De Dorlodot Léopold
Socio-économique, Entreprise
dit aussi De Dorlodot-MORIAMÉ
Baisy-Thy 28/10/1805, Lodelinsart 23/02/1870)
Descendant de maîtres-verriers implantés à Charleroi depuis le XVIIe siècle, Léopold de Dorlodot est le représentant de la 10e génération de cette importante famille ; petit-fils de Jean-Baptiste (1723- ?), Léopold ne connaîtra guère son père, Léopold, décédé en 1809. Sa mère s’étant remariée avec le meunier Joseph Jonet, actif à Sart-Dame-Avelines, Léopold de Dorlodot reste impliqué dans les activités de ses oncles et cousins. Ayant épousé en 1825 sa cousine germaine, Sophie de Dorlodot, la fille d’Édouard-Michel (1739-1816) et la sœur d’Édouard-François (1783-1869), le jeune Léopold participe à la gestion des usines familiales et, en 1826, se voit confier la direction de l’usine du Faubourg, le siège historique des Dorlodot. Comme l’indique le pedigree de Léopold, le métier de verrier ressemble à une chasse gardée ; les secrets de fabrication font l’objet d’une attention toute particulière ; le métier est protégé. Au sein de la profession, la corporation des souffleurs défend également ses membres ; on évite les souffleurs étrangers, qualifiés de bâtards, pour privilégier les souffleurs de sang. Mais face aux prétentions de ces derniers, le jeune Léopold de Dorlodot introduit la concurrence, assure la formation d’apprentis et augmente par conséquent le nombre de « spécialistes ». L’esprit d’entreprise et la chasse à toutes formes de protectionnisme conduisent d’ailleurs l’intrépide de Dorlodot à s’introduire aux Pays-Bas dès janvier 1831 pour y renouer des échanges commerciaux. Démasqué alors qu’il voyage sous passeport français, il connaîtra pendant quelques heures la paille des prisons de Nimègue.
Au décès successif de sa mère (1835) et de sa belle-mère, Philippine de Beelen-Bertholff (1835), il hérite des établissements du Faubourg dont il assurait déjà la direction ; conscient que ses activités pèsent peu face à La Manufacture de Glaces, Verres à vitres, Cristaux et Gobeleteries, qui rassemble de nombreuses fabriques sous la coupole de la Société Générale de Belgique, Léopold de Dorlodot entreprend de réunir des verreries à vitres et à bouteilles de Charleroi et de Jumet et, sous le patronage de la Banque de Belgique, de fonder la Société de Charleroy pour la Fabrication du Verre et de la Gobeleterie (juillet 1836) ; deux des entreprises de Dorlodot sont concernées. De 1837 à 1845, il est le directeur-gérant de cette association finalement dissoute. Entre-temps, il a réactivé la verrerie de Couillet avec son demi-frère Dominique Jonet (1835) : il y fabrique des glaces coulées puis du verre à vitres. En 1854, il construit à Lodelinsart la verrerie dite Deschassis, considérée comme l’outil le plus moderne de son époque. À partir de 1859, il associera à cette affaire son fils aîné, Léopold, né d’un second mariage. Veuf de Sophie de Dorlodot, Léopold a en effet épousé Ludolphine de Moriamé en 1844 et aura deux fils. Léopold troisième du nom (1831-1900), reprendra l’entreprise familiale, la transformera, mais en 1906, la faillite est prononcée, sonnant le glas des verreries Dorlodot en bord de Sambre.
Au-delà de ses activités d’entrepreneur avisé, Léopold de Dorlodot (second du nom) a pris une part certaine dans la vie de la cité ; en août et septembre 1830, il s’était résolument engagé dans le combat pour la séparation administrative des provinces hollandaises et belges, voire l’indépendance des provinces du sud. Son nom est d’ailleurs proposé par une Commission spéciale instaurée par le nouvel État belge pour recevoir la Croix de Fer ; ses faits d’arme sont décrits comme suit : « Arbora, le 29 août 1830, la cocarde nationale malgré la défense du commandant de la garnison, et plaça le drapeau de l’indépendance à l’une des croisées de sa maison, le 2 septembre ; le 24, il prit le commandement des volontaires du faubourg de Charleroy, réunis par ses soins, et les conduisit aux combats soutenus aux abords du Parc, les 25 et 26 ». « Héros de 1830 », capitaine de la garde civique de Charleroi pendant plusieurs années, collaborateur au journal Le Démocrate, Léopold de Dorlodot affichait nettement des idées libérales et, de 1863 à 1870, il sera le bourgmestre de Lodelinsart.
Sources
Ginette KURGAN, Serge JAUMAIN, Valérie MONTENS, Dictionnaire des patrons en Belgique, Bruxelles, 1996, p. 162-163
Stéphane PALAUDE, La question du privilège dans les familles verrières du Hainaut. XVIe – XIXe siècles, Regards croisés sur l’histoire des familles verrières
Liste nominative de 1031 citoyens proposés pour la Croix de Fer par la Commission des récompenses honorifiques (p. 1-129) dans Bulletin officiel des lois et arrêtés royaux de Belgique, n°807, 1835, t. XI, p. 26-27 ;
Liste des citoyens qui se sont vus décerner la Croix de Fer, Ibidem, p. 138-139
La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Histoire. Économies. Sociétés, t. II, p. 35
La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Lettres - arts - culture, t. IV, p. 400
Paul Delforge