre entre Puissant et Thomas Bonehill est décisive. Plutôt que de moderniser l’usine de Gougnies, l’Anglais convainc Ferdinand Puissant d’investir dans un nouvel outil, mieux implanté. Quittant le site familial pour Marchienne-au-Pont, Puissant fait confiance à Bonehill et, ensemble, ils construisent un laminoir moderne à proximité d’une grande voie d’eau et surtout d’un site charbonnier. 

Dès leur mise en route en 1832, les Forges de la Providence à « Marchiennes » (aujourd’hui Marchienne-au-Pont) constituent l’une des installations les plus perfectionnées et rentables du moment, capables de produire annuellement 6.500 tonnes de produits finis. Ferdinand Puissant n’aura guère l’occasion d’apprécier le succès de son investissement. Il meurt en 1833 et sa veuve, Adélaïde Licot, reprend les affaires. En 1835, elle fonde avec le technicien anglais la société en nom collectif Veuve F. Puissant d’Agimont & Thomas Bonehill ; trois ans plus tard, les enfants Puissant, Edmond et Jules, agissant au nom de l’association E. Puissant frères &sœurs conviennent avec le même Bonehill de fonder la SA des Laminoirs, Hauts Fourneaux, Forges, Fonderies et Usines de la Providence (1838). Il y a désormais du côté de Charleroi une contribution à la révolution industrielle wallonne comparable à ce que John Cockerill avait réussi à réaliser du côté de Liège.

Personnalité marquante du pays de Charleroi, Ferdinand Puissant s’était fait construire un imposant château où, dit-on, Napoléon aurait dormi au soir de la bataille de Waterloo. Sous le régime « hollandais », Ferdinand Puissant devient bourgmestre de Charleroi en 1817-1818, avant d’être membre du Conseil de régence de Charleroi (1820-1823), puis de devenir à nouveau bourgmestre de 1824 jusqu’à la révolution de septembre 1830. Membre de la Chambre de Commerce de Charleroi (1827), Puissant est aussi l’un des députés de Charleroi aux États provinciaux du Hainaut toujours sous le régime hollandais. Anobli en 1829 par Guillaume d’Orange, il est autorisé à prolonger son patronyme des mentions « d’Agimont, de Heer et de Herlette ». Après la révolution de 1830, Ferdinand Puissant est élu sénateur de Charleroi, mandat qu’il exerce jusqu’à son décès (29 août 1831-27 mars 1833).

 

Sources

Ginette KURGAN, Serge JAUMAIN, Valérie MONTENS, Dictionnaire des patrons en Belgique, Bruxelles, 1996, p. 519-521
Jean-François POTELLE (dir.), Les Wallons à l’étranger, hier et aujourd’hui, Charleroi, Institut Destrée, 2000
La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Histoire. Économies. Sociétés, t. II, p. 35
Adriaan LINTERS, industria. Architecture industrielle en Belgique, Liège, Mardaga, 1986, p. 31
Histoire de la Wallonie (L. GENICOT dir.), Toulouse, 1973, p. 375
Hervé DOUXCHAMPS, La Famille Bauchau, vol. II, Bruxelles, 2003, Recueil de l’Office généalogique et héraldique de Belgique, t. LIII, p. 635-640
Georges DEREINE, Les Puissant de Marchienne-au-Pont et de Charleroi, maîtres de forges (1649-1838), Namur, 1999
Libre-sur-Sambre. Charleroi sous les révolutions 1789-1799, Bruxelles, Crédit communal, 1989, p. 16
Jean-Luc DE PAEPE, Christiane RAINDORF-GÉRARD (dir.), Le Parlement belge 1831-1894. Données biographiques, Bruxelles, 1996, p. 475

 

Mandats politiques

Bourgmestre de Charleroi (1817-1818, 1824-1830)
Député aux États provinciaux du Hainaut
Sénateur (1831-1833)

no picture

Puissant Edmond

Socio-économique, Entreprise

Charleroi 13/07/1813, Charleroi 23/01/1870

Originaire du pays de Liège, la famille des Puissant – initialement nommé Pouchant – a fait souche dans l’Entre-Sambre-et-Meuse à la fin du XVIIe siècle. Spécialisés dans le travail du fer, les « puissants Pouchant » disposent de plusieurs forges, hauts fourneaux, makas, fenderies disposés à proximité de forêt et de rivière fournissant l’énergie et d’exploitation de minerais ; verriers, ils sont aussi patrons de houillères. Après les Desandrouin, les Puissant forment l’une des grandes familles bourgeoises du pays de Charleroi à l’entame du XIXe siècle.

Du mariage entre Ferdinand Puissant et Adelaïde Licot de Nismes, est né Edmond, l’héritier principal de l’œuvre paternelle. Avec son frère cadet, Jules, Edmond Puissant réunit tous leurs avoirs, en 1838, et s’associent à Thomas Bonehill pour fonder la « SA des Laminoirs, Hauts Fourneaux, Forges, Fonderies et Usines de la Providence ». Il y a désormais du côté de Charleroi une contribution à la révolution industrielle wallonne comparable à ce que John Cockerill a réussi à réaliser du côté de Liège. Progressivement, en effet, se développe sur la Sambre « un complexe sidérurgique intégré, comprenant des hauts fourneaux, des fours à puddler, des laminoirs, des fonderies, des ateliers de construction et des points de vente » (Delaet).

Toujours avec Bonehill, trois ans plus tard, Edmond Puissant avance les capitaux pour construire un second haut-fourneau, à l’autre bout de la Sambre, côté français cette fois. Au sud de Maubeuge, soit à une cinquantaine de kilomètres de Charleroi, le haut-fourneau de la Providence élevé à Hautmont est destiné à fabriquer les rails pour le réseau ferroviaire français. Investisseur, Edmond Puissant prend encore des participations dans les secteurs des charbonnages, de la verrerie, de la fabrication métallique, ou de construction de routes. Un pied en Wallonie, un pied en France, il est partenaire dans plusieurs sociétés destinées à la fabrication de l’acier par le procédé Chenot.

En plus de ses activités dans le monde des affaires, Edmond Puissant interviendra dans la vie publique de Charleroi. Élu conseiller communal en 1848, ce défenseur du programme libéral est d’emblée désigné comme échevin au sein du collège échevinal. Il exerce ce mandat jusqu’en 1870.

 

Sources

Jean-Louis DELAET, dans Ginette KURGAN, Serge JAUMAIN, Valérie MONTENS, Dictionnaire des patrons en Belgique, Bruxelles, 1996, p. 519-521
Jean-François POTELLE (dir.), Les Wallons à l’étranger, hier et aujourd’hui, Charleroi, Institut Destrée, 2000
La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Histoire. Économies. Sociétés, t. II, p. 35
Adriaan LINTERS, industria. Architecture industrielle en Belgique, Liège, Mardaga, 1986, p. 31
Histoire de la Wallonie (L. GENICOT dir.), Toulouse, 1973, p. 375

 

Mandats politiques

Conseiller communal de Charleroi (1848-1870)
Échevin (1848-1870)