Trésor de Liège

Vestiges de la cathédrale Notre-Dame-et-Saint-Lambert

Chef-d’oeuvre de l’art gothique, deuxième plus haute cathédrale d’Europe au moment de son édification, la cathédrale Notre-Dame-et-Saint-Lambert de Liège devait certainement être un des édifices les plus remarquables construits dans nos régions au Moyen Âge. Ses dimensions impressionnent : 97 m de long, 60 m de hauteur pour les tours occidentales et 130 m pour la grande tour.

L’édifice fait pourtant les frais des événements révolutionnaires dès la première occupation de la principauté par les Français suite à la bataille de Jemappes. Le 19 février 1793, l’administration centrale du ci-devant pays de Liège décide de démolir la cathédrale. La défaite de Dumouriez à Neerwinden le 18 mars suivant et le rétablissement du pouvoir principautaire qui suit retarde la mise en oeuvre de cette funeste décision. La victoire de Fleurus du 26 juin 1794 et l’annexion définitive de la principauté le 1er octobre 1795 ramènent la démolition à l’ordre du jour. Dans un premier temps, la cathédrale est dépouillée au profit de la République ; seul le Trésor, emmené à l’étranger par les chanoines, évite le pillage ou la destruction. Ensuite, les Liégeois eux-mêmes procèdent à la démolition de l’édifice ; opération longue et ardue qui s’accomplit sur plusieurs années. Cette démolition proprement dite commence dès l’été 1794, après Fleurus et la fuite du prince-évêque de Méan. Les deux tours de sable sont détruites en 1803 alors que s’entasse un monceau de ruines sur l’espace qui ne porte pas encore le nom de « place Saint-Lambert ». Un long moment d’indécision s’ouvre ainsi qui provoque l’étonnement de Napoléon qui, lors de son passage en 1803, est choqué de l’état dans lequel se trouve cet espace public. Les ruines ne sont toutefois définitivement évacuées qu’en 1819 et la nouvelle place nivelée en 1827 !

Place Saint-Lambert
4000 Liège

carte

Frédéric MARCHESANI, 2014

Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam

Statue saint LAMBERT

Statue de Lambert, saint patron du diocèse et de la principauté de Liège, réalisée par Mathieu de Tombay, c. 15 octobre 1880.

Au milieu du XIXe siècle, afin de doter l’institution provinciale de Liège de bâtiments dignes de ce niveau de pouvoir, d’importants travaux sont entrepris autour de l’ancien palais des princes-évêques. Propriétaire des lieux (1844), l’État belge retient le projet du jeune architecte Jean-Charles Delsaux (1850) et lui confie la mission de réaliser la toute nouvelle aile, en style néo-gothique, sur le côté occidental du Palais. 

Face à la place Notger, Delsaux (1821-1893) achève l’essentiel du chantier en 1853, mais des raisons financières l’empêchent de réaliser la décoration historiée qu’il a prévue pour la façade du nouveau palais provincial. Vingt-cinq ans plus tard, le gouverneur Jean-Charles de Luesemans prend l’avis d’une commission pour déterminer les sujets et les personnes les plus dignes d’illustrer le passé de « la Nation liégeoise ». Placés sous la responsabilité de l’architecte Lambert Noppius (1827-1889), une douzaine de sculpteurs vont travailler d’arrache-pied, de 1877 à 1884, pour réaliser 42 statues et 79 bas-reliefs. Celle de Lambert figure parmi les 27 premières statues achevées, validées par la Commission et mises à leur emplacement respectif dès la mi-octobre 1880.

Personnalité incontournable de l’histoire liégeoise, saint patron du diocèse et de la principauté, l’évêque Lambert (636-705) dispose d’une statue de la même taille que les autres, mais placée bien en évidence, à la gauche de la façade principale, sur le retour du péristyle, sur la partie inférieure de la colonne de gauche. Lambert tient un livre ouvert devant lui ; il est coiffé d’une mitre ; le drapé de ses vêtements est particulièrement soigné, tout en restant sobre. C’est le sculpteur Mathieu de Tombay qui signe cette statue. Il est le frère d’Alphonse qui est le plus connu de cette famille liégeoise de sculpteurs, et qui travaille aussi sur le chantier du palais provincial. Sur les 121 sculptures du palais liégeois, Mathieu de Tombay en signe cinq à titre personnel, dont celle de la personne la plus importante de l’histoire du diocèse de Liège. Ce Mathieu de Tombay est souvent confondu avec son grand-père, son parfait homonyme.

Nommé évêque vers 666, suite à l’assassinat de Théodard, Lambert est devenu l’un des conseillers du roi Childéric II. Mais l’époque est riche en intrigues et, à son tour, Childéric est assassiné (673), tandis que ses partisans sont persécutés. Contraint de quitter sa fonction épiscopale, Lambert s’exile au monastère de Stavelot, avant de revenir, vers 681, quand les événements politiques le permettent à nouveau. Dans ses fonctions d’évêque de Maastricht, il contribue à l’approfondissement de la christianisation des populations rurales. Mais son implication dans les affaires de l’État semble être l’une des hypothèses avancées pour expliquer son assassinat en 705. Quand Hubert, son successeur, transfère ses reliques à Liège et édifie une chapelle à l’endroit où il a été assassiné, le culte rendu à Lambert contribue au développement de Liège. 

Sources 


Julie GODINAS, Le palais de Liège, Namur, Institut du Patrimoine wallon, 2008, p. 100
http://www.chokier.com/FILES/PALAIS/PalaisDeLiege-Masy.html (s.v. août 2013)
La Meuse, 2 octobre 1880
 

Statue de Lambert

Façade du Palais provincial
Face à la place Notger
4000 Liège

carte

Paul Delforge

HUBERT (SAINT)

Eglises, Saint

Lieu de naissance en Aquitaine inconnu entre 656 et 658, Tervueren 30/05/727

Successeur de l’évêque Lambert assassiné vers 701, Hubert fait édifier à Liège une basilique et y transfère, vers 718 (ou 712), les reliques de celui qui régnait sur les âmes du diocèse de Tongres-Maastricht. Ce transfert sur le lieu du martyre donnera naissance à un culte majeur et à l’installation à Liège du siège épiscopal, remplaçant Maastricht (vers 800). Aussi respecté que son prédécesseur, l’évêque Hubert bénéficiera aussi, après sa mort, d’un culte particulier. Enterré à Liège où ses reliques sont consacrées dès le 3 novembre 743 (date retenue pour fixer sa fête), il est transféré en 825 à l’abbaye d’Andage. Il donnera son nom à la localité et à l’important monastère bénédictin. Libéré de la concurrence de Lambert, le culte de Saint-Hubert se développe sans entrave au milieu des forêts de l’Ardenne. Saint patron de la ville de Liège, il est aussi le saint des chasseurs.

L’attention portée à Hubert de son vivant et les fonctions qu’il a exercées témoignent des liens qui l’unissent aux Pippinides. Il semble être parent de Plectrude, l’épouse de Pépin II, puissant maire du palais. Le rôle d’évangélisation d’Hubert s’est exercé en Ardenne, en Brabant et en Toxandrie.

À partir du milieu du VIIIe siècle, fleurissent des Vitae de Saint Hubert. Vers le XVe siècle, se développe sa légende : l’évêque avait d’abord été un « mondain », grand amateur de pêche et de chasse. C’est à l’occasion d’une partie qu’il mena seul dans les forêts ardennaises que – rapporte la légende – Hubert se serait retrouvé seul face à un cerf exceptionnel : il était blanc et portait une croix lumineuse entre ses bois ! Accompagnée d’un message venu du ciel, cette vision mystique aurait convaincu Hubert de cesser ses activités sauvages et de se convertir auprès de l’évêque Lambert.
 

Sources

La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Lettres - arts - culture, t. I, p. 78
Freddy JORIS, Natalie ARCHAMBEAU (dir.), Wallonie. Atouts et références d’une région, Namur, 1995
Histoire de la Wallonie (L. GENICOT dir.), Toulouse, 1973, p. 91, 100
Hervé HASQUIN (dir. scientifique), Dictionnaire d’histoire de Belgique, Les hommes, les institutions, les faits, le Congo belge et le Ruanda-Urundi, Bruxelles, Didier Hatier, 2e éd., 1999, p. 250
Ferdinand LOISE, dans Biographie nationale, t. IX, col. 591-601
Philippe GEORGE, Reliques et arts précieux en pays mosan. Du haut Moyen Âge à l’époque contemporaine, Liège, Céfal, 2002, p. 36

Lambert

Saint

Maastricht c. 636, Liège c. 705

Issu d’une riche famille aristocratique de Maastricht, Lambert fait ses études sous l’autorité de Théodard, évêque de Maastricht, cette cité ayant définitivement supplanté Tongres comme siège épiscopal. Le jeune homme est introduit à la cour mérovingienne du Regnum Francorum et évolue dans l’entourage du roi ; Lambert occupe un rang élevé au sein du clergé de la ville. Il est nommé évêque avant l’âge de trente ans, semble-t-il, suite à l’assassinat de Théodard, et devient l’un des conseillers du roi Childéric II, un ancien maire du palais. L’époque est cependant riche en intrigues politiques et, suite à l’assassinat de Childéric, en 673, Ebroïn, devenu maire du palais de Neustrie, poursuit les partisans du défunt roi. Contraint d’abandonner ses fonctions épiscopales, Lambert est remplacé par Pharamond et, pendant les sept années que dure son exil, il se retire au monastère de Stavelot, vivant dans la méditation et l’accomplissement des devoirs monastiques. 

Vers 681, quand Pharamond est déposé à son tour, Lambert retrouve ses fonctions d’évêque de Maastricht et contribue, à l’instar de nombreux missionnaires de cette époque, à l’approfondissement de la christianisation auprès des populations rurales. L’évêque rayonne dans le diocèse en utilisant quelques résidences secondaires établies dans les bourgades mosanes de Huy, Namur et Dinant. La Meuse s’impose comme l’axe principal de ce diocèse. Par son œuvre d’évangélisation, il contribue aussi à servir les intérêts de Pépin II dans les régions situées aux confins du royaume. Il soutient la création de nouveaux monastères, dont celui de Munsterbilzen. Cette implication dans les affaires de l’État semble être l’une des hypothèses avancées pour expliquer son assassinat en 705.

Selon cette version, Lambert aurait reproché à Pépin de Herstal sa relation adultère avec Alpaïde, la sœur de Dodon, et lui aurait demandé de la chasser. Par réaction, la concubine aurait commandité le massacre de l’évêque par son frère. Une autre version explique que deux frères, Gall et Riold, des pillards, seraient tombés sous les coups des hommes armés de l’évêque. Leur parent Dodon, domesticus, aurait assassiné l’évêque, lors d’un séjour à Liège, toujours par vengeance. Quoi qu’il en soit, le corps de Lambert est enterré à Maastricht, dans l’église Saint-Pierre aujourd’hui démolie. Son successeur, Hubert (peut-être un parent) fera transférer ses reliques à Liège, et édifiera une chapelle à l’endroit où il a été assassiné. Très vite, le culte qui est rendu à Lambert prend de l’importance et contribue au développement du village. Pas moins de cinq Vitae ont été consacrées, du VIIIe au XIIe siècles, à celui qui est devenu à la fois un martyr et le saint protecteur d’un vaste diocèse. Au XIIe siècle, l’imposante cathédrale de ce qui est devenu le siège d’une principauté ecclésiastique sera construite à l’emplacement de la chapelle du VIIIe siècle, confirmant Lambert comme saint patron de la cité mosane.

 

Sources

Jean-Louis KUPPER, Liège et l’Église impériale aux XIe-XIIe siècles, Genève, éd. Droz, coll. Bibliothèque de la Faculté de philosophie et lettres de l’Université de Liège », 1981
Alain COLIGNON, Dictionnaire des saints et des cultes de Wallonie. Histoire et folklore, Liège, éd. du Musée de la Vie wallonne, 2003
Godefroid KURTH, Lambert, dans Biographie nationale, t. XI, col. 143-148
Histoire de la Wallonie (L. GENICOT dir.), Toulouse, 1973, p. 98
La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Lettres - arts - culture, t. I, p. 57
Jacques STIENNON, dans Freddy JORIS, Natalie ARCHAMBEAU (dir.), Wallonie. Atouts et références d’une région, Namur, 2005

Les biens de l’Église de Liège au Xe siècle

Faisant partie du diocèse primitif de Tongres, la petite cité de Liège acquiert un statut tout neuf quand l’évêque Lambert y est assassiné en l’an 700. Successeur de Lambert, Hubert y fait édifier une basilique et, en 800, sous Charlemagne, Liège devient siège épiscopal, celui-ci ayant déjà migré précédemment de Tongres à Maastricht. C’est désormais depuis Liège que l’évêque, représentant local du pape, exerce un pouvoir spirituel et moral sur l’ensemble d’un diocèse qui a conservé les mêmes dimensions que l’ancienne civitas tungrorum. Progressivement, il va aussi exercer un pouvoir temporel sur les terres que lui offrent princes et seigneurs. Au Xe siècle, les donations sont nombreuses et les possessions de l’Église de Liège – sous forme de biens ou de droits – sont situées le long de l’axe Sambre-et-Meuse ; elles confèrent à l’évêque une position prestigieuse.

Références
AzKG-94 ; HPLg-16-31 ; LJGdLg48 ; Meuse-Rhin10


Institut Destrée (Paul Delforge et Marie Dewez) - Segefa (Pierre Christopanos, Gilles Condé et Martin Gilson)