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Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam

Monument Étienne LENOIR

Monument Étienne Lenoir,  réalisé par Paul Du Bois, 18 août 1929 puis 1961

Bien avant la commune de Mussy (1985), la ville d’Arlon a honoré un illustre inventeur originaire de la région par un monument d’envergure. C’est en effet en 1929 que les autorités locales inaugurent le mémorial Étienne Lenoir dont la réalisation a été assurée par le sculpteur Paul Dubois.
Né à Mussy-la-Ville en 1822, Lenoir est un inventeur « multirécidiviste ». Plus de cent brevets sont enregistrés à son nom. Mais c’est son brevet déposé en 1860 « Pour un moteur à air dilaté par la combustion du gaz de l’éclairage enflammé par l’électricité » qui constitue sa contribution majeure à l’évolution des sciences et des techniques. Au sein de la Société des Moteurs Lenoir-Gautier et Cie qu’il a créée à Paris, où il réside depuis 1838, il parvient à mettre au point le premier moteur à combustion interne. « Il ne manquait que la compression à ce premier moteur à gaz industriel pour réaliser le cycle universellement adopté par la suite ». 

En septembre 1863, la première automobile Lenoir équipée d’un moteur à gaz de 1,5 CV effectue 18 kilomètres en 3 heures. Les moteurs Lenoir ne cesseront d’être construits et améliorés jusqu’à la fin du siècle, sans assurer la prospérité de son inventeur qui continue à déposer des brevets dans des domaines très divers. Néanmoins, plusieurs Prix importants couronnent ses découvertes dont l’importance ne fut réellement appréciée qu’après son décès, en 1900, à Paris. La ville lumière est d’ailleurs la première à immortaliser Étienne Lenoir en lui dédiant une plaque commémorative et un médaillon de bronze au Conservatoire de Paris, en même temps qu’une plaque est apposée sur sa maison natale, à Mussy (1912). Suite à sa destruction par les Allemands en août 1914, il fut décidé d’y ériger un nouveau mémorial. Dans le même temps, Arlon inaugure, le 18 août 1929, un monument plus ambitieux, dans le parc Léopold Ier.

Créé vers 1845 sur l’emplacement de l’ancienne muraille de la ville, ce parc communal accueillait aussi un kiosque à musique et la statue du roi Albert Ier en tenue de militaire lorsqu’en 1961, il est l’objet d’une profonde transformation. Outre la destruction du kiosque et le déplacement du roi Albert devant l’Église St-Martin, il perd le monument dédié à Étienne Lenoir ; au lieu de bénéficier d’un espace fortement dégagé tout autour de lui, celui-ci est relégué hors du Parc, sur l’esplanade située en face de l’Institut Notre Dame d’Arlon (INDA), en contre-bas de la rue Lenoir, entre la rue Joseph Netzer et la rue de l’Esplanade. 

Placé néanmoins dans un cadre arboré et bien entretenu, le mémorial Lenoir est nettement moins visible, notamment parce qu’il est privé de la totalité de son socle. À l’origine, en effet, Paul Dubois avait conçu un ensemble sculptural relativement complexe : devant une haute et large colonne en forme d’obélisque à trois niveaux, dont le plus haut comporte un écusson où se trouve représenté le profil gauche du célèbre inventeur, le sculpteur a ajouté une femme qui se tient debout, et qui donne l’impression d’enlever le voile en tissu qui cachait jusqu’alors le portrait de Lenoir. La position de la dame est telle que le portrait apparaît entre ses bras tendus. 

Tout cet ensemble est encore visible à Arlon ; il manque le socle rectangulaire initial dont la hauteur représentait le quart de la taille totale du monument. De plus, comme cet ensemble était placé sur une sorte de butte entourée d’une grille en fer forgé, le mémorial Lenoir tel qu’il était présenté en 1929 surmontait nettement la taille des « spectateurs ». Cet effet de « domination » n’existe plus aujourd’hui et le panneau original qui reprenait la dédicace a disparu et laissé la place à une plaque (don du syndicat d’initiative d’Arlon) posée au pied du monument actuel. Le contenu est similaire et sans surprise :
A ÉTIENNE LENOIR
1822 – 1900
INVENTEUR DU MOTEUR A GAZ.

Concernant le sculpteur qui signe le monument Lenoir, tous les textes évoquent systématiquement « le sculpteur français Paul Dubois ». On ne peut que s’étonner de cet unanimisme à l’égard d’un artiste, certes célèbre, mais décédé depuis 1905… Ne s’agirait-il pas plutôt que sculpteur wallon Paul Du Bois, né Dubois et qui avait très tôt changé la graphie son nom (Paul Du Bois) afin d’éviter d’être confondu avec… son célèbre homonyme français ? Si l’on observe le style du monument, on est tenté de reconnaître la griffe de l’artiste wallon qui recourt volontiers à une allégorie féminine pour mettre davantage en évidence son sujet. C’est particulièrement évident dans le cas arlonais. 

Sous réserve d’éléments contraires, il semble par conséquent que, dans une production déjà abondante, il faille ajouter le monument Lenoir d’Arlon à l’œuvre de celui qui fut formé à l’Académie des Beaux-Arts de Bruxelles (1877-1884), qui fut l’élève de Louis François Lefèbvre, de Jean-Joseph Jaquet et d’Eugène Simonis, avant de profiter des conseils de Charles Van der Stappen. 

Ouvert à l’avant-garde sans renier son attachement à la Renaissance, membre-fondateur du groupe bruxellois d’avant-garde le Cercle des XX, puis de la Libre Esthétique, il excelle dans les portraits quand lui parviennent les premières commandes officielles de la ville de Bruxelles. Sans abandonner des œuvres de son inspiration qui sont remarquées et primées lors de Salons et d’Expositions à l’étranger, il réalise le monument Félix de Mérode (Bruxelles, 1898) qui symbolise le début de son succès. En 1900, il est nommé professeur à l’Académie de Mons (1900-1929) et, deux plus tard, il est chargé du cours de sculpture ornementale (1902-1905), puis de sculpture d’après l’antique (1905-1910) à l’Académie de Bruxelles où il reste en fonction jusqu’en 1929. En 1910, il succède à Charles Van der Stappen à l’École des Arts décoratifs. Vice-président du jury d’admission des œuvres pour le Salon des œuvres modernes de l’Exposition internationale de Charleroi (1911), Du Bois avait signé d’autres monuments commémoratifs avant celui d’Arlon : ainsi Alfred Defuisseaux (Frameries, 1905), Antoine Clesse (Mons, 1908). En 1931, il signe tour à tour le monument Frère-Orban (Liège) et Viehard (Tournai). On lui doit aussi des bijoux, des médailles (dont celle de l’Exposition universelle de Liège en 1905). 

Sources 

Jean-Pierre MONHONVAL, Étienne Lenoir. Un moteur en héritage, Virton, Michel frères, 1985
Jean PELSENEER, dans Biographie nationale, t. XXXIII, col. 355-364
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. II, p. 517
Jean-François POTELLE (dir.), Les Wallons à l’étranger, hier et aujourd’hui, Charleroi, Institut Destrée, 2000, p. 191
Paul Du Bois 1859-1938, édition du Musée Horta, Bruxelles, 1996
Anne MASSAUX, Entre tradition et modernité, l’exemple d’un sculpteur belge : Paul Du Bois (1859-1938), dans Revue des archéologues et historiens d’art de Louvain, Louvain-la-Neuve, 1992, t. XXV, p. 107-116
Anne MASSAUX, dans Nouvelle Biographie nationale, t. 4, p. 142-145

Monument Étienne Lenoir

Place Léopold Ier puis esplanade de la rue Étienne Lenoir
6700 Arlon

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Paul Delforge

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Buste du professeur Parfait-Joseph Namur à Thuin

Situé à Thuin, dans la rue Crépion, juste à côté du château d’eau, un monument rend sobrement hommage à Parfait-Joseph Namur (1815-1890). Un buste est, en effet, placé au sommet d’une colonne rustique, de 2;50 mètres de haut environ, rectangulaire, construite en blocs de pierre colorée de format carré. 

Sur la face avant du socle, l’identification de la personnalité est formée par un ensemble de lettres noires incrustées sur une pierre blanche :

                                                                     PARFAIT-JH
                                                                        NAMUR
                                                                   PROFESSEUR
                                                                      DE DROIT
                                                                          AUX
                                                                  UNIVERSITES
                                                                          DE
                                                                      L’ÉTAT
                                                                  1815 – 1890

Buste du professeur Parfait-Joseph Namur

En figeant les traits de Parfait-Joseph Namur, le statuaire a pris soin de représenter ses décorations, croix et cordons, seuls éléments permettant au passant de se rendre compte du statut important du personnage. Originaire des Pays-Bas (il est né à Heerlen le 14 novembre 1852 et a été naturalisé en 1882), formé à l’Académie des Beaux-Arts de Liège, (Jean-)Guillaume Beaujean s’est spécialisé à la fois dans les statues religieuses et dans les portraits et les bustes, en particulier de professeurs d’université (par ex. Édouard Morren) ou d’hommes politiques. On lui doit aussi « Le métallurgiste », sur le fronton de l’actuel Athénée du boulevard Saucy, à Liège, ville où il est décédé durant la Grande Guerre (1916). Parmi les bustes de professeurs d’université figure celui de Parfait-Joseph Namur, sans que l’on en connaisse la date.

Natif de Thuin où il étudie au collège, Parfait-Joseph Namur entre à la toute jeune université de Bruxelles, où il suit les cours de Philosophie et de Droit, avant d’être reçu docteur en Droit devant le jury central, en 1838, avec la plus grande distinction. Cette évaluation l’accompagne dans tout ce qu’il entreprend : séjour d’études complémentaires en France et en Allemagne (au cours duquel il fait une analyse critique de l’enseignement du droit dans ces pays), thèse à Bruxelles (1842), enseignement, recherches et publications. Les universités de Bruxelles (1845), Liège (1849) et Gand se disputent ses services : spécialiste du droit civil et du droit naturel, il est nommé professeur de droit romain à l’université de Gand (1850), avant que lui soit confié l’enseignement du droit commercial (1851), de la procédure civile, puis d’organisation et attributions judiciaires (1855). Désigné à Liège en 1867, il y remplace le professeur Kuppferschlaeger et y enseigne jusqu’à la fin des années 1880. Apprécié de ses étudiants, Parfait Namur est aussi sollicité par le personnel politique ; dans les années 1870, le ministre Bara fait appel à ses connaissances lors la révision du Code de commerce. L’ouvrage qu’il publie ensuite (Le Code de commerce révisé) devient la référence du moment, en raison de la qualité de ses commentaires. Après la révision de 1886, il met rapidement son œuvre à jour en expliquant la portée de la nouvelle loi. Comme son Cours d’Institutes et d’histoire du droit romain, son Cours d’Encyclopédie du droit a fait l’objet de publications qui, elles aussi, restent fort consultées.

 

J. WILLEMS DE LADDERSOUS, Parfait Namur, dans Liber memorialis de l’Université de Liège, Liège, 1936, t. I, p. 663-665.
P. VERMEERSCH, Parfait Namur, dans Liber memorialis de l’Université de Gand, Gand, 1913, t. I, p. 368-372.
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I., p. 70.

Rue Crépion
6530 Thuin

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Paul Delforge

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Monument Jules PITOT

La lecture des trois faces de l’étonnant monument Jules Pitot, à Quiévrain, suffit à mesurer l’importance de l’hommage rendu par la population à son bourgmestre. Sur la face avant apparaît la dédicace principale et traditionnelle :

A
JULES PITOT
BOURGMESTRE
DE
QUIEVRAIN
1881-1910
______
SES CONCITOYENS
RECONNAISSANTS

Cette reconnaissance s’explique par l’activité déployée pendant près de 30 ans par ce maïeur libéral. Ainsi que le mentionne la face de gauche, il a contribué à

ENSEIGNEMENT
EMBELLISSEMENT
DE LA
COMMUNE

ainsi que, comme l’indique la face de droite, à l’établissement d’une importante infrastructure dans cette cité wallonne placée à la frontière française :

ABATTOIR
DISTRIBUTION
D’EAU
HYGIÈNE - VOIRIE

 

Monument Jules Pitot – © Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Ce n’est pas un buste que le sculpteur Léon Gobert a ciselé, ni un médaillon, mais la synthèse des deux dans un bas-relief en bronze, présentant le visage de Jules Pitot légèrement de côté. Sur la place aménagée en 1930 pour permettre le tracé du jeu de balle, au cœur de la cité ouvrière qu’il avait contribué à construire, le monument Pitot est positionné de telle sorte qu’il soit bien visible dans l’axe de la rue (aujourd’hui appelée) reine Astrid qui donne sur les deux côtés de la place. Sa présence face à la caserne des pompiers n’est pas non plus un effet du hasard. En 1908, le maieur Pitot avait en effet décidé de doter sa commune d’une compagnie de sapeurs-pompiers autonome, composée d’hommes de la localité.

Le monument comprend deux parties : le piédestal en pierre bleue ressemble à la toiture d’une tour d’église ; ce socle de pierre à degrés est surmonté par un fût à dominante de marbre gris, arrondi en son sommet. L’influence de l’Art Déco est manifeste. En plus de la recherche d’effets de profondeur et de décoration aux angles de la colonne, un jeu de couleurs a été créé par le choix de pierres différentes : la partie principale est foncée, tandis qu’un effet de rouge est donné à la transition entre le piédestal et le fût, et sur la partie supérieure de celui-ci. Aucune autre signature que celle de Léon Gobert, sur le bas-relief, n’apparaît sur le monument.

Léon Gobert (Wasmes 1869 – Mons 1935) est un artiste en vogue, au tournant des XIXe et XXe siècles, dans le Hainaut. Élève et disciple de Charles Van Oemberg à l’Académie des Beaux-Arts de Mons, dont il deviendra lui-même professeur (1899-1934), il a également suivi des cours à l’Académie de Bruxelles, où l’enseignement de Charles Van der Stappen l’a particulièrement inspiré. Prix Godecharle 1895, il s’est spécialisé dans la réalisation de sculptures, bustes, médaillons et bas-reliefs illustrant le travail de la mine, la misère et la condition ouvrière. On lui doit des types d’ouvriers ou d’ouvrières, des portraits et des sujets d’inspiration régionale. Travaillant surtout le bronze, il pratique aussi le modelage et la taille directe. Natif de Wasmes où il a laissé plusieurs œuvres, Léon Gobert a réalisé notamment la Fontaine de L’Ropieur à Mons.

 

Boussu, Hensies et Quiévrain, Patrimoine architectural et territoires de Wallonie, Liège (Mardaga), 2004, p. 148
http://www.hetp.be/quievrain/frame.html?http://www.hetp.be/quievrain/bfp.htm (s.v. juin 2014)
Wallonia t. XII, 1904, p. 261.
Wallonia, t. XXI, 1913, p. 622.
Jacques VAN LENNEP (dir.), La sculpture belge au 19e siècle, t. 1 et 2, Bruxelles, CGER, 1990, p. 194, 598.
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 634.

 

Place du Ballodrome
7380 Quiévrain

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Monument Henri SEBALD (premier soldat français tombé en Belgique en 1914)

Monument au premier soldat français tombé en Belgique en 1914
Réalisé par le sculpteur Alex Daoust et l’architecte Paul Dislaire, juin 1984.

Dès l’annonce de l’attaque allemande, le 4 août 1914, chaque village de Wallonie est plongé en état de guerre. À Houffalize, on s’empresse d’abattre de grands arbres sur toutes les chaussées d’accès et une importante barricade est dressée sur la route de Liège. En suivant la voie du chemin de fer vicinal, les premiers soldats allemands sonnent néanmoins à la porte du bourgmestre, dès le 5 août, et le lendemain, une dizaine d’Uhlans logent à l’Hôtel du Commerce. Surpris à leur réveil par l’arrivée d’un escadron de plusieurs dizaines de Dragons français venant de Libramont, ils se réfugient dans l’écurie et les premiers coups de feu éclatent. Pour sommer les Allemands de se rendre, le brigadier de réserve Henri Sebald, relevant du régiment des XXIIIe Dragons (1er escadron, Vincennes), pénètre dans la cour de l’hôtel. En guise de réponse, il est abattu sur le perron. Il devient ainsi le premier soldat français tombé au combat en Wallonie durant la Grande Guerre. Tandis que les dragons tentent de faire exploser puis d’incendier le lieu de refuge des Allemands, ces derniers tentent de s’échapper : trois sont tués et quatre blessés. Houffalize découvre la guerre. Le 8 août, les quatre soldats tués sont enterrés ensemble dans une fosse commune. Après la guerre, les autorités locales transfèrent les restes du soldat français et lui accordent une concession à perpétuité, juste à côté du monument funéraire dédié aux Houffalois morts durant la guerre. Mort au combat à Houffalize le 7 août 1914, Henri Sebald était né à Versailles le 21 février 1889. Apprenti charcutier, il avait accompli son service militaire de 1910 à 1912 et avait été rappelé comme réserviste pour effectuer un mois d’entraînement en juin 1914. Le 1er août, il était mobilisé comme cinq de ses frères.

À l’automne 1936, dans un contexte général marqué par la montée du nazisme et par le changement de politique extérieure du gouvernement belge (politique dite d’indépendance), les « Anciens Combattants du canton de Houffalize » lancent le projet de commémorer ce fait d’armes et d’honorer le premier Français tombé en Belgique en 1914. Il doit s’agir d’un signe de l’amitié franco-belge. Selon les moyens financiers qui seraient rassemblés sous forme de souscription, le « Comité Sebald » présidé par G. De Greef (aidé par M. Goose, secrétaire-trésorier) envisage indifféremment une plaque ou un monument. L’initiative est placée sous les auspices de l’administration communale, et la présidence d’honneur est attribuée à Justin Dubru, le bourgmestre de la localité en 1914. Ayant obtenu le soutien de l’ambassade de France, les initiateurs mettent sur pied un comité d’honneur où se retrouvent l’ambassadeur de France, le consul général Fernand Sarrien, Paul Van Zeeland, Paul-Henri Spaak, le général Denis, etc.

Le 10 juillet 1938, l’inauguration se déroule en grandes pompes. Quatre jours plus tard, le catholique liégeois Octave Lohest dit toute l’émotion qui l’a gagné lors l’événement, en évoquant l’amitié aux Combattants français. « Cette amitié a reçu dimanche à Houffalize le plus éclatant témoignage. Houffalize avait à toutes ses fenêtres des drapeaux français et belges ; comme en novembre 1918 on criait « vive la France » on répondait « vive la Belgique ». J’étais fier de voir passer en tenue les beaux dragons de France (comme en août 1914). 58.000 Français sont tombés sur notre sol pour sa défense (...) Il y a des heures où le cri de vive la France devient une nécessité (...) ».

La réalisation du monument a été confiée au sculpteur Alexandre Daoust (Bioul 1886 – Champion 1947), aidé par l’architecte houffalois Paul Dislaire qui venait d’achever l’école primaire de la localité. D’une hauteur d’un mètre cinquante, un socle en pierre calcaire supporte à l’origine un imposant obélisque. Sur la face avant du piédestal, le bas-relief réalisé par Daoust montre un soldat français touché par une balle en train de s’écrouler. Le prénom et le nom de ce soldat sont indiqués en lettres grasses au-dessus du bas-relief, tandis que son identité complète est déclinée sur la partie inférieure de la stèle :

BRIGADIER DU XXIIIe DRAGONS
PREMIER SOLDAT FRANÇAIS
TOMBE EN BELGIQUE EN 1914
7 AOUT – 7H

Situé sur la place de la gare, le monument a traversé indemne la Seconde Guerre mondiale, du moins jusqu’à l’offensive Von Rundstedt. En décembre 1944, en effet, il a été fortement endommagé et, une fois la paix définitivement revenue, les autorités communales ne conservent que la partie basse qu’elles déplacent dans le parc de l’hôtel du Commerce, à l’endroit même où Sebald a été tué. Finalement, en juin 1984, le monument est une nouvelle fois démonté et rétabli place de la Gare, au croisement de la rue Moulin Lemaire et de la rue Porte à l’Eau, dans un square spécialement aménagé. L’œuvre de Daoust est ainsi respectée, hormis le fait que l’obélisque n’a jamais été reconstruit, ni les deux pans latéraux du socle où étaient incrustés deux blasons.

Monument au premier soldat français tombé en Belgique en 1914 – © Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Quand il est sollicité, en 1937, pour le monument Sebald, Daoust jouit d’une solide réputation. Dessinateur talentueux, il s’est pris de passion pour la sculpture quand il enseignait les mathématiques à l’Abbaye de Maredsous. Diplômé sur le tard pour pouvoir enseigner le dessin dans les Écoles moyennes de l’État, il accomplit toute sa carrière, comme professeur de dessin, à l’Athénée de Dinant (1920-1946). En parallèle, le co-fondateur de l’Université populaire de Dinant enseigne aussi à l’École industrielle de Dinant. Durant toute la période de l’Entre-deux-Guerres, il s’attèle à ressusciter et à rénover l’art de la dinanderie. Quant à sa propre sculpture, elle se dégage du côté « académique » de ses débuts, pour exprimer son amour de la Wallonie, de ses habitants, de son terroir et de ses traditions. Destiné à immortaliser l’assaut aussi héroïque que vain de quelques « pantalons rouges » lancés à l’attaque de la Citadelle, son remarquable monument L’Assaut, au cimetière français de Dinant, lui ouvre de nouvelles portes (1927). Continuant à sculpter des œuvres d’inspiration personnelle, Daoust répond à des demandes de particuliers et à des commandes officielles. Le bas-relief réalisé pour Houffalize synthétise à la fois ses convictions et son savoir-faire. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, il se lance dans un projet qu’il mûrit depuis longtemps : « réaliser un ensemble d’œuvres sculpturales (reliefs, statues) et fusains dont le thème serait d’essence tout à fait wallonne », qu’il intitulerait L’Âme wallonne et qui serait installée à Liège. De ce projet ambitieux, il n’aura l’occasion de réaliser que la partie centrale, « Noël de Wallonie » (1946-1947).

Archives du Consulat de France à Liège, chemise « monument à Houffalize » (1938)
Archives du Consulat de France à Liège, chemise 14 juillet, note Ambassade n°157, Europe n°142, 15 juillet 1938 (dont l’intervention d’Octave Lohest)
Fonds d’histoire du Mouvement wallon, Fonds Carlier, boite 62, Correspondance
La Vie wallonne, juin 1938, CCXIV, p. 290
La Voix du Combattant, 3 septembre 1938
Le Gaulois, 4 mars 1950, n°183, p. 6
Jean SCHMITZ, Dom Norbert NIEUWLAND, Documents pour servir à l’histoire de l’invasion allemande dans les provinces de Namur et de Luxembourg, Bruxelles, Paris, première partie, 1920, p. 56-57
Paul GEORGES, Luc NOLLOMONT, Jo VERBRUGGHEN, Fors l’oubli. Petit guide des monuments et plaques commémoratives des deux guerres 1914-1948 — 1940-1945 situés sur la commune de Houffalize, dans Bulletin du Cercle d’Histoire et d’Archéologie, Segnia, 1994, t. XIX, fascicule n°3, p. 24 et 27
Jean SERVAIS, Le sculpteur Alex Daoust, dans La Vie wallonne, 1947, n°238, p. 81-104
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 288

Place de la Gare
Au croisement de la rue Moulin Lemaire et de la rue Porte à l’Eau
6660 Houffalize

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Paul Delforge

Plaque et banc Edmond VANDERCAMMEN

Plaque commémorative et banc Edmond Vandercammen, 1981 et 8 mars 1997.
Réalisés à l’initiative des autorités communales.

Depuis 1981, dans l’écrin exceptionnel que constitue le parc communal, espace arboré niché au centre du village et entouré de petites maisons du passé, un des bancs installés autour du kiosque à musique rend explicitement hommage à Edmond Vandercamen (Ohain 1901 – Uccle 1980). Son nom est gravé sur l’un des larges bords du siège, tandis que, de l’autre côté, on peut lire :

« Engrange les clartés du ciel ».

C’est la même place communale qui accueille aussi la fontaine dite des frères Mascart, un monument Goffin et d’autres bancs dédiés à des écrivains qui ont séjourné ou habité dans ce village désormais fusionné (depuis 1976) au sein de l’entité de Lasne. Quelques années plus tard, une seconde initiative conduit à apposer une plaque commémorative sur la façade de la maison où a résidé le poète. Deux vers évoquent son œuvre :

Laissez venir vers moi les arbres
Si telle est leur force de m’apporter l’horizon

L’inauguration de cette plaque s’est déroulée le 8 mars 1997, en présence des autorités locales qui poursuivent ainsi une politique résolue visant à honorer tous les écrivains et artistes qui choisirent Ohain comme lieu de résidence à l’un ou l’autre moment de leur existence. La veille, une salle Edmond Vandercammen avait été inaugurée au château du domaine provincial d’Hélécine, où sa veuve a légué toutes ses œuvres littéraires et picturales.

Né à Ohain, Edmond Vandercammen a conservé de son enfance un souvenir émerveillé de la campagne brabançonne qui inspire sans conteste son œuvre. Les témoins sont nombreux à rapporter avoir un jour croisé Vandercammen sur un chemin, dans un bois ou dans la campagne, s’inspirant de la nature pour son écriture ou sa peinture, car il était aussi peintre (entre 1925 et 1932). De sa petite maison blanche du chemin de l’Alouette, au hameau de La Marache, il était en effet souvent sur les chemins, du moins avant que l’instituteur, diplômé de l’École normale de Nivelles, ne s’installe à Bruxelles où il a été désigné en 1920. « Poète de la beauté du monde », cet ami de Plisnier a d’abord connu la tentation surréaliste, mais il a préféré la métrique pour exprimer le bonheur de l'homme et de la terre, ainsi que l’inquiétude. Membre, élu en 1952, de l'Académie de Langue et de Littérature françaises, dite Académie Destrée, cosignataire de la Nouvelle Lettre au roi (29 juin 1976), destinée à dénoncer l'extrême lenteur mise dans l'application de l'article 107 quater de la Constitution et à réclamer un fédéralisme fondé sur trois Régions (Bruxelles, Flandre et Wallonie), le poète a vu son œuvre couronnée en 1979 par le Grand Prix des Biennales internationales de la poésie.

Sources

Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse
Informations communiquées par les services administratifs d’Ohain, dont le fascicule Balade à la découverte du Patrimoine d’Ohain, s.d.
Jean-Luc WAUTHIER, dans Nouvelle Biographie nationale, t. VIII, p. 368-370
La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Lettres - arts - culture, t. III, p. 53, 104 ; t. IV, p. 238

Plaque commémorative et banc Edmond Vandercammen – © Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Place communale et 
Carrefour du chemin de l’Alouette et du chemin de la Sablonnière
1380 Ohain

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Paul Delforge

Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Statue Gosuin de STREEL

Statue de Gosuin de Streel, réalisée par Léopold Noppius,entre 1881 et 1884.


Au milieu du XIXe siècle, afin de doter l’institution provinciale de Liège d’un bâtiment digne de ce niveau de pouvoir, d’importants travaux sont entrepris autour de l’ancien palais des princes-évêques. Propriétaire des lieux (1844), l’État belge retient le projet du jeune architecte Jean-Charles Delsaux (1850) et lui confie la mission de réaliser une toute nouvelle aile, en style néo-gothique, sur le côté occidental du Palais. Face à la place Notger, Delsaux (1821-1893) achève l’essentiel du chantier en 1853, mais des raisons financières l’empêchent de réaliser la décoration historiée qu’il a prévue pour la façade du nouveau palais provincial. Vingt-cinq ans plus tard, le gouverneur Jean-Charles de Luesemans prend l’avis d’une commission pour déterminer les sujets et les personnes les plus dignes d’illustrer le passé de « la Nation liégeoise ». Placés sous la responsabilité de l’architecte Lambert Noppius (1827-1889), une douzaine de sculpteurs vont travailler d’arrache-pied, de 1877 à 1884, pour réaliser 42 statues et 79 bas-reliefs. Elles racontent l’histoire de la principauté de Liège, privilégiant les acteurs du Moyen Âge.


À titre personnel, Léopold Noppius, le frère de l’architecte liégeois, signe onze décorations particulières, dont 9 statues de personnalités majeures de l’histoire de la principauté de Liège, parmi lesquelles Gosuin de Streel. À son sujet, il est inutile de chercher les traits de son visage, le sculpteur ne semble pas disposer d’informations précises à son sujet et il se contente de le représenter comme un guerrier, harnaché dans ses cuirasses et sous son casque, posant la main gauche sur son bassin tandis que la droite s’appuie sur une longue épée. Le visage de Gosuin est ainsi le seul à ne pas être représenté, d’autres hommes d’armes ayant leur visière remontée, comme Henri de Hornes ou Vincent de Bueren. Il s’agit d’une réelle singularité car les statues « liégeoises » sont toutes réalisées avec un souci d'art et de différenciation. Représentant d’une illustre famille de la noblesse hesbignonne, Gosuin de Streel a marqué l’histoire liégeoise par l’opposition qu’il manifesta à l’encontre du prince-évêque Louis de Bourbon.


Avec Vincent de Bueren, cité ci-dessus, Gosuin est considéré comme l’un des principaux meneurs dans la tentative de capture du duc de Bourgogne lors du fameux épisode des Six cents Franchimontois. Refusant que la principauté devienne un état vassal de la Bourgogne, il a profité de l’éloignement continu de l’évêque, Louis de Bourbon, et de l’absence momentanée de son intendant, d’Humbercourt pour accompagner les « patriotes » liégeois dans la prise du pouvoir de la cité (septembre 1468), provoquant ainsi la colère du duc de Bourgogne qui met ses armées en route. Au prix d’un coup de main hardi, Streel et Bueren parviennent à faire prisonniers l’évêque et son intendant lors d’une rencontre à Tongres (9 octobre). Trop confiant en leur prince-évêque, les Liégeois le laissent partir négocier à Péronne. Mal leur en prit. Le 27 octobre, les armées bourguignonnes sont aux portes de la ville. Le dernier coup de force de Bueren échoue. Charles le Téméraire n’est pas capturé et les « Franchimontois » sont mis en déroute. Livré au duc de Bourgogne, Gosuin de Streel est décapité le jour de Noël, devant la Cour de Bruxelles. Comme le sculpteur de Tombay avec de Bueren, Léopold Noppius s’est limité à suggérer le statut de Gosuin de Streel, dont la statue se situe dans un angle formé par le côté doit du péristyle et le début de la façade orientale.


Avant ce chantier de décoration, Léopold Noppius dont l’atelier accueillait le tout jeune Léon Mignon avait déjà signé quelques bas-reliefs, médaillons et bustes en région de Liège, comme sur le fronton du portique d’accès à l’Institut de Zoologie de l’Université de Liège. Réalisant des statues s’inspirant de sujets religieux (Vierge, Saint-Sébastien, etc.) qui ornent les églises, il rédige et publie, en 1880, un Projet de cortège historique pour Liège. Après le succès rencontré par celui organisé à Bruxelles à l’occasion des cinquante ans de la Belgique, il présente aux autorités liégeoises, et aussi à tous les partenaires du pays wallon, un projet de cortège historique qui pourrait se dérouler à Liège afin d’honorer et de glorifier tous ceux qui ont contribué à l’histoire de la principauté de Liège, voire du pays wallon. Nombre des personnalités évoquées dans son opuscule se retrouvent sur la façade du palais provincial.

 

Sources


Léopold NOPPIUS, Cortège historique, Liège son passé son présent, Liège, éd. Blanvalet et Cie, 1880
Jean LEJEUNE (dir.), Liège et son palais : douze siècles d’histoire, Anvers, Fonds Mercator, 1979
Julie GODINAS, Le palais de Liège, Namur, Institut du Patrimoine wallon, 2008, p. 97
http://www.chokier.com/FILES/PALAIS/PalaisDeLiege-Masy.html (s.v. août 2013)
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. II, p. 231
Jean-Luc GRAULICH, dans Musée en plein air du Sart Tilman, Art&Fact asbl, Parcours d’art public. Ville de Liège, Liège, échevinat de l’Environnement et Musée en plein air du Sart Tilman, 1996 
Félix MAGNETTE, Précis d’histoire liégeoise à l’usage de l’enseignement moyen, Liège, 1929, 3e éd., p. 162 et 165

 

Statue Gosuin de Streel (Liège)

Façade latérale du Palais provincial, face à la place Notger

4000 Liège

carte

Paul Delforge

Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Statue Jean d’Outremeuse

Statue de Jean d’Outremeuse, réalisée par Alphonse de Tombay, entre 1877 et 1884.



Au milieu du XIXe siècle, afin de doter l’institution provinciale de Liège de bâtiments dignes de ce niveau de pouvoir, d’importants travaux sont entrepris autour de l’ancien palais des princes-évêques. Propriétaire des lieux (1844), l’État belge retient le projet du jeune architecte Jean-Charles Delsaux (1850) et lui confie la mission de réaliser la toute nouvelle aile, en style néo-gothique, sur le côté occidental du Palais. Face à la place Notger, Delsaux (1821-1893) achève l’essentiel du chantier en 1853, mais des raisons financières l’empêchent de réaliser la décoration historiée qu’il a prévue pour la façade du nouveau palais provincial. Vingt-cinq ans plus tard, le gouverneur Jean-Charles de Luesemans prend l’avis d’une commission pour déterminer les sujets et les personnes les plus dignes d’illustrer le passé de « la Nation liégeoise ». Placés sous la responsabilité de l’architecte Lambert Noppius (1827-1889), une douzaine de sculpteurs vont travailler d’arrache-pied, de 1877 à 1884, pour réaliser 42 statues et 79 bas-reliefs.


Parmi les 42 personnages illustres, il n’est pas étonnant de retrouver Jean d’Outremeuse, né Jean Desprez (1338-1399), dans la mesure où ce chroniqueur a été l’un des tout premiers à se lancer dans l’écriture de l’histoire de Liège, depuis les temps les plus anciens (il remonte à la Guerre de Troie) jusqu’au XIVe siècle. Pendant des générations, tant sa Geste de Liège que son histoire universelle intitulée Le Myreur des histors, ont été considérées comme la porte d’accès la plus aisée pour appréhender le passé liégeois. En « rymes françoises », sa Geste apparaît comme un roman chevaleresque, rédigé pour la noblesse de l’époque, et exaltant un sentiment national liégeois. Sa chronique en prose, quant à elle, mélange « faits historiques » et fantaisie, et apporte des témoignages précieux, voire uniques, aux « historiens », et nourrit la curiosité du « peuple » auquel Jean d’Outremeuse s’adressait en priorité.


Pour figer dans la pierre le chroniqueur liégeois, il a été fait appel à Alphonse de Tombay (1843-1918), fils et petit-fils de sculpteurs liégeois. Ami de Léon Mignon, il a bénéficié comme lui d’une bourse de la Fondation Darchis et a séjourné plusieurs mois à Rome quand il revient à Liège, au moment où s’ouvre le chantier de décoration du Palais provincial. Répondant à plusieurs commandes officielles dont un buste de Charles Rogier (1880) à Bruxelles qui aura beaucoup de succès, de Tombay signe à Liège six statues et trois bas-reliefs évoquant des scènes historiques (L'exécution de Guillaume de la Marck, La mort de Louis de Bourbon, L'octroi de la Paix de Fexhe). Exposant ses propres œuvres tout en répondant à de nombreuses commandes officielles à Bruxelles, il devient professeur à l’Académie de Saint-Gilles, avant d’en assurer la direction (1902).


Quant à la statue de Jean d’Outremeuse, elle trouve place sur la façade occidentale, à l’intersection entre celle-ci et le marteau gauche, sur la colonne centrale : le chroniqueur est placé entre Henri de Hornes et Jehan Le Bel. Coiffé d’un bonnet sans âge, il tient entre ses deux mains un livre entr’ouvert et, avec un air juvénile, donne l’impression de continuer à raconter ses histoires à ceux qui se rassembleraient sous ses pieds : sa statue est située dans la partie inférieure de la colonne.

 

Sources


Julie GODINAS, Le palais de Liège, Namur, Institut du Patrimoine wallon, 2008, p. 81-82
http://www.chokier.com/FILES/PALAIS/PalaisDeLiege-Masy.html
Hugo LETTENS, dans Jacques VAN LENNEP (dir.), La sculpture belge au 19e siècle, catalogue, t. 2, Artistes et Œuvres, Bruxelles, CGER, 1990, p. 350-351
Émile VARENBERGH, Jean Desprez, dans Biographie nationale, t. 5, col. 784-788

 

Façade du Palais provincial, face à la place Notger

4000 Liège

carte

Paul Delforge

Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam

Statue Godefroid de Bouillon à Liège

Au milieu du XIXe siècle, afin de doter l’institution provinciale de Liège de bâtiments dignes de ce niveau de pouvoir, d’importants travaux sont entrepris autour de l’ancien palais des princes-évêques. Propriétaire des lieux (1844), l’État belge retient le projet du jeune architecte Jean-Charles Delsaux (1850) et lui confie la mission de réaliser la toute nouvelle aile, en style néo-gothique, sur le côté occidental du Palais. Face à la place Notger, Delsaux (1821-1893) achève l’essentiel du chantier en 1853, mais des raisons financières l’empêchent de réaliser la décoration historiée qu’il a prévue pour la façade du nouveau palais provincial. Vingt-cinq ans plus tard, le gouverneur Jean-Charles de Luesemans prend l’avis d’une commission pour déterminer les sujets et les personnes les plus dignes d’illustrer le passé de « la Nation liégeoise ». Placés sous la responsabilité de l’architecte Lambert Noppius (1827-1889), une douzaine de sculpteurs vont travailler d’arrache-pied, de 1877 à 1884, pour réaliser 42 statues et 79 bas-reliefs.

Membre de cette équipe, Léon Mignon (Liège 1847 – Schaerbeek 1898) va réaliser quatre des 42 statues et représenter deux scènes historiques (La bataille de Steppes et L’institution de la Fête-Dieu). De retour d’un séjour de plusieurs mois à Rome, grâce à la Fondation Darchis, Léon Mignon s’est installé à Paris ; rentrant à Liège de temps à autre, il apporte sa contribution au chantier de décoration du Palais provincial. C’est aussi durant cette période qui va de 1876 à 1884 que l’artiste réalise ses œuvres majeures, celles qui lui assurent en tout cas une réelle notoriété : Li Toré et son vis-à-vis Le Bœuf de labour au repos.

Réalisé en pierre durant la même période, son Godefroid de Bouillon (c. 1058/1061-1100) ne ressemble en rien aux « monuments » que la ville de Liège implante aux Terrasses. La représentation du chevalier parti délivrer la « Terre sainte » lors de la première croisade, en abandonnant ses biens et son château au prince-évêque de Liège, montre un personnage imposant et décidé, portant une couronne (celle de roi de Jérusalem ou d’avoué du Saint-Sépulchre ?), et sans arme apparente. Située à l’extrême droite du péristyle, sur la partie supérieure des colonnes, la statue de Godefroid de Bouillon est celle qui est le plus à droite.

Elle témoigne que Léon Mignon n’est pas qu’un sculpteur animalier, même si son œuvre la plus connue à Liège reste Li Toré. Bénéficiaire d’une bourse de la Fondation Darchis, cet élève studieux de l’Académie des Beaux-Arts de Liège, qui fréquentait depuis son plus jeune âge l’atelier de Léopold Noppius, avait trouvé l’inspiration en Italie (1872-1876). Médaille d’or au salon de Paris en 1880 pour son taureau, il s’était installé à Paris (1876-1884) avant d’être contraint à habiter Bruxelles pour pouvoir  exécuter des commandes officielles du gouvernement : c’est l’époque de ses bustes, mais aussi de la statue équestre de Léopold II particulièrement remarquable, d’une série de bas-reliefs pour le Musée d’Art moderne de Bruxelles et le Musée des Beaux-Arts d’Anvers, ainsi que d’une Lady Godiva, sa dernière œuvre.

 

Sources

Julie GODINAS, Le palais de Liège, Namur, Institut du Patrimoine wallon, 2008, p. 89
Hubert SILVESTRE, dans Biographie nationale, t. XLIV, col. 446-459
Willy LEMOINE, dans Biographie nationale, t. XXXIII, col. 491-493
http://www.chokier.com/FILES/PALAIS/PalaisDeLiege-Masy.html
Michel Péters sur http://fr.slideshare.net/guest78f5a/petit-historique-de-la-sainttor-des-tudiants-ligeois (s.v. août 2013)
Hugo LETTENS, Léon Mignon, dans Jacques VAN LENNEP (dir.), La sculpture belge au 19e siècle, catalogue, t. 2, Artistes et Œuvres, Bruxelles, CGER, 1990, p. 504-508
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. II, p. 231
Musée en plein air du Sart Tilman, Art&Fact asbl, Parcours d’art public. Ville de Liège, Liège, échevinat de l’Environnement et Musée en plein air du Sart Tilman, 1996

 

Statue de Godefroid de Bouillon

Palais provincial (façade)
4000 Liège

carte

Paul Delforge

Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Buste Jacques JACQUES de Dixmude né Jules JACQUES

Buste à la mémoire de Jacques de Dixmude, réalisé par Paul Van de Kerkhove (ou Vande Kerkhove), date inconnue.

Au cœur de Stavelot, à l’entrée de la rue du Châtelet, entre le monument aux morts et l’accès à l’Abbaye, se dresse un buste dédié

Au Général
Baron Jacques de Dixmude
enfant de Stavelot
et héros de 1914-1918


L’inscription gravée sur une plaquette est accrochée sur le mur en béton aménagé pour porter le buste de Jules Jacques de Dixmude (Stavelot 02/1858-Ixelles 11/1928), cet « enfant du pays » qui est honoré comme un héros de la Grande Guerre.
 

Bourgeois actifs dans l’industrie, les parents de Jules Jacques sont originaires de Vielsalm, mais c’est à Stavelot qu’il voit le jour en février 1858, qu’il y passe son enfance et son adolescence avant de partir vers d’autres horizons (Louvain et Bruxelles). 

Diplômé de l’École royale militaire (1878 ou 1882), puis de l’École de guerre (1886), le 4e des 9 enfants Jacques se met au service de Léopold II et embarque pour le Congo (mai 1887) où il va séjourner pendant vingt ans et se distinguer de diverses manières. Tantôt fonctionnaire, tantôt explorateur et meneur d’hommes, il contribue à la mise en place des structures de l’État indépendant du Congo. Plusieurs biographes soulignent l’action anti-esclavagiste menée par ce fervent catholique dans l’Est du Congo, son côté missionnaire, ou bien le choix, par ce fidèle de Léopold II, d’Albertville comme nom pour l’agglomération portuaire dans le bassin de la Lukuga. 

À diverses reprises, « l’Africain » déposera ses armes pour prendre la plume et défendre, dans un style ferme et incisif, la politique coloniale de Léopold II contre les critiques de la presse anglaise qui avait bien identifié en Jules Jacques l’un des principaux dirigeants de plantations d’arbres à caoutchouc, dont l’exploitation se déroulait selon les règles fixées par les occidentaux. Ignorant cette facette de l’Africain, le buste érigé à Stavelot met l’accent sur le rôle joué par le militaire durant la Première Guerre mondiale.

Ayant quitté les bords du Tanganyika en 1904, Jules Jacques retrouve l’Europe en pleine ébullition ; nommé commandant en second de l’École royale militaire (1908), il n’entretient pas de bonnes relations avec son chef, le général Leman ; c’est un euphémisme. Promu lieutenant-colonel en 1913, il est affecté au 12e de ligne comme adjoint au chef de corps. 

En mars 1914, il passe chef de corps et, cinq mois plus tard, se trouve en plein cœur de l’offensive allemande qui déclenche la Première Guerre mondiale. 

Pendant plusieurs jours, il prend part aux combats de Liège qui prennent un caractère héroïque. Jacques est particulièrement impliqué dans la bataille dite du Sart Tilman. 

Conformément aux plans élaborés avant-guerre, il conduit les troupes belges vers le réduit d’Anvers et, en octobre, s’attèle à la défense de la position fortifiée, avant de se retrouver sur le front de l’Yser. 

C’est durant la défense de Dixmude qu’il se distingue particulièrement. L’engagement dont il fait preuve lui vaudra de recevoir le titre de baron (1919) et le droit d’ajouter à son patronyme le nom « de Dixmude » (1924). 

Général-major en avril 1915 puis lieutenant-général en mars 1916, il devient commandant de la 3e division d’armée. 

Après la signature de l’Armistice, il est envoyé à Washington pour représenter le gouvernement belge à la cérémonie d’inhumation du corps du Soldat inconnu (11 novembre 1921). 
 

Salué et récompensé de son vivant, Jacques de Dixmude fait l’objet de nouveaux hommages après son décès, en novembre 1928, survenu à Ixelles, et son inhumation à Vielsalm. 

Des rues et des places portent son nom, tandis que plusieurs initiatives sont prises pour élever une statue ou apposer une plaque commémorative soit à l’un des artisans de la colonisation, soit à l’un des héros de 14-18, en Flandre comme en Wallonie.
 

À Stavelot, le buste que l’on voit en 2015 rue du Châtelet était initialement installé sur un haut socle évasé sur lequel était gravée, sur la face avant, la mention : AU GÉNÉRAL BARON JACQUES de DIXMUDE. L’ensemble se trouvait sur l’un des parterres dans la partie haute (vers le centre-ville) du parc de l’abbaye. Il était non loin dans son endroit actuel, à savoir un espace mémoriel où se trouvent côte à côte une pierre provenant du premier perron de la cité, un monument dédié aux victimes de 14-18, un autre à celles de 1940-1945, une plaque évoquant la libération des camps et une stèle de la route des Droits de l’Homme.
 

Le buste « stavelotain » est une copie de celui inauguré à Vielsalm, en 1930, rue de l’Hôtel de ville. Même si aucune signature n’apparaît, il est dû au sculpteur Paul Van de Kerkhove, sculpteur, statuaire dont on connaît principalement l’imposante statue d’André Dumont, inaugurée sur la place de l’Université à Louvain, en 1922. Reconnu juste avant la Grande Guerre comme un statuaire prometteur, Vande Kerkhove avait alors participé à plusieurs salons de beaux-arts et les œuvres exposées témoignaient d’une recherche évidente destinée à faire apparaître la personnalité figée dans la pierre. Avant-guerre encore, il s’était vu confier une Notre-Dame de Bon Secours pour remplacer celle de Duquesnoy au-dessus du portail de l’église du Bon Secours à Bruxelles.

Sources

http://www.vanderkrogt.net/statues/land.php?land=BE&webpage=ST&page=6 
http://www.ftlb.be/pdf/WAR14-18.pdf
http://www.televesdre.eu/www/stavelot_quand_le_colonel_jacques_de_dixmude_entre_dans_l_histoire-84697-999-89.html 
http://fr.wikipedia.org/wiki/Eug%C3%A8ne_J._de_Bremaecker (s.v. mars 2015)
R.P. J-M. BUCK, Jacques de Dixmude, Bruxelles, Durendal, 1933
Daniel CONRAADS et Dominique NAHOÉ, Sur les traces de 14-18 en Wallonie, Namur, IPW, 2013, p. 196
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 310
Fernand HESSEL, Le général baron Alphonse Jacques de Dixmude pionnier au Congo, héros en Belgique, dans Mémoires du Congo et du Ruanda-Urundi, mars 2014, n°29, p. 11-19
A. ENGELS, dans Biographie coloniale belge, t. II, 1951, col. 497-504
Adam HOCHSCHILD, Les fantômes du roi Léopold. La terreur coloniale dans l’État du Congo. 1884-1908, Paris, 2007
La Vie intellectuelle, 15 juillet 1914, n°1, p. 41 (dirigée par Georges Rency)
M. VOORDECKERS, Resultaten van het onderzoek over hel standbeeld van Justus Lipsius, ontworpen door Jules Jourdain, en over het standbeeld van André Dumont door de beeldhouwer Paul Van de Kerkhove, beide opgericht te Leuven in het begin van de Twintigste eeuw, jaaroefening tweede kandidatuur B, Louvain, 1981-1982, (inédit)
Philippe LEJEUNE, Vielsalm est-elle, oui ou non, la patrie du général Jacques baron de Dixmude ?, dans Glain et Salm Haute Ardenne, août 1988, n°28, p. 7-8

 

Buste Jacques de Dixmude (Stavelot)

 
 

 

rue du Châtelet – 4970 Stavelot

carte

Paul Delforge

© Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Statue Marguerite d'YORK

Statue Marguerite d’York (Binche)Face à la gare de Binche, de style néo-gothique, construite entre 1905 et 1910, s’étend une imposante esplanade, au centre de laquelle a été inaugurée en 1931 une statue de l’Indépendance. Autour de ce monument central s’étendent quatre pelouses séparées par des chemins : la moitié supérieure, côté gare, est ceinturée par une balustrade en pierre bleue, sculptée, de style néo-gothique d’où émergent 8 colonnes de pierre, elles-mêmes surmontées d’une statue en bronze. 

Destiné à mettre la gare davantage en évidence tout en atténuant harmonieusement le dénivelé du terrain, le square a été aménagé en respectant les indications très précises de la Commission royale des Monuments qui délégua sur place, à plusieurs reprises, ses représentants pour veiller à la bonne exécution des travaux (adjugés à 60.000 francs de l’époque). 

Soutenu par les autorités locales, et en particulier par le bourgmestre Eugène Derbaix, le projet de square s’inspire de celui du Petit Sablon, à Bruxelles, avec ses colonnettes gothiques et ses statuettes évoquant « l’histoire nationale ». Il est inauguré en septembre 1911. 
 

Œuvres des sculpteurs Vermeylen et Valériola, désignés en mai 1911, les 8 statues de Binche représentent « des personnages illustres qui ont joué dans l’histoire locale un rôle important et dont le souvenir mérite de vivre dans la mémoire des Binchois » (Derbaix). 

Quatre sont dues au ciseau d’Edmond de Valériola : Baudouin le Bâtisseur, Gilles Binchois (statue disparue en 2014), Yolande de Gueldre et Marie de Hongrie (statue volée en 1993). Il s’agit en fait de toutes les statues de gauche quand on fait face à la gare. 

Les quatre autres ont été réalisées par Frantz Vermeylen (1857-1922) : Charles-Quint, Guillaume de Bavière, Marguerite d’York et Arnould de Binche. La statue de Marguerite d’York se situe sur le côté droit (par rapport à la gare) et est entourée d’Arnould de Binche et de Guillaume de Bavière. 
 

Natif de Louvain, où son père (Jan Frans) exerçait déjà le métier, Fr. Vermeylen a appris la sculpture dans l’atelier familial, avant de suivre les cours de l’Académie des Beaux-Arts de Louvain (1869-1878) où son père enseigne, et de se perfectionner à Paris (chez A-A. Dumont). Ayant certainement travaillé sur les chantiers de décoration de l’hôtel de ville de Louvain, de la gare d’Amsterdam et au Rijksmuseum dans les années 1880, il devient l’expert attitré des autorités louvanistes, avant de répondre aussi à des commandes de décoration pour la ville d’Audenarde, l’abbaye Saint-Gertrude, la Volksbank, etc. 

Spécialisé dans les intérieurs d’église (par ex. Saint-Martin à Sambreville), il reste un artiste demandé tant pour ses médailles que pour ses bustes et ses statues, comme celle du gouverneur Orban de Givry à Arlon (1903), que pour les quatre statues qu’il réalise pour Binche. 
 

Concernant les 8 statues qui composent l’ensemble face à la gare, tous les personnages ont vécu avant le XVIIe siècle, six représentent des « princes ou princesses », et les deux autres sont des artistes : Gilles Binchois et Arnould de Binche. Veuve de Charles le Téméraire, sœur des rois d’Angleterre Édouard IV et Richard III, Marguerite d’York (1446-1503) a souvent séjourné à Binche et a contribué à donner à la ville ses lettres de noblesse. Son mariage avec le « Bourguignon » en 1468 restera sans descendance. Veuve à la suite de la mort de Charles le Téméraire à Nancy en 1477, elle continuera de veiller à l’éducation de Marie de Bourgogne (1457-1482), née du deuxième mariage du duc de Bourgogne. Comme Bruges (qui rappelle tous les cinq ans les fastes du mariage de Marguerite d’York avec Charles le Téméraire) ou Malines (où elle est décédée), Binche entretient le souvenir d’une princesse qui contribua à la magnificence de la cité. En 1476, elle avait offert au chapitre de la ville le remarquable reliquaire de l’église de Saint-Ursmer. 

 

Sources 
 

- Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse 
- Le Journal de Charleroi, 31 octobre 1910 et 16 mai 1911, Journal de Bruxelles, 3 octobre 1911 
- Ludo BETTENS, dans Jacques VAN LENNEP (dir.), La sculpture belge au 19e siècle, catalogue, t. 2, Artistes et Œuvres, Bruxelles, CGER, 1990, p. 602-604 
- Eugène DERBAIX, Monuments de la Ville de Binche, Vromant & Cie, 1920, p. 38-39 
- Étienne PIRET, Binche, son histoire par les monuments, Binche, Libraire de la Reine, 1999 
- Victor DE MUNTER, Frantz Vermeylen et son œuvre, dans Revue belge de numismatique et de sigillographie, Bruxelles, Société royale de Numismatique, 1925, n°1,    p. 57-68 
- Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. II, p. 739 
- Didier DEHON, Marie de Hongrie, Mariemont et Binche ou de la chasse à la cour, dans Cahiers nouveaux, n°83, septembre 2012, p. 34-38

Square Eugène Derbaix
7130 Binche

carte

Inaugurée en 1911

Paul Delforge