Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Statue Paul PASTUR

Au cœur du piétonnier qui longe les bâtiments de l’Université du Travail, une imposante statue en bronze représentant Paul Pastur (1866-1938) rend hommage à celui qui contribua à la fondation de l’établissement scolaire et fut, pendant de longues années, un bâtisseur tant à Charleroi que dans la province du Hainaut, préoccupé aussi par la question wallonne. Réalisé par Alphonse Darville, à la demande de la province du Hainaut, le monument a été inauguré en octobre 1950, quelques semaines à peine après la fin de la Question royale.

Statue Paul Pastur (Charleroi)

Paul Pastur

Avocat au barreau de Charleroi, grand ami de Jules Destrée, Pastur resta marqué toute sa vie par les événements sociaux de 1886 et se fera le défenseur acharné du suffrage universel et de législations sociales favorables aux travailleurs. Dirigeant du POB naissant, échevin de Charleroi entre 1896 et 1900, il n’acceptera que des mandats à l’échelon provincial : de 1900 à 1938, il est l’un des députés permanents du Hainaut et, à ce titre, consacre ses meilleurs efforts pour démocratiser l'enseignement et la culture, et pour favoriser une société des loisirs qui contribue à l’émancipation des individus. Initiateur de l'École industrielle supérieure provinciale (1903), qui devient l'Université du Travail en 1911, au moment de l’Exposition internationale de Charleroi, il est considéré comme le père de cet instrument destiné à former une main-d’œuvre qualifiée pour l’industrie en pleine expansion. 

De Paul Pastur, on retient aussi volontiers qu’il introduit en Hainaut, sur l'exemple américain, une fête des mamans, le dernier dimanche de mai (1927), qui deviendra nationale 10 ans plus tard. Il consacre aussi une attention particulière à l’obtention puis à l’amélioration de loisirs pour les travailleurs (temps de travail, infrastructures, etc.).

L'artiste Alphonse Darville

La réalisation du monument Pastur a été confiée à Alphonse Darville (1910-1990). Né à Mont-sur-Marchienne en 1910, formé à l’académie des Beaux-Arts de Bruxelles, le jeune Darville a bénéficié très tôt de la confiance de ses contemporains, en particulier de celle de Jules Destrée et de Paul Pastur. À 20 ans, il est encore fort peu connu quand il se voit confier la réalisation du buste de Pierre Paulus. Ce n’est que l’année suivante, en 1931, que Darville recevra le Prix Godecharle puis, en 1935, le Premier Grand Prix de Rome. 

Co-fondateur de L’Art vivant au pays de Charleroi (1933), attaché à la promotion de la création artistique en Wallonie, co-fondateur de la section de Charleroi de l’Association pour le Progrès intellectuel et artistique de la Wallonie (1945), Darville contribue aussi à la création de l’académie des Beaux-Arts de Charleroi, qu’il dirige de 1946 à 1972. En 1951, il signe l’insolite monument au pigeon-soldat, qui trouve place dans le parc Astrid de Charleroi.

En 1950, le monument que Darville consacre à Pastur est l’un des plus spectaculaires ; en tout cas, l’ensemble est l’un des plus grands jamais réalisés par l’artiste. À l’arrière de la statue en bronze d’un Paul Pastur qui se tient debout, tenant son chapeau de la main droite, s’élève une sorte de tour de près de 10 mètres de haut sur laquelle sont délivrés plusieurs messages. D’abord, au-dessus de la statue elle-même, apparaît la mention :


PAUL PASTUR
1866 – 1938
AVOCAT
DEPUTE PERMANENT
FONDATEUR DE L’ENSEIGNEMENT TECHNIQUE
DU HAINAUT
PRÉSIDENT DE L’UNIVERSITÉ DU TRAVAIL
1902 – 1938


Au sommet de cette face de la tour, est gravé le sigle de l’UT. Sur les faces latérales, Darville a donné libre cours à son inspiration pour réaliser une allégorie de la jeunesse et de la culture ; à l’arrière, le blason de la province est gravé dans la pierre, avec la mention :


A PAUL PASTUR
LE HAINAUT RECONNAISSANT
INAUGURE LE 28 – 10 – 1950




Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse dont La Nouvelle Gazette, le Journal et Indépendance, 15 juillet 1991
Jacques GUYAUX, Paul Pastur, la grandeur du Hainaut, Bruxelles, éd. Labor, Institut Destrée, Fonds Pastur, 1978, p. 115-116
Paul DELFORGE, Paul Pastur, dans Encyclopédie du Mouvement wallon, Charleroi, Institut Destrée, 2001, t. III, p. 1240-1241
Geneviève ROUSSEAUX, Alphonse Darville sculpteur, Charleroi, Institut Jules Destrée, 1982, coll. « Figures de Wallonie »
Alphonse Darville : 60 [soixante] années de sculpture, catalogue d’exposition, 20 novembre 1982 - 16 janvier 1983, Jean-Pol DEMACQ [préface],  Charleroi, Musée des Beaux-Arts, 1982
Alphonse Darville 1977, Charleroi, Impaco, 1977
Paul DELFORGE, Essai d’inventaire des lieux de mémoire liés au Mouvement wallon (1940-1997), dans Entre toponymie et utopie. Les lieux de la mémoire wallonne, (actes du colloque), sous la direction de Luc COURTOIS et Jean PIROTTE, Louvain-la-Neuve, Fondation Humblet, 1999, p. 285-300
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 290 ; t. II, p. 190

 

 

Piétonnier de l’Université du Travail
6000 Charleroi

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Paul Delforge

Maison Darville

Rue de Bomerée 132, 6032 Mont-sur-Marchienne, Belgique


Classement comme monument le 8 décembre 1997


En 1937, l’architecte carolorégien Marcel Leborgne construit cette maison pour le sculpteur Alphonse Darville, professeur et directeur de l’académie des Beaux-Arts de Charleroi. Né en 1910, ce sculpteur a participé à la décoration de l’hôtel de ville de Charleroi pour lequel il réalise notamment la sculpture en bronze de l’escalier d’honneur. Cette maison illustre bien le travail de Marcel Leborgne, grand représentant de l’architecture moderniste en Wallonie : articulation de la façade principale en deux plans reliés par une courbe qui assouplit l’effet cubique du volume. La façade est animée de verrières horizontales dont celles de l’étage qui sont séparées par des panneaux de brique émaillée. Autre caractéristique de ce type d’architecture : la toiture plate terminée par une frise ondulée formée d’une rangée de tuiles. Les propriétaires actuels, passionnés par le travail de l’architecte, ont acquis la bâtisse en 1993 ; ils ont souhaité son classement et restauré l’ensemble. Il s’agit d’une des rares maisons modernistes classées en Wallonie ; ici sont protégés les façades et toitures, mais également le mobilier fixe et tous les revêtements d’origine. On trouve notamment des parquets en bois exotique, des garde-corps en métal chromé ou un lanterneau en verre de Murano.

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Institut du Patrimoine wallon

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Université du Travail

Bastion de l’instruction ouvrière, l’Université du Travail illustre le rayonnement industriel de la région de Charleroi à l’aube du 20e siècle. Elle incarne le message politique des forces naissantes, le face à face de la classe ouvrière et de la bourgeoisie.

Construite selon les plans d’Albert et Alexis Dumont et inaugurée en grande pompe le 28 mai 1911 sous le nom générique d’Université du Travail, il s’agit d’une institution unique d’enseignement technique et d’éducation économique ayant pour but la formation des apprentis, des ouvriers et des employés. Cette institution est née à l’instigation de Paul Pastur (1866-1938), député provincial du Hainaut et membre actif du parti ouvrier belge. Sa statue, réalisée en 1950 par le sculpteur Alphonse Darville, se trouve face à l’entrée.

Le travail de construction est confié aux architectes Albert et Alexis Dumont, lauréats d’un concours national en 1905. Chef-d’œuvre de l’architecture néoclassique, le bâtiment Gramme en constitue la construction principale.

Le bâtiment héberge notamment une salle d’exposition technologique de 1500 m² montrant une collection de machines-outils, et deux ailes occupés par des lieux d’enseignement. Le grand vestibule, construit en pierre blanche et briques jaunes, est caractérisé par son décor grandiose et raffiné : il est orné de lustres et son pavement est couvert de mosaïques. Il est éclairé par trois grandes verrières ornées de superbes vitraux représentant le fer, le verre et le charbon, trois piliers de l’industrie régionale. Ceux-ci ont été réalisés par les ateliers d’art bruxellois A. Wybo.
 

Boulevard Roullier 1
6000 Charleroi

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Classée comme monument le 16 juin 2004

Institut du Patrimoine wallon

Darville Alphonse

Culture, Sculpture

Mont-sur-Marchienne 14/01/1910, Charleroi 21/11/1990


Pendant plus de soixante ans, Alphonse Darville a marqué la sculpture du pays de Charleroi de son empreinte. Très tôt, en effet, on reconnut le talent de celui qui étudiait à l’Académie des Beaux-Arts de Bruxelles et eut notamment comme professeurs Egide Rombaux et Victor Rousseau (1924-1928). Jeune artiste d’à peine vingt ans, il se voit confier la tâche de réaliser le buste du grand Pierre Paulus, peintre à la réputation déjà bien établie, qui donna son drapeau à la Wallonie. Un an après l’inauguration de ce buste au Parc Astrid de Charleroi (1930), Darville reçoit le Prix Godecharle et, en 1935, il est le lauréat du grand Prix de Rome. Avec une telle entrée dans le monde des arts, Darville ne pouvait déchoir. 

D’abord très académique, son style évoluera se laissant tenter par le baroquisme, l’expressionnisme, le surréalisme, avant de se faire plus « moderne ». Au milieu des années 1930, il avait aussi sculpté, en « art déco » quatre bas-reliefs qui ornaient la façade principale du Sporting de Charleroi et qui représentaient un footballeur, un basketteur, un lanceur de javelot et un quatrième sportif. Il travaillait aussi bien le marbre que le bronze ou la terre cuite.

Réalisant de nombreuses œuvres d’inspiration, Darville réalise également des commandes comme sa participation à la décoration du Pont des Arches, à Liège, après la Seconde Guerre mondiale, aux bâtiments du gouvernement provincial à Mons, voire à l’hôtel de ville ou au Palais des Expositions à Charleroi (le Maître d’œuvre sur la façade). En 1957, lui est encore confiée la réalisation du monument en l’honneur de Jules Destrée. Pour La Louvière, Darville qui est aussi médailleur et dessinateur, réalise la statue de la Louve, avec l’architecte Marcel Depelsenaire.

Co-fondateur de L’Art vivant au pays de Charleroi (1933), attaché à la promotion de la création artistique en Wallonie, co-fondateur de la section de Charleroi de l’Association pour le Progrès intellectuel et artistique de la Wallonie (1945), Alphonse Darville contribue aussi à la création de l’Académie des Beaux-Arts de Charleroi, qu’il dirige de 1946 à 1972 et qui porte désormais son nom. 

 

Sources

Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse
Geneviève ROUSSEAUX, Alphonse Darville sculpteur, Charleroi, Institut Jules Destrée, 1982, coll. « Figures de Wallonie »
Alphonse Darville : 60 [soixante] années de sculpture, catalogue d’exposition, 20 novembre 1982 - 16 janvier 1983, Jean-Pol DEMACQ [préface],  Charleroi, Musée des Beaux-Arts, 1982
Alphonse Darville 1977, Charleroi, Impaco, 1977