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Renard Camille

Socio-économique, Entreprise

Liège 01/05/1832, Bruxelles 17/11/1921

Imprimeur-libraire et professeur d’histoire de l’art à l’Académie des Beaux-Arts de Liège, Laurent-Eugène Renard a donné à ses fils le goût de l’art et de la culture : Jules Renard, dit Draner (Liège 1833, Paris 1926) fera carrière comme caricaturiste ; Camille, quant à lui, alliera science, culture et imagination dans les domaines de la céramique et de la verrerie, à son compte dans un premier temps, au service du Val Saint Lambert ensuite.

Ingénieur civil à l’École des Arts et Manufactures de Liège (1854), boursier du gouvernement (1855), le jeune Camille Renard entame sa carrière professionnelle en participant aux travaux d’une Commission d’enquête chargée d’évaluer les conséquences de la fabrication de produits chimiques en province de Namur. Ensuite, s’installant à son compte, il prend la direction de la Société métallurgiste d’Andenne, dont il assure la gérance. En quelques mois, avec sa jeune épouse, Léonie Steinbach, il met en place, à Seilles, une manufacture spécialisée dans les produits réfractaires, la société Steinbach et Cie. Conciliant ses connaissances et ses talents dans les domaines de la chimie, de l’art et de l’industrie, Camille Renard étend enfin ses activités, à Andenne, dans le secteur de la porcelaine ; il recrute tous azimuts des ouvriers particulièrement qualifiés dans la fabrication et la décoration. Sa société, la « Manufacture Saint Maurice. Camille Renard-Steinbach, à Andenne », se lance dans la fabrication haute gamme, comparable à la porcelaine de Sèvres. Dès 1861, il présente sa production à l’Exposition universelle de Metz. Puisant leur inspiration aux meilleures sources anciennes, les œuvres qui sortent des ateliers Renard témoignent d’un savoir-faire qui respecte la tradition, tout en intégrant les dernières techniques de l’époque. Malgré les efforts consentis et la qualité des produits mis sur le marché, l’expérience industrielle de Camille Renard tourne court : en 1864, il doit remettre toutes ses affaires. Une autre vie s’ouvre alors à lui, au Val Saint-Lambert, d’une part, à l’Université de Liège, d’autre part.

Repéré par Jules Deprez au moment même où celui-ci succède à Auguste Lelièvre, l’un des deux fondateurs du Val Saint-Lambert, Camille Renard est engagé comme créateur indépendant de modèles de peinture et de gravures (1864). Directeur du Val Saint-Lambert auquel il va donner sa prodigieuse expansion dans la deuxième moitié du XIXe siècle, Deprez table sur les produits de luxe et fait confiance à la créativité de Renard : celui-ci met toute l’expérience acquise dans la porcelaine andennaise au service de l’atelier de peinture de la cristallerie. Même si la nature s’impose comme nouveau sujet d’inspiration, son style, classique, est constant ; il résiste à l’Art nouveau. En tant que collaborateur extérieur, Renard signe les dessins de ses projets et la description des techniques à employer, mais les verres réalisés ne portent que la marque de la manufacture. Par conséquent, et même si dans une production industrielle d’une telle ampleur les mérites doivent être partagés, un grand nombre des prix et récompenses que récolte le Val Saint-Lambert de 1864 à 1901 (notamment lors des expositions universelles ou internationales) peut être attribué à Camille Renard, superviseur du département artistique de la société.
En sus de ses activités sérésiennes, Renard a réussi à s’ouvrir une situation académique à l’Université de Liège. Engagé comme chef de travaux en 1864, il est nommé professeur en 1879, en charge des manipulations chimiques à l’École des Mines, ainsi que du cours d’esthétique et d’histoire de l’art. En octobre 1868, à l’instar de son père, il est nommé professeur d’archéologie à l’Académie de Liège (1868-1904) et, à partir de 1881, il est en charge du cours d’esthétique destiné aux élèves de l’école de dessin des cristalleries, tout en professant à l’Institut supérieur des Demoiselles (-1904).

Conférencier apprécié pour la multiplicité des sujets traités, ses talents pédagogiques et son attention à l’égard d’un « public ouvrier » (notamment au Cercle Franklin), il publie plusieurs ouvrages didactiques dans le domaine de l’art, ainsi qu’un traité de chimie. Illustrateur, chroniqueur, critique, biographe, membre de jury, « expert industriel », membre de nombreuses cercles, professeur émérite (1902), aquarelliste à la fin de sa vie, il expose, surtout à partir de 1904, ses paysages de Wallonie ou de Flandre, dans plusieurs salons, jusqu’à la Grande Guerre. En juin 1900, organisée au Théâtre royal à Liège, notamment par ses anciens élèves et ses collègues de l’industrie, une grande cérémonie officielle rend hommage à Camille Renard ; à cette occasion, le peintre Ubaghs lui dédie un portrait remarqué. Comme l’écrit très bien Anne Pluymaekers, sa meilleure biographe, « la grande force de Camille Renard fut de savoir lier intimement la recherche, l’art et l’industrie. (…) il incarne l’éclectisme omniprésent durant la seconde moitié du XIXe siècle ».

Sources

Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse
Anne PLUYMAEKERS, Camille Renard (1832-1921), artiste ingénieur éclectique au service des arts du feu, dans Art et industrie, Art&Fact, numéro 30, Liège, 2011, p. 63-70
La Meuse, 1861-1914

Remacle Marcel

Culture, Bande dessinée

Namur 16/01/1926, Ohey 16/12/1999

Dans les années 1960, les pages du journal Spirou accueillent les aventures de personnages tout droit sortis de l’imagination de Marcel Remacle : le Vieux Nick est certainement le plus célèbre, mais le pirate Barbe-Noire, ainsi que les séries Hultrasson le Viking et Bobosse témoignent de la contribution du dessinateur namurois au 9e Art.

Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, comme quelques-autres dessinateurs ou illustrateurs wallons de sa génération, Marcel Remacle n’est pas fixé sur son projet de vie. Les années passées à l’Athénée de Namur ont été difficiles et pas seulement à cause de la guerre. Pour pouvoir vivre, tous les métiers sont bons. Après le service militaire (1947), ce sera coiffeur pour dames. Mais cet autodidacte nourrit une passion pour le dessin et il ne manque pas d’humour. Il réussit à livrer des dessins humoristiques dans quelques journaux (le premier, en 1946, dans la DH) et des hebdomadaires (Le Moustique, Le Pourquoi Pas ?, L’Âne roux), sous le pseudonyme de Ted Smedley. Il reçoit ensuite la chance de créer son propre univers chez Spirou où il a été engagé, en 1955, au studio de dessin et de lettrage des éditions Dupuis. Après une année de mise à l’épreuve, le rêve du dessinateur se réalise : Le Mousquetaire qui paraît dans Risque-Tout n’est pas une réussite, mais l’invraisemblable chien Bobosse, avec ses longues oreilles, fait son entrée dans les pages de Risque-tout et de Spirou (1956) et s’y maintient. À la fin des années 1980, le personnage réapparaîtra pour de nouvelles aventures.

Mais c’est le Vieux Nick qui séduit, dès 1958, dans des aventures en haute mer, avec des bateaux à voile. Le genre n’est pas exploité dans la BD et quand il s’agit d’amuser, Remacle s’y emploie volontiers. Aux gags désopilants des trois premiers albums, il ajoute le personnage récurrent du pirate Barbe-Noire, dont la bêtise n’a d’égale que son incompétence et sa bouffonnerie ; très vite, ce rôle secondaire chipe la vedette au Vieux Nick et devient le héros principal de la série. Autour d’eux, gravite une série de personnages qui feraient penser à la cour des miracles si le milieu où ils évoluent n’était pas lié à la navigation.

Grâce à Nick et à Barbe-Noire, dès le début des années 1960, Remacle fait partie de l’équipe de Spirou. Pendant un quart de siècle (1960-1985), de Pavillons noirs à La baleine jaune, Marcel Remacle dessine leurs aventures avec succès, étant moins heureux avec Hultrasson le Viking (1964-1967). Pour le 16e album du Vieux-Nick (La Prise de Canapêche), Maurice Tillieux, un autre Wallon de Namur, a écrit le scénario.

Ami de Marcel Denis, Remacle collabore ponctuellement à la série Tif et Tondu. Il produit aussi une dizaine de mini-récits. Entre 1960 et 1970, il signe la moitié de son œuvre totale. Considéré par Christian Jasmes comme l’un des auteurs les plus féconds du journal Spirou (1 800 planches, une cinquantaine d’albums en français), Remacle est une signature qui compte. Pourtant, il restera un auteur discret, qui s’est tenu éloigné des projecteurs, pour vivre à mille lieux de l’univers de ses propres héros, puisqu’à l’océan, il préféra toujours la campagne namuroise.

Sources

Christian Jasmes, Hommage à Marcel Remacle, Bibliothèque de Tubize, BPCBW, 2013, dans http://www.escapages.cfwb.be/index.php?eID=tx_nawsecuredl&u=0&file=fileadmin/sites/bini/upload/bini_super_editor/bini_editor/documents/Espace_evenements/Bulles_en_BW_-_2013/hommage-Remacle-web2.pdf&hash=8712ff8e42a2f17a2d2e6a8ad2a240446faf12ee 
http://www.bedetheque.com/auteur-947-BD-Remacle-Marcel.html (s.v. mai 2016)

Principaux titres (d’après la bibliographie dressée par Christian Jasmes)

Le vieux Nick et Barbe-Noire (Ed. Dupuis)
 1 – Pavillons Noirs (1960)
 2 – Le vaisseau du Diable (1960)
 3 – Les mangeurs de citron (1961)
 4 – L’île de la Main Ouverte (1962)
 5 – Les mutinés de la Sémillante (1962)
 6 – Dans la gueule du dragon (1963)
 7 – Aux mains des Akwabons (1964)
 8 – Sa majesté se rebiffe (1964)
 9 – L’or du « El Terrible » (1965)
 10 – Le trois-mâts fantôme (1967)
 11 – Les boucaniers (1967)
 12 – Barbe-Noire et les Indiens (1968)
 13 – Les mésaventures de Barbe-Noire (1969)
 14 – Les commandos du Roy (1969)
 15 – Barbe-Noire aubergiste (1971)
 16 – La prise de Canapêche (1972)
 17 – Barbe-Noire joue et perd (1973)
 18 – Le feu de la colère (1974)
 19 – Sous la griffe de Lucifer (1975)
 20 – Les nouvelles mésaventures de Barbe-Noire (1976)
 21 – La princesse et le pirate (1978)
 22 – Sous les voiles (1979)
 23 – Barbe-Noire, Hercule et Cie (1981)
 24 – Le mal étrange (1982)
 25 – Barbe-Noire prend des risques (1983)
 26 – L’île rouge (1985)

Hultrasson le Viking (Ed. Dupuis)
 1 – Fais-moi peur, Viking ! (1965)
 2 – Hultrasson chez les Scots (1967)
 3 – Hultrasson perd le nord (1968)

Bobosse (Ed. Le Coffre à BD / Taupinambour)
 1 – La forêt silencieuse (2005)
 2 – Les évadés de Trifouillis (2007)

Tif et Tondu (Ed. La Vache qui Médite)
 Ne tirez pas sur « Hippocampe » ! (2007)

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Georges Rem né Georges Remy

Culture, Journalisme

Liège 23/12/1899, Liège 03/04/1974

Journaliste, romancier, Georges Rem – son nom de plume – est reconnu comme un « écrivain régionaliste » en raison de plusieurs livres à succès autour du personnage de Casimir Dupiquet. Ses engagements et ses activités témoignent aussi de son intérêt pour la Wallonie.

Jeune licencié en Philologie romane de l’Université de Liège (1931), Georges Remy s’est lancé d’emblée dans le journalisme. S’intéressant aux sports, il écrit dans L’Express (1933-1934), La Dernière Heure et La Meuse. Il se retrouve aussi au Pourquoi Pas ?, mais engagé au journal La Wallonie en 1936, il va y accomplir l’essentiel de sa carrière : il en devient l’un des rédacteurs en chef et dirige les services sportifs du journal jusqu’à son décès, en 1974. Vice-président honoraire de l’APBJS, il fut aussi rédacteur en chef de la feuille À mon nos autes (1930), et apporte sa collaboration aux journaux wallons Noss’Pèron et L’Action wallonne, ainsi qu’à La Revue du Conseil économique wallon après la Seconde Guerre mondiale et à Combat, l’hebdomadaire d’André Renard (1962).
Sous le pseudonyme Rem, les articles du journaliste témoignent de sa conscience des problèmes wallons et de son goût pour le théâtre wallon, le folklore et les revues locales franco-wallonnes. Sous le nom de Georges Rem, outre Casimir Dupiquet international : roman sportif (1935), il publie de Nouvelles aventures de Casimir, Bernardine Pougnotte et Casimir Dupiquet (1943), ainsi que Reflets mosans, Lumières et ombres de la libération (1945), L’Homme de Barbe d’Or : roman de guerre (1948) et, dans un autre genre, Avec les Champions du monde. En 1975, Le Roman de ma maison est un hommage à sa ville natale.

Résistant actif par la presse clandestine, il casse sa plume sous l’Occupation allemande de 1940-1945. Membre du Front de l’Indépendance, il distribue des timbres de ravitaillement, collecte des fonds pour ses collègues journalistes et assure l’hébergement de personnes recherchées par l’ennemi en 1943-1944. Il est reconnu comme Résistant armé, mais pas comme résistant civil.

Folkloriste, membre de la Société de Langue et de Littérature wallonnes, Georges Remy défend aussi la Wallonie sur le plan politique. Libéral avant-guerre, militant socialiste après la Libération, conseiller communal de la ville de Liège (1946-1970), puis conseiller provincial (1950-1971), il préside le conseil provincial de Liège entre 1953 et 1966 et de 1967 à 1968. Membre du comité général du deuxième Congrès culturel wallon (Liège, octobre 1955), membre du comité liégeois d’Action wallonne (1962-1964) ainsi que du Comité permanent du Congrès national wallon (coopté en 1955), Georges Remy faisait aussi partie du comité liégeois de patronage du pétitionnement durant l’automne 1963 : 645.499 signatures sont alors rassemblées en faveur de l’introduction dans la Constitution du principe de referendum et contre l’adaptation des sièges parlementaires sans révision constitutionnelle simultanée. Il prend aussi parti en faveur du retour à Liège des communes de la Voer.

Sources

Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse
Paul DELFORGE, Encyclopédie du Mouvement wallon, Charleroi, Institut Destrée, 2001, t. III, p. 1378

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Radoux Simon

Culture, Lettres wallonnes

Ans 06/04/1860, Ans 19/06/1939

Au tournant des XIXe et XXe siècles, Simon Radoux apporte sa contribution au mouvement de renouveau littéraire en langue wallonne. Auteur de ses premières chansons dans les années 1880, cet ouvrier s’adonne rapidement à l’écriture de comédies, dont le théâtre populaire s’empare immédiatement. À ce titre, il peut être considéré comme un auteur à succès, que plusieurs prix viennent récompenser. Régisseur, organisateur de spectacles, Radoux monte aussi régulièrement sur les planches pour interpréter des comédies wallonnes.

Tourneur en fer de profession, Radoux sera aussi un parfait tourneur de formules wallonnes, en rimes ou en prose, qui ajoutent à la qualité dramatique de ses nombreuses compositions. Publiées de façon disparate dans les pages du journal Li Spirou, ses premières chansons sont rassemblées dans un premier recueil, en 1893 ; alors qu’il se produit au Caveau liégeois, d’autres recueils suivront – Mès prumîs gruzièdjes, 1899 et Bouqèts d’pinsèyes, 1921), mais sans rassembler l’ensemble des 200 chansons qu’il a composées tout au long de son existence.

Créée en 1883 et jouée à de multiples reprises (près de mille fois avant la Grande Guerre), Li poèson dè l’jônesse inaugure une série d’œuvres dramatiques où culminent Pônes et Jôyes (1893), Les Côpeuses di tiesses (1897), Li Djudas (1905) et Po Bertine (1912). Pour émouvoir le public, par le rire ou par les larmes, Radoux n’hésite pas à recourir aux ficelles les plus grosses ; certaines situations fleurtent avec l’invraisemblance. Pourtant, il est aussi capable d’œuvres plus travaillées, originales, voire sophistiquée, mais Li leçon dès cwàrdjeûs, par exemple, a moins de succès que les autres. En 1931, il remporte la médaille d’or de la Société de Littérature wallonne.

Vice-président du Cercle l’Alliance dramatique (années 1880), membre du comité de lecture du Théâtre des Auteurs wallons (années 1890), membre fondateur de l’association des Auteurs dramatiques, chansonniers et compositeurs wallons (1890), il est aussi l’interprète de personnages dans ses propres pièces ; il est aussi recherché pour le rôle principal dans des œuvres de Peclers, Tilkin ou DD. Salme. Comédien amateur, il était monté sur scène pour la première fois en 1879 et alternera ses prestations avec la fonction de régisseur dans de nombreux cercles (Cercle dramatique les Fous de Liège, La Fougère, l’Union musicale, les Disciples de Molière, etc.).

Sources

Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse
La Wallonie. Le Pays et les hommes (Arts, Lettres, Cultures), t. III, p. 225
Charles DEFRECHEUX, Joseph DEFRECHEUX, Charles GOTHIER, Anthologie des poètes wallons (…), Liège, Gothier, 1895, p. 271-272
Robert WANGERMÉE, Dictionnaire de la chanson en Wallonie et à Bruxelles, Liège, Mardaga, 1995, p. 279-280

Œuvres principales

Li poèson dè l’jônesse, 1883
Pônes et Jôyes, 1893
Les Côpeuses di tiesses, 1897
Ine Ideye à l’Ideye, 1902
Li Djudas, c. 1905
Pauve Poète, 1907
Li Tchûse dès Coûr, 1908
Pos les Efants, 1910
Dri l’Teule, 1911
Po Bertine, 1912
Li leçon dès cwàrdjeûs

Proumen Henri-Jacques

Culture, Littérature

Dison 23/05/1879, Bruxelles 01/10/1962

Cherchant à cerner l’œuvre littéraire de Henri-Jacques Proumen, son meilleur biographe évoque l’abondance dans la diversité : « Roman, conte, nouvelle, poème, fable, étude psychologique, étude de mœurs, récits de science-fiction, récits des temps préhistoriques, récits fantastiques, comédie, satire, farce, critique littéraire voisinent chez cet écrivain polygraphe avec des œuvres qui traitent de chimie ou de physique » (LACROIX).

Ayant grandi dans les milieux de l’opulente bourgeoisie verviétoise enrichie par ses activités dans le textile, H-J. Proumen accomplit ses humanités de l’Athénée de Verviers, tout en cherchant sa voie à l’Académie des Beaux-Arts de Liège (1895). Attiré par la peinture et le chant, ce lecteur assidu se passionne pour les sciences ; ingénieur civil des Mines de l’Université de Liège (1902), il se spécialise dans le domaine de la radioactivité, et est rapidement reconnu par les experts du moment, comme Marie Curie, sans parvenir à décrocher un poste à l’Université de Paris. Professeur de Sciences aux Athénées de Verviers, Bruxelles, puis Hal, le chercheur poursuit ses activités et publie des traités pointus de physique et de chimie, ainsi que des ouvrages pédagogiques. Appelé comme collaborateur scientifique à l’Institut Solvay, il dispense la Physique aux cours publics de la ville de Bruxelles peu avant la Grande Guerre ; il restera le titulaire de ce cours jusqu’en 1954. Au moment de l’invasion allemande d’août 1914, H-J. Proumen parvient à trouver refuge en Grande-Bretagne : professeur à Eton et à Londres, il devient ensuite proviseur au Lycée français de Londres (1915-1919) ; après six mois d’enseignement à Paris, il reprend son poste à Bruxelles, et son activité scientifique est reconnue quand il est nommé à la direction du nouvel Institut des Arts et Métiers de Bruxelles (1930-1938) ; mais le scientifique, qui continuera à publier des traités jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, a déjà amorcé une autre activité où son talent est aussi reconnu.

Chroniqueur artistique du journal Le Jour, à Verviers (1902-1905), H-J. Proumen publie son premier roman à Paris au printemps 1914, et deux autres suivent, à Londres, en 1918, qui sont favorablement accueillis par la critique. Membre de la Société des Gens de Lettres de France (1924), Proumen est un auteur éclectique et fécond : plusieurs centaines de contes et de nouvelles paraissent dans des journaux et revues, en Belgique comme à l’étranger ; certains textes sont rassemblés dans des recueils ; et chaque année au moins, l’écrivain sort un ouvrage sans se laisser enfermer dans un genre précis. Maniant facilement l’ironie et la satire, il se ferme quelques portes en critiquant, avec Léon Debatty, L’Académie des Lettres belges (1922). Néanmoins, le Prix du gouvernement Belge qui récompense Totor et moi (1924) consacre un talent neuf, qui atteint sa pleine maturité dès 1928, quand il publie Le chemin des dieux ; dédié à Maurice Renard, ce premier roman fantastique est généralement reconnu comme sa meilleure œuvre. En 1930, c’est Le Sceptre volé aux hommes qui attire sur lui le Prix international de Littérature de Genève et le Prix Maurice Renard de la Société des gens de lettres de France. Explorant des thèmes neufs (la préhistoire et la condition de la femme, par exemple), Henri-Jacques Proumen est un précurseur dans le roman d’anticipation. Avec la naissance de sa fille, il s’adonne aussi à l’écriture de contes et de récits pour enfants : Panache d’or et couette d’argent (1937) est un succès de librairie. Conférencier, il est aussi chroniqueur scientifique.
Ayant ralenti considérablement ses activités durant la Seconde Guerre mondiale, il les relance en 1945, en créant notamment l’Académie internationale de Culture française, dont l’objectif vise à proclamer et propager l’universalité de la culture française (1945-1973). En 1949, un an après Maeterlinck, l’Académie française lui décerne la médaille de la langue française pour l’ensemble de son œuvre, en particulier pour ses Fables choisies. En 1953, c’est le conseil provincial de Liège qui lui octroie le Prix de consécration littéraire de langue française. L’écrivain a ralenti le rythme de ses publications ; en 1956 sort son dernier roman, Mon clair matin, où il évoque son enfance heureuse à Andrimont et à Dison, localité qui honore son citoyen cette année-là. Alors que de nombreux projets et manuscrits sont en chantier ou achevés, une thrombose (1959) handicape définitivement les derniers jours de l’écrivain.

Situant généralement en France le lieu de ses récits, Proumen a peu évoqué sa région natale ; quelques endroits surgissent un peu par hasard et s’il n’a pas la fibre régionaliste, il écrit, vers 1923-1924, un hymne chaleureux à la Wallonie dans la préface aux Contes et nouvelles de Wallonie, extraits de l’Almanach wallon.

Sources

Jean LACROIX, Henri-Jacques Proumen. À la découverte d’une œuvre, dans La Vie wallonne, 1988, n°401-402, p. 18-28 ; 1988, n°403-404, p. 152-159
http://ecrivains-vervietois.blog4ever.com/proumen-henry-jacques (s.v. mai 2016)

Œuvres principales

Ouvrages scientifiques
Les rayons X, le Radium, les Rayons N, 1905
La Matière, l’Ether, l’Électricité, 1909

Œuvre littéraire 
La Pétaudière, Paris, 1914
Petites Âmes, Londres, 1918
Le Petit Lapin de Maman, Londres, 1918
Transplantés chez Albion, 1921 (préf. Henri Barbusse)
Totor et moi, 1924
Le ver dans le fruit, 1925
La Suprême flambée, 1927
Sur le chemin des dieux, 1928
Le sceptre volé aux hommes, 1930
La boîte aux marionnettes, 1930 (recueil)
L’Homme neuf, 1931
Le nez de mon oncle, 1932 (recueil)
Il pleut bergère…, 1932 (recueil)
Cupidon sans fard, 1933 (recueil)
Gens de la plèbe, 1933 (recueil)
Eve proie des hommes (roman de la femme préhistorique), 1934
Kiss aux yeux d’or, 1934 (recueil)
Fable sur tout et sur rien, 1936
Panache d’or et couette d’argent, 1937 (pour enfants)
Le roi Berlingot, 1938 (recueil)
Chrysos aux ailes de flamme, 1939 (pour enfants)
Aubes cruelles, 1942
Annette, fille des champs, 1943
Bellis et les quatre génies, 1943
Guitte, 1944
La brèche d’enfer, 1946
La couronne d’émeraudes, 1946 (pour adolescents)
Vieil-Ami, 1947
Fables choisies, 1948
La tabatière d’or, 1948
Monsieur Coq en pâte, 1948
Mitsou, 1950
L'homme qui a été mangé et autres récits d'anticipation, 1950
Armes nouvelles dans une guerre future, 1950
Annick et Poutinet, 1952 (recueil)
Mon clair matin, 1956

© Bibliothèque du Conservatoire royal de Bruxelles

Prevost Germain

Culture, Musique

Tournai 23/08/1891, San Francisco 1987

Altiste du Quatuor Pro Arte dirigé par Alphonse Onnou, Germain Prevost a participé à l’aventure étonnante de ce quatuor à corde constitué dans des conditions difficiles au moment de la Grande Guerre, qui rencontra plein succès dans l’Entre-deux-Guerres, avant de connaître une seconde vie aux États-Unis après la Seconde Guerre mondiale.

Natif de Tournai, formé au Conservatoire de Bruxelles, Germain Prevost y remporte, en 1913, un premier prix d’Alto, dans la classe de Léon Van Hout, membre du Quatuor Ysaÿe. Le projet de former un quatuor sur le modèle « Ysaÿe » animait déjà le violoniste verviétois Alphonse Onnou. Il faudra quelques années avant que ne se mette en place définitivement le Quatuor Pro Arte, nom trouvé en 1917. La composition du groupe varie fortement en ces années de guerre et de reconstruction. Mais Onnou s’appuie très rapidement sur Laurent Halleux, un autre Verviétois, comme second violon et, à partir de 1919, Germain Prévost en devient le troisième pilier ; arrivé en même temps que lui, Fernand Quinet (Prix de Rome 1921) cèdera son siège à Robert Maas. Contraints au service militaire, les jeunes musiciens se produisent parfois sous le nom de « Quatuor à Archets du 1er Régiment des Guides » (1920-1921), mais une fois libérés de leurs obligations, les membres du quatuor ne vont plus cesser de se produire sous le nom Pro Arte, pendant vingt ans, rencontrant un succès exceptionnel durant tout l’Entre-deux-Guerres.

Pendant un peu plus de dix ans, jusqu’au début des années 1930, Bruxelles est le lieu régulier des Concerts Pro Arte, mais, de plus en plus souvent, le quatuor est appelé à l’étranger. Remarqué par Elizabeth Sprague Coolidge, une milliardaire américaine passionnée par la musique de chambre, le quatuor est invité aux États-Unis dès 1926 ; il se produit lors de l’inauguration de la salle de musique de la bibliothèque du Congrès, à Washington, puis régulièrement, grâce à sa mécène, il retourne en Amérique du Nord pour donner notamment les Concerts Pro Arte-Coolidge.

Le quatuor fait connaître des compositeurs de son époque (choix artistique d’Onnou), ou plus classiques (orientation de Halleux). Ils interprètent Schönberg, Berg, Roussel, Honegger, Absil… et reçoivent des compositions spécifiques de Bartok, Milhaud, Stravinsky, qui sont autant de témoignages de la qualité du groupe. À travers les États-Unis, les tournées du quatuor d’Onnou sont appréciées, mais fatigantes : en 1939, Robert Maas déclare forfait. Quand éclate la Seconde Guerre mondiale, Onnou et ses compagnons musiciens (dont le violoncelliste anglais Warwick-Evans pour remplacer Maas) se retrouvent coincés Outre-Atlantique. Ils décident alors de continuer à se produire sur place. Le responsable de l’Université du Wisconsin, leur offre l’hospitalité, sur le campus, en tant que « quatuor-en-résidence ».

Frappé d’une leucémie, aux États-Unis, en 1940, Onnou est le premier à disparaître. Il est remplacé par le catalan Antonio Brosa (1894-1979), formé à Barcelone à l’école verviétoise du violon par Mathieu Crickboom. En 1943, c’est Laurent Halleux qui décide de démissionner. Dernier représentant du groupe originel, l’altiste Prevost décide à son tour de jeter le gant en juin 1947, cédant la place à des Américains qui perpétuent durablement le Pro Arte Quartet of the University of Wisconsin, puisque le quatuor fête ses cent ans d’existence en 2013, avant d’entreprendre une courte tournée en Wallonie et à Bruxelles.

En 1944, Igor Stravinsky avait dédicacé à Germain Prevost l’Élégie pour alto solo, qui se joue entièrement en sourdine, pour honorer la mémoire d’Alphonse Onnou le fondateur du Quatuor Pro Arte. Si Prevost renonce au quatuor Pro Arte, ce n’est pas pour rentrer au pays. Appréciant particulièrement le mode de vie de la société américaine, il a été rejoint par sa famille en 1945 et il retrouve Laurent Halleux à Hollywood. Engagé comme musicien dans les studios de la Metro Goldwyn Mayer, il s’installe à Eagle Rock, un faubourg de Los Angeles, où il se lie d’amitié avec le pianiste André Previn, émigré juif allemand, qui fait carrière à Hollywood, puis comme chef d’orchestre et compositeur. Membre du New Art String Quartet (fin des années 1940), alto dans le San Francisco Symphony Orchestra (1960-1963), Prevost tient la partition de premier alto à l’Orchestre d’Oakland, et donne quelques récitals avec Previn, à San Francisco, avant de s’éteindre, loin de Tournai, à 96 ans.

Sources

Anne VAN MALDEREN, Historique et réception des diverses formations Pro Arte (1912-1947) : apport au répertoire de la musique contemporaine, thèse, Louvain-la-Neuve, 2012, p. 518
Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse, en particulier Le Jour Verviers du 2 mai 2014, La Libre Culture du 21 mai 2014
La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Lettres - arts - culture, t. III, p. 394
http://proartequartet.org/about.html (s.v. mai 2016)
Anne VAN MALDEREN, Le quatuor Pro Arte (1912-1947), dans Revue de la Société liégeoise de musicologie, Liège, 2002, n°19, p. 25-45 sur http://popups.ulg.ac.be/1371-6735/index.php?id=480&file=1 (s.v. mai 2016)
Eric Walter WHITE, Stravinsky : A critical Survey 1882-1946, Toronto, 1997, p. 180

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Plomteux Clément

Culture, Edition

Liège 20/04/1737, Liège 1792 (supposé)

Dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle, le secteur de l’imprimerie est un secteur prospère de l’économie des provinces wallonnes, singulièrement en principauté de Liège et dans le duché de Bouillon. Profitant du statut particulier de ces contrées, des maîtres-imprimeurs y publient des ouvrages condamnés dans d’autres pays, y contournent la censure ecclésiastique ou, au contraire, éditent des libelles de catholiques opposés aux réformes de l’empereur d’Autriche. Il est aussi des imprimeurs, moins scrupuleux encore, qui n’hésitent pas à reproduire les succès du moment sans disposer des droits, en toute impunité, puisque les privilèges protégeant les livres français, par exemple, ne concernent pas les terres wallonnes. À la veille de la Révolution de 1789, le secteur de la « réimpression » se porte par conséquent très bien et, parmi les imprimeurs et éditeurs wallons de renommée européenne – comme Bassompierre ou Boubers –, figure l’atelier de Clément Plomteux. Comme l’a bien montré Daniel Droixhe, c’est cet atelier que représente si finement le peintre Léonard Defrance, au début des années 1780, dans ses « visites de l’imprimerie ».

Par son mariage, en 1766, avec Marie-Elisabeth Kints (1740-1790), la fille du libraire-bibliothécaire Everard Kints, Clément Plomteux fait son entrée dans le monde de l’imprimerie liégeoise au milieu du XVIIIe siècle. L’entreprise de Kints est déjà prospère quand Plomteux en reprend la direction (1767). Puissant imprimeur officiel des États de Liège, il dispose, depuis 1764, du privilège d’imprimer tous les ouvrages religieux à l’usage du diocèse de Liège ; il est aussi le bibliothécaire de la cité de Liège (1766-1792). Parallèlement à ce statut enviable, Plomteux n’hésite pas à utiliser ses presses pour des publications nettement plus profanes. Imprimeur des œuvres de Voltaire en 30 volumes (1771-1777), des écrits d’Helvétius (4 volumes, 1776) ou de la Révolution de l’Amérique de Raynal (1781), Plomteux ne recule pas devant les grands projets éditoriaux : à partir de 1777, avec d’autres imprimeurs européens, il entreprend la publication du Dictionnaire universel des sciences morale, économique, politique et diplomatique de Jean-Baptiste Robinet. Au début des années 1780, Plomteux rejoint le libraire-philosophe lillois Charles-Joseph Panckoucke dans son ambitieux projet d’Encyclopédie méthodique ; en l’occurrence, il s’agissait de compléter et d’améliorer l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert. À cette œuvre gigantesque et financièrement aventureuse, qui s’étendra jusqu’en 1832, Plomteux apporte sa contribution de 1782 à 1788.

Imprimeur des mandements épiscopaux, Plomteux a fait fortune en exportant vers l’Espagne de nombreux livres d’église, tout en offrant sur le marché européen un choix judicieux de livres philosophiques, mais aussi antiphilosophiques, et en n’hésitant pas à se livrer à la contrefaçon. Il n’est pas rare en effet de rencontrer des ouvrages de cette époque, indiquant Genève, Londres, Cologne ou Paris comme lieux d’édition, alors qu’ils ont été réalisés à Liège, sur les nombreuses presses qu’il y possède.

Lié à la franc-maçonnerie – il occupe l’un des rangs les plus élevés de la loge de la Parfaite Intelligence, apparue vers 1770 –, Clément Plomteux a continué d’entretenir avec le prince-évêque Hoensbroeck les bonnes relations qu’il avait nouées avec son prédécesseur Velbrück ; celui-ci en avait fait l’un de ses proches conseillers. De 1787 à 1788, Plomteux est choisi pour exercer l’une des deux fonctions de bourgmestre de la cité de Liège. Il est ainsi l’un des tout derniers magistrats de l’Ancien Régime, dont il ne conteste guère le fonctionnement ; opposé aux réformes, il est notamment l’une des parties intéressées au bon fonctionnement des Jeux de Spa. En 1792, on perd complètement sa trace.

Sources

Henri FRANCOTTE, La propagande des encyclopédistes français au pays de Liège (1750-1790), Bruxelles, 1880, p. 96-97, 182-183
La Wallonie. Le Pays et les hommes (Arts, Lettres, Cultures), t. II, p. 82
Daniel DROIXHE, Une histoire des Lumières au pays de Liège. Livre, idées, société, Liège, Cefal-éd. ULg, 2007, p. 91-300
Joseph BRASSINNE, L’imprimerie à Liège jusqu’à la fin de l’ancien régime, dans Histoire du livre et de l’imprimerie en Belgique, des origines à nos jours, Bruxelles, Musée du livre, 1929, V, p. 35 et ssv.
Michel HANNOTTE (dir.), Journaux et journalistes liégeois au temps de l’Heureuse Révolution, catalogue de l’exposition La Plume et le Plomb, Liège, 1989, p. 60-
Eugène DE SEYN, Dictionnaire biographique des sciences, des lettres et des arts en Belgique, Bruxelles, 1935, t. II, p. 828
Joseph BRASSINNE, L’imprimerie à Liège jusqu’à la fin de l’Ancien Régime, dans L’Histoire du livre et de l’imprimerie en Belgique, Bruxelles, Musée du livre, 1929, p. 35-37
Maurice DES OMBIAUX, dans La Meuse, 21 février 1902
Jacques LIÉNARD, Autour d’une relation inédite des journées révolutionnaires des 16, 17 et 18 août 1789, dans Le Vieux Liège, janvier-mars 1995, n°268, p. 251-264
Daniel DROIXHE, Deux chansons relatives à des imprimeries liégeoises du XVIIIe siècle, dans Bulletin de la Société Le Vieux-Liège, 1995, n°268, p. 245
http://gw.geneanet.org/olisein?lang=fr&pz=olivier+jean+pierre&nz=lisein&ocz=0&p=clement&n=plomteux (s.v. mai 2016)

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Piron Louis-Marie

Socio-économique, Entreprise

Opont 15/02/1956

En décernant le prix 2014 de Manager de l’Année à Louis-Marie Piron, le magazine Trends Tendance salue une success story bien ancrée dans le paysage wallon et qui a également pris une dimension internationale, et met en évidence le parcours d’un self made man, gradué en sylviculture devenu administrateur-délégué d’une holding familiale prospère. Se présentant, en 2015, comme le n°1 dans la construction de maisons clé sur porte en Wallonie, ainsi qu’au grand-duché de Luxembourg, la SPRL Thomas & Piron est en effet une société familiale, créée en 1976, et qui a grandi de façon fulgurante.

À l’origine, en 1974, Charles Thomas est un maçon professionnel qui aide le jeune Louis-Marie Piron à rénover une ancienne maison familiale ; deux ans plus tard, ils s’associent au sein d’une SPRL qui limite ses activités au cœur du Luxembourg (10 février 1976) ; aux deux fondateurs s’adjoint un nombre de plus en plus considérable de collaborateurs : ils sont 500 vingt ans plus tard pour faire face aux demandes émanant de tout le Luxembourg – la province mais aussi le grand-duché –, ainsi que du Brabant wallon ; ce chiffre triplera au terme d’une nouvelle période de vingt ans.

En 1981, fraîchement diplômé ingénieur civil, le frère de Louis-Marie Piron rejoint la SPRL dont le siège historique demeure à Our (Paliseul) : Bernard Piron prend en main le contrôle de la gestion d’activités déjà fructueuses. Informatisant les services dès le milieu des années 1980, il contribue à la transformation de la SPRL en société anonyme, en 1988, moment où est présentée la première d’une série de maisons témoins ; de la rénovation, T&P évolue vers la maison unifamiliale, « sur-mesure » et « clé sur porte ». Avec un chiffre d’affaires qui dépassent les 25 millions d’€, Thomas&Piron diversifie et professionnalise ses départements (1992). En 1995, après une aide à l’investissement de la Région wallonne, le plan « cap 2002 » fixe les objectifs. « TP Rénovation » voit le jour (1996), tandis que T&P est certifiée ISO 9001 (1997), et s’ouvre à l’international avec « TP International » (1999) : l’Europe et l’Afrique contribuent à l’expansion de T&P qui construit 500 maisons sur la seule année 2003 et dépasse les 100 millions d’€ de chiffres d’affaires. En 1999, se met en place « Thomas et Piron Finances » pour placer sous un même pavillon un ensemble d’activités fort diversifiées ; même si Charles Thomas a quitté l’actionnariat depuis longtemps, la société conserve sa dénomination originelle et un ancrage familial.

Des immeubles à appartements, des bâtiments à usage commercial, administratif ou industriel s’ajoutent notamment à un carnet de commandes qui s’étendent à l’ensemble de la Wallonie. Prix spécial du jury « Entreprise la plus performante » depuis la création du trophée Entreprise de l’Année (2005), Thomas & Piron se singularise encore sur un marché difficile en inaugurant un « centre de compétences » (2007), en construisant le tout premier bâtiment de bureaux passif de Wallonie (2008), en mettant l’accent sur des produits accessibles et peu énergivores, voire en dépassant le cap des 1.000 logements construits sur la seule année 2010. En 2013 et 2014, après le rachat de la société française Castelord, l’entreprise de construction wallonne se transforme profondément ; cinq entités juridiques distinctes sont constituées et chapeautées par « Thomas & Piron Holding » ; le nouveau siège de « Thomas & Piron Bâtiment » s’ouvre à Wierde, tandis que le « home » reste à Paliseul, et que la « Rénovation » siège à Maissin.

Au-delà de son activité à la tête de T&P, Louis-Marie Piron s’est associé dans les années 1990 à un groupe d’hommes d’affaires qui investissent dans des projets novateurs. Par ailleurs, il contribue aussi au maintien d’activités de proximité et de qualité, dans la région de Paliseul, dans le secteur Horeca, tout en aidant de jeunes talents wallons.

Sources

Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse
Sébastien LAMBOTTE, dans WAW, http://www.wawmagazine.be/fr/louis-marie-piron-le-constructeur-gastronome 
http://www.thomas-piron.eu/fr/groupe-thomas-piron/historique
http://www.tvlux.be/video/louis-marie-piron-co-fondateur-de-thomas-et-piron_12110.html (s.v. mai 2016)

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Parisse Jacques

Culture, Journalisme

Seraing 30/09/1934, Liège 19/01/2011

Critique d’art, historien et biographe, Jacques Parisse a exercé une influence considérable sur le monde des arts plastiques pendant plus de trente ans. Professeur de français puis d’histoire de l’art, il transforme sa passion pour l’art en une activité débordante, comme critique d’abord, comme biographe ensuite, faisant découvrir ou redécouvrir, non sans passion, plusieurs artistes wallons de renom.

Après s’être brièvement essayé au Droit, Jacques Parisse s’oriente vers les Romanes et décroche sa licence à l’Université de Liège (1956). À peine diplômé, il entame une carrière d’enseignant qu’il mènera pendant 35 ans (novembre 1959-juin 1994). Dans un premier temps, il est professeur de français dans l’enseignement secondaire supérieur. À sa passion première pour la lecture, il ajoute une curiosité toujours plus grande pour les beaux-arts. En 1953, il était entré pour la première fois dans la galerie de l’Association pour le Progrès intellectuel et artistique de la Wallonie et c’est là qu’il va découvrir les artistes invités par Fernand Graindorge et Marcel Florkin. Dans les revues étudiantes auxquelles il avait collaboré, il avait signé quelques papiers sur ces expositions. En janvier 1961, il reçoit, d’André Renard, la chance de tenir une rubrique à la fois dans La Wallonie et dans Combat. Usant d’abord du pseudonyme « Un de Troie » avant de recourir à son patronyme, le successeur de Frenay-Cid restera le chroniqueur artistique (livres et expositions) du quotidien jusqu’en novembre 1986, soit 26 saisons et plusieurs milliers de chroniques. « Victime d’une restructuration économique », il est ensuite accueilli par La Dernière Heure (1987-1993), puis par La Meuse (1993-1998).

Parallèlement, engagé par Robert Stéphane, il devient chroniqueur sur les ondes de la RTB-Liège radio à partir de janvier 1964. Jusqu’en janvier 2000, son intervention dans le décrochage matinal du Centre de production régional de Liège de la RTBf est un moment craint ou attendu, comme le sont ses articles de presse écrite, pour tous les créateurs ou organisateurs d’événements artistiques. Un avis de Jacques Parisse avait valeur de succès ou de Bérézina. Depuis le début des années soixante, encore, Jacques Parisse a ajouté à ses multiples tâches celle du secrétariat de l’APIAW. Officiel bras droit de Graindorge et de Florkin, Parisse était par conséquent en contact permanent avec tous les acteurs culturels. À une grande maîtrise de tous les courants artistiques « anciens », il ajoutait une connaissance de la création et des nouvelles influences qui se nourrissait des milliers de visites qu’il rendait aux peintres, graveurs, photographes, en exposition ou dans leur atelier. Cette expérience lui servira de sésame quand lui sont confiés les cours d’histoire de l’Art dans un établissement liégeois d’enseignement supérieur non universitaire, au milieu des années 1970, second temps de sa carrière d’enseignant.

Auteur d’un monumental ouvrage sur La peinture à Liège au XXe siècle (1975), Jacques Parisse signe plusieurs ouvrages qui font référence. Entouré de quelques amis pour sélectionner plusieurs dizaines d’artistes représentant les courants les plus variés, il s’appuie sur une belle maîtrise de la production artistique récente pour mener cette première investigation ambitieuse, complétée par une série de fortes monographies approfondissant ou réhabilitant des peintres wallons : Zabeau (1977), Jean Donnay (1980), Richard Heintz (1982), Auguste Mambour (1984), Auguste Donnay (1991), Gangolf (1991), Édouard Masson (2000), Ernest Marneffe (2001), Guy Horenbach (2007). Il fait aussi connaître Marcel Caron, Georges Collignon, Frédérick Beunckens, Jacques Charlier ou encore Jacques Lizène.

Après avoir rassemblé un certain nombre de ses chroniques RTB Liège en deux volumes, il publiera, en 2000, des mémoires, les siennes, qui sont bien davantage que celles d’un critique de province. Il rappelle notamment qu’en tant que secrétaire de l’Association pour le Progrès intellectuel et artistique de la Wallonie depuis le début des années 1960, il a apporté une contribution permanente à l’organisation des expositions de cette association ; il mentionne aussi qu’il fut l’éphémère président fondateur de la Maison des Artistes au milieu des années 1980. Auteur d’articles et de préfaces dans des ouvrages de référence, il fut aussi conseiller artistique pour les acquisitions auprès de la Banque nationale de Belgique de 1981 à 2000, président de la commission des arts plastiques de la Communauté française et membre du conseil d’administration de La Chataigneraie.

Sources

Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse
La Wallonie. Le Pays et les hommes (Arts, Lettres, Cultures), t. III, p. 386
Jacques PARISSE, Situation critique. Mémoires d’un critique d’art de province, Liège, Adamm éd., 2000
L’art a la parole : Jacques Parisse, chroniques artistiques à la RTB Liège de 1964 à 1977, Liège, Mardaga, 1978
De bec et de plume, L’art a la parole II, Chroniques des arts plastiques à la RTBf Liège, 1977-1984, Liège, 1985

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Moutschen Joseph

Culture, Architecture

Jupille 18/03/1895, Jupille 22/12/1977

Au milieu du XXe siècle, deux frères, Joseph (l’aîné) et Jean Moutschen marquent de leur empreinte l’architecture de la région liégeoise. L’initiale de leur prénom étant identique, il est parfois malaisé de restituer à l’un ou à l’autre sa contribution, d’autant que certains projets les ont réunis. Néanmoins, Joseph, l’aîné, apparaît comme celui qui impose le plus sa signature et influence, par ses fonctions à l’Académie, la formation des futurs architectes.

Entré très jeune à l’Académie des Beaux-Arts de Liège, Joseph Moutschen dessine en journée pour le compte du bureau de l’architecte Arthur Snyers à partir de 1911 et continue de suivre des cours en soirée ; grâce à une bourse et au soutien de l’Union coopérative (socialiste), il prépare aussi les examens d’entrée au génie civil qu’il compte mener à l’Université de Gand ; après plusieurs mois passés à l’Université de Bonn, il se trouve à Gand quand éclate la Grande Guerre. En raison des circonstances, c’est à Liège qu’il est diplômé avec grande distinction par l’Académie, en juin 1917, avant d’être choisi comme répétiteur, et professeur intérimaire (1917-1919). Il s’implique alors dans les discussions autour d’un projet de réforme complète de l’enseignement de l’architecture, déposé avant 1914, et qui est resté en suspens sous l’occupation allemande : nouveau programme, nouveau contenu, nouveau cursus, cours du jour au lieu de cours du soir… En 1920, la réforme est finalement définie et introduite. C’est dans ce cadre nouveau qu’il entre en fonction comme professeur, après avoir suivi à Paris, grâce à une Bourse, les cours de l’École nationale des Beaux-Arts (1919).

Dès le début des années 1920, Moutschen est attiré par les constructions en hauteur ; les gratte-ciels le fascinent ; lors d’un séjour aux États-Unis, il rencontre Franck Lloyd Wright et Cass Gilbert ; par ailleurs, il soutient fortement le manifeste du groupe l’Équerre, dont son frère, Jean, est l’un des initiateurs. Architecte s’inscrivant dans la veine fonctionnaliste, il compte à son actif plusieurs cités d’habitations (Thier à Liège en 1922, cité des Cortils à Jupille entre 1925 et 1935), de même que des monuments (Wauters à Waremme, celui de Grâce-Berleur) ou des bâtiments emblématiques (le siège du journal La Wallonie, des Maisons du Peuple à Montegnée et Herstal). Émanant du secteur public, plusieurs commandes marquent le paysage de l’est wallon : des écoles communales (par ex. rue Saint-Gilles en 1935, à Wandre, à Romsée en 1959), le pont barrage à Monsin (1930) et, au Val Benoît l’Institut de Mécanique (1932) et l’Institut du génie civil (1937), ce dernier reflétant bien l’application des principes chers à Walter Gropius. La contribution de Joseph Moutschen au Mémorial Albert Ier et à la préparation des Palais pour l’Exposition de l’Eau de 1939 est aussi à souligner, de même que l’aérogare 58 à « Bruxelles national » (1954-1958).

Dès 1922, Joseph Moutschen avait été nommé professeur, en charge des cours d’histoire de l’architecture et de l’urbanisme, des cours de théorie architecturale, ainsi que de géométrie descriptive. Il consacre ainsi une partie de sa carrière à l’enseignement ; Georges Dedoyard sera l’un de ses disciples. Entre 1942 et 1945, quand Jacques Ochs est fait prisonnier par les Allemands, Moutschen assure la direction par intérim de l’Académie de Liège. De 1948 à 1960, il devient le directeur effectif de l’Académie et de l’Institut supérieur d’Architecture de Liège, cessant ses activités de professeur en 1959.

Parallèlement, Moutschen milite dans les rangs du POB. En 1921, il est élu conseiller communal à Jupille et devient échevin des Travaux publics, ainsi que de l’Instruction publique à partir de 1926. Membre de l’Association des Architectes de Liège (1923), membre-correspondant de l’Institut archéologique liégeois (1930), de la Société nationale des Habitations à Bon marché et de la Commission centrale de l’Urbanisme (1938), ce proche de Georges Truffaut dont il conçut les plans de la maison figure parmi les membres du Grand Liège (délégué à la Commission d’urbanisme). Résistant au sein du réseau Bayard (1943-1944), arrêté et fait prisonnier, Moutschen est reconnu comme résistant et prisonnier politique.

Après la Seconde Guerre mondiale, celui qui est appelé à siéger dans de nombreux jurys assume à deux reprises la présidence de la Fédération des Architectes de Belgique (1948-1950, 1958-1960) et est membre effectif du Conseil de l’ordre des Architectes de la province de Liège. De nombreux prix et récompenses saluent la carrière d’un architecte fort pris par son enseignement, mais dont les réalisations reflètent la personnalité et les engagements.

Sources

Coline CAPRASSE, Les Moutschen architectes modernistes liégeois, Université de Liège, 2014, mémoire inédit Histoire de l’Art et archéologie
Sébastien CHARLIER et Thomas MOOR, dans Anne VAN LOO (dir.), Dictionnaire de l’architecture en Belgique, de 1830 à nos jours, Bruxelles, Fonds Mercator, 2003, p. 428-429
La Wallonie. Le Pays et les hommes (Arts, Lettres, Cultures), t. III, p. 370, 372
Émile PARENT, La réorganisation de l’enseignement de l’architecture, dans L’Equerre, décembre 1933, p. 542
Liège : Guide d’architecture moderne et contemporaine 1895-2014, Liège, Mardaga, 2015, notamment p. 244