Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam

Statue Francon

Au milieu du XIXe siècle, afin de doter l’institution provinciale de Liège de bâtiments dignes de ce niveau de pouvoir, d’importants travaux sont entrepris autour de l’ancien palais des princes-évêques. Propriétaire des lieux (1844), l’État belge retient le projet du jeune architecte Jean-Charles Delsaux (1850) et lui confie la mission de réaliser la toute nouvelle aile, en style néo-gothique, sur le côté occidental du Palais. Face à la place Notger, Delsaux (1821-1893) achève l’essentiel du chantier en 1853, mais des raisons financières l’empêchent de réaliser la décoration historiée qu’il a prévue pour la façade du nouveau palais provincial. Vingt-cinq ans plus tard, le gouverneur Jean-Charles de Luesemans prend l’avis d’une commission pour déterminer les sujets et les personnes les plus dignes d’illustrer le passé de « la Nation liégeoise ». Placés sous la responsabilité de l’architecte Lambert Noppius, une douzaine de sculpteurs vont travailler d’arrache-pied, de 1877 à 1884, pour réaliser 42 statues et 79 bas-reliefs destinés à raconter l’histoire liégeoise. Dès la mi-octobre 1880, 27 des 42 statues sont achevées, validées par la Commission et placées à leur place respective. Francon est parmi celles-ci.

Placée logiquement selon l’évolution chronologique, avant les princes-évêques Rathier et Wazon, la statue de Francon est l’une des 42 personnalités retenues, selon le critère d’avoir marqué l’histoire de la principauté de Liège. Elle se situe sur la partie supérieure gauche de la façade occidentale. L’évêque Francon (date inconnue – Liège entre 901 et 906, voire 911) est reconnu comme un bel esprit de son temps, formé dans l’entourage de Charles le Chauve avant de devenir moine à l’abbaye de Lobbes : il y poursuit ses études, avant de faire profiter l’école de l’abbaye de ses connaissances qui touchent à la fois aux saintes écritures, à la littérature profane, à la musique et à la poésie. Il contribue à donner à l’abbaye de Lobbes ses lettres de noblesse, cette école disposant d’une solide réputation au sein d’un diocèse de Liège dans lequel Lobbes et sa région sont versés vers 888. C’est en 856 que Francon succède à Hartgar à la tête de ce diocèse ; il contribue à la forte effervescence intellectuelle de Liège ; sa direction de l’école de la cathédrale Saint-Lambert la hisse au rang des plus réputées. Dans le même temps, il contribue à faire de Liège le siège du diocèse. Contemporain des invasions normandes, l’évêque Francon ne peut cependant pas se consacrer exclusivement à la valorisation des activités de l’esprit. À la tête de milices armées, il parvient, non sans mal, à mettre un terme aux invasions meurtrières et destructrices à l’entame des années 890 (bataille de Louvain, 891). Durant son long règne à la tête du diocèse (de 856 à sa mort au début du Xe siècle), Francon fait aussi bénéficier à l’Église de Liège d’une forte extension de ses frontières avec l’acquisition pacifique de l’abbaye de Lobbes, de la région du futur marquisat de Franchimont et de l’abbaye de Fosses-la-Ville, notamment. Avec un tel bilan à son actif, Francon se devait de figurer parmi les personnalités les plus remarquables de l’histoire de la principauté de Liège.

Assurément, le sculpteur Jules Halkin (Liège 1830 – Liège 1888), chargé de le représenter sur la façade du Palais provincial de Liège, n’a retenu que la seule facette de la résistance aux invasions normandes. Dans le groupe Francon-Rathier-Wazon, il représente Francon, le regard fier, tel un chevalier, une longue épée à la main et figée dans le sol, à la différence de Rathier et Wazon qui paraissent moins « guerriers ». De facture sérieuse, la statue est réalisée avec un souci d’art et de différenciation et témoigne de la qualité de la sculpture liégeoise du XIXe siècle dont Jules Halkin est un illustre représentant.
C’est dans sa ville natale que Halkin accomplit l’essentiel de sa carrière. Il y a suivi les cours de Gérard Buckens à l’Académie des Beaux-Arts, avant qu’une bourse de la Fondation Darchis ne lui permette de séjourner à Rome pendant plusieurs mois (1851-1853). Il parfait ensuite sa formation en France et en Allemagne. Au début des années 1860, il trouve facilement des acheteurs privés pour plusieurs de ses premières réalisations essentiellement d’inspiration religieuse (Vierge, chemin de croix, bas-reliefs, etc.), avant de participer au chantier de décoration du palais provincial de Liège : là il signe huit statues et bas-reliefs dont « l’assassinat de Saint-Lambert », « la sortie des Franchimontois » et un « Notger répandant l’instruction ». Le sculpteur réalise encore un Saint-Lambert pour la cathédrale Saint-Paul et un chemin de croix en pierre de France pour l’église Saint-Jacques (1862-1865). Ses bustes en bronze et en marbre trouvent aussi de nombreux amateurs auprès de bourgeois de la Cité ardente, qu’ils soient industriels, intellectuels ou artistes eux-mêmes. Sa notoriété, Jules Halkin la doit surtout à sa sculpture monumentale du Cheval de halage (1885) qui partage avec le Torè de Mignon l’espace des Terrasses de Liège.

Sources 

Liliane SABATINI, dans Jacques VAN LENNEP (dir.), La sculpture belge au 19e siècle, catalogue, t. 2, Artistes et Œuvres, Bruxelles, CGER, 1990, p. 436-437
Julie GODINAS, Le palais de Liège, Namur, Institut du Patrimoine wallon, 2008, p. 79
http://www.chokier.com/FILES/PALAIS/PalaisDeLiege-Masy.html (s.v. août 2013)
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 676
Isabelle VERHOEVEN, dans Musée en plein air du Sart Tilman, Art&Fact asbl, Parcours d’art public. Ville de Liège, Liège, échevinat de l’Environnement et Musée en plein air du Sart Tilman, 1996 
Alphonse LEROY, Francon, dans Biographie nationale, t. 7, col. 263-267
La Meuse, 2 octobre 1880 et ssv.

 

Statue Francon (Liège)

Palais provincial
Face à la place Notger
4000 Liège

carte

Paul Delforge

Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam

Monument César FRANCK

Si Jules Destrée et Albert Mockel n’ont de cesse de saluer le talent de César Franck (Liège 1822 – Paris 1890) et de son école, il apparaît de manière évidente que l’influence franckiste sur la musique ne survit pas à la Grande Guerre. Il n’en reste pas moins que le talent du musicien et du compositeur wallon a marqué le XIXe siècle qu’une compétition s’est installée entre Paris et Liège pour entretenir le souvenir de celui qui est né et s’est formé en pays wallon avant de connaître le succès dans la capitale française. Avec le décès du sculpteur Rulot en 1919, les espoirs d’un monument César Franck à Liège paraissent disparaître, même si le directeur du Conservatoire de Liège, Sylvain Dupuis, commence à faire connaître, par une série de conférences, le fruit d’une importante étude qu’il a consacrée à César Franck (1920-1921). À l’heure où Verviers célèbre avec faste le centième anniversaire de la naissance de Vieuxtemps, les forces vives liégeoises ne veulent pas manquer le rendez-vous important que constitue le 100e anniversaire de la naissance de leur compositeur (10 décembre 1822). Tandis que Sylvain Dupuis prépare une « Semaine musicale » où les œuvres maîtresses de César Franck seront interprétées, la Société des Amis de l’Art wallon que préside Jules Destrée, puis surtout la Section liégeoise des Amis de l’Art wallon qui s’est reconstituée en 1921, souhaitent concrétiser le projet qu’ils avaient lancé en 1913 déjà, à savoir ériger un monument digne du talent de César Franck et destiné à orner un des parcs publics de Liège. Le monument Rulot est définitivement enterré quand, au début de l’année 1922, le sculpteur Victor Rousseau accepte de se lancer dans l’aventure et entreprend de dessiner un nouveau et ambitieux mémorial.

Dans le même temps, à Paris, on se prépare aussi sérieusement à l’événement. Dans la capitale française s’est en effet constitué un comité de musiciens sous la direction de Henry Rabaud (directeur du conservatoire) désireux de commémorer le souvenir de César Franck et d’offrir à la ville de Liège un mémorial « en témoignage de l’admiration que la musique française a vouée au maître angélique ». Le statuaire lyonnais Fix-Masseau a été sollicité, lui qui avait déjà réalisé – à la demande de la ville de Liège – une figure décorative pour le monument français du cimetière de Robermont. Pour assurer le budget nécessaire, un concert spécial César Franck est organisé à l’Opéra de Paris, le 7 mars 1922, en présence de la reine Élisabeth et du président de la République.
En raison de la multiplication des initiatives, un Comité César Franck est mis en place, à Liège, afin de coordonner les initiatives. L’œuvre réalisée par Fix-Masseau est inaugurée le 25 novembre 1922, devant un parterre de personnalités, dont la reine et des ministres belges et français. Fix-Masseau a représenté un groupe de trois femmes, debout, qui chantent un chœur du maître. Sous ce trio, le socle est travaillé dans sa face avant pour faire apparaître le profil droit de César Franck sculpté dans la pierre. Une inscription précise : « Hommage de Paris où il a vécu à la ville de Liège où il est né ».

La sculpture de Fix-Masseau vient orner un espace du foyer du Conservatoire de Liège (l’actuel Foyer Ysaÿe de la Salle philharmonique). Placée sous le signe de la fraternité qui unit la France et la Belgique, en particulier la Wallonie, l’inauguration à Liège de l’œuvre de Fix-Masseau est l’occasion d’organiser plusieurs concerts, durant une mémorable « Semaine musicale ». Sylvain Dupuis les dirige, tandis que de plusieurs manifestations animent la cité liégeoise. Le succès est au rendez-vous, mais pour les promoteurs d’un monument public en l’honneur de César Franck, l’occasion est ratée. C’est en vain que la revue La Vie wallonne présente, en décembre 1922, plusieurs illustrations d’une maquette réalisée en plâtre par Victor Rousseau, même si elle précise que le monument serait installé place Émile Dupont et qu’une souscription publique est lancée. La critique juge le projet Rousseau trop ambitieux.

Bien que le « centenaire » soit passé, la Section liégeoise des Amis de l’Art wallon ne renonce pas au projet d’un monument Franck à installer dans un parc public de Liège. Elle offre 1.000 francs de récompense pour « la meilleure commémoration de César Franck », mais elle ne reçoit aucune proposition alternative. En 1925, le cercle décide par conséquent d’affecter la somme de la « récompense » au monument proposé par Victor Rousseau : elle se mobilise autour de l’objectif d’ériger ce monument à Liège, le premier de son programme. La souscription publique se solde par un échec. Hormis la plaque commémorative apposée sur sa maison natale, rue Saint-Pierre, en 1914, voire le buste signé Adelin Salle dans la salle des Pas Perdus de l’hôtel de ville de Liège, aucun monument public majeur « César Franck » ne semble devoir jamais voir le jour à Liège.

En 1972, comme l’ont fait remarquer certains critiques avec amertume (par ex. J. Servais), la ville de Liège reste muette ; aucune manifestation officielle n’est organisée pour le 150e anniversaire de la naissance de César Franck. Seules des initiatives privées (inscription des œuvres de Franck dans des programmes musicaux) fleurissent de manière éparse. Mais ce qui afflige le plus, à l’époque, le rédacteur en chef de la revue La Vie wallonne, c’est la tenue d’une exposition César Franck, lors du Festival des Flandres, au musée de Tongres, où le musicien est présenté « sans attache avec la musique française » et avec des racines limbourgeoises. Pourtant, en parcourant l’œuvre du sculpteur Marceau Gillard, on est frappé de constater l’existence d’un projet en terre cuite pour un monument César Franck datant de la fin des années 1950, ainsi qu’une terre cuite intitulée Adagio Allegro, semble-t-il de la même époque et toujours avec la même finalité.

La ville de Liège ne manque pas le rendez-vous de 1990, année César Franck, correspondant au centième anniversaire de la disparition de l’artiste. À l’initiative de la société belge César Franck, un copieux programme est mis au point coordonnant de multiples manifestations de mars à décembre, exposition, enregistrements, mais surtout concerts organisés dans plusieurs villes wallonnes ainsi qu’à Paris. C’est dans ce contexte qu’est inaugurée, le 27 mars 1990, la première stèle commémorative César Franck, dans sa ville natale, à l’angle de la rue de la Régence et de la rue de l’Université. Sollicitée dès 1989, la jeune sculptrice verviétoise Marianne Baibay s’est plongée dans la musique franckiste et a développé les thèmes « Mémoire et Musique » dans une œuvre originale, s’inspirant de la forme des tuyaux d’orgue et associant la pierre bleue et le cuivre, matériaux qui, avec le temps, « prennent (…) une patine, un aspect qui leurs confèrent à la fois stabilité, fragilité avec aussi un côté précieux, gardien de mémoire, pour la musique, les orgues, les tuyaux d’orgue, présents dans la production musicale de César Franck ». Parrainé par les services clubs liégeois Fifty One, Inner Wheel, Lion’s club, Rotary et Soroptimist (une plaque évoque leur soutien au pied du monument), le mémorial bénéficie aussi du soutien des carrières Julien des Avins en Condroz qui offre les pierres. En accord avec les autorités de la ville de Liège (l’échevin Firket) et les commerçants, les tailleurs de pierre de la ville de Liège mettent le monument en place dans les délais prévus : l’inauguration de la stèle, en présence de toutes les autorités liégeoises et de la reine Fabiola, marque le début de l’année Franck.

Monument César Franck

Ce que ni Joseph Rulot ni Victor Rousseau n’avaient réussi à accomplir, la professeur de Saint-Luc Liège l’a réussi. En signant cette œuvre, Marianne Baibay met en quelque sorte un terme à la « saga César Franck » qui agite plusieurs milieux culturels et artistiques liégeois depuis un siècle. Néanmoins, en 1990, un autre projet – semble-t-il porté par le professeur Minguet – visait à reproduire le médaillon de César Franck réalisé par l’illustre Rodin en 1891, et à placer cette reproduction quelque part à Liège. Déjà à l’époque, les difficultés et polémiques avaient été grandes autour de ce médaillon Franck par Rodin, à apposer sur le tombeau réalisé par Redon. S’il est encore présent (refonte réalisée en 1995) au cimetière Montparnasse, à Paris, ce médaillon n’est par contre jamais arrivé à Liège. L’œuvre de Marianne Baibay reste donc unique.

Plongée dans les milieux artistiques dès son plus jeune âge, elle a partagé comme son frère Jean-Paul, la passion de leur père, Gilbert Baibay, à la fois peintre et sculpteur. Entre 1968 et 1973, déjà, elle participe aux expositions de « L’atelier 11+ », projet mené par un père très soucieux de la formation des jeunes à la pratique artistique. Durant ses études à Saint-Luc (1976-1979), elle s’oriente davantage vers la sculpture dans l’atelier d’A. Courtois A. Blanck et G. Theymans. Nommée professeur à la fin des années 1980, elle se révèle à la fois peintre, dessinatrice et sculptrice, signant aussi bien des affiches, des pochettes de disques que des toiles ou des sculptures, d’inspiration personnelle ou sur commande. Après le mémorial César Franck, Marianne Baibay est notamment sollicitée pour le monument en hommage à Jacques Brel qui se situe au Mont des Arts à Bruxelles (2003).

 

Informations communiquées par Marianne Baibay (juin 2014)
Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse 
Sylvain DUPUIS, Charles DELCHEVALERIE, César Franck : la leçon d’une œuvre et d’une vie : commémoration du centenaire de la naissance de César Franck né à Liège le 10 décembre 1822 mort à Paris le 9 novembre 1890, Liège, 1922
Alexia CREUSEN, sur http://www.wittert.ulg.ac.be/expo/19e/album/584_franck.html (s.v. mai 2014)
Norbert DUFOURCQ, dans Biographie nationale, Bruxelles, t. 33, col. 322-335
Maurice EMMANUEL, César Franck, Paris, 1930. Coll. Les musiciens célèbres
César Franck. Correspondance réunie, annotée et présentée par Joël-Marie Fauquet, Sprimont, Mardaga, Conseil de la Musique de la Communauté française, 1999, coll. « Musique-Musicologie »
Musée des Beaux-Arts, Exposition Le romantisme au pays de Liège, Liège, 10 septembre-31 octobre 1955, Liège (G. Thone), s.d., p. 189
La Vie wallonne, 15 septembre 1920, I, p. 8-11, 38
La Vie wallonne, 15 août 1921, XII, p. 573 et ssv
La Vie wallonne, 15 octobre 1921, XIV, p. 93
La Vie wallonne, 15 mars 1922, XIX, p. 333
La Vie wallonne, 15 décembre 1922, XXVIII, p. 155-163 et 163-178
La Vie wallonne, 15 janvier 1923, 3e année, XXIX, p. 227-230
La Vie wallonne, IV, n°260, 1952, p. 305
La Vie wallonne, 1972, n°340, p. 338-339
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 51
Joseph PHILIPPE, Marceau Gillard dans l’École liégeoise de sculpture, Liège, 1991, en particulier p. 102 et 114

Rue de la Régence
Rue de l’Université
(Angle)
4000 Liège

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Paul Delforge

Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam

Plaque César FRANCK

Que César Franck (Liège 1822 – Paris 1890) soit un virtuose exceptionnel et l’un des plus grands compositeurs de son temps, nul ne le conteste. Lors de ses obsèques, grandioses, en 1890 à Paris, les plus grands éloges sont adressés à celui qui s’est formé à Liège, a maîtrisé très vite le piano, avant d’être guidé vers Paris où il s’installe. Le musicien wallon y étudie au Conservatoire et remporte tous les prix. Il joue alors sur les plus prestigieuses scènes d’Europe, avant de rompre avec son impresario de père (1845). En plus d’exceller au piano, à l’orgue, au contrepoint et à la fugue, César Franck se révèle un brillant compositeur. Il faudra quelques années avant que cet autre talent ne soit perçu par ses contemporains. Pour être nommé professeur d’orgue au Conservatoire de Paris (1872), César Franck prend la nationalité française ; il ne le regrette pas : sa classe devient un foyer de création extrêmement actif. Quant à ses Béatitudes et à son Quintette, ce sont des œuvres qui l’imposent comme une figure maîtresse de la fin du siècle. Honoré de son vivant (Légion d’honneur en 1885, présidence de la Société nationale de musique en 1886), César Franck ne pouvait tomber dans l’oubli.

Déjà manifeste de son vivant, la compétition entre Paris et Liège se poursuit après sa mort. Dès 1894, un comité se constitue à Liège pour élever un monument à César Franck dans sa ville natale, mais c’est à Paris, en 1904, qu’une statue est inaugurée à sa mémoire, le 13 (ou 22) octobre, sur le square actuellement appelé Samuel Rousseau, devant la basilique Sainte-Clotilde où l’artiste jouait de l’orgue. Un comité parisien y travaillait depuis 1896. Établi dans la capitale française, Albert Mockel a alerté les Liégeois ; il a même défendu la candidature de Joseph Rulot, mais le projet du sculpteur wallon inspiré de l’oratorio des Béatitudes n’est pas choisi, le comité parisien lui préférant le projet d’Alfred Lenoir. En novembre 1904, l’ambitieux projet de Rulot est présenté à Liège. En l’absence de moyens financiers et en raison aussi de la personnalité de Rulot, ce projet en est encore au stade de l’ébauche quand éclate la Grande Guerre ; l’association des Amis de l’Art wallon, cercle constitué au lendemain des Salons artistiques de l’Exposition internationale de Charleroi, n’a pourtant pas ménagé ses efforts pour qu’un mémorial César Franck soit inauguré en Wallonie. À défaut ou dans l’attente d’une statue ou d’une œuvre spectaculaire, l’association les Amis de l’Art wallon pose un premier geste en apposant une plaque commémorative sur la maison natale de César Franck, rue Saint-Pierre. 


DANS CETTE MAISON EST NE
LE 10 – XII – 1822
CÉSAR AUGUSTE FRANCK
MORT A PARIS LE 9 – XI – 1890
LE PLUS GRAND MUSICIEN
DE LA FIN DU XIXe SIÈCLE
-----
HOMMAGE DE LA WALLONIE
A SON ILLUSTRE FILS
15 – III – 1914

 

Sources

Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse 
Sylvain DUPUIS, Charles DELCHEVALERIE, César Franck : la leçon d’une œuvre et d’une vie : commémoration du centenaire de la naissance de César Franck né à Liège le 10 décembre 1822 mort à Paris le 9 novembre 1890, Liège, 1922
Serge ALEXANDRE, Joseph Rulot et Jules Brouns. Deux Sculpteurs à Herstal, dans Art & Fact. Revue des Historiens d'Art, des Archéologues, des Musicologues et des Orientalistes de l'Université de l'Etat à Liège, (1993), vol. 12, p. 128-129
Alexia CREUSEN, sur http://www.wittert.ulg.ac.be/expo/19e/album/584_franck.html (s.v. mai 2014)
Norbert DUFOURCQ, dans Biographie nationale, Bruxelles, t. 33, col. 322-335
Maurice EMMANUEL, César Franck, Paris, 1930. Coll. Les musiciens célèbres
César Franck. Correspondance réunie, annotée et présentée par Joël-Marie Fauquet, Sprimont, Mardaga, Conseil de la Musique de la Communauté française, 1999, coll. « Musique-Musicologie »
Musée des Beaux-Arts, Exposition Le romantisme au pays de Liège, Liège, 10 septembre-31 octobre 1955, Liège (G. Thone), s.d., p. 189
La Vie wallonne, 15 septembre 1920, I, p. 8-11, 38
La Vie wallonne, 15 août 1921, XII, p. 573 et ssv
La Vie wallonne, 15 octobre 1921, XIV, p. 93
La Vie wallonne, 15 mars 1922, XIX, p. 333
La Vie wallonne, 15 décembre 1922, XXVIII, p. 155-163 et 163-178
La Vie wallonne, 15 janvier 1923, 3e année, XXIX, p. 227-230
La Vie wallonne, IV, n°260, 1952, p. 305
La Vie wallonne, 1972, n°340, p. 338-339

Plaque commémorative sur la maison natale de César Franck

Rue Saint-Pierre
4000 Liège

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Paul Delforge

Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam

Monument Phocas LEJEUNE et Guillaume FOUQUET

Plusieurs surnoms ont été attribués au monument qui s’élève dans la cour des Noyers de l’Institut agronomique de Gembloux. Cet hommage aux deux premiers directeurs de l’établissement, à savoir Phocas Lejeune et Guillaume Fouquet, a été inauguré le 11 septembre 1910 ; le monument est l’œuvre de l’architecte Daniel Francken et la statue représentant le laboureur est du sculpteur Ernest Bastin. Réalisé pour le cinquantième anniversaire de la fondation de l’Institut agronomique, le monument est inauguré le second jour d’un week-end exceptionnel : le samedi 10 septembre, un congrès scientifique réunit des représentants d’instituts similaires venant d’Europe ; quant au dimanche, dédié au volet protocolaire et festif, il entend de nombreux discours autour de l’œuvre conjointe de Bastin et Francken, avant d’accueillir les anciens étudiants conviés à un banquet et à un concert.

À l’origine, l’ensemble veillait sur l’accès au porche ouvrant sur la cour d’honneur de l’ancienne abbaye, devenue Faculté universitaire. En 1922, le monument a été déplacé à son emplacement actuel, à proximité de la salle capitulaire et du quartier des moines. Si « Le laboureur à l’étude » ou « L’allégorie de l’agronomie » sont des surnoms courtois, les étudiants « festifs » l’ont rebaptisé le « blogueur à poil », l’humour potache faisant oublier que l’ensemble monumental fut réalisé à l’occasion du cinquantième anniversaire de la fondation de l’Institut agronomique.

Issus de longs débats parlementaires et d’expériences malheureuses, la loi du 18 juillet 1860 et ses arrêtés d’application ont en effet donné un statut à l’enseignement agricole supérieur en tirant parti de mésaventures antérieures. Dès 1845, les autorités belges ont cherché à développer un enseignement agricole, mais les écoles moyennes créées à Attert, Chimay, Leuze, Lierre, Tirlemont, Torhout et Verviers rencontrent peu de succès. Vers 1855, la plupart de ces établissements ont fermé leurs portes, mais le besoin d’un enseignement agricole reste grand. Le projet mort-né de la Société d’exploitation agricole et industrielle « Le Docte » attire cependant à Gembloux le nouvel établissement d’enseignement supérieur que l’État décide de créer. Il accueille le personnel jusqu’alors actif à Torhout. Guillaume Fouquet en fait partie. Dès janvier 1861, l’ancienne abbaye, reconstruite dans le dernier quart du XVIIIe siècle et propriété du sénateur François Piéton, reçoit ses premiers étudiants.

Après une spécialisation à la prestigieuse école agricole française de Grignon, Fouquet a dirigé pendant quelques années l’école secondaire d’agriculture de Tirlemont (1850-1855/9), avant d’accompagner la réforme de cet enseignement et de participer au projet gembloutois. Alors que Phocas Lejeune est nommé directeur, Guillaume Fouquet en est le sous-directeur, en charge du contrôle des études pendant vingt ans, de 1861 à 1881. Quand Lejeune se retire en 1881, Fouquet lui succède à la tête de l’Institut supérieur de Gembloux. Concomitamment à cette promotion, l’État rachète l’ensemble du domaine de l’abbaye et de nouvelles ambitions (construction, extension) sont envisagées par Fouquet ; mais des ennuis de santé ont raison de ses intentions et il doit renoncer à sa charge dès 1882.

Monument Phocas Lejeune (Gembloux)

Inauguré en 1910, le monument conçu par l’architecte Daniel Francken et le sculpteur Ernest Bastin, à la demande de l’Association des anciens étudiants rend hommage à Fouquet comme à Lejeune, considérés comme les premiers directeurs de l’établissement et, dans une mesure certaine, comme les principaux promoteurs de cet enseignement supérieur agricole. Le projet de monument a mis plusieurs années avant de se concrétiser. On retrouve déjà des demandes de subventions auprès de la province de Hainaut en 1905. Finalement, les soixante ans de la loi organisant l’enseignement agricole supérieur sont le prétexte à l’hommage aux créateurs.

L’œuvre de Bastin est une allégorie de l’agronomie : le laboureur à l’étude sur son araire symbolise la recherche permanente dans ce domaine. Les deux bas-reliefs du monument représentent les travaux agricoles : le défoncement du sol (quatre bœufs tirant une charrue dans un champ situé à l’arrière du palais abbatial) et l’élevage (une prairie où paissent cinq vaches et deux juments dont une allaite son poulain). Les noms des deux premiers directeurs figurent sur une plaque de marbre latérale.

Instituteur de formation, Ernest Bastin (1870-1926) se passionne pour la sculpture ; après avoir suivi une formation à l’Académie de Schaerbeek et à celle de Bruxelles, où il est notamment l’élève de Léon Mignon, il se consacrera pleinement à son art, créant des bustes, ainsi que des taureaux et des chevaux de labour à l’image de son professeur liégeois. Sollicité pour des commandes de monument extérieur comme le bronze de Gembloux, il réalise aussi des petits modèles en terre cuite ou en bronze représentant des animaux ou des personnes liées à l’activité industrielle ou agricole, ainsi qu’aux activités sportives. Professeur à l’École industrielle d’Anderlecht, le Bruxellois Daniel Francken, pour sa part, est aussi l’architecte officiel de la province de Brabant. S’il conçoit des plans pour diverses maisons à Bruxelles, principalement dans un style néo-Renaissance, il est surtout affecté sur les chantiers publics de sa province (bains publics, églises, etc.), ainsi que dans le Namurois (restauration ou construction).

 

Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse
Pierre MARTENS, 125 ans d’existence de la Faculté des Sciences Agronomiques de l’Etat à Gembloux, dans Les cent dernières années de l’histoire de l’ingénieur en Belgique, Cahier n°1/86, Bruxelles, SRBII, 1986
Pierre MARTENS, La Faculté des Sciences agronomiques de Gembloux de 1860 à 1985, dans Bulletin du cercle Art et Histoire de Gembloux et environs, avril 1985, t. II, n°22, p. 353-367
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 62
http://www.bestor.be/wiki_nl/index.php/Lejeune,_Phocas_(1823-1881)
http://www.bestor.be/wiki_nl/index.php/Fouquet,_Guillaume (s.v. août 2015)

Institut agronomique de Gembloux
Cour des Noyers
5030 Gembloux

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Paul Delforge

Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam

Bas-relief Henri-Joseph Forir

En confiant à Jules Brouns la mission de représenter, en bas-relief, la « Poésie tenant un livre » ainsi qu’une couronne de laurier, les amis du poète wallon Henri Forir entendaient lui rendre hommage là où il était né, en 1784. Telle est la mention gravée sous le travail artistique de Brouns :


ICI NAQUIT EN 1784
HENRI FORIR
POETE WALLON


La plaque apposée sur la façade du 12 de la place Coronmeuse à Herstal – anciennement en Coronmeuse – évoque en effet les origines « liégeoises » de ce fils de cordonnier pas très riche, qui sera l’un « des artisans majeurs de la renaissance dialectale wallonne du XIXe siècle » (selon Dehin cité par Droixhe). La vraie maison natale était une masure au toit de chaume, occupée par les Forir jusqu’en 1790.

A priori davantage occupé par les chiffres que par les lettres, Henri Forir (1784-1862) s’est mis sur le tard à la défense du wallon. Après avoir appris à compter dans l’atelier paternel, le jeune garçon a la chance d’entrer à l’École centrale du tout récent Département de l’Ourthe (1798). Mathématique, histoire et dessin le passionnent. Jeune diplômé (1799-1802), il est d’abord occupé d’abord au Cadastre (1805-1808) ; il est ensuite professeur de mathématiques dans divers collèges et athénées (Verviers et Eupen), avant d’être nommé « principal » au collège de Hasselt sous le régime « hollandais » (1813), puis d’être appelé au Collège (1817), puis à l’Athénée de Liège (1851) mis en place sous le régime belge ; le « géomètre » publie alors plusieurs manuels pour faciliter l’apprentissage des maths. Parmi ses élèves, Daniel Droixhe relève les noms d’Eugène Bidaut, de Joseph Demarteau et de Nicolas Defrecheux.

Séduit par la pratique orale du wallon, qu’il entend autour de lui au quotidien, Forir s’applique à l’écrire et même à en faire un Dictionnaire liégeois-français. Il en rassemble en tout cas nombre de matériaux et c’est à titre posthume que paraîtront deux fort volumes en 1866 et 1874. Avant cette entreprise philologique, Forir avait relancé une production littéraire quelque peu éteinte en remportant un vif succès avec Li k'tapé manèdje, satire truculente renouant avec les paskèye traditionnelles (1836). Avec les Blouwètes lîdjwèses (1845) – un recueil de chansons – et son Suplumint (1853), Henri Forir fait figure de pionnier au moment de la renaissance des lettres wallonnes au pays de Liège. En quête d’une littérature de qualité, notamment pour élever l’esprit du plus grand nombre, Forir est par ailleurs secrétaire de l’Institut des Sourds-Muets et Aveugles (à partir de 1822) et certains de ses écrits sont publiés au bénéfice de cet établissement.

Tout naturellement, Forir se retrouve parmi les fondateurs de la Société liégeoise de littérature wallonne (1856) qu’il accepte de présider avant de démissionner rapidement, en raison d’un désaccord sur un point essentiel : farouche partisan d’une orthographe phonétique, il exprime un point de vue minoritaire au sein de la nouvelle Société. Cela n’enlève rien à son rôle dans la relance des lettres wallonnes ; en 1926, en ravive le souvenir le bas-relief réalisé par Jules Brouns. 

Sculpteur surtout actif en région liégeoise, Jules Brouns (Ivoz-Ramet 1885 - Herstal 1971) a été formé à l’Académie des Beaux-Arts de Liège où Joseph Rulot a été l’un de ses principaux professeurs. Récompensé par plusieurs prix, le jeune Brouns est d’abord tailleur de pierre dans l’entreprise paternelle, avant de devenir professeur de modelage et de dessin à l’École technique de Huy, ensuite à Seraing. Après la Grande Guerre, il reprend l’atelier de Rulot dont il est le légataire universel. Au-delà de l’entretien de la mémoire de son maître, Brouns réalise essentiellement des monuments aux victimes de la guerre, principalement en région liégeoise, dans des cimetières comme sur les places publiques. Il signe notamment, en 1952, la statue du mémorial Walthère Dewé. Son style est souvent reconnaissable par le recours à une allégorie féminine, debout regardant vers le ciel et de grande dimension. En l’occurrence, elle est présente sur le bas-relief dédié à Forir, même si son regard se tourne ici vers le bas, en particulier vers le nom du poète.

Sources

[Daniel DROIXHE], Quatre poètes wallons de Herstal, Littérature et monde du travail, Herstal, Musée communal, 1975
Serge ALEXANDRE, dans Musée en plein air du Sart Tilman, Art&Fact asbl, Parcours d’art public. Ville de Liège, Liège, échevinat de l’Environnement et Musée en plein air du Sart Tilman, 1996, p. 142
Serge ALEXANDRE, Joseph Rulot et Jules Brouns. Deux Sculpteurs à Herstal, dans Art & Fact. Revue des Historiens d'Art, des Archéologues, des Musicologues et des Orientalistes de l'Université de l'Etat à Liège, (1993), vol. 12, p. 124-148
La Vie wallonne, septembre 1926, LXXIII, p. 12-16
La Vie wallonne, novembre 1926, LXXV, p. 172-174 
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 157
Albert MAQUET, dans La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Lettres - arts - culture, t. II, p. 467 ; t. III, p. 239
Histoire de la Wallonie (L. GENICOT dir.), Toulouse, 1973, p. 403
Maurice PIRON, Anthologie de la littérature dialectale de Wallonie, poètes et prosateurs, Liège (Mardaga), 1979, p. 103
Musée des Beaux-Arts, Exposition Le romantisme au pays de Liège, Liège, 10 septembre-31 octobre 1955, Liège (G. Thone), s.d., p. 67-69
Antoine-Gabriel BECDELIÈVRE, Biographie liégeoise…, t. II, p. 808
Charles DEFRECHEUX, Joseph DEFRECHEUX, Charles GOTHIER, Anthologie des poètes wallons (…), Liège, Gothier, 1895, p. 17-19

 

Bas-relief Henri-Joseph Forir (Herstal)

Place Coronmeuse 12
4040 Herstal

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Paul Delforge

Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam

Monument FONCK

Antoine Fonck est le premier soldat de l’Armée belge tombé lors de l’invasion allemande du 4 août 1914. Il avait été envoyé en éclaireur afin de se renseigner sur les mouvements de l’armée allemande. Quelques heures auparavant, la demande impériale d’un libre passage à travers la Belgique a été refusée. Quant à l’ultimatum allemand, il vient d’expirer. Arrivé à proximité de Henri-Chapelle, l’éclaireur n’est donc pas étonné outre mesure d’apercevoir un petit groupe de Uhlans. Il parvient à toucher l’un d’eux, tandis que les autres se dispersent. Remontant sur son cheval pour poursuivre son observation, Fonck est pris pour cible. Il s’écroule, mort, au lieu-dit La Croix Polinard. Il est la première victime de l’invasion allemande en Belgique. Jusque-là, ce Verviétois, né en 1893 et orphelin très jeune, avait travaillé dans un commerce avant de s’engager pour trois dans l’Armée belge. Cavalier au 2e Régiment des Lanciers, il venait de quitter l’armée (mai 1914), lorsqu’il est rappelé sous les drapeaux, le 28 juillet 1914. Enterré au cimetière de Thimister début août 1914, Antoine Fonck est honoré par un monument au sortir de la Grande Guerre. En honorant spécifiquement Antoine Fonck, ce monument est singulier ; il est en effet quasiment le seul dans l’espace public wallon à mettre en évidence un soldat particulier (à Charleroi, Trésignies bénéficie du même traitement) ; dans la plupart des cas, la sculpture représente « un » soldat, l’identification des victimes ne se marquant que par la présence des noms gravés sur le monument.

Monument du cavalier Fonck

D’ailleurs, l’initiative du monument aujourd’hui communément appelé « monument cavalier Fonck » remonte à l’année 1915. Le Comité de Secours local avait adressé une demande au collège communal, visant à organiser une souscription publique pour élever un monument aux soldats de la commune tombés au champ d’honneur, ainsi qu’au lancier Fonck. Dès novembre 1915, c’est-à-dire toujours sous l’occupation allemande, les autorités communales de Thimister donnent leur accord, en précisant que les sommes seraient recueillies après la cessation des hostilités… Après l’Armistice, la réalisation du monument est confiée à Marcel Rau (1886 ou 1887-1966) et l’inauguration se déroule le 23 août 1923. Depuis ce moment, chaque année, à l’initiative des autorités locales, un hommage est rendu le 1er dimanche du mois d’août.

Situé au bord de la grand route, le monument montre un cavalier et sa monture, du moins les rep

résente à mi-corps pour le soldat qui scrute l’horizon, et jusqu’à hauteur du cou pour le cheval. Sculpté dans la pierre, dans une attitude dynamique, l’ensemble est placé sur un haut socle rectangulaire, en pierres. Sur la face avant, la dédicace mentionne :

ICI
EST TOMBÉ GLORIEUSEMENT
LE 4 AOÛT 1914
LE CAVALIER
FONCK A.A.
DU 2E RÉGIMENT DE LANCIERS
PREMIER SOLDAT DE L’ARMEE BELGE
MORT À L’ENNEMI
AU COURS DE LA GRANDE GUERRE
1914-1918

Sous cet ensemble, une base plus large surélève encore l’ensemble, tout en gommant la légère déclivité du sol. Sur la partie avant, en contre-bas, figure le même texte que ci-dessus rédigé en néerlandais.

Le monument a été réalisé par Marcel Rau, sculpteur et médailliste, formé auprès du sculpteur Paul Dubois à l’Académie des Beaux-Arts de Bruxelles, sa ville natale. Marcel Rau a également suivi les cours de l’École nationale supérieure des Beaux-Arts de Paris. Prix de Rome de sculpture en 1909, il séjourne en Italie avant d’installer son atelier à Ixelles. Parallèlement à son activité de sculpteur, il joue un rôle important dans la réforme de l’enseignement des arts décoratifs et de l’architecture en

 tant qu’inspecteur dans l’enseignement de l’État. Après la Grande Guerre, il obtient de nombreuses commandes publiques, diverses et variées comme la tête du mineur sur les anciennes pièces de 50 centimes de franc belge ; le mémorial Albert Ier sur l’île Monsin à Liège (1939) ; le masque du général Patton à Bastogne (1963) ; les exemples pourraient être multipliés pour ce sculpteur fort sollicité au lendemain de la Grande Guerre : il réalisé alors de nombreux bas-reliefs et monuments aux victimes de la guerre, à Bruxelles surtout, mais aussi en Wallonie, comme le cavalier Fonck, à Thimister.

Sources

Jean DE THIER et Olympe GILBART, Liège pendant la Grande Guerre, t. I. Liège héroïque, Liège, Bénard, 1919, p. 49
Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse 
http://www.reflexcity.net/bruxelles/personnes-celebres/sculpteurs/sculpteur-marcel-rau (s.v. février 2014)
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. II, p. 337
Laurence VAN YPERSELE, La patrie en guerre : de l’idolâtrie meurtrière au culte des morts (la Belgique, 1914-1924), dans Ralph DEKONINCK et Myriam WATTHEE-DELMOTTE (dir.), L’idole dans l’imaginaire occidental, Paris/Budapest/Turin, L’Harmattan, 2005, p. 249

Route de Stockis
4890 Thimister

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Paul Delforge

Diffusion Institut Destrée - Sofam

Buste de Joseph Foidart

À l’origine, le buste en bronze de Joseph Foidart (1852-1911) surmontait une spectaculaire fontaine publique, érigée à la mémoire du bourgmestre de Bressoux, à l’angle des rues (Louis) Foidart et du Champ de Manœuvre. Avec le temps, la fontaine s’est abîmée et a perdu son utilité publique ; le buste Foidart s’est, par conséquent, retrouvé orphelin et a été réaménagé au sommet d’une colonne, tout en demeurant sur la place communale.

Conseiller communal élu en 1876, successivement échevin de l’Instruction et des Finances à partir de 1880, bourgmestre faisant fonction de 1884 à 1886 et finalement bourgmestre de Bressoux à partir du 30 mars 1886, Joseph Foidart a consacré l’essentiel de son activité à sa commune, y développant d’importants travaux d’aménagement, tant pour en améliorer l’hygiène (eau, égouts) que le confort des habitants et la circulation (la voirie et notamment l’établissement du chemin de fer vicinal Liège-Barchon). Président suppléant du Conseil de milice, vice-président du Comité de l’Association libérale et progressiste de Bressoux au début du XXe siècle, cette personnalité libérale liégeoise – qui contribua à la réunification de sa famille politique – était aussi conseiller provincial, élu dans le canton de Grivegnée de 1898 à 1904 et de 1906 jusqu’à son décès le 18 février 1911.

Au lendemain des imposantes funérailles du deuxième bourgmestre de Bressoux depuis 1830, un Comité se constitue en dehors de toutes préoccupations politiques pour lui élever un monument ; une souscription publique est lancée dès le début du mois de mai 1911 et un comité d’honneur est placé sous la présidence de Loumaye, président du conseil provincial, et comprend notamment Eugène Raskin, bourgmestre qui a succédé à Foidart. En dépit de certaines réticences au sein du conseil communal, les autorités de Bressoux allouent également un subside pour ledit monument et prennent surtout en charge les travaux d’aménagement du monument/fontaine : expropriation, construction d’un trottoir circulaire en mosaïque de marbre, pose d’un grillage en fer forgé pour délimiter un jardinet, fourniture et pose des canalisations nécessaires. L’érection du monument se déroule en parallèle avec l’agrandissement de la place publique, qui crée au centre de l’entité un vaste espace. Grâce à ce parrainage actif, le Comité qui a rassemblé plus de 6.000 francs en souscription, peut mener à bien son projet, dont la réalisation artistique est confiée au sculpteur Émile David (Liège 1871 - ), sur le conseil et sous la supervision de l’Association des Élèves de l’Académie des Beaux-Arts de Liège.

Formé à l’Académie de sa ville natale avant de prendre la route de Paris pour s’y perfectionner, Émile David avait été l’un des deux « Liégeois » candidats au Prix de Rome de sculpture 1894, dont le lauréat fut un autre Wallon, Victor Rousseau, formé par des professeurs liégeois de l’Académie de Bruxelles. Sculpteur et statuaire wallon apprécié, Émile David réalise de nombreux portraits-bustes et médaillons, où l’élément féminin prend une place importante. Son expérience et ses qualités sont bien établies sur la place de Liège ; c’est à lui que furent notamment confiés les projets de monuments commémoratifs Zénobe Gramme de Jehay en 1907 (la fontaine de la place du Tambour et la plaque apposée sur la maison natale). Il signe d’autres monuments du même type, essentiellement dans la région liégeoise et sa renommée est grande avant que n’éclate la Première Guerre mondiale. Son nom est cité parmi les artistes susceptibles d’attirer les visiteurs aux Salons d’art de l’époque. On perd totalement sa trace durant la Grande Guerre.

Le buste en bronze Foidart que David signe en 1913 est fortement apprécié des autorités locales ; un hommage est rendu au sculpteur, ainsi qu’à son aidant, M. Thyse qui s’est lui occupé du monument, lors de la cérémonie officielle d’inauguration qui mobilisa toute la population locale, le dimanche 25 mai 1913, en présence aussi de diverses harmonies. Aujourd’hui disparue, le monument nous est connu par la description lyrique réalisée par un journaliste de l’époque : « tout en pierre de granit, le monument montre, au centre d’une large vasque de fontaine, un massif de roseaux duquel émergent, à mi-corps, trois femmes nues, aux formes élégamment ciselées. Cette poétique évocation symbolise les sources d’Evegnée qui alimentent en eau potable la commune de Bressoux. Les trois figures allégoriques lancent dans le bassin un jet d’eau qui scintille au soleil comme un fil d’argent aux mille reflets ».

 

Buste Joseph Foidart (Liège, Bressoux)

Sources

Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse, notamment La Meuse des 20 et 22 février, 3 mai, 18 juillet 1911, 31 mars et surtout du 26 mai 1913
Mémorial de la province de Liège. 1936-1986, Liège, 1986, p. 192
Eugène DE SEYN, Dictionnaire biographique des sciences, des lettres et des arts en Belgique, Bruxelles, 1935, t. I, p. 191
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 292
Yannick DELAIRESSE et Michel ELSDORF (dir.), Le livre des rues de Liège : Angleur, Bressoux, Chênée, Glain, Grivegnée, Jupille, Liège, Rocourt, Sclessin et Wandre, Liège, Noir Dessin, 2001, p. 184

 

Buste Joseph Foidart (Liège, Bressoux)

Place communale
Place de la Résistance
4020 Liège (Bressoux)

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Paul Delforge

Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam

Fontaine Fléchet

Au cœur de Warsage, sur la place du Centenaire, s’élève une fontaine dite Fléchet qui présente la particularité d’honorer par des bustes distincts quatre générations de la famille Fléchet : Jean-François (reconnaissable à son foulard au cou à l’intérieur de sa gabardine) qui fut maire entre 1808 et 1812, Lambert-Thomas (et son foulard débordant de sa veste) qui fut maire entre 1812 et 1816, puis bourgmestre de 1816 à 1863, Jean-Guillaume (et son nœud papillon) qui fut maïeur entre 1863 et 1887, et enfin Ferdinand (et sa double barbiche en pointe), le commanditaire du monument, qui présida le collège échevinal de Warsage de 1887 jusqu’à la Grande Guerre. 

Inauguré en juin 1908, l’ensemble monumental fut confié à l’architecte Paul Tombeur, aidé par les sculpteurs Jenny Lorrain et Joseph Rulot. Tout en rendant hommage à une dynastie de maïeurs, le monument-fontaine est aussi l’occasion d’officialiser la fin d’importants travaux : lancés par Ferdinand Fléchet, ils étaient destinés à canaliser les eaux de la commune et à empêcher les inondations d’une part, à créer une importante place publique au centre du village, d’autre part.

De 1887 à 1915, année de son décès, Ferdinand Fléchet a été le bourgmestre de Warsage ; descendant d’une famille libérale d’agriculteurs, propriétaires fonciers et entrepreneurs, Ferdinand (1842-1915) avait reçu une formation d’ingénieur civil et s’était immiscé dans le monde des dynamiques entrepreneurs qui ont fait la prospérité économique de la Wallonie au XIXe siècle. Au lendemain du « printemps wallon » de 1886 au cours duquel gronde la révolte social, Ferdinand Fléchet fait partie des libéraux  qui, sous la conduite de Paul Janson, se séparent des « doctrinaires » et se muent en un courant progressistes favorable à l’extension très large du droit de vote. Dans le même temps, soit en 1887, il succède à son père (Jean-Guillaume) comme député. Sous le régime du suffrage censitaire d’abord, du suffrage universel tempéré par le vote plural, il est reconduit à la Chambre des Représentants jusqu’en mai 1900. Membre actif de l’aile radicale du parti libéral, il contribue à la réunification de son parti sous l’égide de Paul Hymans et il travaille à la reconquête de son siège parlementaire qu’il retrouve en 1904 : il le conserve jusqu’à la Grande Guerre. Après la constitution de l’Assemblée wallonne en octobre 1912 à l’initiative de Jules Destrée, il sollicite son adhésion à ce Parlement wallon informel et y représente l’arrondissement de Liège dès 1913 ; l’idée de la séparation administrative séduit ce député attentif à la question sociale et qui continue de militer en faveur du suffrage universel pur et simple. Membre de la Loge La Parfaite intelligence et l’Étoile réunies (1887), président d’honneur de l’Association libérale progressiste de l’arrondissement de Liège (1914), le bourgmestre de Warsage est parmi les premiers mandataires de Wallonie à assister, impuissant, à l’invasion de l’armée allemande en août 1914. En raison de ses tentatives pour calmer l’ardeur incendiaire de l’envahisseur et ses massacres à l’égard des populations civiles, il est arrêté et, miraculeusement, il échappe à l’exécution qui a été ordonnée contre lui. Réfugié aux Pays-Bas distants de quelques kilomètres à peine, il s’éteint à La Haye en novembre 1915 sans descendance, mettant ainsi un terme à la dynastie des Fléchet qui occupait la tête de Warsage depuis plus d’un siècle.
 

De son vivant, Ferdinand Fléchet a assisté à l’inauguration de la fontaine de la place du Centenaire, honorant les quatre générations de la dynastie familiale. Le dimanche 7 juin 1908, la fête bat son plein à Warsage : de très nombreuses personnalités liégeoises – surtout libérales et progressistes – ont répondu à l’invitation du comité organisateur et la population se masse pour entendre tant les discours que les interprétations musicales de plusieurs sociétés. Les artistes sont aussi présents. En 1908, Joseph Rulot (1853-1919), l’auteur de son buste, était un sculpteur particulièrement distingué et renommé, qui partageait avec Fléchet une réelle sensibilité wallonne. Sculpteur et statuaire, formé à l’Académie des Beaux-Arts de Liège (1871-1881), Rulot y remporte plusieurs prix et, en 1904, est nommé professeur de sculpture à l’Académie en remplacement de Prosper Drion. Auteur de plusieurs articles dans la revue Wallonia, membre du comité d’organisation du Congrès wallon de 1905, membre du bureau de la deuxième section consacrée aux arts et au sentiment wallon, Joseph Rulot présente un rapport très documenté sur le sentiment wallon en sculpture. Il était aussi membre du Comité exécutif de la Ligue wallonne de Liège (décembre 1907-1914, 1918-1919). Artiste scrupuleux et tourmenté, Rulot signe plusieurs bustes et reliefs funéraires et commémoratifs de qualité, mais son œuvre globale pâtit de son obstination à vouloir réaliser « un monument parfait » en l’honneur de Nicolas Defrecheux, que l’artiste oriente progressivement en un hommage à l’âme wallonne, projet qui ne verra jamais le jour. 
 

La contribution de Rulot à la fontaine de Warsage se limite au buste de Ferdinand Fléchet. Celui-ci est posé dans une des quatre niches imaginées par le maître d’œuvre principal du monument, à savoir Paul Tombeur. Architecte liégeois réputé, il a contribué à l’aménagement de la ville de Liège au tournant des XIXe et XXe siècles. Membre du Comité de rectification de l’Ourthe, rénovateur de l’intérieur de « La Populaire », il est l’un des architectes, avec Paul Jaspar notamment, de la reconstitution du « Vieux Liège » lors de l’Exposition universelle de Liège en 1905. Plusieurs villas de la « périphérie » liégeoise portent sa signature, notamment du côté d’Esneux.
 

À Warsage, Tombeur déploie tout son savoir-faire et offre un monument fontaine dont la partie supérieure n’est pas sans évoquer un perron liégeois. Cette colonne en marbre de l’Eiffel est surmontée d’une pomme de pin et repose sur un socle quadrilobé ; comme il s’agit à l’origine d’une fontaine, une tête de lion rugissant apparaît sur le socle soutenant chaque buste, pour approvisionner en eau un bassin inférieur individuel en pierre du pays de forme circulaire. Le soubassement de la fontaine est encore travaillé en forme de couronne et repose au centre d’un très grand bassin circulaire lui aussi qui encercle le monument, situé au cœur du village. Parmi les nombreux détails de cette fontaine élaborée, on distingue un F gravé dans un pseudo claveau central au-dessus de chaque buste, et le nom de chaque bourgmestre gravé dans la pierre, sous le buste, ainsi que les dates de son maïorat.

Sources

Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse, dont La Meuse, 9 juin 1908
Paul DELFORGE, Encyclopédie du Mouvement wallon, Charleroi, Institut Destrée, 2001, t. III, p. 1449
La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Lettres - arts - culture, t. III, p. 359
Serge ALEXANDRE, Joseph Rulot et Jules Brouns. Deux Sculpteurs à Herstal, dans Art & Fact. Revue des Historiens d'Art, des Archéologues, des Musicologues et des Orientalistes de l'Université de l'Etat à Liège, (1993), vol. 12, p. 124-148
Fabienne MASSON-RUSINOWSKI, dans Jacques VAN LENNEP (dir.), La sculpture belge au 19e siècle, catalogue, t. 2, Artistes et Œuvres, Bruxelles, CGER, 1990, p. 544-546
Joseph TORDOIR, Des libéraux de pierre et de bronze. 60 monuments érigés à Bruxelles et en Wallonie, Bruxelles, Centre Jean Gol, 2014, p. 149-150

 

Fontaine Fléchet (Warsage)

Place du Centenaire
4608 Warsage

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Paul Delforge

Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam

Statue Fastré BARÉ de SURLET

Quelques années après la décoration de la façade du Palais provincial de Liège par de multiples statues et bas-reliefs évoquant l’histoire de la principauté, est construit un nouveau bâtiment destiné à accueillir les services de la poste. Situé entre la rue de la Régence, la place Cockerill, le quai sur Meuse et la rue Matrognard, l’imposante construction est l’œuvre de l’architecte Edmond Jamar (1853-1929) qui s’inspire du style ogival du XVIe siècle qui avait présidé à la (re)construction du Palais des Princes-Évêques. Ce style se retrouve sur la façade des trois premières rues citées. Afin de décorer la partie supérieure du bâtiment qualifié de néo-gothique, l’architecte confie au statuaire Maurice de Mathelin (Tintigny 1854-Liège 1905) le soin de réaliser six grandes statues en bronze, représentant six bourgmestres de Liège des XVe, XVIe et XVIIe siècles, soit la période où le style du bâtiment prévalut. Les six statues sont nichées sur les façades et, à leur pied, un petit écu représente les armoiries du bourgmestre en question.


D’autres décorations apparaissent sur les façades du bâtiment construit sous l’impulsion du ministre Van den Peereboom : ainsi, neuf autres statues, plus petites, n’illustrent pas un personnage particulier, mais une fonction en rapport avec un métier exercé aux XVe et XVIe siècles ; elles ont été réalisées par l’atelier de Mathelin. À l’origine, elles étaient dorées (BROSE). Outre un grand blason au-dessus de la porte d’entrée principale, où apparaît la devise « l’Union fait la force », une série d’autres blasons, plus petits, dus au sculpteur Joseph Wéra, évoquent quelques bonnes villes, tandis qu’on retrouve encore le blason du gouverneur de la province de Liège en fonction au moment de la construction de l’hôtel des postes, ainsi qu’un cor postal, un lion de bronze tenant drapeau et trompette et un médaillon de près de 3 mètres de diamètre qui représente le bâtiment lui-même… Parmi les six grandes statues, celle qui est la plus proche du quai sur Meuse représente Fastré-Baré de Surlet. 


Trois Fastré Baré de Surlet ont été bourgmestres de Liège avant la fin du Moyen Âge ; l’un, dit de Lardier, a été élu à la charge annuelle pour 1381 et 1384, année au cours de laquelle le peuple obtient le droit de choisir tous les membres du Conseil de la Cité et où les 32 métiers obtiennent eux aussi le droit d’intervenir dans la désignation des élus. Un autre, petit-fils du précédent, a été bourgmestre en 1419, année où il assiste à l’entrée solennelle de Jean de Heinsberg, ainsi qu’en 1421, 1423, 1428, 1432, 1433 et 1438, année de son décès. Vient enfin le troisième Fastré Baré de Surlet, fils du précédent, nommé bourgmestre en 1446, 1452 et 1457, l’année de la désignation de Louis de Bourbon comme nouveau prince-évêque, puis encore en 1462, 1466 (comme remplaçant en cours d’année) et 1467. « Capitaine des Liégeois dans les révolutions de son temps, il était plein de courage et de zèle, et n’en donna que trop de preuves à la bataille de Brusthem, où il eut le malheur d’être tué d’un coup de lance le 8 octobre 1467, dans sa cinquième année de magistrature », rapporte le Recueil héraldique. C’est ce troisième Fastré Baré de Surlet qui est illustré sur la Grand Poste, comme en atteste son blason. Chevalier, seigneur de Chockier, il est représenté tenant une lance dans la main droite, et le regard légèrement incliné vers le bas, selon la volonté de Maurice de Mathelin.


Fils de Jean-Baptiste de Mathelin de Papigny, le jeune Luxembourgeois a été l’élève de Prosper Drion à l’Académie de Liège, avant de faire une carrière à la fois de peintre, de médailleur et de sculpteur. Décédé à l’âge de 50 ans, il laisse principalement des bustes et des portraits. Marié à Louise d’Andrimont, il est notamment l’auteur du buste du bourgmestre Jules d’Andrimont conservé au Musée de l’Art wallon (du moins avant son démantèlement). Plusieurs commandes publiques permettent à Mathelin de réaliser des sculptures le plus souvent allégoriques, tant à Bruxelles, qu’en Wallonie. Ainsi est-il l’auteur de l’une des sculptures en bronze de la façade de l’Université de Liège, place du XX août (L’Étude). Peu avant sa mort, il avait réalisé les grandes statues situées au-dessus du fronton central du Palais des Fêtes de l’Exposition universelle de Liège, en 1905. Les statues réalisées pour la Grand Poste furent inaugurées en même temps que le bâtiment de Jamar, le 16 décembre 1901.

Sources

Yvon LABARBE, Hôtel des Postes de Liège, Fexhe, 1999, en particulier p. 47-48
Charles BURY, Les Statues liégeoises, dans Si Liège m’était conté, n°37, hiver 1970, p. 26
http://gw.geneanet.org/gounou?lang=fr&p=maurice&n=de+mathelin+de+papigny 
http://www.chokier.com/PDF/Devolution.pdf (s.v. mars 2015)
Louis ABRY, Jean-Guillaume LOYENS, Recueil héraldique des bourguemestres de la noble cité de Liège…, Liège, 1720, p. 96, 130, 138, 152-153, 168, 169, 176
Christine RENARDY (dir.), Liège et l’Exposition universelle de 1905, Bruxelles, La Renaissance du livre, 2005, coll. « Les Beaux livres du Patrimoine », p. 197
Noémie WINANDY, La Grand-Poste d’Edmond Jamar, dans Un Siècle de néogothique 1830-1930, numéro spécial de Les Nouvelles du Patrimoine, janvier-février-mars 2010, n°126, p. 30-31
Jean BROSE, Dictionnaire des rues de Liège, Liège, Vaillant-Carmanne, 1977, p. 152

 

Statue Fastré Baré de Surlet (Liège, Grand Poste)

Quai sur Meuse
4000 Liège

carte

Paul Delforge

Plaque Henri EVENEPOEL

Dans le cadre de la 14e « Fête annuelle des Fraises », le Syndicat d’initiative de Wépion, présidé par Gustave Maison, décide, au début des années 1980, d’ajouter une dimension plus culturelle aux festivités et de rappeler désormais les séjours d’artistes et écrivains inspirés par ce bord de Meuse, en inaugurant régulièrement des plaques commémoratives. Le premier artiste choisi est Henri Evenepoel. Comme l’évoque explicitement la mention gravée dans une pierre du pays et apposée dans le mur en moellons de la propriété située au 10 du Trieu Colin,

LE PEINTRE
HENRI EVENEPOEL 1872-1899
VECUT DANS CETTE MAISON AU
COURS DES ÉTÉS 1897 ET 1898
ET FUT INSPIRE PAR LE CALME 
CHAMPETRE DU TRIEU COLIN
DON DU S.I.T. WEPION

À la fin du XIXe siècle, la propriété appartenait à une tante de l’artiste, Sophie Devis épouse du sculpteur Ch-Aug. Fraikin. Evenepoel bénéficia de l’hospitalité familiale durant deux étés qui ne furent pas nécessairement les plus heureux de sa vie. La découverte en 1981 d’une lettre inédite d’Evenepoel (lettre datée du 13 juillet 1897) a permis de situer précisément la maison en question, le peintre en ayant dressé à la fois un descriptif précis et deux croquis. En 1899, il séjournera encore à Dave, dans une maison louée au docteur Lavisé. De ces séjours, il reste des paysages peints au Trieu-Colin, à Wépion, dans la vallée de la Meuse à Dave, ainsi que quelques scènes paysannes ou des portraits d’enfants.

Né à Nice en 1872, de parents bruxellois, orphelin de sa mère à l’âge de deux ans, le jeune Henri Evenepoel bénéficie de l’aisance bourgeoise de son père, haut-fonctionnaire de l’État, et d’une grande curiosité familiale pour la musique et les arts graphiques. Le jeune homme suit des cours de dessins auprès d’académies et de maîtres bruxellois – Ernest Blanc-Garin, Adolphe Crespin – d’abord (1882-1892), parisiens (P-Y. Galland et G. Moreau) ensuite (1892-1894). À ses vingt ans, Evenepoel vit en effet dans la capitale française, où il est sensé se former au métier de décorateur. Il loge chez une cousine qui sera son modèle  principal. Et il trouve auprès de Gustave Moreau surtout, mais aussi de Matisse notamment, des encouragements sincères. En 1894, son tableau Louise en deuil est reçu au Salon des Artistes français, premier signe de reconnaissance officielle de son talent. Il multiplie alors les portraits et, fasciné par les types populaires, il croque volontiers les scènes de la vie parisienne, l’animation des rues, les ouvriers rentrant du travail, cherchant aussi à saisir tous les mystères de la lumière. Mais son état de santé est alarmant ; il passe les deux étés 1897 et 1898 à Namur, mais durant l’hiver en 1897, il séjourne en Algérie cherchant à s’y soigner. De retour à Paris, ses compositions rencontrent un franc succès. Son tableau L’Espagnol à Paris est fortement apprécié (1899). Evenepoel s’est progressivement construit un style original que vient stopper brutalement la fièvre typhoïde qui l’emporte fin décembre 1899. Il s’apprêtait à épouser sa cousine Louise et à reconnaître le petit Charles, leur fils adultérin. Outre des portraits d’enfants de sa famille, le peintre Evenepoel est reconnu pour ses scènes parisiennes, représentant les gens endimanchés en général, ainsi que des femmes et leurs chapeaux en particulier, comme cette Dame au chapeau vert (1897) que conservait le Musée de l’Art wallon, institution aujourd’hui supprimée.

 

Sources

La Vie wallonne, 1981, n°373-374, p. 86-87
La Vie wallonne, IV, 1982, n°380, p. 273
Jacques STIENNON, Jean-Patrick DUCHESNE, Yves RANDAXHE (dir.), De Roger de le Pasture à Paul Delvaux. Cinq siècles de peinture en Wallonie, Éditions Lefebvre & Gillet, Les Éditeurs d’Art Associés, Art & Fact, 1988, p. 213
Astrid MATTARD, Henri Evenepoel, sur http://balat.kikirpa.be/peintres/Detail_notice.php?id=2232 (s.v. avril 2015)
Francis HYSLOP, Henri Evenepoel à Paris : lettres choisies 1892-1899, Bruxelles, Renaissance du Livre, 1971
Henri Evenepoel : 1872-1899. Exposition, Musées des Beaux-Arts de Belgique 17 mars – 12 juin 1994, Bruxelles, Crédit communal, 1994

 

Plaque Henri Evenepoel (Wépion)

 
 

Trieu Colin 10
5100 Wépion

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Paul Delforge