Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam
Buste de Félicien Yernaux
Buste de Félicien Yernaux.
16 septembre 1934, Réalisé par les élèves de l’École, avec l’aide de Hector Brognon.
Ce sont les élèves de l’École industrielle d’Écaussinnes, vraisemblablement aidés par leur professeur, le sculpteur Hector Brognon, qui ont réalisé, avant la Seconde Guerre mondiale, les bustes d’Ernest Martel et de Félicien Yernaux que l’on peut encore voir aujourd’hui depuis la rue Ernest Martel, dans la cour d’entrée de l’actuelle École Industrielle et Commerciale d’Écaussinnes. La juxtaposition de ses deux bustes peut apparaître quelque peu étonnante au vu du passé des deux personnages. Actif syndicaliste du secteur des carrières, Ernest Martel s’était signalé par son opiniâtreté dans la défense des intérêts des ouvriers carriers. Face à ce leader socialiste, Félicien Yernaux (1854-1943) était, au contraire, un des patrons des célèbres carrières d’Écaussinnes, certes à l’écoute de certaines revendications de ses ouvriers, mais pas du tout sensible au discours syndical et politique des socialistes locaux. D’ailleurs, en 1910, Félicien Yernaux participe à un important mouvement de lock-out décidé par les 18 maîtres de carrières de l’Association des Maîtres de carrières d’Écaussinnes, Marche-lez-Écaussinnes, Feluy et Arquennes, solidaire avec la direction du Levant ; les patrons réagissent ainsi à une grève générale décrétée par l’organisation syndicale d’Ernest Martel. Mouvement destiné à raffermir l’autorité patronale face aux ouvriers de mieux en mieux organisés, le lock-out va durer de juin 1909 à janvier 1910. Après 37 semaines de bras de fer, le travail reprendra, mais laissera des traces.
Une trace positive de ce conflit social est notamment la transformation de l’École locale de dessin en une École industrielle. L’utilité d’une telle école était défendue de longue date par Ernest Martel, et les maîtres de carrières acceptent finalement de soutenir sa création. Il semble que c’est à cette époque que Félicien Yernaux est désigné pour devenir le premier président de la Commission administrative de l’École industrielle et commerciale d’Écaussinnes. Il exerce cette présidence jusqu’en 1933, année où il est remplacé par… Ernest Martel. Destiné à former la jeunesse aux métiers de la région, cet établissement symbolise en quelque sorte l’accord qui pouvait régner entre l’industriel et le syndicaliste. La juxtaposition des bustes de Yernaux et de Martel renvoie dès lors davantage au fruit de leur collaboration, qu’aux distances idéologiques évidentes qui existaient entre ces deux personnalités marquantes de la région. L’idée des bustes est née au moment du passage de relais entre les deux hommes et leur inauguration remonte au 16 septembre 1934.
Attribué aux élèves de l’École, le buste doit certainement surtout au sculpteur et architecte Hector Brognon (Bois d’Haine 1888 – Bois d’Haine 1977) qui est professeur dans l’établissement. Surnommé récemment « le Rodin de Bois d’Haine », Brognon avait l’habitude de prêter ses services dans la réalisation de monuments ou de bustes réalisés par ses élèves ou par ses amis. Au sortir de la Grande Guerre, il jouit d’une solide réputation dans le Hainaut en raison de sa parfaite connaissance de la pierre bleue d’Écaussinnes. Plusieurs commandes de bustes et de statues lui parviennent, ainsi que des monuments aux morts et aux héros des deux guerres destinés aux places publiques (Écaussinnes-d’Enghien) ou aux cimetières (les « Martyrs de Tamines » en 1926, ou le bas-relief Ernest Martel en 1939). Brognon est encore l’auteur du monument dit de Marguerite Bervoets à La Louvière et a participé à la décoration des frontons et panneaux de l’hôtel de ville de Charleroi (côté rue de Turenne et rue Dauphin).
Sources
Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Archives
Informations aimablement communiquées par la bibliothèque d’Écaussinnes et le Cercle d’Information et d’Histoire locale (l’abbé Jous et son frère)
Claude BRISMÉ, Ernest Martel (1880-1937), dans Le Val Vert. Bulletin trimestriel du Cercle d'Information et d'Histoire locale des Écaussinnes et Henripont, Écaussinnes-Lalaing, 1988, n° 64 ; 1989, n° 65-67
Claude BRISMÉ, Histoire des Écaussinnes, recueil n°15 du Cercle d’information et d’histoire locale, 2010
Léon BAGUET, dans Le Val Vert, 1990, n°69, p. 12
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 155
Guy SYMOENS, Hector Brognon (1888-1977) le Rodin de Bois d’Haine, dans Les Cahiers du Grand Manage, 2009, n°56
http://www.eic-ecaussinnes.be/historique_suite.html (s.v. février 2014)
Cour de l’École commerciale et industrielle
Rue Ernest Martel 6
7190 Ecaussines
Paul Delforge