Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam
Monument Léon MABILLE
Monument en hommage à Léon Mabille, réalisé par Léon Gobert, aidé par M. Bertiaux et Hector Brognon, 10 juillet 1927.
Quelques jours à peine après les funérailles de l’ancien bourgmestre Léon Mabille (1845-1922), le conseil communal du Roeulx décide à l’unanimité des groupes catholique, socialiste et libéral d’élever un monument en l’honneur de leur illustre concitoyen (27 juillet 1922). Choisi comme bourgmestre du Roeulx par le roi en 1903, Léon Mabille a été professeur à l’Université catholique de Louvain – il est titulaire du cours de droit civil depuis 1872 –, député chrétien-démocrate de l’arrondissement de Soignies (1900-1922) et, depuis les années 1870, il apparaît comme l’un des pionniers de la démocratie chrétienne en Belgique, en Wallonie en particulier. Dans le cœur du bassin industriel du Centre, cet avocat, brillant orateur, n’hésite pas à frayer avec les ouvriers, à débattre publiquement et à mobiliser les travailleurs pour qu’ils se structurent au sein d’organismes de défense catholiques. La mémoire populaire retient volontiers l’expression favorite de l’orateur : « Hardi, m’fi. N’lâchez ni ».
À partir de 1894, on le retrouve en tant qu’animateur extérieur du nouveau Cercle Régional d’Études sociales pour Ouvriers, créé à La Louvière. Il est aussi parmi les fondateurs du Parti démocratique du Centre dont il rédige le programme (1895), au lendemain des premières élections législatives au suffrage universel masculin tempéré par le vote plural. Durant la Grande Guerre, il reste en fonction tout en défendant les intérêts de ses administrés au point d’être emprisonné par l’occupant. Après l’Armistice, il devient échevin et, surtout, il laisse le souvenir d’importants travaux d’aménagement, dont la création d’un parc public (1911) qui porte aujourd’hui son nom et qui, à l’origine, était une propriété qui lui appartenait. C’est au cœur de ce square qu’est inauguré en 1927 un monument en son honneur.
Formé en septembre 1922, le comité du Monument Mabille lance une souscription publique dès 1923 et reçoit le soutien d’un important Comité d’honneur forme de personnalités hennuyères de tous les partis et du recteur de l’Université de Louvain. La réalisation du monument est confiée à Léon Gobert qui s’entoure des services de M. Bertiaux, professeur d’architecture à l’Académie de Mons, pour le piédestal, et d’Hector Brognon qui trouve à Soignies, dans les carrières du Hainaut, le bloc de pierre.
Sculpté entièrement dans une même pierre englobant le socle et le buste, l’ensemble représente Léon Mabille jusqu’à hauteur de la ceinture ; par une plaque en bronze, réalisée par Brognon, le monument rend au hommage
A
LEON
MABILLE
BOURGMESTRE
Réalisée à l’automne 1927, cette plaque en bronze n’est apposée qu’en 1928, soit plus de six mois après l’inauguration du monument, le dimanche 10 juillet 1927 soit cinq ans presque jour pour jour après la disparition de Léon Mabille (11 juillet 1922). Chapeau sur la tête, mallette sous le bras, tenant d’une main sa cape fermée, Mabille scrute l’horizon d’un air décidé, accentué par sa forte moustache et ses sourcils épais. Aucune signature n’apparaît sur la pierre, mais c’est bien Léon Gobert (Wasmes 1869 – Mons 1935) qui en est le sculpteur principal. On reconnaît bien son style caractéristique.
Élève et disciple de Charles Van Oemberg à l’Académie des Beaux-Arts de Mons (1884-1885), puis à l’Académie de Bruxelles (1890-1895), où il reçoit l’enseignement de Charles Van der Stappen, Prix Godecharle 1895, Léon Gobert s’est spécialisé dans la réalisation de sculptures, bustes, médaillons et bas-reliefs illustrant le travail de la mine, la misère et la condition ouvrière. On lui doit des types d’ouvriers ou d’ouvrières, des portraits et des sujets d’inspiration régionale. Travaillant souvent le bronze, il pratique aussi le modelage et la pierre en taille directe : le monument Mabille en serait l’illustration. Natif de Wasmes où il a laissé plusieurs œuvres et contribué à l’aménagement du parc, Léon Gobert a signé plusieurs monuments aux morts dans le Borinage et a notamment réalisé la fontaine L’Ropieur à Mons. Professeur à l’Académie de Mons (1899-1934) où il fut formé, il enseigna aussi à l’Institut provincial des Arts et Métiers à Saint-Ghislain.
En dépit des efforts de la majorité catholique, la prestigieuse cérémonie de l’inauguration (avec ses discours, cortège, drapeaux et banderoles aux fenêtres, bénédictions, Brabançonne et autres cantates et harmonies) ne parviendra pas à rassembler tous les Rhodiens. Socialistes et libéraux se mettront en retrait, ne souhaitant pas participer et soutenir, de facto, une démarche qu’ils jugent essentiellement politique. Les correspondants de presse présents comptabiliseront plusieurs milliers de personnes dans les rues de la cité, en l’honneur de « l’illustre tribun », du « lutteur infatigable » et du « champion de la démocratie chrétienne dans le Centre ».
M. DEFOURNY, Léon Mabille. Éloge funèbre prononcé le 15 novembre 1922 devant le corps académique et les étudiants de l’Université de Louvain, Louvain, 1922
Emmanuel GÉRARD, Paul WYNANTS, Histoire du Mouvement ouvrier chrétien en Belgique, Leuven University Press, 1994, t. 1, Kadoc-Studies 16, p. 92-93, p. 111
Isabelle CAMBIER, Léon Mabille, le lion du Roeulx, Cercle d’Histoire Léon Mabille, Le Roeulx, 1989
Albert TESAIN, Le monument Léon Mabille, dans Nos 5 Blasons, revue trimestrielle du Cercle d’Histoire Léon Mabille, Le Roeulx, 1993, n°4, p. 3-17
Wallonia t. XII, 1904, p. 261
Wallonia, t. XXI, 1913, p. 622
Jacques VAN LENNEP (dir.), La sculpture belge au 19e siècle, t. 1 et 2, Bruxelles, CGER, 1990, p. 194, 598
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 634
ENGELEN-MARX, La sculpture en Belgique à partir de 1830, Bruxelles, août 2006, t. III, p. 1696-1699
Square Léon Mabille
7070 Le Roeulx
Paul Delforge