Le comté de Namur au XIIe siècle

Désigné par l’empereur à la tête du comté de Luxembourg laissé sans héritier (1136), le comte Henri (plus tard surnommé l’Aveugle) bénéficie d’un concours de circonstances qui l’amène à hériter du titre de comte de Namur, Laroche, Durbuy et Luxembourg, en plus d’être l’avoué des importantes abbayes de Stavelot, Malmedy, Saint-Maximin de Trêves et Saint-Willibrod d’Echternach (1139). C’est en vain qu’il tentera d’accroître ses biens, ses voisins immédiats voyant d’un mauvais œil se constituer un puissant ensemble territorial entre la Meuse et la Moselle. Henri l’Aveugle paiera d’ailleurs au prix fort ses échecs militaires.
Une rocambolesque histoire de succession marque les dernières années de son existence. En 1163, il rédige un testament en faveur de Baudouin V, comte du Hainaut, mais la naissance d’une fille en 1186 l’amène à changer d’avis. Harcelé par les grandes familles namuroises, menacé par le comte du Hainaut qui conquiert le Namurois (1188), considéré comme un pion par l’empereur qui souhaite élever le Namurois au rang de Marquisat (1188), Henri trouve finalement refuge à Luxembourg, ne conservant que les comtés de La Roche et Durbuy. Quand il meurt à Echternach en 1196, à plus de 80 ans, ses biens sont dispersés : sa dernière fille (Ermesinde) héritera des comtés de Laroche et Durbuy avant d’obtenir de l’empereur le comté de Luxembourg ; quant au comté de Namur, il revient au comte de Hainaut, Baudouin VI, sous la forme d’un marquisat.

Références
Er-Cover ; H56 ; HHWH24 ; MoDic2a ; MoDic2z


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Le droit de Beaumont dans le comté/duché de Luxembourg (XIIe – XVIIIe siècles)

Les nouvelles habitudes namuroises auraient-elles fait florès dans le comté de Luxembourg, au moment du règne commun sur les deux régions de Henri l’Aveugle (1136-1186) ? Ou l’influence barroise est-elle prédominante ? Toujours est-il qu’au XIIIe siècle, quarante localités du comté de Luxembourg disposent de leurs chartes d’affranchissements construites sur le modèle de la loi de Beaumont, promulguée en 1182 par Guillaume de Champagne (par ailleurs évêque de Reims) pour ses localités du Barrois, de la Champagne, de la Lorraine et du Rethelois. Il s’agit d’une des franchises les plus libérales d’Europe. Quatre-vingts localités en seront dotées dont la moitié (sur la carte) dans le Luxembourg wallon actuel. Droit régional, la loi de Beaumont concerne essentiellement le pays gaumais.
En 1775, une ordonnance de l’impératrice d’Autriche supprime purement et simplement cette coutume qui organisait notamment la vie municipale par une réelle élection des maire, jurés et doyen de justice. D’autres largesses avaient été accordées par Guillaume de Champagne, notamment en matière d’impôts et de commerce. Dans un souci de centralisation accrue, Vienne souhaitait désigner maire et échevin, en leur attribuant un mandat à vie.

Références
Lor-204 ; RouNa-207-208


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Chartes du Hainaut (XIIe siècle)

Le besoin de consigner par écrit certains aspects de la coutume conduit à la rédaction de deux chartes (une dite féodale, l’autre pénale), résultat d’une négociation et d’une convention entre Baudouin VI et ses grands vassaux (1200) : des limites sont établies à la vengeance et des rudiments de justice sont introduits. En 1323, « les coutumes et ordonnances du Hainaut » complètent les dispositions de 1200 et codifient les coutumes traditionnellement admises en matières civiles, pénales et administratives. D’autres textes suivent, apportant les précisions nécessaires pour lutter contre les abus (comme la charte d’Aubert en 1391) ou préciser le rôle des États (la charte de 1410). Répondant à la demande de Charles Quint de réduire les particularismes et de codifier davantage par écrit, les États du Hainaut feront adopter une nouvelle charte provinciale en 1534 ; et une dernière révision date de 1619. Cet effort de codification ne couvre pas tout le droit du Hainaut.
À côté de ces « chartes générales » qui fondent progressivement le droit « provincial », il existe des chartes dites locales accordant des privilèges. Dans le comté de Hainaut, le premier texte de ce type a été octroyé à Valenciennes par Baudouin III qui recommande à tous ses seigneurs et échevins de s’en inspirer (charte de Valenciennes de 1114). Comme chef-lieu, Mons ne paraît pas disposer d’une charte de privilèges mais son administration même sert néanmoins à définir le « sens du droit » auquel nombre d’échevinages se réfèrent. À leurs côtés, Chimay, Binche, Lessines et Le Roeulx développent leur propre usage, mais au rayonnement restreint (CAUCHIES).
En Hainaut, les chartes furent nombreuses car octroyées avec générosité par les princes. Certains textes ont été retrouvés et sont attribuables à une localité et à une date. Pour d’autres, on ne dispose que de fragments, parfois très minimes (ZYLBERGELD). En 1158, la loi de Prisches est octroyée par Nicolas d’Avesnes (1158). Cette loi accorde aux habitants de cette localité (à l’ouest d’Avesnes) un affranchissement total, une exemption de cens et la possibilité d’acquérir des terres à quiconque jure « la Paix ». Pour attirer des cultivateurs sur ses terres, le seigneur établit ainsi un lien contractuel. Il cherche à retenir « ses » gens tentés par la ville et à attirer des étrangers. L’administration obéit progressivement à des règles et acquiert un caractère que l’on pourrait qualifier de pré-démocratique. La charte de Chièvres est l’un des tout premiers documents rédigés en français (langue d’oïl).

Références
Cauc-10 ; VuBrbt-76-77 ; Zyl-166


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L’influence du diocèse de Tournai (XIIe siècle)

Aux VIe et VIIe siècles, la première capitale du royaume des Francs est délaissée, tout en conservant son statut de siège ecclésiastique et, ainsi, une réelle autonomie. Ban de justice unique dépendant de l’Église, Tournai est fille de l’Église. Au VIIe siècle, saint Amand établit à Elnone une abbaye qui devient rapidement un centre de l’ordre bénédictin. Néanmoins, de 630 à 1146, le diocèse est rattaché à celui de Noyon dont il dépend et l’évêque est moins présent. En 1146 et jusqu’à la révision des diocèses de 1559, Tournai redevient un diocèse à part entière.
Retrouvant une nouvelle vie économique sous les Carolingiens, Tournai est placée sous la juridiction d’un comte (VIIIe-IXe siècles) ; ce fonctionnaire n’aura de cesse de s’affirmer face au pouvoir de l’évêque. Si les rivalités locales sont fortes, elles ne sont rien par rapport aux convoitises extérieures : le Traité de Verdun fixe Tournai dans la Francia occidentalis comme ses voisins, les comtes de Flandre, qui installent rapidement une châtellenie aux portes de la ville, dans le quartier du Bruille, appelé aussi Îlot flamand, sur la rive droite de l’Escaut. Ainsi, dès la fin du IXe siècle, on établit une distinction entre Tournai, la ville, et le Tournaisis, son immédiat hinterland.
Au IXe siècle, se constitue un chapitre (composé de 30 moines) auquel le roi confère des droits importants. C’est notamment le chapitre qui élit l’évêque, avant que celui-ci soit sacré par l’archevêque de Reims (pour le spirituel) et reçoive le temporel des mains du roi de France. Le choix de l’évêque de Tournai revêt donc une importance considérable dans la mesure où le chef de l’Église dispose d’une forte influence sur toutes les âmes dans son ressort. Comtes de Flandre, empereurs et rois de France ne cesseront de convoiter la cité scaldienne qui, entre 1150 et 1350, se jouera subtilement des uns et des autres pour s’affranchir de toute autorité, hormis celle du roi de France, son seul suzerain.
Du Xe siècle à 1795, la ville devra aussi compter sur « l’échevinage » responsable de l’administration et de la justice. Présidé par un avoué et un châtelain, cet organe composé de bourgeois devait prêter serment à l’évêque et au chapitre. Au XIIe siècle, la lutte contre la tutelle à l’égard de l’Église fait apparaître des jurés alliés des échevins. Les prévôts communaux deviennent omnipotents, surtout après l’octroi d’une charte en 1188. De Tournai, Henri Pirenne dira y voir « une sorte de république municipale, jouissant d’une autonomie et d’une indépendance presque égales à celles des villes libres de l’Empire ».

Références
Ar73 ; Child ; DCM17; DCM20; DCM22 ; DCM24 ; Er35c; HW04-184 ; HW04-184b ; WPH01-219


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Possessions de la maison de Luxembourg en 1139

Quand Conrad II, comte de Luxembourg, meurt en 1136, il ne laisse aucun héritier. Fils de Godrefoi Ier comte de Namur, Henri est désigné pour succéder à son cousin Conrad, et prend le nom de Henri IV de Luxembourg. Trois ans plus tard, à la mort de son père (1139), Henri hérite du comté de Namur, ainsi que des comtés de Durbuy et de Laroche, et des avoueries des abbayes Saint-Maximin et Saint-Willibrod. En réunissant ainsi sur sa personne un vaste ensemble entre Meuse et Moselle, il devient un puissant prince territorial mieux connu, plus tard, sous le nom de Henri l’Aveugle (il devient aveugle en 1182), ou Henri de Namur. Malgré ses tentatives pour étendre encore ses biens, il se heurte à des voisins plus puissants que lui, notamment Liège et le Brabant, mais aussi l’archevêque de Trèves. En 1151, la bataille d’Andenne se solde par la victoire écrasante de l’évêque de Liège. D’autre part, afin d’affaiblir le poids de la noblesse, il « importe » les habitudes namuroises en Luxembourg, essentiellement le « droit de Namur ». Franchises et privilèges sont accordés aux villes et bourgeois, mais aussi étendus aux communautés rurales.
Au terme du long règne d’Henri l’Aveugle (né à Namur vers 1112, il meurt à Echternach en 1196), ses biens sont dispersés : sa dernière fille (Ermesinde) hérite des comtés de Laroche et Durbuy, le comté de Luxembourg revient à l’empereur du fait de l’absence d’héritier masculin et le comté de Namur revient au comte de Hainaut (Baudouin V). Le comté de Luxembourg est confié à Othon de Bourgogne (fils de l’empereur Frédéric Barberousse) qui meurt en 1200. En 1197, Ermesinde avait néanmoins obtenu de succéder à son père. Mariée à Waléran III, futur duc de Limbourg, elle administre le comté durant une longue période (jusqu’en 1247), donnant une nouvelle vie à la maison de Luxembourg.

Références
AzKG-94 ; DHGe14 ; H56 ; TrauLxb86 ; TrauLxb92 ; TrauLxb119


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Le droit de Namur (XIIe siècle)

Dès le début du XIIe siècle, la ville de Namur est dite « franche ». Sa charte, dont on ne connaît pas l’origine, va servir de modèle d’affranchissement à de nombreuses localités du comté. Celles-ci intègrent en effet dans leur propre charte des éléments de la charte-loi de Namur (ce qui a permis de reconstituer partiellement cette dernière). Les chartes filiales (évoquées sur la carte sans exhaustivité) reconnaissent pour chaque commune en particulier des lois déjà promulguées par les tribunaux de paix pour le pays en général. Outre ces dispositions pénales, s’ajoutent des garanties politiques déjà en vigueur, mais pas encore sanctionnées.


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Le comté de Louvain en 1013

En réunissant le comté de Bruxelles (entre la Dyle et la Senne) à ses propriétés hesbignonnes de Louvain et à quelques biens épars, le comte Lambert Ier devient une personnalité importante. Tout en poursuivant une politique d’expansion dans ce qui deviendra la partie romane du Brabant, le digne successeur des Régnier au Long col et Régnier III n’hésite pas à s’opposer à l’empereur, à l’Église et encore moins aux voisins envahissants ou gênants. Avoué des (riches) abbayes de Nivelles (1003) et de Gembloux (1013) et des domaines qui en dépendent, il s’empare aussi de l’énigmatique pays de Brugeron au détriment de l’évêque de Liège, après la bataille de Hoegaarden (1013) ; ce territoire restera fort disputé tout au long des XIe et XIIe siècles et ne sera définitivement acquis au Brabant qu’en 1106, hormis quelques enclaves. En 1015, Lambert trouve la mort lors de la bataille de Florennes.

Références
Col ; ErCoverBbt ; VuBrbt69


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Le comté de Brabant en 1106

À partir de 1040, Lambert II Baldéric transfère le centre du comté de Louvain vers l'ouest et choisit Bruxelles où il fait construire de nouvelles fortifications et l’église saint Michel et où il transfère les reliques de sainte Gudule (1047). En 1085, lorsqu’il reçoit le comté de Brabant directement de l’empereur germanique, le comte de Louvain devient son landgrave. C’est à partir de ce moment que l’identification au Brabant se substitue progressivement à celle de Louvain. Ambitieux, comme son homologue de Limbourg, Godefroid Ier, comte de Louvain/Brabant, convoite le titre honorifique de duc de Basse-Lotharingie. En 1106, l’empereur retire ce titre au duc de Limbourg et l’accorde à Godefroid, montrant ainsi l’importance qu’il accorde à la maison de Louvain. Godefroid Ier obtient en même temps le marquisat d’Anvers et quelques autres terres : le Brabant s’étend désormais vers le nord, nord-est. En 1146, toutes les terres d’Église seront désormais soumises aux comtes. Ce n’est qu’en 1190 que Henri Ier s’attribuera le titre de duc de Brabant que conserveront ses successeurs.

Références
Col ; ErCoverBbt ; VuBrbt69


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Bouillon en croisade (1095-1100)

Répondant à l’appel du pape Urbain II (1095), Godefroid de Bouillon abandonne tous ses biens pour partir à la croisade. Il participe à la prise de Jérusalem (1099), refuse la couronne du royaume nouvellement formé, préférant le titre de Gardien de la Saint-Sépulcre, et meurt en 1100, sans héritiers directs.
L’impact provoqué par les faits d’armes de Godefroid en Terre Sainte a certainement conduit à créer un titre de duc de Bouillon dont s’honorèrent les princes-évêques (peut-être dès le XIIIe siècle) jusqu’en 1794 (les armes de Bouillon apparaissent toujours dans le drapeau de la province de Liège comme elles l’étaient dans celui de la principauté).

Références
Duby46 ; www_cm1099


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Les biens vendus de Godefroy de Bouillon (1095)

Comme beaucoup d’autres comtés carolingiens, le comté d’Ardenne a été progressivement démembré au profit de grandes familles aristocratiques locales, souvent turbulentes et régulièrement en conflit tant avec l’empereur qu’avec leurs voisins immédiats. La limite méridionale du comté avait été fixée sur la Semois, rivière qui est aussi utilisée comme critère de séparation entre la Basse et la Haute-Lotharingie. Alleu héréditaire de la maison d’Ardenne, le château (re)construit sur le contrefort de Bouillon au XIe siècle contrôle les passages.
Ses propriétaires sont des princes importants des familles d’Ardenne-Verdun : Godefroid Ier a été choisi comme duc de Basse-Lotharingie (1013-1023) et son frère Gothelon qui lui succède (1023-1044), dispose aussi du titre sur la Haute-Lotharingie (1033-1044). Le château revient ensuite à un autre Godefroy dont le nom va davantage passer à la postérité en raison de sa participation à la première croisade.
Rangé aux côtés de l’empereur dans la querelle des Investitures, Godefroy de Bouillon (1058 ?-1100) est récompensé par le titre de duc de Basse-Lotharingie (1087). Quand il vend son château au prince-évêque de Liège pour partir à la croisade, il a prévu que trois de ses descendants auraient le droit de racheter le duché au même prix, à défaut le duché resterait en possession perpétuelle de l’Église de Liège. Malgré des contestations, cette dernière option scelle le sort du comté de Bouillon. Liège doit employer la force pour conserver son acquisition (1141), avec l’aval de l’empereur (1155). À quelques distances du comté d’Ardenne-Bouillon, Liège exerce aussi son influence sur le domaine de l’abbaye de Saint-Hubert.

Références
ErCover ; HHWH59 ; WPH01-236


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