Genot André
Officier (Historique)
NAMUR 15.03.1913 – NAMUR 02.09.1978
Né à Namur dans une famille ouvrière, André Genot perd très rapidement son père et abandonne ses études à 14 ans, pour devenir aide électricien. Autodidacte, il suit des cours du soir en sciences commerciales. Engagé dès 16 ans dans les Jeunes Gardes socialistes, il milite également dans le monde syndical où il adopte une approche à la fois radicale et pragmatique.
Lors de l’invasion de mai 1940, ce combattant antifasciste est mobilisé puis fait prisonnier sur le front. Libéré, il entre dans la clandestinité. Il distribue des journaux, abrite des réfractaires et s’implique dans les services de renseignements et d’action. Poursuivant son action syndicale sous l’occupation, il y fait la rencontre d’André Renard, avec lequel il va travailler en binôme jusqu’en 1962, date de la mort de ce dernier.
A la libération, André Genot participe au grand Congrès national wallon de Liège de 1945. Il semble d’ailleurs qu’il ait été, à cette époque, plus rapidement sensible à la question wallonne qu’André Renard, même si c’est généralement ce dernier que l’Histoire retient. Quoi qu’il en soit, les deux hommes participent ensemble aux grands combats wallons de l’après-guerre, au sein d’un syndicat qu’ils veulent unifier comme à l’intérieur du Parti socialiste belge (PSB). C’est d’ailleurs à l’initiative d’André Genot que les socialistes wallons adoptent, le 7 juin 1959, une motion en faveur d’un fédéralisme à trois.
Lors des grèves de l’hiver 1960-1961, il se retrouve rapidement à la pointe de la contestation et fonde, avec André Renard, le Mouvement populaire wallon (MPW). A cette occasion, tous deux démissionnent du secrétariat national de la FGTB, estimant qu’aucune réforme interne n’y est possible. En juillet 1962, André Genot a la lourde tâche de remplacer le leader liégeois subitement décédé. Alors que le gouvernement fige la frontière linguistique, entraînant un activisme flamingant parfois extrémiste dans les Fourons et autour de Bruxelles, André Genot s’insurge contre les violences dans les communes contestées et ne manque pas d’apporter l’appui du MPW à la demande wallonne du retour des Fourons à Liège.
Dénonçant ouvertement l’inertie des gouvernements unitaires, il revendique notamment la création d’une assemblée wallonne spécifique. Cette radicalisation de la direction du MPW déçue de la lenteur des réformes provoque une rupture temporaire entre le mouvement fédéraliste et le PSB, qui, en décembre 1964, décrète une incompatibilité entre le statut de membre du PSB et une fonction dirigeante au sein du MPW. Voyant la FGTB reconnaître officiellement l’union des régionales wallonnes pour laquelle il milite de longue date, André Genot réintègre le syndicat socialiste en 1968 en tant que secrétaire national.
Grand promoteur de l’union des Wallons pour la défense de leurs intérêts, André Genot restera un militant wallon actif jusqu’au milieu des années 1970, peu avant son décès. En guise d’hommage, la Maison syndicale CGSP de Namur porte aujourd’hui son nom.
André Genot fut fait Officier du Mérite wallon, à titre posthume, en 2012.
Orientation bibliographique :
Paul DELFORGE, GENOT André, dans Encyclopédie du Mouvement wallon, notice 2716.
Rik HEMMERIJCKX, GENOT André, dans Nouvelle Biographie nationale, t. 4, Bruxelles, Académie royale, 1997, pp. 170-172.
Genicot Léopold
Officier (Historique)
FORVILLE 18.03.1914 – LOUVAIN-LA-NEUVE 11.05.1995
Docteur en philosophie et lettres de l’Université de Louvain en 1937, Léopold Genicot est, avant tout, un historien de grande envergure, auteur de plus de trois cent publications dont douze livres traduits en dix langues. Chargé de cours à l’U.C.L. dès 1944, professeur de 1947 à 1984, il a toujours manifesté, en marge de son travail académique, une volonté de s’investir dans la société.
C’est ainsi qu’archiviste au dépôt namurois des Archives du Royaume pendant la Seconde Guerre mondiale, il a contribué à cacher des prisonniers en fuite. En tant que militant wallon catholique, il n’a jamais hésité à faire part publiquement des revendications qu’il estime essentielles à l’avenir wallon.
Dès 1945, année où il participe au Congrès national wallon de Liège, fort de sa connaissance de l’Histoire des routes belges depuis 1704, il réclame la construction d’une autoroute de Wallonie. La même année, jeune chargé de cours, il prend publiquement position dans L’Escholier de Louvain pour interpeller les catholiques wallons et les exhorter à s’intéresser à la question wallonne.
Militant au sein de Rénovation wallonne, il maintient le dialogue avec les professeurs flamands de l’U.C.L. et contribue à définir les modalités du transfert à Louvain-la-Neuve. C’est au sein de cette ville nouvelle qu’il a contribué à créer, qu’il dispense, à partir de 1981, un cours d’Histoire de la Wallonie. Conscient des erreurs et des oublis dans l’enseignement de l’Histoire en Wallonie, il n’aura de cesse de vouloir rendre leur histoire aux Wallons. C’est ainsi qu’il dirige la rédaction d’une Histoire de la Wallonie, publiée en France en 1973 et qui fait toujours autorité aujourd’hui.
Sur le plan politique, bien que n’ayant jamais renié ses convictions catholiques, il adhère au Rassemblement wallon pour lequel il se présente aux élections en mars 1968. Réclamant l’autonomie culturelle pour la Wallonie, il figure parmi les signataires de la Nouvelle Lettre au Roi, rédigée en 1976 à l’initiative de Fernand Dehousse. Cosignée par des personnalités comme Marcel Thiry, Jean Rey ou Francis Delperée, ce manifeste, rédigé pour les vingt-cinq ans de règne du roi Baudouin, réclame l’instauration d’un véritable système fédéral, fondé sur l’égalité politique des communautés et des régions et où Bruxelles serait reconnue comme une région à part entière.
Agé de soixante-dix ans, il se présente encore aux élections européennes de 1984 comme candidat indépendant sur la liste Présence wallonne en Europe et copréside, avec François Perrin et Pierre Ruelle, le congrès constitutif de Wallonie Région d’Europe en septembre 1986.
Historien engagé d’une qualité exceptionnelle, Léopold Genicot aura ainsi milité toute sa vie, en marge d’une brillante carrière académique, pour : que les richesses de la Wallonie soient connues des jeunes, c’est à eux qu’il faut révéler la Wallonie.
Léopold Genicot fut fait Officier du Mérite wallon, à titre posthume, en 2012.
Orientation bibliographique :
Paul DELFORGE, GENICOT Léopold, dans Encyclopédie du Mouvement wallon, notice 2706.
Gahide Paul
Officier (Historique)
TOURNAI 05.07.1880 – CALLENELLE 17.04.1970
Catholique, francophile et très attaché aux traditions du terroir, Paul Gahide s’implique très jeune dans le Mouvement wallon, en parallèle à ses activités professionnelles de directeur de la brasserie Saint-Joseph à Callenelle (Péruwelz) et à son activité littéraire dans diverses revues tournaisiennes.
C’est ainsi qu’en 1905, alors âgé d’à peine 25 ans, il intervient au Congrès wallon de Liège pour proclamer l’identité française de Tournai. A cette occasion, il est le premier à poser publiquement la question du choix d’un drapeau propre à la seule Wallonie. Malgré quelques soutiens, les congressistes rejettent l’idée, craignant de passer pour des séparatistes. Il faudra attendre 1913 pour que l’Assemblée wallonne choisisse le coq hardi rouge sur fond jaune comme emblème.
Très attaché à ce que l’on n’appelle pas encore la Wallonie picarde, il figure parmi les fondateurs de la Jeune Garde wallonne de Tournai en 1907 et milite pour demander aux catholiques de rallier le Mouvement wallon. Résistant pendant la Grande Guerre, accusé et incarcéré pour des activités d’espionnage, il continue après 1918 d’apporter son soutien aux nombreuses ligues wallonnes locales, notamment pour réclamer le rattachement de Mouscron à la Wallonie.
Lors du second conflit mondial, il milite au sein du mouvement de résistance Wallonie libre et, dès la libération en septembre 1944, il entame, à 64 ans, une carrière politique locale à Callenelle, localité dont il sera bourgmestre de 1947 à 1959.
Malgré son âge, il continue à s’impliquer avec force dans le Mouvement wallon, au sein duquel il est souvent cité comme une référence. C’est ainsi qu’il participe au Congrès national wallon de 1945 où les congressistes de toutes tendances se prononcent en faveur du fédéralisme. Plus tard, malgré ses quatre-vingt ans passés, il participe encore au congrès d’Action wallonne de Namur en 1963 et devient président d’honneur de la fédération de Tournai-Mouscron de Wallonie libre. En 1968, à 88 ans, il compte encore parmi les adhérents au Rassemblement wallon.
Toute sa vie, Paul Gahide aura milité pour l’affirmation de l’idée wallonne, pour protéger la culture et l’autonomie de la Wallonie.
Paul Gahide fut fait officier du Mérite wallon, à titre posthume, en 2012.
Orientation bibliographique :
Jean-Pierre DELHAYE, GAHIDE Paul, dans Encyclopédie du Mouvement wallon, notice 02620.
Jean-Pierre DELHAYE, GAHIDE Paul, dans Nouvelle biographie nationale, t. 2, pp. 176-177.
Destree Urbain
Officier (Historique)
CERFONTAINE 09.07.1937 – LIÈGE 07.03.2003
Terminant son doctorat en droit à l’Université de Liège lors de la grève de l’hiver 1960-1961, Urbain Destrée y développe sa conscience wallonne au contact de personnalités comme Jean Maurice Dehousse, Jean Gol ou Guy Mathot. Interpellé par les discours d’André Renard et la formation du Mouvement populaire wallon (MPW), cet intellectuel forge, dans ce cadre, un engagement syndical, alliant réflexion et action.
Secrétaire national du SETCa en 1966, il s’impose rapidement comme une des chevilles ouvrières du syndicat socialiste, à la fois de par son investissement dans les négociations techniques mais, aussi, en raison de sa vision des problèmes wallons.
Partisan de profondes réformes de structures pour lutter contre le déclin de sa région, Urbain Destrée n’aura de cesse de réclamer l’application de la régionalisation prévue par la loi Terwagne en 1970 et d’exiger des mesures radicales et très rapides pour sauver l’emploi. Partisan d’un rassemblement des progressistes wallons pour établir un dialogue de communauté à communauté, il dénonce les mesures que l’Etat unitaire prend en faveur de la seule Flandre, à la fin des années 1970.
Devenu président de l’Interrégionale wallonne de la FGTB en 1983, le leader syndical continue d’y dénoncer l’indifférence du capitalisme financier à l’égard de l’avenir de la Wallonie ou - ainsi qu’il l’écrit au Roi Albert II lors de sa joyeuse entrée à Liège en 1993 - les attaques flamandes contre les solidarités entre travailleurs. Ce fédéraliste radical est, en effet, un défenseur acharné d’une sécurité sociale fédérale et de l’union des travailleurs.
Se définissant comme un socialiste de stricte obédience, il n’en affiche pas moins son indépendance vis-à-vis des partis, n’hésitant pas à déclarer, en 1993, son hostilité à la rigueur du Plan global du Gouvernement Dehaene et son opposition au Contrat d’Avenir wallon, en 1999.
Parti à la retraite en 2002, un an avant son décès, Urbain Destrée est souvent considéré comme un des derniers ténors charismatiques d’une génération de défenseurs historiques des travailleurs wallons. Grand promoteur de la Wallonie, à l’instar de son célèbre homonyme, il a toujours lutté pour l’affirmation de la conscience wallonne, selon lui trop souvent occultée par la Communauté française. Il demeure célèbre pour sa formule lancée dans une lettre à sa fille Barbara, publiée le 27 septembre 1989 dans le journal La Wallonie : Aujourd’hui, il semble indispensable de répéter que nous sommes Wallons ! Wallons, pas francophones de Wallonie. Pas Wallons de la Communauté française de Belgique. Wallons de Wallonie.
Urbain Destrée fut fait Officier du Mérite wallon en 2012.
Orientation bibliographique :
Paul DELFORGE, Destrée Urbain, dans Encyclopédie du Mouvement wallon, notice 1925.
La Wallonie, 27 septembre 1989 ; Le Soir, 25 avril 2002 ; La Libre Belgique, 25 avril 2002.
Destree Jules
Commandeur (Historique)
MARCINELLE 21.08.1863 – BRUXELLES 02.01.1936
Né dans un milieu bourgeois, Jules Destrée s’investit dès ses études en droit dans ses deux grandes passions : l’art et la politique. C’est ainsi que, parallèlement à ses contributions dans des revues artistiques, il revendique, dès 1882, avec des étudiants de tendance libérale progressiste, le suffrage universel. Avocat à Charleroi durant les émeutes ouvrières de 1886, il défend régulièrement les grévistes traduits devant la justice. Cet épisode le rapproche des milieux ouvriers, première étape de son adhésion au Parti ouvrier belge, dont il sera l’un des vingt-huit premiers députés élus à la Chambre, en 1894.
Dès le début du Mouvement wallon, à la fin du XIXe siècle, il affirme le principe d’égalité entre Flamands et Wallons. Il vote, à ce titre, avec le gouvernement catholique, la loi de 1898 instaurant l’équivalence juridique des textes néerlandais et français. Dans les années qui suivent, il développe le thème de la dualité entre Flamands et Wallons. Il estime ainsi que leurs qualités respectives sont diminuées à force d’être confondues dans l’amalgame belge officiel. Transposant cette réflexion dans le domaine de l’art, il organise, en 1911, à Charleroi, une exposition consacrée à l’Art wallon, mettant à l’honneur la contribution de la Wallonie à la culture française.
Il participe ensuite au Congrès wallon de Liège de 1912, qui étudie la question de la séparation administrative. Le 15 août 1912, il publie sa célèbre Lettre au Roi sur la séparation administrative de la Flandre et de la Wallonie. Dans ce texte fondateur, il met l’accent sur la méconnaissance de l’identité et des aspirations wallonnes et prône le fédéralisme. Cet acte au grand retentissement donne une assise importante au Mouvement wallon auquel l’avocat de Marcinelle contribuera de manière intensive jusqu’à sa mort. Toujours en 1912, il est l’initiateur de l’Assemblée wallonne, premier parlement informel de Wallonie dont la première réunion inaugurale a lieu le 20 octobre, à Charleroi.
Pendant la première guerre mondiale, Jules Destrée est investi d’importantes missions internationales, notamment celle d’aller à Rome pour rallier, avec succès, l’Italie à la Triple entente. Il se rend également en mission spéciale en Russie en octobre 1917. Après le conflit, il devient Ministre des Sciences et des Arts entre 1919 et 1921, poste où il déploie une activité intense. Il contribue ainsi à reconstruire un enseignement primaire de qualité, notamment en instaurant l’obligation scolaire et en imposant de nombreuses réformes toujours d’actualité. Dans le domaine des Arts, il fonde l’Académie de Langue et de Littérature françaises qu’il ouvre aux femmes et à des membres étrangers, figurant ainsi parmi les pionniers de la francophonie et de l’égalité des sexes.
Redevenu parlementaire, il continue à s’impliquer dans le Mouvement wallon face à une Assemblée wallonne attiédie. Pragmatique et homme d’action, il signe en 1929, avec Kamiel Huysmans, le Compromis des Belges, prônant un fédéralisme modéré. A la fin de sa vie, en parallèle à ses activités wallonnes et artistiques, il s’élèvera contre les fascismes.
Figure emblématique du Mouvement wallon, tribun hors pair ayant contribué à l’éveil de la conscience wallonne, Jules Destrée demeure une référence incontournable.
Il fut fait Commandeur de Mérite wallon à titre posthume en 2012, année du centenaire de sa célèbre Lettre.
Orientation bibliographique :
Philippe DESTTATE, DESTREE Jules, dans Encyclopédie du Mouvement wallon, notice 1924.
Georges-Henri DUMONT, DESTREE Jules, dans Nouvelle Biographie nationale, t. 5, Bruxelles, Académie royale, 1999, pp. 117-123.
Delcourt Marie
Officier (Historique)
IXELLES 18.11.1891 – LIÈGE 11.02.1979
Née à Ixelles, Marie Delcourt passe son enfance à Arlon. Aucune école ne préparant les jeunes filles aux études supérieures à cette époque, elle présente les examens du jury central pour pouvoir entrer à l’Université de Liège, en 1911. Elle en sortira docteur en philologie classique en 1919, après que la Première Guerre mondiale ait interrompu ses études.
Durant le conflit, la jeune étudiante rejoint la Résistance, au sein du service de renseignement de la Dame blanche. De cette expérience, elle écrira Nos grands cœurs, ouvrage décrivant les actes héroïques des résistants.
Après le conflit, Marie Delcourt enseigne les langues anciennes au futur Lycée de Waha. En parallèle, elle publie de nombreux travaux historiques qui, en 1929, lui permettent de devenir la première femme chargée de cours à l’Université de Liège. Elle est, ainsi, à l’origine de l’école liégeoise d’histoire de l’humanisme, toujours bien vivante aujourd’hui. Elle deviendra également une spécialiste reconnue de l’histoire des religions, ainsi que des philologies grecque et romane. Epouse de l’écrivain Alexis Curvers, elle est également sensibilisée au monde artistique.
A côté de cette brillante carrière académique, Marie Delcourt a toujours tenu à s’impliquer dans la société. Dès son passage au lycée pour jeunes filles, elle milite pour le développement de l'enseignement féminin, pour le droit des femmes au suffrage ainsi que pour leur droit au travail. En la matière, elle réclame l’égalité des salaires entre hommes et femmes ; combat qui sera porté, dans les années 1960, par Charlotte Hauglustaine et les « femmes-machines » de la FN.
Dans l’entre-deux-guerres, enseignante au Lycée fondé par Léonie de Waha, elle s’investit « naturellement » dans l’Union des femmes de Wallonie, également créée par la grande Wallonne. Membre de l’équipe dirigeante de cette association qui entend stimuler la conscience politique chez les femmes wallonnes, Marie Delcourt rédige des articles dans le bulletin de l’Union des femmes de Wallonie, notamment sur le droit de suffrage et donne des conférences sur la question du régionalisme.
Marie Delcourt fut faite officier du Mérite wallon, à titre posthume, en 2012.
Delaite Julien
Officier (Historique)
LIÈGE 30.01.1868 – LIÈGE 01.09.1928
Dès ses études en pharmacie à l’Université de Liège, Julien Delaite témoigne de sa volonté de s’engager pour la réalisation de ses idéaux. C’est ainsi qu’il fonde et préside l’Association des Etudiants wallons, en marge d’un cursus qu’il achève, en 1894, comme docteur en sciences naturelles, avec la plus grande distinction. Cette formation scientifique l’amène d’ailleurs à publier plusieurs études et à devenir directeur d’un laboratoire d’analyses chimiques agréé par l’Etat qu’il gère à côté de plusieurs pharmacies.
Ses préoccupations sont cependant loin de se limiter à la chimie. Très tôt, il étudie également le dialecte wallon, auquel il consacre plusieurs publications. Il s’investit également dans l’action politique locale. Fort de ces engagements et intérêts, il assiste aux premiers congrès wallons de 1891 et 1893, typiques des débuts d’un Mouvement toujours confidentiel, principalement centré sur Bruxelles et les intérêts des francophones de Flandre. Dans ce cadre, peu orienté sur la Wallonie, Delaite se manifeste en mettant en cause la mainmise exercée de facto par Bruxelles sur cette première époque, exclusivement antiflamingante.
Julien Delaite jouera ensuite un rôle déterminant dans la (re)lance d’un Mouvement plus authentiquement wallon, par la fondation, en 1897, de la Ligue wallonne de Liège. Il devient alors rapidement l’animateur du Mouvement wallon qui se consacre désormais à l’élaboration d’un projet positif pour la Wallonie. Défendant la poursuite du pèlerinage de Sainte Walburge, il contribue à l’émergence d’une fête wallonne. De même, c’est lui qui, à la tête de la Ligue wallonne, lance le concours qui donnera naissance au Chant des Wallons, futur hymne officiel de la Wallonie. Il organise et préside également le grand Congrès wallon de 1905, tenu à Liège dans le cadre de l’exposition universelle et qui restera comme un jalon de la prise de conscience identitaire wallonne. S’il défend encore la thèse du maintien du français – vecteur des Lumières comme langue officielle unique de la Belgique, ce congrès est aussi le point de départ d’une réflexion sur l’identité wallonne et la défense des intérêts de la Wallonie.
Membre du parti libéral, conseiller communal et provincial, Julien Delaite est également un des précurseurs de la solution fédérale, sujet auquel il consacre une étude dès 1898. Il y plaide pour la création de conseils régionaux en Flandre et en Wallonie, avec un Parlement fédéral paritaire. Bien que partisan de l’unité de la Belgique, le système fédéral lui apparaît comme le meilleur moyen de garantir les droits des Wallons. Les années qui suivent lui permettent de préciser sa pensée. Lors du Congrès wallon du 7 juillet 1912, il présente une Etude d’un régime séparatiste en Belgique et un projet de révision de la Constitution reconnaissant trois Régions. C’est en revenant de ce Congrès, qui s’est prononcé en faveur de la séparation administrative, que Jules Destrée a l’idée de sa Lettre au roi, qui sera publiée le 15 août suivant.
Membre de l’Assemblée wallonne, premier parlement – officieux de Wallonie, Julien Delaite partage désormais le leadership du Mouvement wallon avec le tribun socialiste de Charleroi. Après la Première Guerre mondiale, resté fidèle à sa position fédéraliste, il est choisi comme Président d’honneur par la Ligue d’Action wallonne qui milite pour l’autonomie de la Wallonie, faisant déjà figure de pionnier pour un Mouvement dont l’histoire commence pourtant à peine.
Julien Delaite fut fait officier du Mérite wallon, à titre posthume, en 2012.
Philippe CARLIER, DELAITE Julien, dans Encyclopédie du Mouvement wallon, notice 1629.
Dehousse Fernand
Commandeur (Historique)
LIÈGE 03.07.1906 – LIÈGE 10.08.1976
Après des études à l’Université de Liège dont il sort, en 1929, Docteur en droit et licencié en sciences sociales, Fernand Dehousse entame, tout d’abord, une carrière scientifique. Professeur à la Faculté de Droit de Liège, il devient un intellectuel de renommée internationale et collabore de manière décisive à la construction européenne en donnant notamment son nom au projet d’organisation des élections européennes au suffrage universel direct.
En complément à ses nombreuses activités universitaires ou scientifiques, Fernand Dehousse met sa caution scientifique au service du Mouvement wallon, particulièrement actif à Liège dans les années 1930. Il apporte ainsi son expertise à la rédaction de la brochure L’Etat fédéral en Belgique, écrit avec Georges Truffaut, qui sera à la base de la première proposition de loi instaurant le fédéralisme, déposée en 1938 par Georges Truffaut et François Van Belle.
Après l’invasion allemande de 1940, Fernand Dehousse constate juridiquement la déchéance pure et simple de Léopold III, ce qui lui vaut d’être suspendu de ses charges enseignantes par l’occupant. Il rejoint alors l’action politique clandestine et le Parti socialiste. Soucieux d’agir sur la question wallonne, il y élabore un projet de fédéralisme, dont il devient le porte-parole wallon, à la Libération.
En 1945, il prend une part active au Congrès national wallon de Liège, où des centaines de congressistes de toutes tendances, après s’être exprimés en faveur du rattachement de la Wallonie à la France, se rallient à ses thèses et se prononcent en faveur du fédéralisme.
Technicien du fédéralisme en Belgique et en Europe, officiant tant au sein du Parti socialiste que du Sénat, Fernand Dehousse fonde, avec André Renard, le Mouvement populaire wallon. Elu sénateur, plusieurs fois membre des différents groupes de travail institués pour la révision constitutionnelle, notamment en 1962-63, ainsi que du Groupe des vingt-huit en 1969, Fernand Dehousse participe activement aux débats constitutionnels qui aboutissent à la révision de la Constitution en décembre 1970.
C’est ainsi qu’il devient Ministre wallon des Relations communautaires en remplacement de Freddy Terwagne, prématurément décédé. A ce titre, il prépare une proposition de loi en faveur des Fourons, qui regroupe les six communes en un canton autonome relevant du Ministère de l’intérieur et dont le régime linguistique aurait été choisi par les habitants. C’est cette proposition, sans doute trop favorable aux aspirations wallonnes des Fouronnais, qui est à l’origine de la démission du Gouvernement Eyskens-Cools II, le 22 novembre 1972.
En 1976, peu avant sa mort, il prend encore une part essentielle à la rédaction d’une nouvelle Lettre au Roi, cosignée par des personnalités comme Marcel Thiry, Jean Rey, Joseph Hanse ou Francis Delperée pour réclamer une révision de la Constitution et l’instauration d’un régime fédéral. Il meurt cependant avant de voir son grand combat réalisé et ce, notamment grâce à la contribution importante de son fils Jean Maurice, qui deviendra le premier Ministre-Président de la Wallonie.
Fernand Dehousse fut fait Commandeur du Mérite wallon, à titre posthume, en 2012.
Orientation bibliographique :
Philippe CARLIER, DEHOUSSE Fernand, dans Encyclopédie du Mouvement wallon, notice 1602.
De Waha Léonie
Officier (Historique)
TILFF 31.03.1836 – LIÈGE 08.07.1926
Issue de deux grandes familles aristocratiques libérales, étroitement liées à l’Histoire de Liège, Léonie de Chestret de Haneffe s’affirme très jeune d’opinion libérale, démocrate, tolérante et croyante. En 1863, elle épouse un jeune docteur en droit impliqué dans les bibliothèques populaires, le baron Victor de Waha de Baillonville, qui décède quatre ans plus tard.
Jeune veuve, sans enfant, elle décide de se consacrer à la collectivité et s’investit dans l’éducation des jeunes filles, alors inexistante hors des institutions catholiques. C’est ainsi qu’en plus de patronner de très nombreuses œuvres caritatives, elle crée, en 1868, l’Institut supérieur de Demoiselles, où l’enseignement se veut : « pratique, national et franchement conforme à nos idées constitutionnelles ». Chaque culte y a sa place, avec la faculté d’en être dispensé sur demande des parents, ce qui entraîne la farouche opposition de l’évêque de Liège qui excommunie ceux qui fréquentent l’Institut. La polémique s’éteindra avec le temps et la ville de Liège reprendra l’institution sous son aile en 1878.
Se penchant sur le programme d’Histoire, Léonie de Waha souhaite que ce dernier porte davantage sur l’Histoire locale. C’est donc naturellement que cette Liégeoise s’investit dans le Mouvement wallon du début du XXe siècle et correspond, notamment, avec Julien Delaite et Jules Destrée. Elle plaide alors pour une régionalisation fondée sur l’autonomie linguistique des Wallons, des Flamands et des Bruxellois dans le cadre d’un même Etat.
Encourageant les Djônes Auteûrs Walons, elle fonde, le 28 octobre 1912, l’Union des Femmes de Wallonie. Dans le prolongement du congrès wallon (juillet), de La Lettre au roi de Jules Destrée (15 août) et de l’Assemblée wallonne (20 octobre), cette organisation ambitionne de stimuler une conscience politique wallonne chez les femmes de Wallonie.
A ce titre, elle propose à l’Assemblée wallonne de 1913 de choisir le perron aux couleurs liégeoises comme emblème de la Wallonie. Si le coq est finalement préféré au perron, ce sont bien les couleurs liégeoises qui figurent aujourd’hui encore sur le drapeau wallon. Toujours dans un registre symbolique, elle fait adopter la « gaillarde », grande marguerite au cœur rouge, comme fleur nationale de Wallonie par l’Assemblée wallonne du 17 février 1914.
Après 1918, à plus de soixante-dix ans, elle continue de présider l’Union des Femmes de Wallonie et d’écrire dans des revues wallonnes comme La Barricade et La Femme wallonne. Elle laissera longtemps le souvenir d’une personnalité à la fois érudite et frondeuse, typiquement wallonne, qui se définissait elle-même comme : une vieille Liégeoise qui, depuis 1848, rêve de l’autonomie de sa Patrie wallonne.
Léonie de Waha fut faite officier du Mérite wallon, à titre posthume, en 2012.
Orientation bibliographique :
Paul DELFORGE, DE WAHA DE CHESTRET Léonie, dans Encyclopédie du Mouvement wallon, notice 1974.
René VAN SANTBERGEN, WAHA Léonie de, dans Biographie nationale, t. 39, col. 825-836.
Cools André
Officier (Historique)
FLÉMALLE-GRANDE 01.08.1927 - LIÈGE 18.07.1991
Issu d’une famille ouvrière, André Cools est une des personnalités marquantes du socialisme wallon du XXe siècle, connue notamment pour la passion avec laquelle il défendait ses idées. Ce caractère fort peut trouver ses origines dans son ascendance : son grand-père paternel, ouvrier d’origine flamande, fut longtemps privé du droit de vote en raison d’un casier judiciaire pour fait syndical et son père, Marcel, était délégué syndical des métallurgistes de la province de Liège et échevin du Parti ouvrier belge à Flémalle. Ce dernier fut arrêté en 1942 pour faits de résistance et déporté à Mauthausen où il sera décapité.
S’engageant au Parti socialiste belge (PSB) en 1944, André Cools est conscientisé à la cause wallonne, à 18 ans, lors du Congrès national wallon de 1945 auquel il participe comme « commissaire » du PSB liégeois. Les manifestations contre le retour de Léopold III, durant la Question royale de 1950, ainsi que les grèves de 1960 viennent encore renforcer cet engagement. Considéré comme un renardiste, il adhère au Mouvement populaire wallon dès sa création, en 1961.
En septembre 1962, il fait partie des douze députés socialistes – avec Freddy Terwagne notamment – qui refusent de voter la loi sur le maintien de l’ordre qui s’apparente, pour eux, à une condamnation des grèves de l’hiver 1960. Il fait donc partie des « rebelles » contre lesquels le parti prend des sanctions disciplinaires pendant quelques mois.
Ministre de 1968 à 1972, Vice-Premier depuis 1969, il participe aux lois de 1970 en parfaite entente avec Freddy Terwagne. Se revendiquant « ministre wallon mais non francophone », il défend le principe de créer trois régions, seul cadre capable de contribuer à un redressement économique. Ensuite, c’est sous sa présidence, entre 1973 et 1981, que le PSB se scinde en deux ailes (1978). Il s’impose, deux ans plus tard, comme l’un des artisans de la régionalisation de 1980.
Remplacé par Guy Spitaels à la tête du PS en 1981, il recentre son action sur Liège et la Wallonie. En décembre de cette année, il prend la Présidence du Conseil régional wallon récemment mis en place, auquel il apporte sa stature d’ancien président de parti et vice-premier ministre. Du « perchoir », réclame l’installation à Namur de l’Exécutif régional wallon, qui siège alors à Bruxelles.
En 1988, lors de la deuxième réforme de l’Etat, il œuvre en faveur d’un approfondissement du fédéralisme et à l’installation de l’Exécutif wallon à Namur. Il sera Ministre au sein de celui-ci de 1988 à 1990. Quand le gouvernement central est enfin formé, en mai 1988, André Cools ne quitte d’ailleurs pas son poste wallon. Le 1er mai 1990, il annonce son intention de se retirer de la vie politique pour œuvrer au développement de Liège. Assassiné le 18 juillet 1991, André Cools fut fait officier du Mérite wallon, à titre posthume, en 2012.
Philippe HALLEUX & Arnaud COLLETTE, André Cools, Rebelle d’Etat, Ottignies, Quorum, 1996, 304p.
Parlementaires et Ministres de la Wallonie, Namur, Institut Jules Destrée, p. 119-123.