Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam
Mémorial Jean GOL
Dans le parc communal de Chaudfontaine, près de l’hôtel de ville et de ses services administratifs, un mémorial Jean Gol borde la grande pelouse de ses quatre hautes stèles réalisées par Halinka Jakubowska. L’initiative en revient aux autorités communales calidifontaines qui tenaient à honorer rapidement celui qui était encore conseiller communal et échevin de la localité lorsqu’il est victime d’une hémorragie cérébrale fulgurante en septembre 1995. Objet d’un concours public lancé à l’automne 1997, la lauréate a été désignée par un jury présidé par Félix Roulin en mars 1998 et sa réalisation inaugurée en septembre 1998, pour le troisième anniversaire de la disparition de Jean Gol.
Artiste d’origine polonaise, née à Slubice en 1952, Halinka Jakubowska avait découvert Liège en 1972 et s’y est définitivement fixée ; elle y mène des études à l’Académie des Beaux-Arts avant de poursuivre sa formation à Anderlecht à l’Académie, où elle se spécialise dans la rénovation de la pierre et du bois. En 1990, le prix de la pierre lui est décerné par l’Association des Maîtres Tailleurs de pierre de la province de Liège ; il s’agit de la première des nombreuses reconnaissances accordées à son travail : la pierre, puis le bronze, et progressivement la fonte sont autant de matières qui font l’objet de ses sculptures abstraites, d’intérieur ou d’extérieur, de petits formats ou monumentales. Jouant souvent sur la dualité, confrontant les matériaux (pierre et bronze) ou leur traitement (pierre polie aux bords rugueux), elle remporte plusieurs concours publics, dont celui de la fontaine de la place Saint-Séverin à Huy (1991), celui de la fontaine pour la Place saint-Lambert à Liège (1997), voire la fontaine de la place Patria à Soumagne (intitulée La Porte, en 2008), ainsi que pour le mémorial Van den Berg à Cointe (2010). L’année où elle remportait le concours du mémorial Jean Gol, elle venait d’achever l’hommage aux soldats polonais destiné au monument Interallié de Cointe. Prix Techni-Pierre de la Région wallonne 1992, prix Hembecca de la sculpture (1995) et prix Louis Schmidt (1995), prix de la Galerie Juvénal de la biennale d’art contemporain de Huy (2007), celle qui a été élue « Polonaise de l’année 2011 en Belgique » a exposé dans de nombreux endroits en Wallonie, plus particulièrement en province de Liège, ainsi qu’à Bruxelles, à Paris, en Suisse et aux Pays-Bas, seule ou lors d’expositions collectives.
Caractéristique de son œuvre, la verticalité est bien présente dans le mémorial Jean Gol, installé à Chaudfontaine, de même que la répétition de formes similaires. Halinka Jakubowska a en effet travaillé quatre pierres de granit bleu offertes par les carrières de Sprimont. Silhouettes abstraites, elles sont posées sur une tranche étroite et leur disposition donne une impression de progression. Étroite vers le haut, de plus en plus large vers le bas, la forme de chaque stèle peut aussi donner l’impression que des ailes vont s’ouvrir. Faisant ainsi allusion au disparu qui s’est envolé vers un autre monde, les quatre stèles sont travaillées d’un côté avec force détails ; de l’autre, restent gravées dans la pierre des paroles que Jean Gol avait l’habitude de prononcer souvent. À ces contrastes s’ajoute que la tranche du côté droit est polie et droite, tandis que le côté gauche est irrégulier et « brut ».
Les formules gravées sont brèves et rassemblent les valeurs qui lui étaient chères : la justice, l’universalité, la recherche de l’excellence, la défense de la langue française. La première fait explicitement référence au discours d’investiture (refusée) de Pierre Mendès France (3 juin 1953) à l’Assemblée nationale.
« PARLER LE LANGAGE DE LA VÉRITÉ, C’EST LE PROPRE DES OPTIMISTES QUI PENSENT QUE LE PAYS ACCEPTERA LA VÉRITÉ ET QUE LE SAVOIR EST, POUR LUI, LA SEULE CHANCE DE COMMENCER A RÉAGIR ET À GUÉRIR C’EST POURQUOI SI NOUS VOULONS ÊTRE DIGNES DE LA CONFIANCE DU PAYS NOUS NE DEVONS JAMAIS PROMETTRE AU-DELÀ DU POSSIBLE. » | « RIEN N’EST PLUS ESSENTIEL A L’AVENIR DE LA BELGIQUE FRANCOPHONE QUE SON OUVERTURE LA PLUS GRANDE SUR L’EUROPE ET SUR LE MONDE. A CET EGARD, NOUS AVONS UNE GRANDE CHANCE, UN ATOUT IRREMPLACABLE. NOTRE LANGUE, NOTRE CULTURE ONT UN ROLE UNIVERSEL. » | « JE CROIS QUE LE ROLE DU POLITIQUE COMME LE ROLE DE LA POLITIQUE EST DE CHANGER LES CHOSES ET NON DE LES SUBIR. » | « SEULS LES HOMMES RESPONSABLES SONT VRAIMENT LIBRES » JEAN GOL 1942-1995 MINISTRE D’ETAT ECHEVIN DE CHAUDFONTAINE AVOCAT, ENSEIGNANT A L’UNIVERSITE DE LIEGE |
Docteur en Droit de l’Université de Liège (1964), diplômé d’études supérieures en Sciences juridiques (Droit public et administratif) (1969), chercheur-stagiaire (1964-1965), puis aspirant FNRS (1965-1969) au Centre interuniversitaire de droit public, assistant du professeur François Perin (1969-1971), maître de conférences (1974), chargé du cours du droit des médias, Jean Gol (Hammersmith 1942 – Liège 1995) exerce comme avocat depuis 1964 au Barreau de Liège et dirige un bureau d’avocats spécialisés dans le droit commercial international, quand il se lance en politique. Actif au sein d’associations étudiantes de gauche et wallonnes, co-fondateur du Parti wallon des Travailleurs (1964) puis du Parti wallon (1965) et du Rassemblement wallon (1968), il est d’abord conseiller provincial RW de Liège (1968-1971), avant de faire son entrée à la Chambre des représentants en 1971.
Abandonnant son poste d’assistant à l’Université de Liège, il se consacre désormais quasi exclusivement à la politique. Acteur de la régionalisation provisoire (1974-1977), secrétaire d’État à l’Économie wallonne (11 juin-4 octobre), Secrétaire d’État adjoint au ministre des Affaires wallonnes (Alfred Califice) en charge de l’Économie wallonne (4 octobre 1974-18 avril 1977), il fait partie du tout premier Comité ministériel des Affaires wallonnes. Il participe ainsi à la construction et à la mise en place des premières institutions wallonnes, et au développement des premières initiatives wallonnes. Quittant le Rassemblement wallon pour former le Parti des Réformes et de la Liberté de Wallonie (1977-1979), et le PRL ensuite, Jean Gol préside ce parti (1979-1981). Acteur majeur de l’adoption des lois de régionalisation de l’été 1980, il siège au Conseil régional wallon de 1980 à 1994, ainsi qu’au Conseil communautaire. Jusqu’en juin 1994 et son élection au Parlement européen, il est régulièrement réélu à la Chambre dans l’arrondissement de Liège. Devenu vice-premier ministre dans les gouvernements Martens (1981-1988), il est notamment en charge de la Justice et des Réformes institutionnelles. Il porte notamment à son actif le statut de la Communauté germanophone (1983) et la mise en place de la Cour d’Arbitrage (1984). Rejeté dans l’opposition en 1988 avec son parti – dont il retrouve la présidence en 1992 – Jean Gol ne peut que constater et déplorer l’orientation des réformes institutionnelles de 1988 et 1993. La priorité est donnée aux régions et aucune majorité n’est disponible en Wallonie et à Bruxelles pour créer la structure de la « nation francophone » à laquelle il aspire. Attentif aux questions internationales, en particulier à l’Europe et à l’Afrique, surto
ut les relations Belgique-Zaïre, Rwanda et Burundi, il a été l’un des premiers à dénoncer les dérives du régime d’Habyarimana et a souvent mis l’accent sur l’importance de la francophonie. De 1977 à 1982, il siège aussi comme conseiller communal à Liège, avant de déménager à Chaudfontaine, dont il devient l’échevin des Finances (1992-1995).
Sources
Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse
Joseph TORDOIR, Des libéraux de pierre et de bronze. 60 monuments érigés à Bruxelles et en Wallonie, Bruxelles, Centre Jean Gol, 2014, p. 199-202
http://www.halinka-jakubowska.be/index.html (s.v. avril 2015)
Paul DELFORGE, Encyclopédie du Mouvement wallon, t. IV, Namur, 2010
Joseph TORDOIR, Jean Gol : Vingt ans de combat libéral, Bruxelles, Centre Jean Gol, Labor, collection Histoire, 2005
Jean-François FURNEMONT, Jean Gol. Le pirate devenu amiral, Bruxelles, 1997
Jean-François FURNEMONT, Jean Gol, dans Nouvelle Biographie Nationale, t. IX, p. 201-206
Parc communal d’Embourg (dit Parc Jean Gol)
4050 Chaudfontaine
Paul Delforge