Photo
no picture

Colard de COLNET (dit aussi Nicolas ou écrit Collart, voire Colart) Colard

Socio-économique, Entreprise

Leernes c. 1430, Leernes début du XVIe siècle (après 1504)

Pour Georges Dansaert, il ne fait aucun doute qu’à l’origine, les Colnet venaient d’Italie – les Colneti de Venise –, avec le lourd bagage des verreries du XVe siècle. Ils sont passés par Anvers et ont essaimé dans les Pays-Bas, en Hainaut particulièrement, ainsi qu’en principauté de Liège. Dansaert identifie un Jean (de) Colnet à Fontaine-l’Evêque en 1438 qui s’occupe d’une verrerie. Virgile Lefebvre ajoute qu’il avait fait construire là-bas une petite fabrique dont l’emplacement est dénommé « chemin du four à verre », actuelle « rue du four à verre ». En déconstruisant définitivement la piste des origines italiennes des Colinet, Benoît Painchart confirme qu’une branche de la famille Colinet, spécialiste en verrerie, était établie à Momignies dans la dernière moitié du XIVe siècle.  Les frères Jehan et Collart Colinet y étaient actifs. Par la suite, deux « Jehan Colinet » poursuivront à partir de Momignies les activités de Collart, tandis qu’un Jehan puis un Collart assureront la succession du « premier » Jehan, mais en établissant leur four à verre à Leernes, en pays de Liège.

Petit-fils de Jehan Colinet ou Colnet (c. 1350 – 1412/1414), fils de Jean Colnet (c. 1400 – av. 1479), natif du pays wallon dans les années 1430, Colard Colnet est le troisième représentant de la branche de Leernes de la dynastie des Colnet, appelés à devenir les maîtres de la plupart des verreries « wallonnes » au XVIe siècle ; les Colnet/Colinet/Collenet, quelle que soit l’orthographe, seront présents en  Brabant wallon, en principauté de Liège et de moins en moins dans le pays de Chimay ; pendant quatre siècles, leurs produits satisferont les besoins du marché en verre à vitre et en verre commun du pays wallon. Les Colnet ou Colinet ont acquis une bonne connaissance du métier de verrier par une très longue tradition familiale et un premier apprentissage du « procédé normand », dit aussi « des plateaux ». Par la suite, ils pourraient avoir appris des secrets de fabrication auprès de Vénitiens émigrés (CHAMBON, PHILIPPE).Selon Painchart, c’est en 1447 que Jehan Colinet – le père de Colart – obtient de l’abbaye de Lobbes le droit d’ouvrir un four à verres dans la paroisse de Leernes. Quinze ans plus tard, signe dans son intégration réussie dans son nouveau milieu, il est fait mayeur de Leernes (1462). En 1467, Jehan Collinet et son fils Collart sont anoblis par le duc de Bourgogne, Charles le Téméraire, et se voient accorder de nombreux privilèges. Ces dispositions s’inspirent de celles octroyées en France par Charles VII à l’égard d’un verrier de l’Aisne en 1438. En pays wallon, ce sont les plus anciennes reconnaissances connues à propos de verriers.

En raison de l’importance accordée à leur activité artisanale si particulière, les Colnet sont « tenus et réputés pour gens francs, ainsi que leurs familles et leurs serviteurs, sans être ou pouvoir être contraints de subventions, aides, gabelles, impôts ou servages quelconques ». Les Colnet bénéficient de surcroît d’une protection particulière – eux et leurs biens – de la part du grand bailli du Hainaut. Durant la période bourguignonne caractérisée par l’unification de territoires jusque-là disparates, le père Colinet va savamment déjouer les entraves frontalières et dédouaner progressivement son commerce des droits de passage : « il s’agit du premier exemple connu en Europe d’abolition des barrières fiscales pour la commercialisation du verre à l’échelle internationale » (PAINCHART). « Maître Collart Colnet » poursuivra dans la lignée familiale et, en 1479, il obtiendra de Louis de Bourbon, prince-évêque de Liège, la confirmation des titres et privilèges accordés aux Colnet par les Bourguignons. Ainsi, le maître verrier jouit-il encore plus de facilités pour commercer par-delà les frontières politiques et surtout fiscales de son temps.

Selon Chambon, Colart Colnet possédait à Macquenoise, paroisse de Momignies, tant le four à verre que des maisons et des terres, ainsi que des droits pour couper des arbres en Thiérache (c. 1473).   En 1467, 1479 et 1504, Colard de Colnet est reconnu comme maître principal du four à verres de Leernes (enclave en Hainaut dépendant de la principauté de Liège). Exerçant un métier très spécialisé, considérés comme des gentilshommes, les membres de la famille Colnet sont les principaux artisans de leur exploitation, jaloux de leurs secrets et de leur savoir. Colard assure la formation de ses fils Gilles et Englebert ; ils seront à l’origine des deux principales branches des Colnet, dont celle de Gilles sera la plus longue.

Les origines des Colnet ainsi que leurs activités font l’objet de débats depuis de très nombreuses années ; ils sont loin d’être terminés. En effet, depuis le début du XXIe siècle, les écrits de Raymond Chambon sont très sérieusement remis en cause. Or, son ouvrage de synthèse sur l’histoire du verre en Belgique est une référence qui pèse lourdement sur la vision traditionnelle de l’histoire du verre dans le pays wallon, en particulier dans la région de Chimay. À l’instar de Benoît Painchart qui – notamment dans la revue Éclats de Verre – a donné un sérieux coup de balai sur l’historiographie traditionnelle, on restera par conséquent attentif à toute nouvelle information permettant de cerner les activités des Colnet, de Colard (de) Colnet en particulier.
 

Sources

Benoît PAINCHART, L’activité verrière des Colinet au Sart de Chimay, XIIIe-XVIIe siècles, cinq articles répartis  dans la revue Éclats de Verre, du n°21 au n°25, mai 2013-mai 2015
Janette LEFRANCQ, Apports et incidences de l’œuvre de Raymond Chambon sur l’histoire de la verrerie en Belgique, dans Annales du XVIIe Congrès de l’AIHV (qui a eu lieu à Anvers en 2006), Anvers, 2009, p. 339-343
Jutta-Annette PAGE, The ‘Catalogue Colinet’ : a mid-16th-century manuscrit ?, dans Johan VEECKMAN (dir.), Majolique et verre de l'Italie à Anvers et au-delà : la diffusion de la technologie au XVIe et au début du XVIIe siècle, Anvers, 2002, p. 243-262
M. THIRY, Les verreries du Hainaut, dans Luc ENGEN (dir.), Le verre en Belgique des origines à nos jours, Anvers, Mercator, 1989, p. 93-103
Luc ENGEN, Les verreries du Pays de Liège, dans Luc ENGEN (dir.), Le verre en Belgique des origines à nos jours, Anvers, Mercator, 1989, p. 135
http://gw.geneanet.org/michubert?lang=fr;pz=maxine+marie+francoise+cicercule;nz=coton;ocz=0;p=jean;n=de+colnet;oc=3 (s.v. novembre 2014)
Michel PHILIPPE, Naissance de la verrerie moderne XIIe-XVIe siècles. Aspects économiques, techniques et humains, Turnhout, Brepols, 1998, coll. dans De Diversis Artibus, XXXVIII, p. 80, 241-242, 402-403
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rbph_0035-0818_2004_num_82_4_7239_t1_1189_0000_2 (s.v. décembre 2014)
http://afaverre.fr/Afaverre/bibliographie-de-raymond-chambon-concernant-le-verre/ 
Armorial général des d’Hozier ou Registres de la noblesse de France, Paris, 1869, vol. 7, p. 509
Stanislas BORMANS, La fabrication du verre de cristal à Namur, dans Bulletin des commissions royales d'art et d'archéologie, Bruxelles, 1888, volume 27, p. 472, note 1 qui cite J-G. Le Fort, héraut d’armes du pays de Liège
C. d’E-A., Dictionnaire des familles françaises anciennes ou notables à la fin du XIXe siècle, Evreux, 1912, t. 11, CIB-COR, p. 214-215
Georges DANSAERT, Faire son chemin. Histoire de la famille Desandrouin, dans Documents et rapports de la Société royale paléontologique et archéologique de l’arrondissement judiciaire de Charleroi, Thuin, 1937, t. 37, p. 1-14, 19
Benoît PAINCHART, extrait de la revue Éclats de Verre, n°8 ; cfr www.genverre.com 
Raymond CHAMBON, Histoire de la verrerie en Belgique du IIe siècle à nos jours, Bruxelles, 1955
Raymond CHAMBON, Les Verreries forestières du Pays de Chimay du XIIe au XVIIIe siècle d’après les documents d’archives, dans Publications de la Société d’histoire régionale de Rance 1959-1960, Chimay, 1960, t. IV, p. 111-180
Virgile LEFEBVRE, La verrerie à vitres et les verriers de Belgique depuis le XVe siècle, Charleroi, Université du Travail, 1938
C. d’E-A., Dictionnaire des familles françaises anciennes ou notables à la fin du XIXe siècle, Evreux, 1912, t. 11, CIB-COR, p. 214-215
Armorial général des d’Hozier ou Registres de la noblesse de France, Paris, 1869, vol. 7, p. 509
La difficile gestion des ressources humaines autour d’un four de  verrerie à la fin de l’Ancien Régime en France par Stéphane Palaude, docteur en Histoire, Université de Lille 3 
Adolphe-Jérôme BLANQUI, Dictionnaire du commerce et de l’industrie, Volume 4, p. 449
Histoire de la Wallonie (L. GENICOT dir.), Toulouse, 1973, p. 256
La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Histoire. Économies. Sociétés, t. I, p. 277
La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Lettres - arts - culture, t. II, p. 277

no picture

Colnet Englebert

Socio-économique, Entreprise

Pays wallon fin du XVe siècle, Leernes  1552

Descendant de la quatrième génération des verriers Colnet établis à Leernes, après s’être primitivement installés à Momignies, Englebert poursuit l’activité verrière familiale près de Fontaine l’Evêque, enclave en Hainaut dépendant de la principauté de Liège. Selon certains historiens (PHILIPPE à la suite de CHAMBON), il apparaît surtout qu’Englebert de Colnet est à l’origine de la verrerie spécialisée de Surginet à Beauwelz, dans le pays de Chimay (1506), où il a introduit la fabrication de verre fougère « à la façon de Venise ». Peut-être, est-ce à l’occasion d’un voyage que Colnet a appris le secret de fabrication du « verre fougère » ; peut-être a-t-il réussi à convaincre des « transfuges » de Murano, déjà actifs dans l’empire germanique, de se mettre à son service tout en lui livrant leur secret. 

Ceux-ci maîtrisent des techniques autres que celles des Altarais : originaires d’Altare, les verriers de la famille Ferry qui se sont installés peu avant la fin du XVe siècle à Haumont-Fayt deviennent de sérieux concurrents pour les Colnet qui cherchent le moyen de les contrer. Quel que soit le moyen utilisé, Englebert de Colnet aurait été le premier à introduire en pays wallon la fabrication de ces verres à la vénitienne, décorés d’émaux, ainsi que de beaux verres transparents et, en 1506, à obtenir les autorisations nécessaires (notamment auprès du prince de Chimay) pour la fournaise de Surginet à Beauwelz. En 1549, lors d’un séjour en Hainaut, Charles-Quint et son fils, le futur Philippe II, aurait rendu visite au four à verre du Surginet. Afin de prouver la qualité de leur savoir-faire, les hommes d’Englebert de Colnet et de son fils François auraient réalisé deux pièces exceptionnelles qui sont offertes aux visiteurs : une galère en verre blanc, décorée finement et mesurant un mètre vingt-cinq de long, ainsi qu’un vase sophistiqué à la manière de Venise.

Émanant des travaux de Raymond Chambon, tous ces éléments biographiques sont faux. À la suite de J-A. Page et de J. Lefrancq, Benoit Painchart a en effet démontré que Raymond Chambon avait sciemment construit de fausses archives, dessins à l’appui (la monstrance de Beauwelz, le Journal d’Amandt Collinet, la prétendue requête de 1607) pour alimenter sa thèse d’une activité verrière permanente et exceptionnelle au Surginet et au Fourmathot. S’il paraît peut-être moins glorieux, le parcours de vie d’Englebert Colnet n’en conserve pas moins autant d’intérêt, tant il est exemplatif du dynamisme de cette famille spécialisée dans le métier du verre, en pays wallon, depuis la fin du XIVe siècle.

Par un mariage destiné à renforcer les intérêts familiaux (1527), Englebert Colinet s’unit à Jacqueline, d’une autre grande famille de verriers wallons du XVIe siècle, les de Liège, originaires de Leernes. De la sorte, il fortifie l’implantation des Colinet en Brabant, en particulier du côté de Limelette. Maitre verrier principalement actif dans le roman pays de Brabant, Englebert Colnet offre tant une production raffinée que des fabrications d’usage courant qui lui valent le soutien renouvelé de l’empereur : signées par Charles Quint, des lettres patentes qui lui sont remises en 1531 confirment ses privilèges au nom de tous les autres verriers du Brabant. Il aurait obtenu de surcroît l’autorisation d’exploiter d’autres fours à verre à différents endroits de l’empire sans avoir besoin d’en référer (1540), tout au moins pour les verres d’usage courant ; les Colnet n’auront cependant pas l’envergure suffisante pour exploiter pleinement ce privilège ; ils limiteront leurs activités au pays wallon.

Englebert est-il alors le chef de la famille de Colnet dans la première moitié du XVIe siècle, employant des membres de la fratrie, recrutant de nouveaux verriers italiens (ceux de Murano), voire s’alliant avec ses concurrents (les Ferry d’Altare,  après les Deliège), en différents endroits du pays wallon ? Son frère Gilles a-t-il une activité indépendante et autonome ? Peut-être après avoir obtenu des Ferry qu’ils partagent leur monopole sur les verres « à la façon de Venise », la seule certitude est que les enfants d’Englebert comme ceux de Gilles vont assurer l’omniprésence des Colnet en tant que maîtres-verriers en pays wallon jusqu’au XIXe siècle. On compte une centaine de Colnet actifs dans le secteur verrier au cours de la période dite des « Temps modernes » et leur production va inonder le marché wallon. Ils auront aussi la sagesse de recourir à des verriers venus d’Italie dont les connaissances techniques restent supérieures à celles connues alors en pays wallon. On rencontre des Colnet en Brabant wallon, à Leernes, à Barbençon, à Froidchapelle, mais plus à Momignies et à Beauwelz au XVIe siècle…

En Brabant wallon, du côté de Glabais et de Bousval, des maîtres verriers de la famille Colnet se sont en effet établis le long du Cala, de la Lasne et de la Falise, à proximité des monastères qui offrent travail et protection et des seigneuries qui leur donnent des responsabilités administratives. Les verriers Colnet (Colinet) ont leur exploitation sur les trois cours d’eau. Leur production se limite à de la gobeleterie ordinaire, généralement réalisée par de la main d’œuvre française. À Barbençon, certains historiens avancent qu’Englebert y a obtenu l’autorisation d’exploiter le four à verre de la part de Louis de Ligne (1475-1540). Or, dans l’église Saint-Lambert de Barbençon, une pierre tombale est dédiée à un Gilles Colnet, mort en juin 1535, qui pourrait bien être le frère d’Englebert. Il nous paraît par conséquent plus logique d’attribuer cette exploitation à Gilles, d’autant que deux de ses fils en hériteront. Les gobelets appelés « vaisseaux à boire » et des verres de vitrage surnommés « gros verres plats » vont assurer la notoriété des verres de Barbençon dans toute l’Europe. Sous tous les régimes politiques qui se succèdent alors assez rapidement, les Colnet conservent le privilège d’une activité verrière permanente.

Les origines et les activités des Colnet font l’objet de débats depuis de très nombreuses années ; ils sont loin d’être terminés.  L’ouvrage de synthèse sur l’histoire du verre en Belgique de Chambon est une référence qui pèse lourdement sur la vision traditionnelle de l’histoire du verre dans le pays wallon, en particulier dans la région de Chimay. On restera par conséquent attentif à toute nouvelle information permettant de cerner parfaitement les activités des Colnet, d’Englebert (de) Colnet en particulier.
 

Sources

Benoît PAINCHART, L’activité verrière des Colinet au Sart de Chimay, XIIIe-XVIIe siècles, cinq articles répartis  dans la revue Éclats de Verre, du n°21 au n°25, mai 2013-mai 2015, en particulier la deuxième partie : en quête de vérités, les preuves de la non-existence de Verreries au Surginet et au Fourmathot au XVIe siècle, dans Éclats de Verre, novembre 2013, n°22, p. 34-46
Janette LEFRANCQ, Apports et incidences de l’œuvre de Raymond Chambon sur l’histoire de la verrerie en Belgique, dans Annales du XVIIe Congrès de l’AIHV (qui a eu lieu à Anvers en 2006), Anvers, 2009, p. 339-343
Jutta-Annette PAGE, The ‘Catalogue Colinet’ : a mid-16th-century manuscrit ?, dans Johan VEECKMAN (dir.), Majolique et verre de l'Italie à Anvers et au-delà : la diffusion de la technologie au XVIe et au début du XVIIe siècle, Anvers, 2002, p. 243-262
M. THIRY, Les verreries du Hainaut, dans Luc ENGEN (dir.), Le verre en Belgique des origines à nos jours, Anvers, Mercator, 1989, p. 93-103
Luc ENGEN, Les verreries du Pays de Liège, dans Luc ENGEN (dir.), Le verre en Belgique des origines à nos jours, Anvers, Mercator, 1989, p. 135
http://gw.geneanet.org/michubert?lang=fr;pz=maxine+marie+francoise+cicercule;nz=coton;ocz=0;p=jean;n=de+colnet;oc=3 (s.v. novembre 2014)
Michel PHILIPPE, Naissance de la verrerie moderne XIIe-XVIe siècles. Aspects économiques, techniques et humains, Turnhout, Brepols, 1998, coll. dans De Diversis Artibus, XXXVIII, p. 80, 241-242, 402-403
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rbph_0035-0818_2004_num_82_4_7239_t1_1189_0000_2 (s.v. décembre 2014)
http://afaverre.fr/Afaverre/bibliographie-de-raymond-chambon-concernant-le-verre/ 
Armorial général des d’Hozier ou Registres de la noblesse de France, Paris, 1869, vol. 7, p. 509
Stanislas BORMANS, La fabrication du verre de cristal à Namur, dans Bulletin des commissions royales d'art et d'archéologie, Bruxelles, 1888, volume 27, p. 472, note 1 qui cite J-G. Le Fort, héraut d’armes du pays de Liège
C. d’E-A., Dictionnaire des familles françaises anciennes ou notables à la fin du XIXe siècle, Evreux, 1912, t. 11, CIB-COR, p. 214-215
Georges DANSAERT, Faire son chemin. Histoire de la famille Desandrouin, dans Documents et rapports de la Société royale paléontologique et archéologique de l’arrondissement judiciaire de Charleroi, Thuin, 1937, t. 37, p. 1-14, 19
Benoît PAINCHART, extrait de la revue Éclats de Verre, n°8 ; cfr www.genverre.com 
Raymond CHAMBON, Histoire de la verrerie en Belgique du IIe siècle à nos jours, Bruxelles, 1955
Raymond CHAMBON, Les Verreries forestières du Pays de Chimay du XIIe au XVIIIe siècle d’après les documents d’archives, dans Publications de la Société d’histoire régionale de Rance 1959-1960, Chimay, 1960, t. IV, p. 111-180
André DEFLORENNE, Momignies 2000 ans d’histoire verrière, Centre culturel de Momignies, 2002, 2e éd.
Virgile LEFEBVRE, La verrerie à vitres et les verriers de Belgique depuis le XVe siècle, Charleroi, Université du Travail, 1938
C. d’E-A., Dictionnaire des familles françaises anciennes ou notables à la fin du XIXe siècle, Evreux, 1912, t. 11, CIB-COR, p. 214-215
Armorial général des d’Hozier ou Registres de la noblesse de France, Paris, 1869, vol. 7, p. 509
La difficile gestion des ressources humaines autour d’un four de  verrerie à la fin de l’Ancien Régime en France par Stéphane Palaude, docteur en Histoire, Université de Lille 3 
Adolphe-Jérôme BLANQUI, Dictionnaire du commerce et de l’industrie, Volume 4, p. 449
Histoire de la Wallonie (L. GENICOT dir.), Toulouse, 1973, p. 256
La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Histoire. Économies. Sociétés, t. I, p. 277
La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Lettres - arts - culture, t. II, p. 277
http://gw.geneanet.org/michubert?lang=fr;pz=maxine+marie+francoise+cicercule;nz=coton;ocz=0;p=gilles;n=de+colnet
http://gw.geneanet.org/michubert?lang=fr;pz=maxine+marie+francoise+cicercule;nz=coton;ocz=0;p=englebert+ou+engrant;n=de+colnet 
http://gw.geneanet.org/michubert?lang=fr;pz=maxine+marie+francoise+cicercule;nz=coton;ocz=0;p=collart;n=de+colnet
http://gw.geneanet.org/michubert?lang=fr;pz=maxine+marie+francoise+cicercule;nz=coton;ocz=0;p=francois;n=de+colnet;oc=3 (s.v. 27 novembre 2014)

no picture

COLINET (lignée Gilles Colnet) Robert

Socio-économique, Entreprise

Leernes c. 1430 – Barbençon fin du XVe siècle/début du XVIe siècle

À la suite des sérieux doutes émis sur les travaux de Raymond Chambon (par J-A. Page et J. Lefrancq), les recherches sérieuses menées par Benoît Painchart et publiées notamment par la revue Éclats de verre montrent que, dans le dernier quart du XIVe siècle, il existe dans le pays de Chimay trois branches distinctes de la famille Colinet : l’une, établie à Bourlers, est active dans la menuiserie ; une autre, établie à Macon, fournira des agents administratifs ; enfin, celle établie à Momignies sera active dans la fabrication du verre et, très vite, pour diverses raisons, cette dynastie de verriers essaimera dans le pays wallon. Ainsi, dès le XVe siècle, trouve-t-on des Collinet/Colnet à Leernes dans le pays de Liège, ainsi que dans le comté de Namur, dans le pays de Brabant et dans la région de Barbençon. Comme l’a indiqué Benoît Painchart, les pseudo-origines italiennes des Colinet n’ont aucun sens.

Fils d’un Jehan Colinet, Robert Colinet (Leernes c. 1430 – Barbençon fin du XVe siècle/début du XVIe siècle) est le premier maître de verrerie identifié en terre de Barbençon, où il s’est établi entre 1490 et 1517, du temps de Louis de Ligne. Autour de plusieurs fours à verre, cette branche des Colnet restera active et prospèrera à Barbençon/Froidchapelle, où plusieurs fours à verre fonctionnent jusqu’en 1715. En soit, il s’agit là d’une exceptionnelle sédentarité dans un secteur de la verrerie forestière habituée à se déplacer tous les vingt ans. D’autre part, Barbençon s’impose alors comme le « principal pôle verrier et réservoir des Colinet au XVIe siècle » (PAINCHART, 4, p. 19).

À cette longue implantation à Barbençon contribue une succession de Colinet, dont Gilles (c. 1470 – après 1533), fils de Robert, et les petits-fils de ce dernier, à savoir Nicolas (Barbençon c. 1500-1572), Adrien I (Barbençon s.d. – apr. 1559), François (Barbençon s.d. – apr. 1559) et Engrand ou Enguerrant (Barbençon s.d. – apr. 1559). En 1559, les quatre frères ont reçu la confirmation par Philippe II des privilèges accordés à la fin du siècle précédent à leurs ancêtres maîtres-verriers et si Nicolas comme Adrien sont identifiés à Barbençon, il semble que François et Enguerrant travaillent aussi à Momignies. 

En ce milieu du XVIe siècle, les Colinet sont déjà à la tête d’un important réseau international verrier, disposant d’implantations de part et d’autre de toutes les frontières existant à l’époque ; au prix d’une forte endogamie, les Colnet conserveront le contrôle de l’activité verrière dans le pays wallon pendant plusieurs générations. Face à une demande toujours plus pressante, les Colnet offrent une qualité reconnue. Lors de son passage dans les Pays-Bas méridionaux, l’historien Louis Guichardin a été frappé par la supériorité du verre à vitre produit à Barbençon, comparé à celui de Hesse voire à celui de Lorraine ou provenant de Normandie. Avec leur technique de verre à boudine, les Colnet détiennent alors quasi le monopole sur le marché des provinces romanes, trouvant leur clientèle auprès des grandes familles seigneuriales. Aux privilèges liés à leur activité, les verriers Colnet ajouteront de nombreux biens et propriétés qui, au XVIIe siècle, les identifient à la noblesse.

Les origines et les activités des Colnet font l’objet de débats depuis de très nombreuses années ; ils sont loin d’être terminés. En effet, depuis le début du XXIe siècle, les écrits de Raymond Chambon sont très sérieusement remis en cause. Or, son ouvrage de synthèse sur l’histoire du verre en Belgique est une référence qui pèse lourdement sur la vision traditionnelle de l’histoire du verre dans le pays wallon, en particulier dans la région de Chimay. On restera par conséquent attentif à toute nouvelle information permettant de cerner parfaitement les activités des Colnet, ceux de la branche de Barbençon en particulier.

 

Sources

Benoît PAINCHART, L’activité verrière des Colinet au Sart de Chimay, XIIIe-XVIIe siècles, cinq articles répartis  dans la revue Éclats de Verre, du n°21 au n°25, mai 2013-mai 2015, en particulier la deuxième partie : En quête de vérités, les preuves de la non-existence de Verreries au Surginet et au Fourmathot au XVIe siècle, dans Éclats de Verre, novembre 2013, n°22, p. 34-46 ; la troisième partie : En quête de découvertes, les voirreries de Barbençon et l’enracinement méconnu des Colinet aux limites des terres de Barbençon et de Beaumont, dans Éclats de Verre, mai 2014, n°23, p. 8-16
Benoît PAINCHART, Les Colinet non verriers et leur diffusion en terres de Chimay, de Trélon et d’Etroeungt, XIVe-XVIIe siècles, dans L’Avesnois. Bulletin du Cercle historique et généalogique de Berlaimont, septembre 2013, n°31, p. 33-45
Janette LEFRANCQ, Apports et incidences de l’œuvre de Raymond Chambon sur l’histoire de la verrerie en Belgique, dans Annales du XVIIe Congrès de l’AIHV (qui a eu lieu à Anvers en 2006), Anvers, 2009, p. 339-343
Jutta-Annette PAGE, The ‘Catalogue Colinet’ : a mid-16th-century manuscrit ?, dans Johan VEECKMAN (dir.), Majolique et verre de l'Italie à Anvers et au-delà : la diffusion de la technologie au XVIe et au début du XVIIe siècle, Anvers, 2002, p. 243-262
M. THIRY, Les verreries du Hainaut, dans Luc ENGEN (dir.), Le verre en Belgique : des origines à nos jours, Anvers, Mercator, 1989, p. 93-103
Virgile LEFEBVRE, La verrerie à vitres et les verriers de Belgique depuis le XVe siècle, Charleroi, Université du Travail, 1938
http://gw.geneanet.org/michubert?lang=fr;pz=maxine+marie+francoise+cicercule;nz=coton;ocz=0;p=gilles;n=de+colnet
http://gw.geneanet.org/michubert?lang=fr;pz=maxine+marie+francoise+cicercule;nz=coton;ocz=0;p=englebert+ou+engrant;n=de+colnet 
http://gw.geneanet.org/michubert?lang=fr;pz=maxine+marie+francoise+cicercule;nz=coton;ocz=0;p=collart;n=de+colnet
http://gw.geneanet.org/michubert?lang=fr;pz=maxine+marie+francoise+cicercule;nz=coton;ocz=0;p=francois;n=de+colnet;oc=3 (s.v. 27 novembre 2014)
Michel PHILIPPE, Naissance de la verrerie moderne XIIe-XVIe siècles. Aspects économiques, techniques et humains, Turnhout, Brepols, coll. dans De Diversis Artibus, XXXVIII, p. 80, 241-242, 402-403
Stanislas BORMANS, La fabrication du verre de cristal à Namur, dans Bulletin des commissions royales d'art et d'archéologie, Bruxelles, 1888, volume 27, p. 472, note 1 qui cite J-G. Le Fort, héraut d’armes du pays de Liège
Raymond CHAMBON, Histoire de la verrerie en Belgique du IIe siècle à nos jours, Bruxelles, 1955
Histoire de la Wallonie (L. GENICOT dir.), Toulouse, 1973, p. 256
La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Histoire. Économies. Sociétés, t. I, p. 277
La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Lettres - arts - culture, t. II, p. 277

no picture

COLNET (ou COLLINET) Amandt

Socio-économique, Entreprise

Lieu de naissance inconnu après 1580,  lieu et date de décès inconnus

« Facteur de verrerie » à Momignies, Amandt Colinet (Colnet) appartient à une dynastie de verriers actifs  en pays wallon depuis la fin du XIVe siècle, et originaires du pays de Chimay. À la lecture d’une liste de privilèges accordés par Philippe II en 1559, on se rend compte qu’ils sont une dizaine de Colnet à en bénéficier pour des fours et exploitations installés à Barbençon, Froidchapelle, Momignies, Genappe, voire Namur et le pays de Liège. Amandt Colnet (ou Collinet) n’est pas explicitement cité parmi les Colnet bénéficiant des dits privilèges, mais il présente la particularité d’avoir tenu un journal de manière ininterrompue durant quarante ans sur l’activité des verreries de Momignies (entre 1567 et 1613). Cela devrait suffire pour le ranger parmi les illustres Colnet verriers, d’autant que son témoignage apporte  une mine de renseignements sur la pratique quotidienne du métier, le contexte économique et politique de l’époque. Telle était la thèse développée par Raymond Chambon, cet historien, expert international de l’histoire du verre, qui découvrit plusieurs archives exceptionnelles, dont la monstrance de Beauwelz et le fameux Journal d’Amandt Collinet, qui lui permirent de démontrer que la région de Chimay était un lieu exceptionnel, avant-gardiste et permanent dans l’histoire du verre.

Si l’on en croit le journal, vers 1560, Amandt Colnet se rend notamment en Italie pour embaucher des ouvriers vénitiens et altarais, et les convaincre de travailler dans le pays de Chimay. Mais les guerres de religion sont néfastes à ses activités, à la fois par la baisse des commandes et le départ des ouvriers. Aussi, les deux verriers recrutés fuiront après quelque temps en raison des troubles qui règnent dans les Pays-Bas espagnols. Amandt Collinet en trouvera d’autres, venant de France ou de l’empire germanique ; vers 1582, la production reprend avec trois Altarais, et l’année suivante, il engage un Joseph Dorlodot et son fils, venus de France ; ils travailleront au Surginet à la fabrication de verres allemands. Les verriers italiens produisent alors des objets en verre fougère très clair de très bonne facture, ainsi que des objets « courants » décorés. En 1595, en raison des troubles à nouveau, les fours ne peuvent être rallumés, les ouvriers ayant fui vers d’autres cieux (Anvers, Liège notamment). 

Les Colnet sont alors contraints de revendre la verrerie de Momignies ; néanmoins Amandt Colinet continue d’y être employé. Avec la fin du siècle, les verreries de Leernes et de Froidchapelle ferment définitivement : face à la concurrence, leur production de verre à vitre n’est plus compétitive ; les verreries s’installent désormais à proximité des gisements houillers. Avec ses « produits haute gamme », Beauwelz, par contre, reste à la pointe, quelques progrès techniques ayant été utilement introduits ; on y produit des verres de cristal qui concurrencent ceux de Philippe Gridolphi, à Anvers. Face à la multiplication des verriers, Gridolphi obtient des gouverneurs des Pays-Bas le monopole absolu de cette production dans les provinces espagnoles (1607) et, malgré l’intervention du prince de Chimay, Surginet doit cesser ses activités à la manière de Venise. La fournaise est définitivement éteinte en 1620. En un demi-siècle, les Colnet perdent quasiment toutes leurs activités verrières en pays wallon.

Découvert par Raymond Chambon, le Journal d’Amandt Collinet (Colnet) présente un intérêt substantiel pour appréhender la production verrière au XVIe et au début du XVIIe siècle. Cependant, la critique historique récente a démontré que ce témoignage exceptionnel d’un autre temps n’est rien d’autre qu’un faux, fabriqué grossièrement par Raymond Chambon. En 2001/2002, analysant la monstrance de Beauwelz, appelée aussi le Catalogue Colinet, Jutta-Annette Page a démontré que l’encre du Catalogue n’a été fabriquée qu’après 1840, qu’il a été écrit à la plume métallique et non à la plume naturelle et que l’analyse des papiers présente des incohérences. Démontrant force preuves à l’appui que les « trouvailles » de Chambon, dont son Journal d’Amandt Collinet, ont été forgées de toutes pièces vers 1940, Benoit Painchart affirme pour sa part que « le personnage emblématique d’Amandt Collinet (ou Colnet) ne peut en aucun cas être celui d’un maître de fournaise ayant exercé son activité de 1567 à 1613. Sa naissance se situe peu après 1580 » et il est d’une lignée de Colnet n’exerçant pas le métier de verrier, mais active dans la sidérurgie. Par ailleurs, cet Amandt Collinet a simplement été échevin puis mayeur de Beauwelz au début du XVIIe siècle.

Alors qu’il n’y a pas eu d’activités verrières au Surginet et au Fourmathot au XVIe siècle, cet Amandt Collinet  occupe une place de choix dans de nombreux ouvrages et articles scientifiques qui s’appuyaient en toute confiance sur la synthèse de Chambon. Or, contrairement à la thèse de Chambon, le pays de Chimay n’a pas été, au XVIe siècle, « une aire de production d’exception, tant par l’excellence de ses produits que pour la précocité de ses installations en ce qui concerne « la façon de Venise » (PAINCHART, 22, p. 34).

 

Sources

Benoît PAINCHART, L’activité verrière des Colinet au Sart de Chimay, XIIIe-XVIIe siècles, cinq articles répartis  dans la revue Éclats de Verre, du n°21 au n°25, mai 2013-mai 2015, en particulier la deuxième partie : En quête de vérités, les preuves de la non-existence de Verreries au Surginet et au Fourmathot au XVIe siècle, dans Éclats de Verre, novembre 2013, n°22, p. 34-46
Benoît PAINCHART, Les Colinet non verriers et leur diffusion en terres de Chimay, de Trélon et d’Etroeungt, XIVe-XVIIe siècles, dans L’Avesnois. Bulletin du Cercle historique et généalogique de Berlaimont, septembre 2013, n°31, p. 43
Janette LEFRANCQ, Apports et incidences de l’œuvre de Raymond Chambon sur l’histoire de la verrerie en Belgique, dans Annales du XVIIe Congrès de l’AIHV (qui a eu lieu à Anvers en 2006), Anvers, 2009, p. 339-343
Jutta-Annette PAGE, The ‘Catalogue Colinet’ : a mid-16th-century manuscrit ?, dans Johan VEECKMAN (dir.), Majolique et verre de l’Italie à Anvers et au-delà : la diffusion de la technologie au XVIe et au début du XVIIe siècle, Anvers, 2002, p. 243-262
Raymond CHAMBON, Les Verreries forestières du Pays de Chimay du XIIe au XVIIIe siècle d’après les documents d’archives, dans Publications de la Société d’histoire régionale de Rance 1959-1960, Chimay, 1960, t. IV, p. 111-180
Ann CHEVALIER, Jacques TOUSSAINT, L’aventure du cristal et du verre en Wallonie, Bruxelles, La Renaissance du Livre, 1999
M. THIRY, Les verreries du Hainaut, dans Luc ENGEN (dir.), Le verre en Belgique : des origines à nos jours, Anvers, Mercator, 1989, p. 93-103
Virgile LEFEBVRE, La verrerie à vitres et les verriers de Belgique depuis le XVe siècle, Charleroi, Université du Travail, 1938
Raymond CHAMBON, Histoire de la verrerie en Belgique du IIe siècle à nos jours, Bruxelles, 1955
Isabelle LECOCQ, Le verre plat dans le vitrail monumental des anciens Pays-Bas au XVIe siècle dans S. Lagabrielle et M. Philippe (éd.), Verre et fenêtre de l’Antiquité au XVIIIe siècle, Actes de colloque, Paris, 2009, p. 147-157.
http://www.verre-histoire.org/colloques/verrefenetre/pages/p403_01_lecocq.html (s.v. novembre 2014)

Bidaut Eugène

Fonction publique

Liège 6/08/1808, Ixelles 19/05/1868

Fils d’un cavalier de l’armée française ayant épousé une Liégeoise en 1804, Jean-Guillaume-Eugène Bidaut grandit au sein d’une famille bourgeoise aisée, qui lui permet de suivre des études au Collège royal de Liège (1825), puis dans la toute nouvelle École des Mines de Liège. Ayant réussi le concours d’entrée à l’Administration des mines (1827), il commence une longue carrière dans l’administration « hollandaise » d’abord, belge ensuite. Né Français, il obtiendra la nationalité belge, recevant aussi la Croix de Fer en raison de sa participation active dans les événements de 1830 menant à l’indépendance de la Belgique. 

Affecté à Liège, Namur et Charleroi, l’ingénieur se distingue par des études géologiques approfondies de l’Entre-Sambre-et-Meuse, particulièrement appréciées par le secteur charbonnier. Nommé ingénieur des Mines de 1ère classe (1842), il est détaché en 1848 au département de l’Intérieur pour s’occuper de l’étude de travaux de défrichement et de fertilisation des bruyères de la Campine anversoise ; il y découvre aussi la présence de minerai de fer (1847). Promu inspecteur général au département de l’Agriculture et des Chemins vicinaux, il prend notamment en charge l’étude d’un système d’irrigation des larges prairies de la vallée de la Sambre. 

Nommé Secrétaire général du ministère des Travaux publics (mai 1858), son nom circule dans la presse en tant que candidat potentiel au poste de Ministre des Travaux publics. Ses idées libérales sont bien connues et ses amis le verraient bien briguer un mandat dans l’arrondissement de Charleroi (1859). Mais un autre défi le retient dans la région verviétoise qui lui vaudra d’être considéré comme l’auteur du barrage de la Gileppe. 

Beau-frère de Constant Materne, ministre plénipotentiaire et secrétaire général du ministère des Affaires étrangères, époux d’Angélique Royer (1823-1878), ce haut-fonctionnaire de l’État se consacre en effet depuis 1856 à une mission exploratoire de grande importance, à la demande du gouvernement. Ses études initiales dans la vallée de la Vesdre n’ont d’autre objectif que d’améliorer et de réguler le débit de la Vesdre. Petit à petit, il prend conscience de l’intérêt d’un projet plus ambitieux, qui profiterait à l’industrie textile verviétoise. Dans son rapport final de mai 1866, il défend l’idée de construire un imposant barrage régulateur dans la vallée de la Gileppe, et d’établir une prise d’eau pour assurer une distribution d’eau ménagère et industrielle. 

Sa mort, deux ans plus tard, l’empêchera d’accompagner la phase décisive des travaux et d’être pleinement célébré au moment de l’inauguration du barrage de la Gileppe. Lors de la pose de la première pierre, le 9 octobre 1869, le ministre des Travaux publics de l’époque aura ces mots : « L’intelligence, le dévouement et le complet désintéressement de Bidaut perpétueront sa mémoire à Verviers, comme le barrage de la Gileppe lui assure la reconnaissance du pays tout entier ». 

Chevalier (1846) puis officier (1857) de l’ordre de Léopold, décoré de la Croix de Fer, grand officier de l’ordre de la Couronne de Chêne, commandeur des membres de l’ordre de Charles II d’Espagne, commandeur de l’ordre des SS Maurice et Lazare, Bidaut a aussi publié diverses études et participé à plusieurs Commissions spécialisées.

Sources

Richard CAMPUS, dans Biographie nationale, t. XXX, suppl. 2, col. 161-164 
Paul DELFORGE, La distribution d’eau à Verviers au XIXe siècle, Mémoire en Histoire, Université de Liège, 1985
Robert DEMOULIN, Contribution à l’histoire de la Révolution de 1830 à Liège, extrait du Bulletin de l’Institut archéologique et historique, Bruxelles, 1936, t. 60, p. 15

no picture

Colnet Jean

Socio-économique, Entreprise

Hainaut c. 1350  – début du XVe siècle (c. 1412-1414)

L’activité verrière en pays wallon remonte à l’époque romaine, affirme-t-on généralement, et la région de Chimay est considérée comme son berceau en raison d’une production à Momignies (fournaise Mathot) datée de  1184, de la présence d’un « Pierre le verrier » vers 1259 et d’une  activité verrière à la Loge Wactiaux vers 1413, en Thiérache, selon principalement l’historien Raymond Chambon. Mais l’expertise de ce dernier est fortement contestée. Or, son ouvrage de synthèse sur l’histoire du verre en Belgique est une référence qui pèse lourdement sur la vision traditionnelle de l’histoire du verre dans le pays wallon. Les activités de la famille Colnet (ou Colinet voire Collenet) dans le métier du verre y sont connues pour remonter à plusieurs générations. Mais les origines mêmes des Colnet sont au centre de débats depuis de très nombreuses années ; ils sont loin d’être terminés. À l’instar de Benoît Painchart qui – notamment dans la revue Éclats de Verre – a donné un sérieux coup de balai sur l’historiographie traditionnelle, on restera par conséquent attentif à toute nouvelle information permettant de mieux cerner encore les activités des Colnet, de Jean Colnet en particulier.

Pour les uns, les Colnet sont originaires de Venise : un Jean Colnet/Colneti « écuyer » se serait établi à Leernes, près de Fontaine-l’Évêque au XVe siècle (LEFEBVRE), et en l’occurrence Leernes fait alors partie de la principauté de Liège ; pour les autres, c’est un certain Englebert Colnet, maître-verrier originaire de Thiérache, qui introduit en pays wallon des secrets de fabrication provenant de Vénitiens émigrés et permettant de produire du verre « à la façon de Venise » ; on rencontre aussi chez Raymond Chambon et chez Michel Philippe la thèse d’une famille « régionale », « thiérachonne », les Colinet, famille de verriers « des plus prolifiques et durables » du pays wallon. La branche plus tardive de Thiérache semble quant à elle revendiquer des origines dans le Hainaut… Pour Georges Dansaert, il ne fait aucun doute que les Colnet venaient d’Italie – les Colneti de Venise –, avec le lourd bagage des verreries du XVe siècle. Ils sont passés par Anvers et ont essaimé dans les Pays-Bas, en Hainaut particulièrement, ainsi qu’en principauté de Liège. Dansaert identifie un Jean (de) Colnet à Fontaine-l’Evêque en 1438 qui s’occupe d’une verrerie. Virgile Lefebvre ajoute pour sa part que ce Jean de Colnet avait fait construire là-bas une petite fabrique dont l’emplacement est dénommé « chemin du four à verre », actuelle « rue du four à verre ». À ce moment, Jean Colnet aurait surtout produit des vitraux. Ce serait, par conséquent, la première mention d’une verrerie sur le sol de la principauté de Liège.


L’enjeu des origines des Colnet dépasse la simple dimension historique. Il nourrit d’arguments tant le discours patriotique – national comme régional – que la construction d’une généalogie aux ascendants illustres. Dès lors, les démarches scientifiques de Benoît Painchart sont capitales quand elles aboutissent à démontrer qu’il n’y a pas d’origine italienne chez les Colnet au XVe siècle et que dès la fin du XIVe siècle, trois branches de Colinet sont implantées dans le pays de Chimay, l’une de verriers à Momignies, l’une d’agents administratifs à Macon, l’autre de charpentiers spécialisés à Bourlers. Dans le même temps, il écarte les datations antérieures à 1413 énoncées ci-dessus. Mais les Colinet sont bien présents à Momignies en 1378 et un document de 1416 témoigne de la présence d’un Colinet verrier dans le pays de Liège, tandis qu’un autre est actif à Namur.  Dès la première moitié du XVIe siècle, on rencontrera  en pays wallon un  nombre élevé de verreries nouvelles, capables de réaliser un verre blanc incolore, d’une assez bonne qualité (Beauwelz (1506), Thy (vers 1518), Macquenoise (1550), Momignies, Froidchapelle et Barbençon (1559) ainsi qu’à Leernes/Fontaine-l’Évêque).

La lignée des Colnet verriers est bien issue du pays de Chimay (PAINCHART). « Le cœur économique de l’activité se situe entre Fourmies et Chimay. (…) Le bois fournit à l’époque le combustible » (PHILIPPE). On trouve de la chaux et de la potasse à Chimay et du sable dans la région de Barbençon. La plupart de ces verreries « wallonnes » sont aux mains des descendants de Jean (ou Jehan) Colnet/Colinet/Collenet ; pendant quatre siècles, leurs produits satisferont les besoins du marché en verre à vitre et en verre commun du pays wallon. À l’origine, ils utilisaient le « procédé normand » dits « des plateaux ».
Selon Painchart, la présence de Jehan Colinet (c. 1350 – c. 1412/1414) et de son frère Colart (c. 1350 – 1422) comme verriers à Momignies est attestée par un document remontant à 1378. Par la suite, au moment de la scission de la terre de Chimay (1412), entre le comte de Hainaut et la maison de Chatillon-Blois, un autre document témoigne du travail au four de Colart (ou Collart) avec ses enfants, mais Jehan n’est plus mentionné. En raison des guerres et conflits politiques qui touchent le pays de Chimay, il est vraisemblable que le four de Momignies sera provisoirement éteint en 1425. Mais, selon la généalogie établie par Painchart, le sieur Jehan Colinet n’est alors plus de ce monde depuis une dizaine d’années.
 

Sources

Benoît PAINCHART, L’activité verrière des Colinet au Sart de Chimay, XIIIe-XVIIe siècles, cinq articles répartis  dans la revue Éclats de Verre, du n°21 au n°25, mai 2013-mai 2015
Janette LEFRANCQ, Apports et incidences de l’œuvre de Raymond Chambon sur l’histoire de la verrerie en Belgique, dans Annales du XVIIe Congrès de l’AIHV (qui a eu lieu à Anvers en 2006), Anvers, 2009, p. 339-343
Jutta-Annette PAGE, The ‘Catalogue Colinet’ : a mid-16th-century manuscrit ?, dans Johan VEECKMAN (dir.), Majolique et verre de l'Italie à Anvers et au-delà : la diffusion de la technologie au XVIe et au début du XVIIe siècle, Anvers, 2002, p. 243-262
M. THIRY, Les verreries du Hainaut, dans Luc ENGEN (dir.), Le verre en Belgique des origines à nos jours, Anvers, Mercator, 1989, p. 93-103
Luc ENGEN, Les verreries du Pays de Liège, dans Luc ENGEN (dir.), Le verre en Belgique des origines à nos jours, Anvers, Mercator, 1989, p. 135
http://gw.geneanet.org/michubert?lang=fr;pz=maxine+marie+francoise+cicercule;nz=coton;ocz=0;p=jean;n=de+colnet;oc=3 (s.v. novembre 2014)
Michel PHILIPPE, Naissance de la verrerie moderne XIIe-XVIe siècles. Aspects économiques, techniques et humains, Turnhout, Brepols, 1998, coll. dans De Diversis Artibus, XXXVIII, p. 80, 241-242, 402-403
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rbph_0035-0818_2004_num_82_4_7239_t1_1189_0000_2 (s.v. décembre 2014)
http://afaverre.fr/Afaverre/bibliographie-de-raymond-chambon-concernant-le-verre/ 
Armorial général des d’Hozier ou Registres de la noblesse de France, Paris, 1869, vol. 7, p. 509
Stanislas BORMANS, La fabrication du verre de cristal à Namur, dans Bulletin des commissions royales d'art et d'archéologie, Bruxelles, 1888, volume 27, p. 472, note 1 qui cite J-G. Le Fort, héraut d’armes du pays de Liège
C. d’E-A., Dictionnaire des familles françaises anciennes ou notables à la fin du XIXe siècle, Evreux, 1912, t. 11, CIB-COR, p. 214-215
Théodore BERNIER, La plus ancienne famille belge de gentilshommes verriers. Les Colnet, dans L’Éducation populaire, 30 août 1888, n°35
Georges DANSAERT, Faire son chemin. Histoire de la famille Desandrouin, dans Documents et rapports de la Société royale paléontologique et archéologique de l’arrondissement judiciaire de Charleroi, Thuin, 1937, t. 37, p. 1-14, 19
Benoît PAINCHART, extrait de la revue Éclats de Verre, n°8 ; cfr www.genverre.com 
Raymond CHAMBON, Histoire de la verrerie en Belgique du IIe siècle à nos jours, Bruxelles, 1955
Raymond CHAMBON, Les Verreries forestières du Pays de Chimay du XIIe au XVIIIe siècle d’après les documents d’archives, dans Publications de la Société d’histoire régionale de Rance 1959-1960, Chimay, 1960, t. IV, p. 111-180
Virgile LEFEBVRE, La verrerie à vitres et les verriers de Belgique depuis le XVe siècle, Charleroi, Université du Travail, 1938
La difficile gestion des ressources humaines autour d’un four de  verrerie à la fin de l’Ancien Régime en France par Stéphane Palaude, docteur en Histoire, Université de Lille 3 
Adolphe-Jérôme BLANQUI, Dictionnaire du commerce et de l’industrie, Volume 4, p. 449
Histoire de la Wallonie (L. GENICOT dir.), Toulouse, 1973, p. 256
La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Histoire. Économies. Sociétés, t. I, p. 277
La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Lettres - arts - culture, t. II, p. 277

no picture

Wouters Ariste

Humanisme-Egalité

Jeneffe 03/03/1949, Liège 10/11/2007

Amorcée au tournant des années 1970 et 1980, la croisade utopiste d’Ariste Wouters a donné naissance à la Teignouse, un service d’aide en milieu ouvert, actif en Ourthe-Amblève-Condroz, qui fait figure de modèle en matière de prévention sociale, en Wallonie comme à l’étranger.

Dernier enfant d’une famille nombreuse ouvrière, peu enclin aux études, Ariste Wouters est principalement passionné par ses activités dans les mouvements de jeunesse. Apprenti-peintre en bâtiment (1966), il entre comme novice chez les Franciscains et se forme au métier d’éducateur. Son sacerdoce est davantage social que religieux ; il quitte l’ordre franciscain, est employé dans des institutions d’aide à la jeunesse (Chênée, Filot, etc.) et se fait syndicaliste FGTB, tant les conditions de travail des éducateurs lui paraissent précaires. Installé à Florzé, il est actif dans la gestion d’une coopérative, tout en travaillant au home Les Myosotis (future La Tramontane). Animateur social, il cherche à s’éloigner du travail en milieu fermé, et acquiert une propriété à Rouvreux : il la transforme en centre de vacances et de formation pour jeunes en sérieuses difficultés, encadrés par de tout aussi jeunes bénévoles ; Ariste Wouters se charge de la formation des animateurs et, en 1981, il crée l’asbl « Animateurs sans frontières » (ASF). Parallèlement, il devient éducateur au collège Saint-Roch à Ferrières et dirige brièvement son internat.

Quand ASF est reconnue par la Communauté française en 1984, cette asbl déploie des activités de « vacances », d’animations service sur demande, un groupe d’éducation sexuelle qui deviendra le centre de planning familial d’Aywaille, et un groupe d’accueil et d’écoute (Centre de jeunes d’Aywaille). Convaincre les jeunes de se rendre dans son centre, établir un dialogue, les occuper en créant des ateliers ou des activités (mécanique, théâtre, marche d’orientation, camp de vacances, etc.), tel est le défi social que rencontre Ariste Wouters à Aywaille, quand il parvient à convaincre le centre paroissial d’ouvrir ses locaux à ces jeunes en marge de la société. Lors de la visite du pape, en mai 1985, un événement est créé pour attirer l’attention de l’opinion publique sur la détresse vécue par certains jeunes issus des milieux ruraux. Mais, à côté du spectaculaire, il y a le quotidien qu’il faut gérer et Wouters entend que l’écoute et l’accueil puissent se faire 24 heures sur 24 ; ce sera le réseau « Parents-Secours » Ourthe-Amblève créé au début des années 1990. Les initiatives de Wouters se multiplient ; certains édiles locaux le soutiennent. Et, en 1989, une nouvelle asbl, active sur le très large territoire de l’Ourthe-Amblève, voit le jour : La Teignouse, du nom d’un phare breton.

Rassemblant toutes les activités développées à l’initiative de Wouters dont aussi des écoles de devoir, une maison de la prévention, des espaces jeunes, etc., cette structure professionnalise l’action sociale, tant dans l’aide en milieu ouvert (AMO) que dans la prévention (SRP) où elle établit des collaborations avec les communes (Contrats prévention notamment). Initiateur d’une cellule sociale au sein du Groupement régional économique d’Ourthe-Amblève (GREOA), Ariste Wouters, soutenu par les pouvoirs publics locaux, fait œuvre de pionnier en matière de prévention en Wallonie : l’exemple est d’ailleurs mis en évidence dans une série de colloques internationaux. S’adaptant aux différents plans de lutte contre l’exclusion sociale lancés par le fédéral et la Région wallonne, ainsi qu’à de réelles difficultés de gestion, le « Service régional de Prévention La Teignouse » s’impose néanmoins comme un instrument modèle, s’intégrant autour du noyau central de l’Action régionale de prévention intégrée (ARPI), créé au début des années 2000.

Invité par les services universitaires du CHU de Liège à enseigner aux futurs médecins généralistes les réactions appropriées par rapport aux assuétudes, Ariste Wouters ne manque pas de projets et sait communiquer. Ainsi, en 2002, paraît une bande dessinée, À la recherche de Nicolas, réalisée par des professionnels et destinée à sensibiliser les jeunes aux assuétudes. Aqua-Fiesta, le bar à soupe, la charte « cafés-futés », le bar à salades, l’A.I.R. Bus, Spirale sont quelques-uns des autres projets inspirés par cet animateur social qui s’intéressa aux personnes victimes de l’exclusion sous toutes ses formes (personnes isolées ou précarisées, victimes de l’alcool ou de la drogue, etc.). Depuis 2007, un fonds Ariste Wouters décerne un prix pour soutenir un projet en faveur des jeunes et des familles fragilisés en région Ourthe-Amblève-Condroz.

Sources

Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse dont Le Vif l’Express, août 1989, Le Soir, La Libre, Vers l’Avenir, 13 et 14 novembre 2007
Jean-Claude BALTHASART, Ariste, un phare pour la Teignouse, s.l., s.d.
Pascale HENSGENS, La Teignouse en Ourthe-Amblève, Luc Pire, édition électronique, 2002

no picture

Wilmes Philippe

Fonction publique

Etterbeek 04/03/1938, Grez-Doiceau 24/05/2010

Né juste avant la Seconde Guerre mondiale, Philippe Wilmes perd ses parents, en mai 1940, dans un bombardement qui touche le village de Limal. Orphelin, il est recueilli par ses grands-parents et il grandit en province de Luxembourg, où il rêve d’évasion et de montagne, sans doute de Maurice Herzog plantant le drapeau français au sommet de l’Annapurna. 

Échafaudant son avenir pour disposer de temps pour s’adonner à l’alpinisme, il s’engage dans la marine marchande une fois terminées ses humanités gréco-latines à l’Athénée de Virton : matelot, officier, il revient sur terre après sept années en mer pour entreprendre des études de Droit à l’Université libre de Bruxelles. Alpiniste professionnel, Philippe Wilmes fait valoir son doctorat universitaire (décroché en 1967) pour s’ouvrir les portes de la Compagnie maritime belge. Se passionnant pour la finance, il entreprend une licence en Sciences économiques appliquées à l’Université catholique de Louvain et est assistant pendant son doctorat (défendu en 1973), avant de s’occuper de l’Institut d’administration et de Gestion de l’UCL. Pendant une année, il séjourne ensuite aux États-Unis où il est engagé par le département d’ingénierie de l’océan du Massachusetts Institute of Technology de Boston. Chargé de cours en Grande-Bretagne et au Canada, il entre en politique, en 1975, quand il est recruté comme technicien au sein du Cabinet de Jean Gol, ministre régional en charge de l’Économie wallonne, et membre du Comité ministériel des Affaires wallonnes durant la période de la régionalisation provisoire (1974-1977).

Poursuivant son expérience entre politique, monde académique et industrie, Philippe Wilmes ne suit pas Jean Gol dans son parcours qui le conduit du Rassemblement wallon vers le PRL, mais s’oriente plutôt vers le PSC. Commissaire du gouvernement dans le dossier de la Société de Développement régional de Wallonie (1978-1979), il siège au sein du comité de direction de la toute nouvelle Société régionale d’investissement de Wallonie et, au début des années 1980, en devient le vice-président, avec le soutien appuyé de la démocratie chrétienne. À ce titre, il se spécialise dans la création de sociétés chargées de coordonner les initiatives en matière de haute technologie, en particulier de biotechnologie. Espérant succéder à Antoine Humblet à la présidence de la SRIW, Philippe Wilmes conserve une vice-présidence quand Bernard Marchand est désigné à la tête de la SRIW réformée (1984), mais il l’abandonne quand Fernand Herman renonce à la présidence de la SNI : cette circonstance lui ouvre de nouveaux horizons. À la même époque, Wilmes avait été pressenti pour présider une société de promotion des industries culturelles (SPIC), projet qui ne fut finalement pas réalisé.

Administrateur puis président « francophone » de la Société nationale d’investissement, désigné en 1985, il siège à ce titre dans une vingtaine d’autres conseils d’administration et agit de concert avec les Régions pour soutenir leur politique industrielle ; néanmoins, celui qui s’est fermement opposé à la régionalisation de « sa » SNI en 1988 oriente le holding public national davantage vers des investissements porteurs, que dans des opérations de sauvetage d’outils anciens. Initiateur de la Sofinim (août 1989), Philippe Wilmes cherche à introduire la SNI en bourse et la conduit à investir dans les secteurs de l’énergie, de la finance et des transports. En quelques années, la SNI noue de nombreuses conventions avec des partenaires privés et met en place un écheveau de participations entremêlées. Plus de trois quarts de ses investissements sont en Flandre.

Le bilan de la SNI est positif, mais son président est contraint de se plier à la politique imposée par le gouvernement fédéral à partir de 1993 : la privatisation de l’équipe Dehaene s’apparente alors à une vente par appartements au secteur privé des secteurs les plus porteurs de la SNI. Durant l’été 1994, quand est constituée la Société fédérale d’investissement (SFI), chargée de gérer les actifs non vendus par l’État, Philippe Wilmes en prend la présidence. En 1995, il refuse un mandat au FMI. En 1997, il représente le PSC au sein de la SA Société de développement de l’ouest du Brabant wallon (SDO), chargée de la reconversion d’une région particulièrement touchée par la faillite des forges de Clabeq. Président de la Société belge d’investissement international (SBI), il est en charge d’une société à capitaux publics, chargée de prendre des participations dans des secteurs en devenir ou stratégiques pour l’économie belge (1995-2010).

Actif au sein de l’association des économistes belges de langue française, Philippe Wilmes contribue notamment à la réflexion sur la place des régions dans le grand marché européen qui s’ouvre en 1993. Professeur de gestion à l’Université catholique de Louvain, administrateur général de la dite université, il y contribue à l’ouverture de la chaire Hoover (1992).

Professeur extraordinaire émérite de la Louvain School of Managment (2003), administrateur de Tractebel dans les années 1990, membre du Conseil de régence de la Banque nationale de Belgique (1993-2005), membre du Conseil supérieur des finances, de la Banque des règlements internationaux, administrateur d’Investsud, membre du comité de rédaction de Trends-Tendances, il préside et est membre également des conseils d’administration de Bio SA, de Fluxys, de la CNP d’Albert Frère ou de la Sonaca. Administrateur et membre du comité de gestion de la Sabena, quand il était président de la SNI, il avait quitté ces deux fonctions en juin 1990, non sans avoir apporté le soutien financier de la SNI à la société aérienne. Son expertise dans le domaine aérien le désignera plus tard comme administrateur de la Sobelair ; et en avril 2001, propulsé dans le conseil d’administration de la Sabena pour la sauver de la faillite, il est parmi les administrateurs qui tentent de relancer une nouvelle activité aérienne à partir de la DAT, ancienne filiale régionale de la Sabena. En vain.

Sophie, une des deux filles de Philippe Wilmes, est devenue la première femme à assumer la direction du gouvernement belge en 2019 et 2020.

Sources

Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse, dont Le Soir, 3 août 1991 et presse quotidienne, 26 mai 2010, dont Trends Tendance
Antoine HUMBLET, Un entrepreneur en politique, Bruxelles, Racine, 1994, p. 168-169, 175-176, 180, 184

Villers Augustin-François

Académique, Philologie

Malmedy 20/04/1748, Malmedy 20/05/1794

L’un des dictionnaires wallon-français les plus anciens connus est l’œuvre d’Augustin-François Villers. Jamais publié du vivant de son auteur, ce manuscrit a fait l’objet de beaucoup d’attention dès le XIXe siècle, notamment par la Société liégeoise de Littérature wallonne, avant d’être édité une première fois en 1957 et de faire l’objet d’une édition critique en 1999. Si l’on continue à s’interroger sur les motivations et les objectifs d’Augustin-François Villers, sorte de précurseur de la philologue wallonne, force est de reconnaître à son Dictionnaire à la fois la grande richesse des mots et expressions, l’étendue des domaines explorés, l’originalité du contenu et la délimitation stricte de l’aire géographique analysée (LECHANTEUR).

Après des études au Collège des Jésuites à Luxembourg, ce fils d’une famille patricienne malmédienne – son père a été bourgmestre de la localité – étudie le Droit à l’Université de Louvain, puis s’établit dans sa ville natale comme avocat. Nommé échevin de Malmedy (1773), Augustin-François Villers est choisi comme conseiller privé et provincial par le prince-abbé Jacques Hubin (1785) et conserve la confiance de son successeur, Célestin Thys, le dernier prince abbé de Stavelot-Malmedy.

Jurisconsulte, historien, linguiste, Villers se penche sur les statuts du pays de Stavelot et du comté de Logne (1777), il établit un Codex Stabuleto-Malmundariensis (dans les années 1780), et écrit une histoire de l’ancienne principauté de Stavelot, depuis Saint-Remacle, fondateur du monastère, jusqu’à l’élection du prince abbé Célestin de Thys (en 1787), soit l’Histoire chronologique des abbés-princes de Stavelot et de Malmedy avec les principaux événements arrivés sous leurs règnes respectifs, en la principauté de Stavelot et comté de Logne

Maïeur de Louveigné (selon certaines sources), puis surtout de Malmedy à l’heure de la seconde restauration autrichienne, en 1793, Augustin-François Villers meurt en service, dans un accident de cheval, laissant en l’état de manuscrit ce Dictionnaire wallon-français « pour l’usage de ses enfants ».

Sources

Jean LECHANTEUR (éd.), Le dictionnaire wallon-françois (Malmedy, 1793) d’Augustin-François Villers, avec un lexique des termes français vieillis ou difficiles par Martine WILLEMS, Liège, 1999, Mémoires de la Commission de Toponymie et de dialectologie, section wallonne, n°19
M. DEWALQUE, Note sur le dictionnaire d’AF Villers, dans Malmedy Folklore, 1981, t. XLV, p. 21-28
Robert CHRISTOPHE, Malmedy, ses rues, ses lieux-dits, dans Folklore. Stavelot - Malmedy - Saint-Vith, Malmedy, 1979, t. 43, p. 10
Charles GRANDGAGNAGE, Extraits d’un dictionnaire wallon-français composé en 1793 par M. Augustin-François Villers, licencié en droit, pour l’usage de ses enfants, dans Bulletin de la Société liégeoise de Littérature wallonne, n°6-2, 1863, p. 21-91
Joseph DEJARDIN, Examen critique de tous les dictionnaires wallon-français parus à ce jour, dans Bulletin de la Société liégeoise de Littérature wallonne, Liège, Carmanne, 1886, t. 22, p. 311-361
Quirin ESSER, Note sur le dictionnaire malmédien de Villers (1793), dans Bulletin de la Société liégeoise de Littérature wallonne, n°45, 1904, p. 347-352
M.S.P. ERNST, Histoire du Limbourg, suivie de celle des comtés de Dalhem et de Fauquemont…, Liège, 1838, vol. 2, p. 99-100
Albert LELOUP, Folklore Malmedy, 1957, XII, p. 162
Maurice LANG, Généalogies, dans Folklore Stavelot–Malmedy–Saint-Vith, 1965, t. XXIX, p. 48

no picture

Vieillevoye Barthélemy

Culture, Peinture

Verviers 04/02/1798, Liège 30/07/1855

L’art du portrait est fort prisé dans le pays wallon de la première moitié du XIXe siècle. Une grande quantité d’artistes s’y adonne, mais rares sont ceux qui se distinguent. Dans les exceptions figure le peintre verviétois Barthélemy Vieillevoye dont l’inspiration s’exprimera aussi dans la peinture de genre et la peinture historique. De 1836 à 1855, il a été le premier directeur de l’Académie de Liège.

Fils d’un tisserand verviétois, Vieillevoye révèle très jeune des prédispositions pour le dessin ; ayant abandonné les études, occupé à des tâches de bureau, il apprend la peinture et le dessin auprès d’un vieux maître nommé Gyselin ; au décès de ce dernier, il le remplace au Collège de Verviers (1814-1816). Sur le conseil de Rutten, bourgmestre de Verviers, le père Vieillevoye consent au sacrifice d’envoyer son fils à Anvers, à l’Académie, auprès du professeur Van Brée, pour travailler son talent. Les débuts sont laborieux, mais il est encore aux études quand il réalise un autoportrait (1819) annonciateur de son genre préféré, mais surtout de sa technique. Dans un premier temps, Vieillevoye dessine en effet avec la plus grande des précisions les traits du visage ; ensuite, il recouvre la face d’un aplat rehaussé de glacis plus ou moins intense chargé d’accentuer la saillie du dessin. Enfin, par des touches claires et épaisses qui contrastent avec le modelé lisse et fin de l’ensemble, il apporte des lumières sur une toile qui fourmille de détails et dont les couleurs restent froides, voire glacées.

Alternant personnes âgées ou jeunes enfants anonymes, Vieillevoye répond aussi à des commandes de riches bourgeois ; en 1826, il a la chance de peindre un jeune virtuose verviétois, Henri Vieuxtemps, appelé à un bel avenir. Jusqu’en 1855, Viellevoye réalisera quant à lui près de 200 portraits, souvent de bourgeois, industriels, professeurs d’université, docteurs ou notaires, de Verviers ou de Liège.

Après avoir exercé comme professeur intérimaire à Anvers et exposé à Amsterdam et à Gand, Vieillevoye est revenu en pays wallon au lendemain des Journées de Septembre 1830 ; il est bardé de prix, de bourses et de récompenses du gouvernement, sans toutefois avoir décroché le Prix de Rome ; à Verviers, les commandes de portraits affluent, tandis qu’il expose ses propres compositions. En 1837, Vieillevoye quitte sa ville natale pour s’établir à Liège quand il est nommé à la direction de la toute nouvelle Académie et quand il devient le conservateur, responsable du Musée des Beaux-Arts. Il occupera ces fonctions jusqu’à son décès, en 1855, et attirera nombre d’élèves vers la peinture de genre, le tableau historique ou le portrait, sans s’intéresser au paysage.
Durant cette période, Vieillevoye fait fi du romantisme ambiant, pour donner une dimension plus personnelle à ses portraits. À l’instar de François-Joseph Navez, son style ne cherche pas nécessairement à idéaliser son modèle ; parfois, il en force les traits et se montre féroce à l’égard de ses contemporains, voire de lui-même, comme dans un second autoportrait réalisé à la fin de sa vie.

Néanmoins, comme ses contemporains, Vieillevoye s’est laissé tenter par la « peinture d’histoire » et par la représentation de scènes populaires (par ex. ses Boteresses), ou religieuses. Très tôt (vers 1818), un membre de la famille Simonis lui avait passé commande de dix tableaux représentant l’histoire de l’amour et de psyché pour sa maison de campagne. Après 1830, naviguant entre romantisme et réalisme, il trouve ses sujets d’inspiration notamment dans des événements majeurs de l’histoire de la principauté de Liège. Le portraitiste signe un étonnant Notger (accroché au Palais provincial de Liège), avant de concéder au romantisme Un épisode du sac de Liège par Charles le Téméraire en 1468 ; quant à sa représentation de l’Assassinat de La Ruelle (1853), dans un grand format (près de 25m²), elle fera l’objet de critiques… assassines lors de sa présentation à Bruxelles en 1854. Cette mesquinerie de la dernière heure aura raison de la santé du « peintre de province » mouché par « les critiques de la capitale ».

Sources

Jules BOSMANT, La peinture et la sculpture au pays de Liège, de 1793 à 1930, Liège, Mawet, 1930
Musée des Beaux-Arts, Exposition Le romantisme au pays de Liège, Liège, 10 septembre-31 octobre 1955, Liège (G. Thone), s.d., p. 131
Mémoires de Barthélemy Vieillevoye [datées du 17 décembre 1848], dans Bulletin de la Société scientifique et littéraire du Limbourg, juin 1858, t. III, 2, 84 p.
La Meuse, 9, 10 et 11 juillet 1858 ; La Meuse, 22 octobre 1862
Maurice PIRENNE, Les anciens peintres verviétois, dans La Vie wallonne, n°17, 15 janvier 1922, p. 204-211
Jules BOSMANT, J-B. Vieillevoye, dans La Vie wallonne, n°124, 15 décembre 1930, p. 177-182
Michel BEDEUR (préf.), Remember, Nos Anciens. Biographies verviétoises 1800-1900, parues dans le journal verviétois L’Information de 1901 à 1905, Verviers, éd. Vieux Temps, 2009, coll. Renaissance, p. 111-112
Jean BROSE, Dictionnaire des rues de Liège, Liège, Vaillant-Carmanne, 1977, p. 33
La Wallonie. Le Pays et les hommes (Arts, Lettres, Cultures), t. II, p. 507, 534, 556