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Statue Jean-Baptiste BERGER

Entre la rue Albert Ier et la rue du Temple, à La Louvière, s’étirait au début du XXe siècle une rue des Écoles, en référence à l’école primaire du Centre et à l’école moyenne des garçons qui s’y trouvaient. En 1929, elle est débaptisée tout en continuant pourtant à se référer au monde de l’éducation scolaire puisque c’est le nom de Jean-Baptiste Berger (1882-1927) qui lui est donné, en hommage à l’action menée par le « directeur-fondateur des écoles industrielles moyenne et supérieure, directeur d’école moyenne », ainsi que le précise le bas-relief en bronze fixé sur le mur de l’établissement scolaire qui accueille au début du XXIe siècle un enseignement de promotion sociale (format21).
Confiée à Alfred Courtens, le bas-relief qui est un « hommage de reconnaissance » représente Berger en trois quarts profil dans la partie centrale, énonçant dans la partie supérieure :


EN SOUVENIR DE
Mr J.B. BERGER
1882-1927


Régent de formation, J-B. Berger avait en effet fait partie de l’équipe qui contribua à fonder l’école des garçons en 1882. Structure scolaire embryonnaire à ses débuts, l’établissement voyait progressivement grossir le rang de ses élèves et de ses professeurs au moment où il prenait ses quartiers définitifs rue Malbecq. En 1894, J-B. Berger succédait au premier directeur, Eugène Dufour ; quatre ans plus tard, il créait l’École industrielle moyenne et, en 1907, en raison du succès de l’enseignement prodigué à des élèves toujours plus nombreux, Berger fondait une école industrielle supérieure qui offrait une formation de techniciens qualifiés, destinés à être immédiatement employés par une industrie en plein développement. En raison de son rôle fondateur, J-B. Berger assura la direction des deux écoles, dès 1898 pour l’École industrielle, à partir de 1907 pour l’École industrielle supérieure.
 

Statue Jean-Baptiste Berger (La Louvière)

En choisissant de confier la réalisation du bas-relief au sculpteur bruxellois Alfred Courtens (1889-1967), les autorités locales optaient pour un jeune artiste qui disposait déjà d’un nom dans le métier. Ayant grandi dans une famille de peintres, sculpteurs et architecte, le fils de Franz Courtens avait par ailleurs bénéficié également des conseils de Charles Van der Stappen à l’Académie des Beaux-Arts de Bruxelles, avant de suivre les cours de Thomas Vinçotte à l’Institut supérieur national des Beaux-Arts à Anvers. Prix Godecharle 1913 (grâce à un Caprice exceptionnel, Le Caprice est le nom de l’œuvre audacieuse qu’il vient de réaliser), le jeune artiste ne cache pas qu’il cherche à sortir des sentiers battus ; mais, après la Grande Guerre, il répond essentiellement à des commandes officielles, tout en accordant beaucoup d’attention à la famille royale de Belgique (notamment le monument reine Élisabeth à Eisden, Léopold II à Ostende, reine Astrid à Courtrai, Léopold III à Courtrai, etc.).

Après l’Armistice, la production de Courtens va correspondre à la volonté des autorités nationales d’honorer les victimes de la Grande Guerre et de réaffirmer le projet politique de 1830. Ses monuments sont essentiellement implantés en Flandre et à Bruxelles, mais pas seulement : il signe en effet le monument de La Louvière, de Virton et de Sombreffe pour les victimes de 14-18 et, en 1949, il sera le lauréat du concours visant à ériger La borne de la Libération à Hértain, première localité libérée par les troupes britanniques en 1944. Des bustes lui sont aussi commandés par des diplomates, des hommes politiques (Gutt, Pholien, etc.), des industriels ou en leur honneur, comme c’est le cas à Court-Saint-Étienne avec le buste Henricot. De 1927 à 1951, il enseigne aussi le modelage et la sculpture à l’Académie de Dendermonde (la ville dont sa famille est originaire). « Illustrateur du sentiment patriotique belge », médailleur et statuaire de la Cour, Courtens est absorbé par la statuaire publique et le bas-relief qu’il signe à La Louvière en hommage à Berger reste une œuvre soignée et de qualité, tout en étant classique.


Marcel HUWÉ, Fidèle MENGAL, Fernand LIENAUX, Histoire et petite histoire de La Louvière, 1959, p. 573
Axelle DE SCHAETZEN, Alfred Courtens, sculpteur, catalogue de l’exposition du Musée des Beaux-Arts d’Ixelles, juin-septembre 2012, Bruxelles, Racine, 2012
Judith OGONOVSZKY-STEFFENS, Alfred Courtens, dans Nouvelle biographie nationale, vol. 6, p. 87-91
Judith OGONOVSZKY-STEFFENS, Les Courtens. Deux générations d’artistes, Mouscron, 1999
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 262

rue Jean-Baptiste Berger (anciennement rue des Écoles), place Maugrétout
7100 La Louvière

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Statue Charlemagne

Statue équestre de Charlemagne, réalisée par Louis Jehotte, 26 juillet 1868.

Jeune État né d’une révolution, la Belgique de 1830 n’obtient d’assurances sur sa pérennité qu’à la suite de la signature du Traité des XXIV articles, à Londres, en 1839. Déjà quelques « peintres d’histoire » ont commencé à s’inspirer d’événements du passé « belge » et les parlementaires ont décidé « d’honorer la mémoire des grands hommes belges » en encourageant toute initiative pour que fleurissent des statues dans l’espace public. =

À la suite du ministre de l’Intérieur, Jean-Baptiste Nothomb, des commandes sont passées auprès de sculpteurs pour décorer le péristyle du grand vestibule du Parlement (1845). D’emblée s’imposent comme « héros nationaux » Pépin de Herstal, Thierry d’Alsace, Baudouin de Constantinople, Jean Ier de Brabant, Philippe le Bon et Charles Quint. 

Tandis que l’hôtel de ville de Bruxelles se couvre de près de 300 statues (entre 1844 et 1902), la façade du nouveau Palais provincial de Liège en accueille une quarantaine (entre 1877 et 1884). Une impulsion avait été donnée, le mouvement allait suivre, abandonnant les façades pour occuper les places publiques. 

Chef de Cabinet, en charge de l’Intérieur (1847-1852), Charles Rogier invite chaque province à élever un monument digne des gloires nationales dans son chef-lieu. Soutenu par son successeur, Joseph Piercot, le projet se concrétise lorsque Rogier redevient ministre, entre 1858 et 1868. Aux quatre coins du pays, les édiles municipaux se mobilisent bon gré mal gré (en raison des coûts) dans un projet qui se veut collectif, mais qui révèle à la fois des particularismes locaux et des interrogations sur la définition de « belge ».

À Liège, le sculpteur Louis Jehotte (1804-1884) a offert ses services, dès 1855, pour élever sur la place Saint-Lambert une statue équestre de Charlemagne, en bronze, personnage étonnement absent de la sélection de J-B. Nothomb. Arrière-petit-fils de Pépin de Herstal, petit-fils de Charles Martel et fils de Pépin le Bref, Charles le Grand semble présenter quelques liens avec l’Ardenne et le pays mosan, avant qu’il ne soit couronné empereur, à Rome, le 25 décembre 800, par le pape Léon III. Si Charlemagne (742-814) établit sa capitale à Aix-la-Chapelle, on s’interroge encore au XIXe siècle sur le lieu de sa naissance. L’Académie a mis la question en concours, mais aucune réponse ne lui est parvenue. Herstal paraît cependant un meilleur choix que Liège, car jusqu’en 784, Charlemagne y disposait d’un palais où, disait-on, il aimait résider… De surcroît, dans certains quartiers de la localité son souvenir continue d’être vénéré, tant lors d’une fête annuelle que dans une église. Mais, au milieu du XIXe siècle, la question du lieu de naissance de Charlemagne n’est pas réglée : Belgique, France, Allemagne ? L’initiative de Jehotte relance la polémique et pousse l’Académie royale à mettre la question en concours, sans recevoir de réponse.

Embarrassée par l’offre de Jehotte, la ville de Liège choisit néanmoins, en 1862, d’installer le futur monument à proximité de l’ancien chœur occidental de la cathédrale Saint-Lambert démolie. Personne ne conteste le statut de cette « gloire nationale », mais le Conseil provincial remet en question la pertinence de l’emplacement, si bien qu’en 1863, les autorités locales optent pour le boulevard d’Avroy, dans cette partie de la ville où d’importants travaux ont transformé les anciens bras de la Meuse en avenues. Contestant cette décision en justice, le sculpteur perd son procès, mais obtient satisfaction quand il réclame que l’empereur soit orienté face au sud. Dans la mesure où le gouvernement intervient financièrement, plus rien ne s’oppose à la réalisation de la fameuse statue équestre. C’est finalement le 26 juillet 1868 que l’on procède à son inauguration devant une foule importante, mais en l’absence des hautes autorités, hormis le gouverneur de la province de Liège qui préside.

Formé à l’Académie de Liège, Louis Jehotte a bénéficié d’une bourse de la Fondation Darchis dans sa jeunesse, et a fait le voyage en Italie (Florence et Rome). Ami d’Eugène Simonis, il est comme lui élève de Mathieu Kessels à Rome (en 1823), avant de séjourner à Paris (1830) et à Copenhague où il fréquente l’atelier de Thorwaldsen (1831). Nommé professeur de sculpture à l’Académie des Beaux-Arts de Bruxelles en 1835, il y enseigne seul cette matière pendant 27 ans (1835-1863), influençant considérablement plusieurs générations d’artistes (Mélot, Bouré, Fiers, Meunier, Desenfans, etc.). Préférant sculpter des sujets religieux, Jehotte se fait rare en monuments publics. Pourtant, c’est lui-même qui avance, en 1855, l’idée de Charlemagne, personnage auquel il consacre, avec son ami André Van Hasselt, une importante biographie résultant de vingt ans de recherches. Tenant particulièrement à ce monument, Jehotte a acquis un terrain à Bruxelles (rue de Pachéco) et c’est là qu’il exécute lui-même la fonte de cette œuvre colossale, pesant dix tonnes.
Le cheval et son cavalier sont en bronze. Le socle est en pierre. On peut lire l’inscription :

« CAROLUS MAGNUS
MAGNUS BELLO
MAJOR PACE »

De style roman, le piédestal est aussi orné de statues représentant les ancêtres de l’empereur, à savoir (sainte) Begge, Pépin de Herstal, Charles Martel, Bertrade, Pépin de Landen et Pépin le Bref.
En 1888, des vandales abîment trois des statues du piédestal et un nouveau procès oppose la ville et le sculpteur qui meurt sans que l’affaire soit réglée. À la veille de la Grande Guerre, la partie inférieure du socle est remplacée. Au début du XXIe siècle, il a été procédé à une rénovation totale du monument qui a retrouvé des couleurs et un large espace de dégagement.

Sources:

Statue équestre de Charlemagne

Jacques VAN LENNEP, La sculpture belge au 19e siècle, t. 1. La Sculpture belge, Bruxelles, CGER, 1990, p. 71
Jacques VAN LENNEP, La sculpture belge au 19e siècle, catalogue, t. 2, Artistes et Œuvres, Bruxelles, CGER, 1990, p. 460-461
Pier

re COLMAN, Le site de la statue équestre de Charlemagne, dans Chroniques d’archéologie et d’histoire du pays de Liège, Liège, Institut archéologique liégeois, juillet-décembre 2004, n°7-8, tome II, p. 76-77
Alain DIERKENS, La statuaire publique, dans L’architecture, la sculpture et l’art des jardins à Bruxelles et en Wallonie, Bruxelles, La Renaissance du Livre, 1995, p. 246-250
Liège, Patrimoine architectural et territoires de Wallonie, Liège (Mardaga), 2004, p. 154
Charles BURY, Les Statues liégeoises, dans Si Liège m’était conté, n°35, printemps 1970, p. 9-10
Pierre COLMAN, Le sculpteur Louis Jehotte, alias Jehotte (1803-1884) académicien comblé...d’avanies, Liège, 2010
http://www.sculpturepublique.be/4000/Jehotte-Charlemagne.htm 
Jean WUILBAUT, Mons 1853-1868. Controverses autour de la statue de Baudouin de Constantinople, dans Annales du Cercle archéologique de Mons, Mons, 1988, t. 73, p. 1-45
Alain COLIGNON et Baudouin VAN DEN ABEELE, Mémoires de Wallonie, Les rues de Louvain-la-Neuve racontent…, Luc COURTOIS (dir.), Louvain-la-Neuve, Fondation Humblet, 2011, p. 105-107
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 764
Alexia CREUSEN, dans Musée en plein air du Sart Tilman, Art&Fact asbl, Parcours d’art public. Ville de Liège, Liège, échevinat de l’Environnement et Musée en plein air du Sart Tilman, 1996

 


 

Boulevard d’Avroy
4000 Liège

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Paul Delforge

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Monument Mathieu BODSON

Situé à l’intersection de la rue Jean Hermesse, de la rue du Diable et de la place Mathieu Bodson, à Jupille, près de Liège, un monument rappelle qu’un résistant de la Grande Guerre a été fusillé à Bruxelles en 1916 pour espionnage. Ouvrier plombier quand éclate la Grande Guerre, Mathieu Bodson vient tout juste de fêter ses vingt et un ans. Il s’est porté volontaire dès août 1914, mais il a été réformé par l’armée belge. L’armée britannique lui trouve pourtant suffisamment de qualités pour recourir à ses services dans le contre-espionnage. Il est actif pendant plusieurs mois, avant d’être dénoncé. Arrêté et condamné à mort, Mathieu Bodson est exécuté à Bruxelles en septembre 1916 : les chefs d’accusation retenus contre lui portent sur le fait d’avoir favorisé le passage de fugitifs aux Pays-Bas, sur la fabrication de faux-passeports et une aide aux soldats belges.

À l’initiative de l’administration communale de Jupille, la place de Fléron est rebaptisée place Mathieu Bodson dès les années 1920, mais une association souhaite rendre un hommage plus appuyé au « héros local » en érigeant un monument. Se positionnant sans doute comme les descendants lointains de la famille des pépinides, « Lès R’djètons dès Pépins » obtiennent le soutien des autorités communales et des anciens combattants de 14-18 pour élever un monument que la végétation a progressivement encerclé. Précédé d’un bac d’eau alimenté par le réseau, le monument en béton comprend sur sa partie supérieure un portrait de profil du résistant, placé entre deux colonnes et surmonté d’un mince chapiteau. Outre le nom des contributeurs, le monument mentionne :

« Mathieu Bodson
Fusillé à Bruxelles
Pour espionnage
16 septembre 1916 ».

Liège, Patrimoine architectural et territoires de Wallonie, Liège (Mardaga), 2004, p. 72
Lettre du Patrimoine, avril 2013
http://www.bel-memorial.org/cities/liege/jupille-sur-meuse/jupille-sur-meuse_mon_mathieu_bodson.htm (sv 31 janvier 2014)

place Mathieu Bodson
4020 Liège-Jupille

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Mémorial André COOLS

Mémorial André Cools, réalisé par Michel Smolders, 19 septembre 1993.


Assassiné en juillet 1991, André Cools a fait l’objet d’une multitude de marques de sympathie. Une fois l’émotion passée et alors que la Justice menait son enquête, les autorités communales de Flémalle prenait l’initiative, dès juillet 1992, d’apposer une plaque commémorative dans le porche d’entrée de la Maison communale. Il s’agit d’un premier pas car le conseil communal décide de consacrer un mémorial à son ancien membre (il a siégé au Conseil de 1952 à 1991) et surtout bourgmestre.


De 1965 à 1991, en effet, André Cools a été à la tête de l’entité flémalloise. Parallèlement, député élu en 1958 dans l’arrondissement de Liège, il allait accomplir une carrière nationale et régionale. Militant du Mouvement populaire wallon et sympathisant affirmé du programme d’André Renard en faveur du fédéralisme et des réformes de structures, André Cools devient Ministre en 1968 et les circonstances le propulse en tant que vice-premier dans le gouvernement Eyskens qui introduit plusieurs modifications fondamentales dans la Constitution, dont la reconnaissance du principe des Régions et des Communautés. Président du Parti socialiste (1974-1981), André Cools est le leader de la majorité wallonne qui négocie la mise en place de l’article 107 quater et crée les institutions wallonnes en août 1980. Membre (1980-1990) et président du Parlement wallon de 1981 à 1985, il achève sa carrière politique comme ministre wallon (1988-1990), tout en restant actif dans les projets de redynamisation économique du bassin de Liège. C’est l’ensemble de ce parcours que le mémorial va tenter d’illustrer, mais aussi le profond engagement socialiste, wallon, franc-maçon du « maître de Flémalle.


Ne rencontrant pas l’approbation de la famille, un premier projet est abandonné avant que celui de Michel Smolders soit finalement réalisé, non sans soulever diverses réticences. Finalement, en septembre 1993, c’est une pyramide de trois mètres de haut, à trois faces, en pierre bleue du pays, qui est inaugurée dans les jardins, à l’arrière de l’hôtel de ville de Flémalle. L’espace a été réaménagé pour l’occasion. Les trois faces de la pyramide présentent la particularité d’être différentes l’une de l’autre : la face avant est lisse et polie, tandis que les deux autres sont burinées. Écartant l’idée d’un médaillon en bronze, c’est finalement un portrait en bas-relief qui a été retenu, présentant André Cools sur son profil droit : ce bronze est serti sur le pan lisse de la pyramide. Celle-ci s’inscrit au centre d’un large cercle dont le contour est cintré en pierre bleue, avec diverses phrases inscrites. Des petits pavés de rue complètent la surface arrondie.


Face au portrait d’André Cools qui donne l’impression de continuer à veiller sur « son » hôtel de ville, l’inscription principale au sol mentionne

« André Cools
1927-1991.
Bourgmestre de Flémalle
homme d’État
militant socialiste et wallon
assassiné le 18 juillet 1991 ».


De part et d’autre, des formules et saillies dont Cools était coutumier rappellent divers moments de sa carrière. En partant de droite à gauche, à partir de la face principale de la pyramide, on peut lire au sol :

« Un homme de parole. André Cools fait ce qu’il dit ».
« Le parti ne me doit rien. Je lui dois tout ».
« Il ne faut jamais rougir de ses origines. Ce n’est pas la fonction qui fait l’homme, mais la manière dont il la remplit ».
« Être heureux, et surtout veiller à ne pas être seul à être heureux ».
« Guéris-toi des individus ».
« Il est temps que les hommes prennent conscience du passé pour mieux préparer l’avenir ».
« La régionalisation, c’est de la responsabilité, encore de la responsabilité, toujours de la responsabilité ».
« Ci qui abîme si narenne, abîme si visedge ».


L’ensemble a été réalisé par le sculpteur bruxellois Michel Smolders (1929-) qui a travaillé une pierre bleue venant des carrières Jullien. Formé à Saint-Luc puis à La Cambre, M. Smolders a voyagé et travaillé tour à tour au Congo-Kinshasa, en Italie (Carrare) et au Mexique. Sculptant sur pierre comme sur bois, il expose dans peu de galeries, mais ses œuvres sont visibles dans plusieurs églises de Bruxelles, ainsi qu’à Huy et à Boussu. Il est aussi présent au Musée en plein air du Sart Tilman (avec un Grand gisant, 1982), à HEC (Carnaval et Le Chemin, 2013), ainsi qu’à l’Université catholique de Louvain (Le Byzantin). En 1984, il a créé les Symposiums de sculpture à Les Avins-en-Condroz qu’il anime. Il est aussi peintre, dessinateur et graveur.



Sources


Paul DELFORGE, Encyclopédie du Mouvement wallon, Namur, Institut Destrée, 2010, t. IV, p. 119-123
Alain COLIGNON, Nouvelle Biographie nationale, t. IX, p. 86-96
Arnaud COLLETTE et Philippe HALLEUX, André Cools. Rebelle d'État, Ottignies (Quorum), 1996 
De l'Échec du Pacte d'Egmont en 1977 à la Régionalisation en 1980. Le rôle d'André Cools, Colloque du 4 décembre 1993, Institut André Cools, 1994
Christiane LEPÈRE, André Cools, de la contestation à la gestion progressiste, Bruxelles, 1972 
Emmanuel MAURAGE, La longue marche vers la régionalisation. Les carnets politiques d'André Cools (1973-1979), Ottignies (Quorum), 1997
http://www.smolderscarabee.be/mich_bio.php (sv. février 2014)

 

Jardins de la Maison communale

Grand Route 297

4400 Flémalle

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Statue saint ARNOULD

Statue de saint Arnould, réalisée par Victor Demanet, sur le pont de Liège 25 juin 1939 puis au bout du quai de la Tannerie après la Libération de 1945.

Sculpteur des rois et des reines, des soldats et des résistants, des personnages historiques lointains comme de personnalités contemporaines, Victor Demanet a fait de l’espace public, notamment de Wallonie, sa galerie d’exposition. Remarqué au Salon des Artistes français de Paris, en 1923, pour son buste de Bonaparte à Arcole, Victor Demanet s’est rapidement imposé comme un portraitiste de talent auquel sont confiées de nombreuses commandes publiques. Il a déjà participé à plusieurs expositions internationales et reçu d’importants prix et distinctions lorsque lui est confiée la réalisation de deux statues, l’une de saint Arnould et l’autre de Godefroid de Bouillon, destinées à la ville de Bouillon. 

Dans la deuxième moitié des années 1930, la cité achève en effet d’importants travaux de voirie : dédoublement de la rue de la Maladrerie et création d’un nouveau quai qui dégage de nouvelles perspectives (circa 1937). S’inspirant du Pont Saint-Ange à Rome, les autorités locales ont par conséquent décidé de garnir les deux accès du pont de Liège des statues en question. Chargé de cette importante commande publique, Victor Demanet doit inscrire les deux statues sur un socle imposant (2,5 m de haut, sur 0,9 m de large) où viendront s’inscrire des bas-reliefs en bronze à motifs héraldiques.

Dès 1938, les statues d’Arnould et de Godefroid sont achevées par le sculpteur et peuvent être installées aux accès du Pont de Liège. La cérémonie d’inauguration, le 25 juin 1939, se déroule en grandes pompes. La duchesse de Vendôme (la sœur de feu le roi Albert Ier) a fait le déplacement. Mais quelques mois plus tard, lors de l’invasion allemande de mai 1940, aucune chance n’est laissée au Pont de Liège. Miraculeusement, le bombardement épargne les deux statues. À la Libération, il n’est plus question de les réinstaller sur le pont reconstruit. Elles sont séparées et le Godefroid de Bouillon escalade le contrefort pour trouver place à quelques mètres de l’entrée du château, tandis que le saint Arnould est relégué en bord de Semois, au bout du quai de la Tannerie. On l’aperçoit tant bien que mal depuis l’autre rive, en scrutant bien depuis le boulevard Vauban. Saint Arnould aura moins de visibilité que son homologue Godefroid.

Moins célèbre en dehors de Bouillon que l’homme des croisades, Arnould (ou Arnoul) n’en est pas moins considéré comme le premier dans la généalogie des ducs de Bouillon, descendant des comtes d’Ardenne. Né vers 582 à Lay-Saint-Christophe, près de Nancy, Arnoul serait le fils de Bodogisel et de Chrodoara (celle qui deviendra l’abbesse d’Amay). Ayant grandi au sein d’une noble famille franque, il est considéré comme le fondateur de la dynastie des Arnulfiens, famille alliée aux Pépinides. Aussi appelé Arnoul de Metz, il a gouverné l’Austrasie avec Pépin de Landen à l’époque des Mérovingiens (en l’occurrence Thibert II, la régente Brunehilde, puis Clotaire II). Fils d’Arnoul, Ansegisel épouse d’ailleurs Begge, la fille de Pépin, contribuant ainsi au développement de la dynastie carolingienne. Mais lassé par la vie de cour, Arnoul accepte d’être désigné évêque de Metz, alliant alors fonctions administratives et religieuses (613-628) ; il est à ce moment aussi précepteur du jeune Dagobert Ier. Mais il aspire à consacrer exclusivement sa vie à Dieu ; il renonce définitivement aux affaires de la cité et vit désormais en ermite solitaire jusqu’à son décès en 640. Godefroid en serait un lointain descendant. Décédé un 18 juillet de l’année 640 ou 641, Arnoul est fêté localement à cette date. Patron des brasseurs, il n’est pas le saint patron de Bouillon car c’est saint Eloi qui a ce titre.

 

Statue de saint Arnould (Bouillon)

Ayant grandi au confluent de la Sambre et de la Meuse où ses parents tiennent un commerce d’antiquités au cœur de la ville, Victor Demanet (Givet 1895 – Namur 1964) était appelé à leur succéder si ses études à l’Académie des Beaux-Arts (1916-1919), ne lui avaient pas donné le goût de la pratique de la sculpture. Élève de Désiré Hubin, Demanet eut la révélation en voyant des œuvres de Constantin Meunier et surtout celles traitant de la thématique sociale et ouvrière développée par le peintre/sculpteur bruxellois. Lors d’un séjour à Paris, les œuvres de Rude, Carpeaux et Rodin avaient fini de convaincre Demanet que sa voie était dans la sculpture. Comme d’autres artistes de son temps, il va réaliser plusieurs monuments aux victimes des deux guerres ; auteur de plusieurs dizaines de médailles, il poursuit aussi une œuvre plus personnelle à l’inspiration comparable à celle de Constantin Meunier, avec de nombreux représentants du monde du travail.

 

 


Les sculptures en pierre de Victor Demanet à Bouillon, Les jalons d’une ville n°3, dans http://bouillon.communesplone.be/shared/revue-communale/2008.09.pdf
http://www.sculpturepublique.be/6830/Demanet-GodefroidDeBouillon.htm
http://www.osotatarl.com/monument_chapuis.86.html#Ch%C3%A2teau%20Bouillon%2001 (s.v. novembre 2013)
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 397
Jacques TOUSSAINT, Les médailles du sculpteur-médailleur Victor Demanet (1895-1964), dans Revue belge de numismatique et de sigillographie, Bruxelles, 1984, n°130, p. 141-204 + planches
Jacques TOUSSAINT, Victor Demanet dans Arts plastiques dans la province de Namur 1800-1945, Bruxelles, Crédit communal, 1993, p. 147
M-J-F. OZERAY, Histoire des pays, château et ville de Bouillon, depuis l’origine du Duché jusqu’à la révolution de 1789…, Luxembourg, 1827, p. 313
Le Guetteur wallon, 1961, n°3, p. 65

sur le pont de Liège puis au bout du quai de la Tannerie après la Libération de 1945
6830 Bouillon

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Buste BRANCART Arthur

À Fauquez, un buste rend hommage à l’industriel Arthur Brancart (1870-1934), dont les activités et l’inventivité ont apporté de la prospérité à la région durant plus d’un demi-siècle. Graveur sur verre réputé aux usines de Saint-Ghislain dans les années 1880, Arthur Brancart est envoyé aux Gobeleteries et Cristalleries de l’Escaut à Anvers (1890), société qu’il va diriger, avant de restructurer une verrerie en Pologne pour le compte de la Société Générale de Belgique (1900). En 1902, il reprend la direction d’une toute jeune société installée à Fauquez, avant de créer sa propre société. En 1907, il est à la tête de la Société anonyme des Verreries de Fauquez qui, en plus de la gobeleterie, développe une activité de céramique et de verres spéciaux. Après la Grande Guerre, il invente et exploite la marbrite qui connaît un succès fulgurant, tant ce matériau a la faveur des réalisations Art Déco. Lorsqu’il disparaît en 1934, le « patron » est à la tête d’une société prospère, employant plusieurs centaines d’ouvriers, dont la plupart bénéficie d’un encadrement social (cité ouvrière, caisse de secours, établissement scolaire, etc.).

Industriel-philanthrope, Arthur Brancart est une figure marquante de sa région ; en guise d’hommage, la réalisation d’un buste en pierre noire est confiée au sculpteur Paul Joris (1887-1964) ; et dès 1934, ce buste est érigé sur la place du village de Fauquez. Sur le socle du buste une plaque en marbrite (qui évoque son invention) rend hommage à l’industriel et à son rôle social :

« Fondateur des Usines de Fauquez
Fondateur et Protecteur des Œuvres Sociales de Fauquez ».

À l’origine, le buste semble avoir fait partie d’un ensemble monumental comprenant également une religieuse avec, à ses pieds, un enfant et un ouvrier : ses personnes étaient placées à deux mètres en contre-bas du buste du « patron, dans une évidente posture paternaliste. En face, se trouvait le monument aux verriers morts, combattants ou déportés de la Guerre 14-18. L’ensemble était situé à proximité de la salle des fêtes Bien Travailler - Bien S'Amuser et du dispensaire des ouvriers. Par la suite, le monument a été déplacé ; seul le buste et son socle ont été conservés, sans que l’on sache si Paul Joris, le sculpteur, était l’auteur de l’ensemble de l’œuvre ou seulement du buste de Brancart.

Né à Molenbeek-Saint-Jean en 1887, Paul Joris se fait surtout connaître après la Grande Guerre. Certes, il n’échappe pas aux monuments aux victimes de guerre, mais celui qui s’est installé dans le Hainaut parvient à réaliser des œuvres personnelles particulièrement appréciées dans les années 1920. Travaillant le marbre ou la pierre, il réalise des bustes qui ravissent les particuliers et les décideurs publics. En 1927, il remporte d’ailleurs le Prix de sculpture du Hainaut. Il semble aussi travailler la céramique et la terre cuite. Il est décédé à Mons en 1964.

 

Jean-Jacques HEIRWEGH, Patrons pour l’éternité, dans Serge JAUMAIN et Kenneth BERTRAMS (dir.), Patrons, gens d'affaires et banquiers. Hommages à Ginette Kurgan-van Hentenryk, Bruxelles, Le Livre Timperman, 2004, p. 434 et 441
Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse

rue Arthur Brancart
1460 Fauquez

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Paul Delforge

Paul Delforge-Diffusion Institut Destrée-Sofam

Médaillon Jules BERLEUR

Au milieu du parc de l’avenue Delchambre, à Huy, l’imposant banc dédié à Eugène Godin n’échappe pas au regard ; réalisé par Guillaume Geefs et inauguré en 1872 du vivant de l’industriel hutois, ce monument est destiné à accueillir les membres des associations de musique que patronne Eugène Godin. Dans la cité mosane, la vie musicale est fort intense au milieu du XIXe siècle. Le 12 juin 1853 avait été créée la Société d’Amateurs, à l’initiative de Godefroid Camauër, artiste né à Tilburg en 1821, formé à Liège auprès de Daussoigne-Méhul, et installé à Huy à partir de 1840 quand il est nommé maître de chapelle à l’église collégiale de la cité. Avec le soutien d’Eugène Godin, Camauër multiplie les activités musicales, inscrivant Huy au palmarès de plusieurs concours européens de chant puis d’harmonie. À Camauër succédèrent Eugène Hutoy (1876-1880) puis Jules Berleur.

Après des études musicales au Conservatoire de Bruxelles, où il obtient le 1er prix de composition, Jules Berleur (Huy 1838-15/08/1883) s’était révélé un pianiste, un compositeur et un professeur de musique talentueux et apprécié. Auteur d’opérettes, d’odes et de chansons souvent populaires dont la bibliothèque du Conservatoire de Liège conserve moins d’une dizaine de partitions, Jules Berleur avait pris l’habitude de composer la musique et de laisser à d’autres le soin d’écrire les paroles. L’opérette Les enfants du proscrit, et les chants Avant l’assaut et Pensée de nuit semblent les plus connus. Berleur s’intéressait aussi fortement à l’organisation des concours de sociétés chorales dans la deuxième moitié du XIXe siècle. Plusieurs sociétés ont d’ailleurs fait appel à lui pour les diriger : l’Union chorale de Pâturages, le Cercle Rossini d’Ixelles, la Chorale de Bruxelles, la Lyrique d’Andenne. L’ensemble de ses compositions sont rassemblées dans un ouvrage publié vers 1880 et intitulé Œuvres chorales de Jules Berleur.En 1880, il prend la succession d’Eugène Hutoy à la tête de la Société des Amateurs, mais la maladie a raison de ses initiatives ; en trois ans, il avait redynamisé la société et créé le Cercle choral des Dames. Joseph Duysburgh lui succèdera.

Médaillon Jules Berleur (Huy)

Dès mars 1884 se constitue un comité pour élever un monument à la mémoire de Jules Berleur ; Eugène Godin préside ce groupement qui lance une large souscription. C’est dans le cimetière de Huy-la Buissière que s’élève l’impressionnant monument funéraire, réalisé à la mesure du personnage. Achevé en octobre 1884, il fait l’objet d’un important rassemblement de la famille et de très nombreux amis. En raison du mauvais temps, la cérémonie se déroule au Théâtre, plutôt qu’au cimetière. Plusieurs dizaines de personnes y écoutent les discours et l’interprétation d’œuvres de Berleur, avant qu’Eugène Godin ne les convie à un banquet. Sur la colonne du cimetière figure un médaillon dont la copie conforme est apposée au flanc de la colonne qui soutient le buste de l’industriel Godin, sur la gauche du fameux banc du parc de l’avenue Delchambre. Inauguré en 1872 ce banc était une initiative de l’association musicale « la Société d’Amateurs de Huy ». Il est vraisemblable que le « médaillon Berleur » de la « colonne Godin » devait être inauguré le même jour que le rassemblement au cimetière de la Buissière, en octobre 1884. Sous le médaillon de la « colonne Godin », gravée dans la pierre, la mention rend hommage


A
JULES
BERLEUR
COMPOSITEUR ET


DIRECTEUR
1838-1883


Cependant, aucune signature n’apparaît, ni au cimetière ni au parc de l’avenue Delchambre, ni sur la pierre, ni sur le bronze. Si les archives nous renseignent sur l’architecte (Ferdinand Heine) et sur le tailleur de pierre (Constant Paquot) du monument funéraire, elles restent muettes quant au sculpteur du médaillon.


Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse, dont La Meuse, 6 mars 1884, 28 octobre 1884, 14 et 17 août 1903
Eugène DE SEYN, Dictionnaire biographique des sciences, des lettres et des arts en Belgique, Bruxelles, 1935, t. I, p. 49
http://www.zedfolio.com/pmb2/opac_css/index.php?lvl=author_see&id=7547 (s.v. mars 2015)
Jean Jacques ANDRIES, Précis de l’histoire de la musique, depuis les temps les plus reculés, suivi de notices sur un grand nombre d’écrivains didactiques et théoriciens de l’art musical, …
Souvenir d’un vieux disciple, dans Bulletin de la Société liégeoise de Musicologie, janvier 1993, n°80, p. 26-28
L’art universel, Bruxelles, 15 février 1873, p. 40

parc de l’Avenue Delchambre
4500 Huy

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Paul Delforge

Paul Delforge

Statue Charles-Quint

Statue de Charles-Quint, réalisée par Frantz Vermeylen, septembre 1911.

Face à la gare de Binche, de style néo-gothique, construite entre 1905 et 1910, s’étend une imposante esplanade, appelée place Eugène Derbaix, au centre de laquelle a été inaugurée en 1931 une statue de l’Indépendance ; autour de ce monument central s’étendent quatre pelouses séparées par des chemins : la moitié supérieure, côté gare, est ceinturée par une balustrade en pierre bleue, sculptée, de style néo-gothique d’où émergent 8 colonnes de pierre, elles-mêmes surmontées d’une statue en bronze.

Destiné à mettre la gare davantage en évidence tout en atténuant harmonieusement le dénivelé du terrain, le square a été aménagé en respectant les indications très précises de la Commission royale des Monuments qui délégua sur place, à plusieurs reprises, ses représentants pour veiller à la bonne exécution des travaux (adjugés à 60.000 francs de l’époque). Soutenu par les autorités locales, et en particulier par le bourgmestre Eugène Derbaix, le projet de square s’inspire de celui du Petit Sablon, à Bruxelles, avec ses colonnettes gothiques et ses statuettes évoquant « l’histoire nationale ». Il est inauguré en septembre 1911.

Œuvres des sculpteurs Vermeylen et Valériola, désignés en mai 1911, les 8 statues représentent « des personnages illustres qui ont joué dans l’histoire locale un rôle important et dont le souvenir mérite de vivre dans la mémoire des Binchois » (Derbaix). Quatre sont dues au ciseau d’Edmond de Valériola : Baudouin le Bâtisseur, Gilles Binchois (statue disparue en 2014), Yolande de Gueldre et Marie de Hongrie (statue volée en 1993) ; toutes ces statues sont à gauche quand on fait face à la gare. Les quatre autres ont été réalisées par Frantz Vermeylen (1857-1922) : Guillaume de Bavière, Marguerite d’York, Arnould de Binche et le Charles-Quint qui nous occupe ici.

Natif de Louvain, où son père (Jan Frans) exerçait déjà le métier, Fr. Vermeylen a appris la sculpture dans l’atelier familial, avant de suivre les cours de l’Académie des Beaux-Arts de Louvain (1869-1878) où son père enseigne, et de se perfectionner à Paris (chez A-A. Dumont). Ayant certainement travaillé sur les chantiers de décoration de l’hôtel de ville de Louvain, de la gare d’Amsterdam et au Rijksmuseum dans les années 1880, il devient l’expert attitré des autorités louvanistes, avant de répondre aussi à des commandes de décoration pour la ville d’Audenarde, l’abbaye Saint-Gertrude, la Volksbank, etc. Spécialisé dans les intérieurs d’église (par ex. Saint-Martin à Sambreville), il reste un artiste demandé tant pour ses médailles que pour ses bustes et ses statues, comme celle du gouverneur Orban de Givry à Arlon (1903), que pour les quatre statues qu’il réalise pour Binche.

Son Charles Quint (1500-1558) est aisément reconnaissable. Sur la longue balustrade, en faisant face à la gare, c’est la deuxième statue en commençant par la droite. Fils de Jeanne et de Philippe Ier de Castille, duc de Bourgogne sous le nom de Charles II (1515) avant de devenir roi des Espagnes sous le nom de Charles Ier, souverain de Naples et de Sicile, celui qui était né à Gand en 1500 se fera un nom comme empereur du Saint-Empire romain germanique, Charles Quint exerçant cette dignité élective de 1519 à 1558. Assurément, il marque l’histoire de l’Europe occidentale, comme celle des provinces flamandes et brabançonnes réunies par les anciens ducs de Bourgogne : Gand, Anvers et Bruxelles prospèrent comme jamais. Qu’en est-il de Binche ? Au tournant des XIXe et XXe siècles, on considère que le règne de Charles Quint assure à la cité une période de grande prospérité et qu’il est « un bienfaiteur insigne de la cité », qu’il a « comblée de faveurs ». C’est l’époque où Marie de Hongrie, la sœur de l’empereur, vient y résider : elle a reçu de Charles la ville de Binche et sa seigneurie avec le privilège d’y tenir cour royale (c. 1542). La régente des Pays-Bas y fait construire un palais Renaissance où, en 1549, elle reçoit son frère (Charles Quint) et son fils (Philippe II) lors des « triomphes de Binche ». C’est aussi l’époque de la construction du premier château de Mariemont. Certes, ce faste sera éphémère, les armées françaises détruisant tout sur leur passage en 1554 ; mais le moment a marqué l’histoire de Binche et les esprits ; cela explique, en partie, le choix de Charles Quint comme personnalité majeure représentée sur le square Derbaix, aux côtés d’ailleurs de Marie de Hongrie. La devise de la ville de Binche (« Plus oultre » que l’on peut comprendre comme : toujours plus loin) est aussi celle de l’empereur, dont le blason a fortement inspiré celui de la cité : il est représenté sur la façade de l’hôtel de ville.

Sources:

Statue de Charles-Quint

Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse
Le Journal de Charleroi, 31 octobre 1910 et 16 mai 1911, Journal de Bruxelles, 3 octobre 1911
Ludo BETTENS, dans Jacques VAN LENNEP (dir.), La sculpture belge au 19e siècle, catalogue, t. 2, Artistes et Œuvres, Bruxelles, CGER, 1990, p. 602-604
Eugène D

ERBAIX, Monuments de la Ville de Binche, Vromant & Cie, 1920, p. 38-39
Étienne PIRET, Binche, son histoire par les monuments, Binche, Libraire de la Reine, 1999
Victor DE MUNTER, Frantz Vermeylen et son œuvre, dans Revue belge de numismatique et de sigillographie, Bruxelles, Société royale de Numismatique, 1925, n°1, p. 57-68
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. II, p. 739

 


 

 


 

Place et square Eugène Derbaix
7130 Binche

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Paul Delforge

Paul Delforge-Diffusion Institut Destrée-Sofam

Stèle Pierre BONAPARTE

En octobre 1990, l’Escadron Sacré prend l’initiative d’ériger et d’inaugurer une stèle au sud de Halma, à Neupont, près de la Lesse, non loin de la ferme de Mohimont, en l’honneur de Pierre Bonaparte.

Passant, souviens-toi !
Ici, de 1838 à 1848, PIERRE BONAPARTE,
neveu de l’Empereur, Prince errant
des forêts d’Ardenne, vint calmer son
humeur farouche.

Inspiré par un texte qu’écrivit Adrien de Prémorel sur le long séjour de Pierre Bonaparte en Ardenne, la formule du mémorial fait surtout référence à la période où le jeune Corse fugueur trouva refuge à quelques kilomètres de la France.

Neveu et cousin de deux empereurs des Français, Pierre Bonaparte n’a pas marqué la grande histoire de son empreinte à l’instar de Napoléon Ier ou de Napoléon III. Fils de Lucien Bonaparte, Pierre Bonaparte naît à Rome en 1815 quelques jours avant l’exil à Saint-Hélène de Napoléon Ier, son oncle. Davantage attiré par l’équitation et par le maniement des armes que par l’enseignement des Jésuites d’Urbino, il est mêlé à diverses intrigues et péripéties (dont la Rivoluzione di Romagna de 1831 et des faits d’armes sévèrement condamnés) qui l’obligent à trouver refuge en différents endroits. Après avoir erré aux États-Unis, en Albanie, voire à Londres, il s’arrête à Mohimont, dans un Luxembourg dont le sort n’a pas encore été définitivement fixé par les traités (1838). Pendant dix ans, sa vie est rythmée par la chasse, l’étude et l’écriture. C’est à cette période de l’existence de Pierre Bonaparte que fait référence le mémorial de Daverdisse.
 

Stèle Pierre Bonaparte (Daverdisse)

Par la suite, Pierre Bonaparte quitte son exil doré pour se joindre aux troubles révolutionnaires qui éclatent à Paris en 1848 et qui amènent Napoléon III au pouvoir. Désigné comme représentant de la Corse à l’Assemblée nationale, Pierre est député de l’extrême gauche, en même temps qu’il est nommé chef de bataillon à la Légion étrangère. Ces deux expériences tournent court ; en 1851, il s’éloigne de son cousin Napoléon III. Après un séjour en Corse (1852-1859), il revient en province de Luxembourg : à Daverdisse encore (1859), mais surtout au château d’Orval (1860-1862), avant de se porter acquéreur du château des Épioux (1862-1870). En 1869, lors d’un séjour à Paris, la plume de Pierre Bonaparte s’éloigne de la poésie pour piquer les adversaires de Napoléon III auquel il accorde à nouveau ses faveurs. La joute scripturale dégénère et Pierre Bonaparte tue un des témoins du journaliste adverse qui le provoquait en duel. L’affaire fait grand bruit et la tombe spectaculaire de Victor Noir – un gisant en bronze – qui, au Père Lachaise, reste un lieu très fréquenté, alimente le mythe de l’un des derniers duels mortels de l’histoire de France. Acquitté après un procès particulièrement suivi par l’opinion publique (1870), Pierre Bonaparte repasse la frontière et finit ses jours à Rochefort (1870-1875), avant de s’installer à Bruxelles (1875-1877) puis à Versailles (1878-1881) où il s’éteint. De ses relations et mariages, Pierre Bonaparte n’eut qu’un fils comme héritier, Roland (1858-1924). Ce dernier est le père de Marie (1882-1962). Celle qui épousa en 1907 le fils du roi de Grèce deviendra, dans l’Entre-deux-Guerres, la propagandiste enthousiaste de l’œuvre de Freund ; considérée ipso facto comme psychanalyste, la princesse de Grèce (et du Danemark) est aussi reconnue comme écrivaine à partir de 1933 quand elle publie une impressionnante biographie sur Edgar Poe.

Loin des péripéties du Musée Bonaparte qui occupa l’Académie luxembourgeoise dans les années 1950, d’autres passionnés de Napoléon finissent par convaincre les autorités locales de baptiser la route reliant Wellin à Daverdisse, la N857, « route Pierre Napoléon Bonaparte » : dans les années 1980, quelques panneaux fleurissent au bord d’une chaussée qui fait 6 kilomètres. En octobre 1990, L’Escadron sacré pose un geste supplémentaire en inaugurant une stèle au bord de la route Bonaparte, non loin de la Lesse, à peu de distance de la ferme de Mohimont. Réalisée par les ouvriers communaux de Wellin, composée de pierres provenant d’un cimetière, la stèle actuelle comprend une plaque émaillée avec le texte évoqué ci-dessus et elle était surmontée, à l’origine, d’un "N" impérial, réalisé par Joseph Poelman. En 2015, suite à des actes de vandalisme, il ne reste plus qu’une grande plaque émaillée et la trace de l’emplacement du "N" impérial. Comme le rapporte Lucien Petit, le mémorial constitua jusqu’en 2002 une halte sur le parcours d’une marche « impériale » organisée par les membres de l’association napoléonienne L’Escadron Sacré. Outre l’interprétation d’hymnes nationaux et le dépôt de fleurs, un discours était prononcé par Miguel Moutoy, président du cercle. Créée en juillet 1988, la « Société d’études napoléoniennes et de prestation en uniforme du premier empire » fut dissoute en décembre 2002.

 
Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse
http://pierrebonaparte.skynetblogs.be/ 
http://www.herodote.net/dossiers/evenement.php?jour=18700112 (s.v. juillet 2015)
La Vie wallonne, IV, n°252, 1950, p. 300
Édouard HIZETTE, Pierre Napoléon Bonaparte (1815-1881), Prince à Orval et aux Épioux, dans Le Pays gaumais, 2003-2004, Virton, 2010, p. 167-183 (intro. De J-M. Cauchies)
Pierre Napoléon Bonaparte (1815-1881), neveu de l’empereur Napoléon Ier, prince aux châteaux d’Orval et des Épioux, Jamoigne, ancienne grange du Faing, exposition, avril 2009
Lucien PETIT, Revue Ardenne et Meuse n° 5
EUGÉNIE DE GRÈCE, Pierre Napoléon Bonaparte, Paris, Hachette 1963
Pierre NOTHOMB, Un curieux personnage, Bruxelles, Brepols, 1966
Adrien DE PRÉMOREL, L’Avenir, 26 octobre 1950
Lucien PETIT, sur http://pierrebonaparte.skynetblogs.be/+&cd=1&hl=fr&ct=clnk&gl=be

le long de la N857, dite route Pierre Napoléon Bonaparte 
6922 Neupont, hameau faisant partie de Halma, entité de Wellin

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Paul Delforge

Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Plaque Marcel COOLS

La famille Cools est originaire du pays flamand. En 1880, Joseph Cools quitte la Campine avec sa famille pour s’établir en Wallonie ; comme d’autres migrants, les parents de Pierre Cools (1874-1949) viennent travailler en pays wallon sachant qu’on y bénéficie de meilleurs salaires et de conditions de travail moins pénibles. Avec six enfants, dont le jeune Pierre, les Cools découvrent la région de Seraing, ses hauts-fourneaux, ses mines surtout. Dès l’âge de 12 ans, Pierre Cools est engagé au charbonnage de Marihaye, après avoir travaillé peu de temps à la cristallerie du Val Saint Lambert. En 1900, il épouse Hermance Brossé (1876-1945), une Flémalloise, et le couple donne naissance à Marcel (1906-1942). Établi à Flémalle, le jeune couple partage la vie ouvrière et milite dans les structures syndicales et coopératives, mais souhaite surtout que l’instruction publique offre de nouvelles perspectives à leur fils.


Après ses « primaires », Marcel Cools est engagé comme garçon de bureau au Syndicat des Métallurgistes. Son engagement syndical et politique est à la fois précoce et décidé. Ouvrier dans la sidérurgie, il devient rapidement délégué syndical. Avec son épouse, Amélie Deleau, issue elle aussi d’une famille de militants progressistes affirmés, il achète une partie de l’immeuble de l’Union coopérative mise en liquidation à Flémalle-Haute ; l’ancienne Maison du Peuple devient ainsi la maison des Cools. André y naît en 1927. Permanent syndical, Marcel Cools participe aux mobilisations des années 1930 : grève de Phenix Works en 1934, grande grève du printemps 1936, mobilisation en faveur des républicains espagnols et contre la montée du rexisme. Ainsi est-il « commandant » du « 3e bataillon des milices de défense ouvrière » constitué pour lutter contre les fascismes. Posant des actions concrètes, il héberge à la Maison du Peuple des Italiens qui ont fui le régime de Mussolini dès les années 1920 ; ensuite, vers 1936, il permet à des républicains espagnols de loger en sécurité. Membre du POB, il est élu aux communales de Flémalle et devient échevin de l’Instruction en 1930. Il est aussi le président de la Commission d’Assistance publique.


Au moment de l’invasion allemande de mai 1940, Marcel Cools est mobilisé ; il participe à la Campagne des Dix-Huit Jours et combat notamment sur la Lys. Refusant la capitulation et l’idée de se constituer prisonnier de guerre en Allemagne, il rejoint Flémalle, où il se remet au service des idées politiques qui sont bien connues de tous. Entré très vite en Résistance contre l’occupant, il est arrêté une première fois en décembre 1941 et retenu comme otage avant d’être libéré. Mais avec la création du Grand-Liège et la désignation d’un bourgmestre rexiste par l’occupant à la tête de Flémalle-Haute, les événements se précipitent ; après avoir manifesté son mécontentement, Marcel Cools entre en clandestinité ; quand il en sort en février 1942, il est dénoncé par un sbire de Léon Degrelle, interpellé par la Gestapo qui le qu’il soupçonne de faire partie d’un réseau de renseignements (en l’occurrence le SRA Antoine). Arrêté, emprisonné pendant quelques mois à la citadelle de Huy, il est emmené ensuite à Breendonck puis déporté à Mauthausen. Il est affecté à des tâches de maçon qui finissent par l’épuiser ; il meurt en déportation le 15 août 1942 dans des circonstances qui ne sont pas clairement établies (épuisement ou exécution, voire l’une après l’autre).


À la libération, la mémoire d’une telle figure marquante est honorée de diverses manières à Flémalle. Outre le fait que l’éducation du fils, André, est prise en charge par les amis de son père, une plaque commémorative est apposée sous le porche d’entrée de l’hôtel de ville de Flémalle, avec l’inscription :


RECONNAISSANCE
DE
L’AMICALE S.R.A. ANTOINE
À
COOLS MARCEL
MORT À MAUTHAUSEN LE 15.8.1942


Sources


http://www.wijkginderbroek.be/wijkblaadjes/2011-02/wijkblaadje-feb-11%281%29.pdf (s.v. mars 2015)
Paul BRUSSON, De mémoire vive, Liège, Céfal, 2003
François BRABANT, Histoire secrète du PS liégeois, Paris, la boîte à Pandore, 2015, p. 13-15
Arnaud COLLETTE, Philippe HALLEUX, André Cools. Rebelle d’État, Louvain-la-Neuve, Quorum, 1996, p. 18-30
Christiane LEPÈRE, André Cools : de la contestation à la gestion progressiste, Bruxelles, Labor, 1972, p. 21-25

 

Plaque commémorative Marcel Cools (Flémalle)

 

Porche d’entrée de l’hôtel de ville

287 Grand’Route 

4400 Flémalle

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Paul Delforge