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Monument Marguerite BERVOETS

Situé dans la cour de l’Athénée de La Louvière, un monument rend hommage à l’héroïsme de deux femmes, résistantes durant la Seconde Guerre mondiale. Si l’accent est mis sur la personnalité de Marguerite Bervoets (1914-1944), l’œuvre réalisée par le sculpteur Hector Brognon (1888-1977) est également dédiée à Laurette Demaret (1921-1944).

Professeur à l’École normale de Tournai au moment de l’invasion allemande de mai 1940, Marguerite Bervoets avait suivi une formation de romaniste auprès de Gustave Charlier à l’Université libre de Bruxelles qui lui avait procuré un diplôme universitaire, mais surtout lui avait permis de cultiver son goût et sa curiosité pour l’écriture. Délaissant sa thèse de doctorat et son activité littéraire, elle s’engage dans la Résistance dès 1941. 

Membre de la Légion belge, elle fait paraître le clandestin La Délivrance, tout en devenant un agent de liaison. Surprise au moment où elle tentait de prendre des photographies du champ d’aviation de Chièvres, Marguerite Bervoets est arrêtée, jugée et condamnée à mort. Transférée en Allemagne, elle est décapitée à Brunswick, à la prison de Wolfenbüttel le 7 août 1944. En 1946, le ministre Auguste Buisseret autorise – fait exceptionnel – le Lycée de Mons à porter le nom de celle qui y avait achevé ses humanités ; l’établissement était dirigé par la mère de Marguerite Bervoets. À La Louvière, où elle avait accompli ses classes primaires avant ses trois premières années d’humanités à l’École Moyenne du Centre, c’est un monument qui est élevé dans la cour d’honneur dès le 17 novembre 1946. Le même jour, est apposée une plaque commémorative sur sa maison natale.

Le monument de La Louvière rend également hommage à Laurette Demaret, elle aussi entrée très jeune dans la résistance active. Membre du Mouvement national belge, affectée dans un réseau de renseignements et d’évasion de pilotes alliés, Laurette Demaret est tuée lors d’une opération menée le 26 août 1944 dans les environs de Temploux. Ancienne élève de l’École moyenne de la rue de Bouvy, Laurette Demaret voit non seulement son nom mais aussi son combat associés à celui de Marguerite Bervoets dans ce monument dédié au rôle des femmes dans la Résistance.

Le monument de La Louvière rend un égal hommage à Laurette Demaret et à Marguerite Bervoets. Le visage réalisé par le sculpteur est une synthèse de celui des deux jeunes filles, ne ressemblant ni à l’une ni à l’autre. Sur un socle de pierre, le sculpteur a en effet représenté une jeune femme en pied, tenant en main un fusil (symbolisant leur combat), et semblant vouloir aller de l’avant d’un pas décidé.

Quant au sculpteur et architecte Hector Brognon, par ailleurs professeur à l’École industrielle et commerciale d’Écaussinnes pendant plusieurs années, il a signé de nombreuses réalisations en Hainaut, aussi bien des bustes et des statues, que des monuments aux morts sur les places publiques (comme celui d’Écaussinnes-d’Enghien, sur la Grand-Place) ou dans les cimetières (les « Martyrs de Tamines » en 1926, ou Ernest Martel en 1933). La pierre bleue d’Écaussinnes n’a plus de secret pour celui qui a été surnommé récemment « le Rodin de Bois d’Haine ».

 

Lucienne BALASSE-DEGUIDE, dans Biographie nationale, t. 43, col. 82-89
Roger DARQUENNE, Images de Chapelle-lez-Herlaimont, Écomusée régional du Centre, 1994
Guy SYMOENS, Hector Brognon (1888-1977) le Rodin de Bois d'Haine, dans Les Cahiers du Grand Manage, 2009, n°56

rue de Bouvy, cour d’honneur de l’Athénée
7100 La Louvière

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Statue Victor BERTRAND

À l’entrée du quartier liégeois d’Outremeuse, du côté du Pont d’Amercœur, une statue a été érigée en hommage au lieutenant-général Victor Bertrand (1857-1931). Général-major en 1914, il était en charge du commandement de la place de Liège lors de l’offensive allemande d’août 1914. Le 5 août, il menait une première contre-attaque à hauteur du barrage de Rabosée ; proche du général Leman, il lui succède à la tête de la 3e division d’Armée du 24 août 1914 au 5 janvier 1915. Sa bravoure, son sens de la décision, son engagement dans la défense de sa cité natale ont été salués par tous les témoins des événements. Par sa résistance et celle de ses forts, Liège est parvenue à retarder l’avancée des soldats de l’empire et rien que cela était déjà héroïque.

Maintes fois décoré après l’Armistice, le commandant en chef de la place de Liège reçut de la jeune association de « la République libre d’Outremeuse » une attention toute particulière. En effet, peu de temps après sa disparition, le groupement lance une souscription publique dans le but d’ériger un monument commémoratif. Le projet est confié à l’architecte E. Sélerin et au sculpteur Louis Gérardy. Ce monument est la seule statue personnalisée d’un héros militaire de la Grande Guerre dans l’espace public liégeois. Il est inauguré fin septembre 1934 à l’heure des fêtes de Wallonie. Sur le socle en pierre assez stylisé, les lettres gravées en grand identifient le militaire :

« Lieutenant
Général
Bertrand
1857-1931 »

Monument Victor Bertrand

Représenté debout, avec son uniforme entre ouvert et son képi sur la tête, l’officier plie le bras droit sur son bassin, tandis qu’il s’appuie sur un long sabre tenu dans sa main droite. En position d’arrêt, il semble scruter l’horizon sans craindre le moindre danger. Son visage comme l’ensemble de son corps sont orientés vers l’intérieur de la ville et non vers l’extérieur.

Très vite, le monument s’est imposé comme un lieu de passage et d’arrêt obligés lors des cérémonies annuelles du 11 novembre pendant de nombreuses années. Entretenue pendant quelques années par l’association, la statue a été reprise par la ville de Liège qui l’a intégrée dans son patrimoine.

Sa réalisation avait été confiée à Louis Gérardy (1887-1959) qui avait fréquenté volontiers l’atelier d’Oscar Berchmans. Proche des milieux wallons, Gérardy a été sollicité à plusieurs reprises lorsqu’il s’est agi de réaliser des médaillons destinés aux tombes des disparus (ainsi Henri Bekkers, Nicolas Defrêcheux, Louis Warroquiers au cimetière de Robermont). En 1919, il réalise le monument serbe sur la pelouse d’honneur de Robermont. Dans les années 1930, il travaille sur  le chantier de décoration du Lycée de Waha (bas-reliefs). Cependant, il s’est davantage spécialisé dans la représentation animalière (tête de chiens, d’oiseaux, etc.), signant des bas-reliefs, comme des statuettes décoratives.

 

Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse
Liège, Patrimoine architectural et territoires de Wallonie, Liège (Mardaga), 2004, p. 205
Charles BURY, Les Statues liégeoises, dans Si Liège m'était conté, n°35, été 1970, p. 9

place Théodore Gobert, près du pont d'Amercoeur
4020 Liège

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Plaque Jacques BERTRAND

Initialement, c’est sur la maison natale de Jacques Bertrand (1817-1884), rue Gustave Nalinne, qu’a été apposée une plaque commémorative de ce chansonnier wallon. Par la suite, la plaque a été transférée sur une stèle installée sur la place du Bourdon. Petit artisan – il tenait un atelier de chaisier –, Jacques Bertrand a consacré l’essentiel de ses loisirs à la composition de chanson en langue wallonne, à l’attention du plus grand nombre, en célébrant le pays de Charleroi.

Réalisée par le sculpteur Jules Van der Stock (1897-1944), la plaque commémorative représente, à gauche, dans un médaillon, le chansonnier en pleine inspiration. Sur le côté droit, ses sources d’inspiration apparaissent, de la longue cheminée fumante et de la belle-fleur aux cheminées d'usines du pays de Charleroi. Deux indications sont mentionnées, l’une dans le médaillon évoque ses dates de naissance et décès, l’autre, en plus grand, sur le côté droit :

« Jacques Bertrand
Le chansonnier populaire
Inauguré le 15 juin 1924 ».

Il s’agit d’une œuvre de jeunesse de Van der Stock qui, comme bon nombre de ses collègues va partager ses activités entre des bustes et des monuments aux victimes de la Grande Guerre. Il signe notamment un buste du roi Albert qui fait partie des collections de l’hôtel de ville de Charleroi. D’autres représentations de la famille royale constituent des références de ce sculpteur brugeois venu s’installer à Marcinelle. Médailleur, il fait preuve d’une précision exceptionnelle dans ses réalisations. Influencé par l’Art Nouveau, il a reçu le Prix des artistes au Salon international de Paris avec une œuvre intitulée Guetteur. Résistant durant la Seconde Guerre mondiale, il ne lui survivra pas.

Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse
Maurice PIRON, Anthologie de la littérature dialectale de Wallonie, poètes et prosateurs, Liège (Mardaga), 1979, p. 176-178.

place du Bourdon, rue de France 
6000 Charleroi

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Statue Berthe

Au milieu du XIXe siècle, afin de doter l’institution provinciale de Liège d’un bâtiment digne de ce niveau de pouvoir, d’importants travaux sont entrepris autour de l’ancien palais des princes-évêques. Propriétaire des lieux (1844), l’État belge retient le projet du jeune architecte Jean-Charles Delsaux (1850) et lui confie la mission de réaliser la toute nouvelle aile, en style néo-gothique, sur le côté occidental du Palais. Face à la place Notger, Delsaux (1821-1893) achève l’essentiel du chantier en 1853, mais des raisons financières l’empêchent de réaliser la décoration historiée qu’il a prévue pour la façade du nouveau palais provincial. Vingt-cinq ans plus tard, le gouverneur Jean-Charles de Luesemans prend l’avis d’une commission pour déterminer les sujets et les personnes les plus dignes d’illustrer le passé de « la Nation liégeoise ». Placés sous la responsabilité de l’architecte Lambert Noppius (1827-1889), une douzaine de sculpteurs vont travailler d’arrache-pied, de 1877 à 1884, pour réaliser 42 statues et 79 bas-reliefs. Dès la mi-octobre 1880, 27 des 42 statues sont achevées, validées par la Commission et mises à leur emplacement respectif. Celle de Berthe est parmi celles-ci.

Membre de cette équipe, Léon Mignon (1847-1898) va réaliser quatre des 42 statues et représenter deux scènes historiques (La bataille de Steppes et L’institution de la Fête-Dieu). De retour d’un séjour de plusieurs mois à Rome, Léon Mignon s’est installé à Paris ; rentrant à Liège de temps à autre, il apporte sa contribution au chantier de décoration du Palais provincial. C’est aussi durant cette période qui va de 1876 à 1884 que l’artiste réalise ses œuvres majeures, celles qui lui assurent en tout cas une réelle notoriété : Li Toré et son vis-à-vis Le Bœuf de labour au repos.
Réalisée en pierre durant la même période, sa statue de la mère de Charlemagne (c. 720 – 783) ne ressemble en rien aux « monuments » que la ville de Liège implante aux Terrasses.

Sa représentation de Berthe, l’épouse de Pépin le Bref, semble s’inspirer très fortement du gisant de la dame franque de la basilique Saint-Denis à Paris ; par contre, il est loin de la statue qu’Eugène Oudiné (1810-1887) a inaugurée dans la galerie des reines de France et femmes illustres du Jardin du Luxembourg, à Paris. Sans faire allusion au surnom « au Grand Pied » de l’aristocrate franque devenue reine, Mignon lui donne une apparence simple, en insistant sur les signes distinctifs de son pouvoir. La particularité la plus manifeste de cette statue réside dans le fait qu’il s’agit de l’une des deux seules femmes représentées sur la façade du Palais provincial de Liège. Berthe et Gertrude de Moha sont bien seules face à 40 autres hauts personnages historiques masculins. Située entre Charlemagne et Godefroid de Bouillon, la statue de Berthe est placée à l’extrême droite du péristyle, sur la partie supérieure ; elle se situe au-dessus de la statue d’Erard de la Marck.

Elle témoigne aussi que Léon Mignon (1847-1898) n’est pas qu’un sculpteur animalier, même si son œuvre la plus connue à Liège reste Li Toré. Bénéficiaire d’une bourse de la Fondation Darchis, cet élève studieux de l’Académie des Beaux-Arts de Liège, qui fréquentait depuis son plus jeune âge l’atelier de Léopold Noppius, avait trouvé l’inspiration en Italie (1872-1876). Médaille d’or au salon de Paris en 1880 pour son taureau, il s’était installé dans la capitale française (1876-1884), avant d’être contraint à habiter Bruxelles pour pouvoir  exécuter des commandes officielles du gouvernement : c’est l’époque de ses bustes, mais aussi de la statue équestre de Léopold II particulièrement remarquable, d’une série de bas-reliefs pour le Musée d’Art moderne de Bruxelles et le Musée des Beaux-Arts d’Anvers, ainsi que d’une Lady Godiva, sa dernière œuvre.


Julie GODINAS, Le palais de Liège, Namur, Institut du Patrimoine wallon, 2008, p. 89
http://www.chokier.com/FILES/PALAIS/PalaisDeLiege-Masy.html
Michel Péters sur http://fr.slideshare.net/guest78f5a/petit-historique-de-la-sainttor-des-tudiants-ligeois (s.v. août 2013)
Hugo LETTENS, Léon Mignon, dans Jacques VAN LENNEP (dir.), La sculpture belge au 19e siècle, catalogue, t. 2, Artistes et Œuvres, Bruxelles, CGER, 1990, p. 504-508
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. II, p. 231
Musée en plein air du Sart Tilman, Art&Fact asbl, Parcours d’art public. Ville de Liège, Liège, échevinat de l’Environnement et Musée en plein air du Sart Tilman, 1996
La Meuse, 2 octobre 1880
 

Façade du Palais provincial, face à la place Notger
4000 Liège

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Monument Charles BERNIER

La statue inaugurée à Angre, le 7 août 1949, en l’honneur de Charles Bernier, de son vivant, n’est pas celle que l’on peut voir désormais le long de la Honnelle. En effet, l’œuvre en bronze réalisée par le sculpteur français Elie Raset a été volée et jamais retrouvée. Afin de rendre hommage à l’enfant du pays, qui avait conservé de nombreuses attaches avec son village natal où il a souhaité reposer pour l’éternité, les autorités communales ont pris l’initiative d’un nouveau monument : sur son socle en briques rouges surmontées d’une dalle de pierre bleue, la statue n’a plus la dimension d’autrefois, mais en est néanmoins une reproduction fidèle.


Charles
BERNIER
Artiste Graveur
Angre 1871-1950


Fils de Théodore Bernier, le jeune Charles se révèle très tôt un dessinateur doué ; il quitte l’Athénée de Mons pour l’Académie des Beaux-arts de Mons, où Antoine Bourlard (dessin) et Auguste Danse (gravure) façonnent ce talent couronné, en 1891, par le second Prix de Rome en gravure.

Poursuivant sa formation à Paris (1892-1893), Bernier y remporte un prix au Salon des artistes français. D’autres récompenses saluent une production qu’il expose notamment à l’occasion des Expositions internationales. Ami d’Émile Verhaeren qui résidait régulièrement, avant-guerre, non loin du village de Bernier, au Caillou qui Bique, il sera séduit par l’impressionnisme, mais son œuvre se caractérise principalement par ses portraits ; il traite aussi de sujets inspirés des tableaux des maîtres anciens ou contemporains, il s’inspire encore de son village d’Angre et sa région pour ses paysages. Après la Grande Guerre, qui emporte notamment son ami Verhaeren, Bernier devient Inspecteur de l’Enseignement du dessin (1922). Il signera parfois « Charles Dubailly » en raison de la Cour du Bailly à Mons, dont il était le propriétaire. Il est le frère de Michel (1888-1942), lui aussi graveur et peintre.

Monument Charles Bernier (Angre-Honnelle)

Originaire de Valenciennes, l’auteur de la sculpture, Elie Raset (1874-1956) est bien connu dans l’espace public du nord de la France pour des œuvres illustrant des scènes de la vie quotidienne, ainsi que pour plusieurs monuments aux morts élevés après l’Armistice dans plusieurs villes et villages. Élève de Maugendre à Valenciennes et de Barrias à Paris, Raset a formé de nombreux artistes en tant que professeur de sculpture à l’Académie des Beaux-Arts de Valenciennes de 1903 à 1937. Son monument Bernier, inauguré à Angre en 1949, représente son « collègue et ami » les mains dans les poches, jetant sur les alentours un regard un peu narquois.
Suite à la disparition de l’œuvre originale, un nouveau monument est inauguré le week-end des 13 et 14 septembre 2008, dans le cadre des Journées du Patrimoine en Wallonie, en même temps qu’est organisée une exposition rétrospective des œuvres de Charles Bernier. Le prétexte est aussi et surtout le centième anniversaire de la fête organisée – en 1908 – par Émile Verhaeren pour féliciter Bernier d’avoir reçu la rosette française d’Officier de l’Instruction publique.


 

Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse, Vers l’Avenir, 22 août 2008
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 88
André HAVEZ, Catalogue des œuvres de Charles Bernier
Christiane PIÉRARD, Théodore, Michel et Charles Bernier
Louis PIÉRARD, Charles Bernier, un graveur wallon, dans Wallonia, 1908, n°7, p. 186-194
http://www.dailymotion.com/video/x6py4p_tele-mb-exposition-charles-bernier_creation 
http://www.haut-pays.be/angre.php 
http://www.ac-antique.com/product_info.php?products_id=311&osCsid=55a098161a2c94b25138b512dfa54ff6 
http://monumentsmorts.univ-lille3.fr/auteur/24/rasetelie/
http://300gp.ovh.net/~honnelle/bernier.html (s.v. novembre 2015)

rue de Dour 1
7387 Angre-Honnelle

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Médaillon Jules BERLEUR

Au milieu du parc de l’avenue Delchambre, à Huy, l’imposant banc dédié à Eugène Godin n’échappe pas au regard ; réalisé par Guillaume Geefs et inauguré en 1872 du vivant de l’industriel hutois, ce monument est destiné à accueillir les membres des associations de musique que patronne Eugène Godin. Dans la cité mosane, la vie musicale est fort intense au milieu du XIXe siècle. Le 12 juin 1853 avait été créée la Société d’Amateurs, à l’initiative de Godefroid Camauër, artiste né à Tilburg en 1821, formé à Liège auprès de Daussoigne-Méhul, et installé à Huy à partir de 1840 quand il est nommé maître de chapelle à l’église collégiale de la cité. Avec le soutien d’Eugène Godin, Camauër multiplie les activités musicales, inscrivant Huy au palmarès de plusieurs concours européens de chant puis d’harmonie. À Camauër succédèrent Eugène Hutoy (1876-1880) puis Jules Berleur.

Après des études musicales au Conservatoire de Bruxelles, où il obtient le 1er prix de composition, Jules Berleur (Huy 1838-15/08/1883) s’était révélé un pianiste, un compositeur et un professeur de musique talentueux et apprécié. Auteur d’opérettes, d’odes et de chansons souvent populaires dont la bibliothèque du Conservatoire de Liège conserve moins d’une dizaine de partitions, Jules Berleur avait pris l’habitude de composer la musique et de laisser à d’autres le soin d’écrire les paroles. L’opérette Les enfants du proscrit, et les chants Avant l’assaut et Pensée de nuit semblent les plus connus. Berleur s’intéressait aussi fortement à l’organisation des concours de sociétés chorales dans la deuxième moitié du XIXe siècle. Plusieurs sociétés ont d’ailleurs fait appel à lui pour les diriger : l’Union chorale de Pâturages, le Cercle Rossini d’Ixelles, la Chorale de Bruxelles, la Lyrique d’Andenne. L’ensemble de ses compositions sont rassemblées dans un ouvrage publié vers 1880 et intitulé Œuvres chorales de Jules Berleur.En 1880, il prend la succession d’Eugène Hutoy à la tête de la Société des Amateurs, mais la maladie a raison de ses initiatives ; en trois ans, il avait redynamisé la société et créé le Cercle choral des Dames. Joseph Duysburgh lui succèdera.

Médaillon Jules Berleur (Huy)

Dès mars 1884 se constitue un comité pour élever un monument à la mémoire de Jules Berleur ; Eugène Godin préside ce groupement qui lance une large souscription. C’est dans le cimetière de Huy-la Buissière que s’élève l’impressionnant monument funéraire, réalisé à la mesure du personnage. Achevé en octobre 1884, il fait l’objet d’un important rassemblement de la famille et de très nombreux amis. En raison du mauvais temps, la cérémonie se déroule au Théâtre, plutôt qu’au cimetière. Plusieurs dizaines de personnes y écoutent les discours et l’interprétation d’œuvres de Berleur, avant qu’Eugène Godin ne les convie à un banquet. Sur la colonne du cimetière figure un médaillon dont la copie conforme est apposée au flanc de la colonne qui soutient le buste de l’industriel Godin, sur la gauche du fameux banc du parc de l’avenue Delchambre. Inauguré en 1872 ce banc était une initiative de l’association musicale « la Société d’Amateurs de Huy ». Il est vraisemblable que le « médaillon Berleur » de la « colonne Godin » devait être inauguré le même jour que le rassemblement au cimetière de la Buissière, en octobre 1884. Sous le médaillon de la « colonne Godin », gravée dans la pierre, la mention rend hommage


A
JULES
BERLEUR
COMPOSITEUR ET


DIRECTEUR
1838-1883


Cependant, aucune signature n’apparaît, ni au cimetière ni au parc de l’avenue Delchambre, ni sur la pierre, ni sur le bronze. Si les archives nous renseignent sur l’architecte (Ferdinand Heine) et sur le tailleur de pierre (Constant Paquot) du monument funéraire, elles restent muettes quant au sculpteur du médaillon.


Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse, dont La Meuse, 6 mars 1884, 28 octobre 1884, 14 et 17 août 1903
Eugène DE SEYN, Dictionnaire biographique des sciences, des lettres et des arts en Belgique, Bruxelles, 1935, t. I, p. 49
http://www.zedfolio.com/pmb2/opac_css/index.php?lvl=author_see&id=7547 (s.v. mars 2015)
Jean Jacques ANDRIES, Précis de l’histoire de la musique, depuis les temps les plus reculés, suivi de notices sur un grand nombre d’écrivains didactiques et théoriciens de l’art musical, …
Souvenir d’un vieux disciple, dans Bulletin de la Société liégeoise de Musicologie, janvier 1993, n°80, p. 26-28
L’art universel, Bruxelles, 15 février 1873, p. 40

parc de l’Avenue Delchambre
4500 Huy

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Statue Jean-Baptiste BERGER

Entre la rue Albert Ier et la rue du Temple, à La Louvière, s’étirait au début du XXe siècle une rue des Écoles, en référence à l’école primaire du Centre et à l’école moyenne des garçons qui s’y trouvaient. En 1929, elle est débaptisée tout en continuant pourtant à se référer au monde de l’éducation scolaire puisque c’est le nom de Jean-Baptiste Berger (1882-1927) qui lui est donné, en hommage à l’action menée par le « directeur-fondateur des écoles industrielles moyenne et supérieure, directeur d’école moyenne », ainsi que le précise le bas-relief en bronze fixé sur le mur de l’établissement scolaire qui accueille au début du XXIe siècle un enseignement de promotion sociale (format21).
Confiée à Alfred Courtens, le bas-relief qui est un « hommage de reconnaissance » représente Berger en trois quarts profil dans la partie centrale, énonçant dans la partie supérieure :


EN SOUVENIR DE
Mr J.B. BERGER
1882-1927


Régent de formation, J-B. Berger avait en effet fait partie de l’équipe qui contribua à fonder l’école des garçons en 1882. Structure scolaire embryonnaire à ses débuts, l’établissement voyait progressivement grossir le rang de ses élèves et de ses professeurs au moment où il prenait ses quartiers définitifs rue Malbecq. En 1894, J-B. Berger succédait au premier directeur, Eugène Dufour ; quatre ans plus tard, il créait l’École industrielle moyenne et, en 1907, en raison du succès de l’enseignement prodigué à des élèves toujours plus nombreux, Berger fondait une école industrielle supérieure qui offrait une formation de techniciens qualifiés, destinés à être immédiatement employés par une industrie en plein développement. En raison de son rôle fondateur, J-B. Berger assura la direction des deux écoles, dès 1898 pour l’École industrielle, à partir de 1907 pour l’École industrielle supérieure.
 

Statue Jean-Baptiste Berger (La Louvière)

En choisissant de confier la réalisation du bas-relief au sculpteur bruxellois Alfred Courtens (1889-1967), les autorités locales optaient pour un jeune artiste qui disposait déjà d’un nom dans le métier. Ayant grandi dans une famille de peintres, sculpteurs et architecte, le fils de Franz Courtens avait par ailleurs bénéficié également des conseils de Charles Van der Stappen à l’Académie des Beaux-Arts de Bruxelles, avant de suivre les cours de Thomas Vinçotte à l’Institut supérieur national des Beaux-Arts à Anvers. Prix Godecharle 1913 (grâce à un Caprice exceptionnel, Le Caprice est le nom de l’œuvre audacieuse qu’il vient de réaliser), le jeune artiste ne cache pas qu’il cherche à sortir des sentiers battus ; mais, après la Grande Guerre, il répond essentiellement à des commandes officielles, tout en accordant beaucoup d’attention à la famille royale de Belgique (notamment le monument reine Élisabeth à Eisden, Léopold II à Ostende, reine Astrid à Courtrai, Léopold III à Courtrai, etc.).

Après l’Armistice, la production de Courtens va correspondre à la volonté des autorités nationales d’honorer les victimes de la Grande Guerre et de réaffirmer le projet politique de 1830. Ses monuments sont essentiellement implantés en Flandre et à Bruxelles, mais pas seulement : il signe en effet le monument de La Louvière, de Virton et de Sombreffe pour les victimes de 14-18 et, en 1949, il sera le lauréat du concours visant à ériger La borne de la Libération à Hértain, première localité libérée par les troupes britanniques en 1944. Des bustes lui sont aussi commandés par des diplomates, des hommes politiques (Gutt, Pholien, etc.), des industriels ou en leur honneur, comme c’est le cas à Court-Saint-Étienne avec le buste Henricot. De 1927 à 1951, il enseigne aussi le modelage et la sculpture à l’Académie de Dendermonde (la ville dont sa famille est originaire). « Illustrateur du sentiment patriotique belge », médailleur et statuaire de la Cour, Courtens est absorbé par la statuaire publique et le bas-relief qu’il signe à La Louvière en hommage à Berger reste une œuvre soignée et de qualité, tout en étant classique.


Marcel HUWÉ, Fidèle MENGAL, Fernand LIENAUX, Histoire et petite histoire de La Louvière, 1959, p. 573
Axelle DE SCHAETZEN, Alfred Courtens, sculpteur, catalogue de l’exposition du Musée des Beaux-Arts d’Ixelles, juin-septembre 2012, Bruxelles, Racine, 2012
Judith OGONOVSZKY-STEFFENS, Alfred Courtens, dans Nouvelle biographie nationale, vol. 6, p. 87-91
Judith OGONOVSZKY-STEFFENS, Les Courtens. Deux générations d’artistes, Mouscron, 1999
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 262

rue Jean-Baptiste Berger (anciennement rue des Écoles), place Maugrétout
7100 La Louvière

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Photo Paul Delforge-Diffusion Institut Destrée-Sofam

Statue Begge

Professeur à l’Académie de Bruxelles, le sculpteur liégeois Louis Jehotte (1804-1884) a offert ses services à sa ville natale, dès 1855, pour élever sur la place Saint-Lambert une statue équestre de Charlemagne. S’inscrivant dans un mouvement typique du XIXe siècle visant à honorer les « gloires nationales belges », cette proposition a embarrassé les autorités liégeoises tant en raison de la question non résolue à l’époque du lieu de naissance de Charlemagne, que par l’insistance du sculpteur d’installer son œuvre sur la place Saint-Lambert. Au milieu du XIXe siècle, la question du lieu de naissance de Charlemagne n’est pas réglée : Belgique, France, Allemagne ? Elle reste d’ailleurs discutée encore aujourd’hui. Cependant, en dépit des protestations de Jehotte, l’emplacement qui est finalement choisi est le boulevard d’Avroy. C’est là que le monument est inauguré le 26 juillet 1868.

Contrairement à l’impression que pourrait donner une vision lointaine de l’impressionnante statue équestre, Charlemagne n’est pas le seul à être honoré. Toute « sa famille » – du moins six de ses ascendants les plus illustres – est associée par Jehotte, par une représentation en bas-relief sur le large socle de style romano-byzantin, par ailleurs ornés de motifs végétaux et de médaillons historiés alternant avec des têtes de lion. Dans les six niches à arcades en plein cintre, que séparent des colonnes ornées de l’aigle impérial, on rencontre Charles Martel, Pépin de Landen, Pépin le Bref, Pépin de Herstal, ainsi que deux femmes, Bertrade et Begge.
 

Statue de Begge sur le monument Charlemagne

Sans que l’on connaisse son lieu de naissance ni d’ailleurs la date, Begge est la fille de Pépin l’Ancien et d’Itte, la fondatrice de l’abbaye de Nivelles. Begge est aussi la sœur de Gertrude de Nivelles. Vers 644, Begge épouse Anségisel, intendant des domaines royaux en Austrasie, avec qui elle a un fils, Pépin le Jeune (dit Pépin II de Herstal) qui deviendra maire des palais d’Austrasie et de Neustrie. Rédigée dans le courant du XIe siècle, la Vita Beggae raconte que son mari fut assassiné à la chasse par un certain Gondouin. Devenue veuve, Begge se réfugie en Hesbaye, vers 673, avant de partir pour l’Italie où elle décide d’entrer en religion comme sa sœur. À son retour de Rome, elle développe un monastère à Andenne qui devient rapidement l’un des plus florissants de nos régions. Surnommée Begge d’Andenne, elle en devient la première abbesse (691). Elle contribue à l’expansion du pouvoir que les Pippinides détiennent alors principalement autour de Liège et en Ardenne. Son fils, Pépin II de Herstal (circa 645 – Jupille 714) n’aura de cesse de consolider la domination de sa famille sur les rois mérovingiens. C’est par conséquent l’arrière-arrière-grand-mère de Charlemagne, que Jehotte représente sur le piédestal de l’empereur.

Formé à l’Académie de Liège, Louis Jehotte a bénéficié d’une bourse de la Fondation Darchis dans sa jeunesse, et a fait le voyage en Italie (Florence et Rome). Ami d’Eugène Simonis, il est comme lui élève de Mathieu Kessels à Rome (en 1823), avant de séjourner à Paris (1830) et à Copenhague où il fréquente l’atelier de Thorwaldsen (1831). Nommé professeur de sculpture à l’Académie des Beaux-Arts de Bruxelles en 1835, il y enseigne seul cette matière pendant 27 ans (1835-1863), influençant considérablement plusieurs générations d’artistes (Mélot, Bouré, Fiers, Meunier, Desenfans, etc.). Préférant sculpter des sujets religieux, Jehotte se fait rare en monuments publics. Pourtant, c’est lui-même qui avance, en 1855, l’idée de Charlemagne, personnage auquel il consacre, avec son ami André Van Hasselt, une importante biographie résultant de vingt ans de recherches. Tenant particulièrement à ce monument, Jehotte a acquis un terrain à Bruxelles (rue de Pachéco) et c’est là qu’il exécute la fonte de cette œuvre colossale, pesant dix tonnes. En 1888, des vandales abîment trois des statues du piédestal et un nouveau procès oppose la ville et le sculpteur qui meurt sans que l’affaire soit réglée. À la veille de la Grande Guerre, la partie inférieure du socle est remplacée. Au début du XXIe siècle, il a été procédé à une rénovation totale du monument qui a retrouvé des couleurs et un large espace de dégagement.


Jacques VAN LENNEP, La sculpture belge au 19e siècle, t. 1. La Sculpture belge, Bruxelles, CGER, 1990, p. 71 Jacques VAN LENNEP, La sculpture belge au 19e siècle, catalogue, t. 2, Artistes et Œuvres, Bruxelles, CGER, 1990, p. 460-461
Pierre COLMAN, Le site de la statue équestre de Charlemagne, dans Chroniques d’archéologie et d’histoire du pays de Liège, Liège, Institut archéologique liégeois, juillet-décembre 2004, n°7-8, tome II, p. 76-77
Alain DIERKENS, La statuaire publique, dans L’architecture, la sculpture et l’art des jardins à Bruxelles et en Wallonie, Bruxelles, La Renaissance du Livre, 1995, p. 246-250
Liège, Patrimoine architectural et territoires de Wallonie, Liège (Mardaga), 2004, p. 154
Charles BURY, Les Statues liégeoises, dans Si Liège m’était conté, n°35, printemps 1970, p. 9-10
Pierre COLMAN, Le sculpteur Louis Jehotte, alias Jehotte (1803-1884) académicien comblé...d’avanies, Liège, 2010
http://www.sculpturepublique.be/4000/Jehotte-Charlemagne.htm 
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 764
Alexia CREUSEN, dans Musée en plein air du Sart Tilman, Art&Fact asbl, Parcours d’art public. Ville de Liège, Liège, échevinat de l’Environnement et Musée en plein air du Sart Tilman, 1996 
Eugène COEMANS, Begghe, dans Biographie nationale, t. II, col. 107-110
Alain COLIGNON, Dictionnaire des saints et des cultes de Wallonie. Histoire et folklore, Liège, éd. du Musée de la Vie wallonne, 2003

boulevard d’Avroy
4000 Liège

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Paul Delforge

Paul Delforge-Diffusion Institut Destrée-Sofam

Statue Ludwig van BEETHOVEN

Buste de Ludwig van Beethoven, kiosque réalisé par l’architecte Fritz Maiter, 1934.

Sur son territoire, la ville de Malmedy possède trois kiosques, décorés et fleuris : ils sont situés place de Rome, place saint Géréon, ainsi que place du Pont Neuf. Datant de 1901, celui de saint Géréon rappelle l’ancienne église bâtie au même endroit pendant plusieurs siècles. En 1923, le kiosque à musique de la place de Rome est construit, à l’initiative et aux frais des habitants du quartier, à l’emplacement de l’ancienne statue en pierre à la gloire de l’empereur Guillaume : surnommée le « Pétèr Prûs » par les habitants, cette statue avait été élevée en 1904 pour commémorer la victoire prussienne de 1870 ; après l’Armistice de novembre 1918, la statue fut enlevée et son socle rasé. 

En 1934, sur les plans de l’architecte malmédien Fritz Maiter, le troisième kiosque, celui du Pont Neuf, est édifié à l’emplacement d’un petit jardin, face à la Chapelle de la Résurrection. De forme circulaire, de style néo-classique, ce kiosque à musique ressemble à un temple monoptère à chapiteaux ioniques. S’appuyant, d’un côté, sur le pignon des maisons des deux rues de la Vaulx et de Derrière la Vaulx, il est formé de six colonnes. Ouvert au public, il est créé en même temps que la société musicale « La Lyre » qui, elle, disparaîtra avec la Seconde Guerre mondiale. À l’intérieur de cet espace, on peut voir le buste de trois illustres compositeurs allemands : Richard Wagner, Amadeus Mozart et Ludwig van Beethoven.

Buste de Ludwig van Beethoven (Malmedy)

Compositeur né à Bonn en 1770, Beethoven occupe une place particulière au firmament de l’histoire de la musique. Lointain descendant d’une famille originaire de Malines, le jeune Beethoven évolue dans un milieu tourné vers la musique : son grand-père était en effet maître de chapelle du prince-électeur de Cologne ; son père était lui aussi musicien et ténor à la même cour. Tentant de produire son fils sur toutes les scènes d’Europe à l’instar des Mozart quinze ans plus tôt, Johann van Beethoven échoue, malgré l’indéniable talent du jeune Ludwig : celui-ci devra à de vrais pédagogues et à un mécène éclairé la chance d’émerger comme pianiste virtuose et compositeur. Introduit à la Cour de Vienne, il y rencontre Mozart qui le présente à Haydn. Désormais, à partir de 1792, Vienne devient le lieu où Beethoven s’épanouit et où il écrit l’une des plus belles pages de l’histoire de la musique. 

Au-delà d’une œuvre remarquable, il influence la musique occidentale tout au long du XIXe siècle. Musicien adulé, compositeur de la 9e Symphonie, dont un extrait du presto final de l’Ode à la joie est devenu l’hymne de la CEE à partir de 1985, Beethoven est un personnage historique qui fait l’objet de très nombreux bustes ou statues à travers le monde ; s’il est statufié fort logiquement à Bonn, sa ville natale, et à Vienne, là où il passa l’essentiel de son existence, Beethoven est aussi présent dans l’espace public notamment au Mexique, aux États-Unis (New York, Los Angeles), en Hongrie, en Espagne, en Tchéquie, etc. La liste des lieux où se trouvent des bustes et statues du musicien est loin d’être exhaustive. Parmi ces dizaines de villes, on trouve Malmedy, seule cité de Wallonie à rendre hommage au compositeur allemand.

En l’absence de signature sur le buste, on sera amené à déduire que son auteur n’est autre que l’architecte qui a conçu le kiosque. Avec l’appui et le soutien de son père, Édouard (1854-1928), qui est entrepreneur, Fritz Maiter (1881-1954) est un architecte qui a entamé sa carrière de façon spectaculaire car, il n’a pas 20 ans quand il signe les plans de l’Hôtel de ville de Malmedy, souhaité et financé à ses frais par le papetier Jules Steinbach. Cette mairie au hall de marbre blanc affiche sur son fronton une inscription en latin, Civibus (aux citoyens), qui est un pied de nez au Landrat qui souhaitait une inscription en allemand. Diplômé de l’École royale d’Architecture d’Idstein (1898), le jeune Maiter avait déjà construit toutes les maisons de la nouvelle rue Steinbach (1899-1900). 

Comme son père, il est aussi entrepreneur et directeur de la briqueterie familiale, avant de fonder, en 1913, une entreprise de fabrication de blocs de cendrée et de diriger une société de transport. Mobilisé durant la Grande Guerre, il est chargé de l’entretien et de la réparation de voies ferrées pour la Prusse. Au moment de l’Armistice, il est nommé architecte de la ville de Malmedy dont l’annexion à la Belgique va se réaliser à la suite des Traités de Versailles. Il exercera cette fonction jusqu’en 1948. Marié à la liégeoise Christine Collienne, il poursuit sa carrière à la fois au service des autorités communales - il signe notamment la piscine de Malmedy, les kiosques, une école – et conçoit des plans pour plusieurs villas à Malmedy et dans sa région. Supervisant avec minutie l’entretien des voiries et des bâtiments publics de Malmedy, il s’occupe encore de rénovations ou d’interventions sur divers édifices religieux.

En dépit de ses multiples talents, Maiter est-il l’auteur des bustes des trois musiciens ? Le doute est permis. À défaut de certitude ou d’informations contraires, l’hypothèse que les trois bustes soient des productions industrielles de faible qualité est permise. Comparés à nombre de bustes des trois musiciens, ils présentent la particularité de les représenter jeunes, leur visage orienté vers la droite et la tête légèrement redressée, attitude relativement peu courante.


Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse 
Robert CHRISTOPHE, Malmedy, ses rues, ses lieux-dits, dans Folklore. Stavelot – Malmedy – Saint-Vith, Malmedy, 1979, t. 43, p. 36 et errata dans t. 47 (1983), p. 139
Robert CHRISTOPHE, Malmedy, ses rues, ses lieux-dits, dans Folklore. Stavelot – Malmedy – Saint-Vith, Malmedy, 1982, t. 46, p. 109
Philippe KRINGS, Fritz Maiter et les cent ans de notre hôtel de ville, dans Malmedy Folklore, Malmedy, 2001-2002, t. 59, p. 27-43
http://wc.rootsweb.ancestry.com/cgi-bin/igm.cgi?op=GET&db=wmakemp&id=I4547 
http://ns9.horus.be/code/fr/ipw_info_detail.asp?pk_id_news=1059 (s.v. novembre 2015)

kiosque de la place du Pont Neuf
4960 Malmedy

carte

Paul Delforge

Photo Paul Delforge-Diffusion Institut Destrée-Sofam

Statue Baudouin le Bâtisseur

Statue de Baudouin le Bâtisseur, réalisée par Edmond de Valériola, 1910.

Face à la gare de Binche, de style néo-gothique, construite entre 1905 et 1910, s’étend une imposante esplanade, appelée place Eugène Derbaix, au centre de laquelle a été inaugurée en 1931 une statue de l’Indépendance ; autour de ce monument central s’étendent quatre pelouses séparées par des chemins : la moitié supérieure, côté gare, est ceinturée par une balustrade en pierre bleue, sculptée, de style néo-gothique d’où émergent 8 colonnes de pierre, elles-mêmes surmontées d’une statue en bronze. La place a été aménagée en respectant les indications très précises de la Commission royale des Monuments qui délégua sur place, à plusieurs reprises, ses représentants pour veiller à leur bonne exécution.

Statue de Baudouin le Bâtisseur (Binche)

Oeuvres des sculpteurs Vermeylen et Valériola, inaugurées en même temps que la gare en 1910, les 8 statues représentent « des personnages illustres qui ont joué dans l’histoire locale un rôle important et dont le souvenir mérite de vivre dans la mémoire des Binchois » (Derbaix). Quatre sont dues au ciseau de Frantz Vermeylen : Charles-Quint, Guillaume de Bavière, Marguerite d’York et Arnould de Binche (toutes les statues de droite, quand on fait face à la gare). Les quatre autres ont été réalisées par Edmond de Valériola (1877-1956) : Gilles Binchois, Marie de Hongrie dont la statue a été volée en 1993 Yolande de Gueldre et Baudouin le Bâtisseur.

Formé à l’Académie des Beaux-Arts de Bruxelles (1894-1904), de Valériola est le cadet de 20 ans de Frantz Vermeylen avec lequel il travaille sur le chantier binchois. Plusieurs fois candidat au Prix de Rome, le Bruxellois s’est spécialisé dans les portraits (surtout les jeunes filles et les femmes) et les médailles. La ville d’Ostende lui a confié le monument James Ensor (1930), celle d’Etterbeek celle de Constantin Meunier (1931) et il est aussi l’auteur d’un buste en marbre de Jules Bordet (Académie royale de Médecine, 1950). Comme beaucoup de sculpteurs de son époque, il fut sollicité pour réaliser des monuments commémoratifs des événements de 14-18, puis de la Seconde Guerre. Il semble cependant que les critiques émises lors de la présentation de son lieutenant-général Bernheim (inauguré à Bruxelles, au square Marie-Louise, en 1936) aient quelque peu porté préjudice à sa réputation. Cela ne l’empêche pas de réaliser de nombreuses œuvres personnelles, l’artiste travaillant le marbre autant que le bronze suivant son inspiration qui trouva aussi à s’épanouir comme médailliste. À Binche, en 1910, ce sont cependant quatre statues qu’il réalise dont un Baudouin le Bâtisseur, située à l’extrême gauche et « dans l’angle » lorsqu’on fait face à la gare. Il se trouve entre Marie de Bourgogne et Yolande de Gueldre.

Dans l’histoire de la ville de Binche, Baudouin – comme Yolande – occupe une place particulière. À Yolande, on attribue en effet d’avoir choisi le site d’où est née une ville neuve au début du XIIe siècle : bâtie sur un éperon rocheux, au pied de la Samme, Binche sera fortifiée par Baudouin IV de Hainaut, le fils de Yolande, dans les années 1140, ce qui lui vaut le surnom de « Bâtisseur ». La date précise de l’édification de cette enceinte n’est pas connue, mais elle semble achevée en 1147 lorsque Bernard de Clairvaux est en visite à Binche. Veuve de Baudouin III de Hainaut (1088-1120), Yolande de Gueldre avait épousé, en 1107, le 4e héritier du comté de Hainaut depuis que Baudouin Ier avait acquis le titre en 1051. Leur fils, Baudouin IV, exercera un long règne sur le Hainaut, héritant de son père en 1120 et gardant son titre jusqu’à son décès en 1171. Cependant, jusqu’en 1127, Baudouin doit composer avec sa mère, comtesse douairière, administratrice vigilante du pays. Par son mariage avec Alix de Namur (1130), il fait entrer le marquisat de Namur dans la couronne de Hainaut.

Contrairement à ce que laisserait paraître la statue binchoise, Baudouin IV de Hainaut a été, dans un premier temps, un prince belliqueux, qui n’hésitait pas à lancer des attaques contre ses voisins immédiats de Flandre et d’Artois. Dans un second temps, la paix ayant été retrouvée au début des années 1150, Baudouin se montre moins téméraire (à l’image de la statue), tout en renforçant cependant son pouvoir à l’égard de vassaux turbulents et en faisant fortifier les cités de Mons, Le Quesnoy, Beaumont, Bouchain et Binche. Autorisant la construction d’églises et de cathédrales, il est encore à l’origine de la ville d’Ath.



Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse
Eugène DERBAIX, Monuments de la Ville de Binche, Vromant & Cie, 1920, p. 38-39
Étienne PIRET, Binche, son histoire par les monuments, Binche, Libraire de la Reine, 1999
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 460

place et square Eugène Derbaix
7130 Binche

carte

Paul Delforge