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Colnet Englebert

Socio-économique, Entreprise

Pays wallon fin du XVe siècle, Leernes  1552

Descendant de la quatrième génération des verriers Colnet établis à Leernes, après s’être primitivement installés à Momignies, Englebert poursuit l’activité verrière familiale près de Fontaine l’Evêque, enclave en Hainaut dépendant de la principauté de Liège. Selon certains historiens (PHILIPPE à la suite de CHAMBON), il apparaît surtout qu’Englebert de Colnet est à l’origine de la verrerie spécialisée de Surginet à Beauwelz, dans le pays de Chimay (1506), où il a introduit la fabrication de verre fougère « à la façon de Venise ». Peut-être, est-ce à l’occasion d’un voyage que Colnet a appris le secret de fabrication du « verre fougère » ; peut-être a-t-il réussi à convaincre des « transfuges » de Murano, déjà actifs dans l’empire germanique, de se mettre à son service tout en lui livrant leur secret. 

Ceux-ci maîtrisent des techniques autres que celles des Altarais : originaires d’Altare, les verriers de la famille Ferry qui se sont installés peu avant la fin du XVe siècle à Haumont-Fayt deviennent de sérieux concurrents pour les Colnet qui cherchent le moyen de les contrer. Quel que soit le moyen utilisé, Englebert de Colnet aurait été le premier à introduire en pays wallon la fabrication de ces verres à la vénitienne, décorés d’émaux, ainsi que de beaux verres transparents et, en 1506, à obtenir les autorisations nécessaires (notamment auprès du prince de Chimay) pour la fournaise de Surginet à Beauwelz. En 1549, lors d’un séjour en Hainaut, Charles-Quint et son fils, le futur Philippe II, aurait rendu visite au four à verre du Surginet. Afin de prouver la qualité de leur savoir-faire, les hommes d’Englebert de Colnet et de son fils François auraient réalisé deux pièces exceptionnelles qui sont offertes aux visiteurs : une galère en verre blanc, décorée finement et mesurant un mètre vingt-cinq de long, ainsi qu’un vase sophistiqué à la manière de Venise.

Émanant des travaux de Raymond Chambon, tous ces éléments biographiques sont faux. À la suite de J-A. Page et de J. Lefrancq, Benoit Painchart a en effet démontré que Raymond Chambon avait sciemment construit de fausses archives, dessins à l’appui (la monstrance de Beauwelz, le Journal d’Amandt Collinet, la prétendue requête de 1607) pour alimenter sa thèse d’une activité verrière permanente et exceptionnelle au Surginet et au Fourmathot. S’il paraît peut-être moins glorieux, le parcours de vie d’Englebert Colnet n’en conserve pas moins autant d’intérêt, tant il est exemplatif du dynamisme de cette famille spécialisée dans le métier du verre, en pays wallon, depuis la fin du XIVe siècle.

Par un mariage destiné à renforcer les intérêts familiaux (1527), Englebert Colinet s’unit à Jacqueline, d’une autre grande famille de verriers wallons du XVIe siècle, les de Liège, originaires de Leernes. De la sorte, il fortifie l’implantation des Colinet en Brabant, en particulier du côté de Limelette. Maitre verrier principalement actif dans le roman pays de Brabant, Englebert Colnet offre tant une production raffinée que des fabrications d’usage courant qui lui valent le soutien renouvelé de l’empereur : signées par Charles Quint, des lettres patentes qui lui sont remises en 1531 confirment ses privilèges au nom de tous les autres verriers du Brabant. Il aurait obtenu de surcroît l’autorisation d’exploiter d’autres fours à verre à différents endroits de l’empire sans avoir besoin d’en référer (1540), tout au moins pour les verres d’usage courant ; les Colnet n’auront cependant pas l’envergure suffisante pour exploiter pleinement ce privilège ; ils limiteront leurs activités au pays wallon.

Englebert est-il alors le chef de la famille de Colnet dans la première moitié du XVIe siècle, employant des membres de la fratrie, recrutant de nouveaux verriers italiens (ceux de Murano), voire s’alliant avec ses concurrents (les Ferry d’Altare,  après les Deliège), en différents endroits du pays wallon ? Son frère Gilles a-t-il une activité indépendante et autonome ? Peut-être après avoir obtenu des Ferry qu’ils partagent leur monopole sur les verres « à la façon de Venise », la seule certitude est que les enfants d’Englebert comme ceux de Gilles vont assurer l’omniprésence des Colnet en tant que maîtres-verriers en pays wallon jusqu’au XIXe siècle. On compte une centaine de Colnet actifs dans le secteur verrier au cours de la période dite des « Temps modernes » et leur production va inonder le marché wallon. Ils auront aussi la sagesse de recourir à des verriers venus d’Italie dont les connaissances techniques restent supérieures à celles connues alors en pays wallon. On rencontre des Colnet en Brabant wallon, à Leernes, à Barbençon, à Froidchapelle, mais plus à Momignies et à Beauwelz au XVIe siècle…

En Brabant wallon, du côté de Glabais et de Bousval, des maîtres verriers de la famille Colnet se sont en effet établis le long du Cala, de la Lasne et de la Falise, à proximité des monastères qui offrent travail et protection et des seigneuries qui leur donnent des responsabilités administratives. Les verriers Colnet (Colinet) ont leur exploitation sur les trois cours d’eau. Leur production se limite à de la gobeleterie ordinaire, généralement réalisée par de la main d’œuvre française. À Barbençon, certains historiens avancent qu’Englebert y a obtenu l’autorisation d’exploiter le four à verre de la part de Louis de Ligne (1475-1540). Or, dans l’église Saint-Lambert de Barbençon, une pierre tombale est dédiée à un Gilles Colnet, mort en juin 1535, qui pourrait bien être le frère d’Englebert. Il nous paraît par conséquent plus logique d’attribuer cette exploitation à Gilles, d’autant que deux de ses fils en hériteront. Les gobelets appelés « vaisseaux à boire » et des verres de vitrage surnommés « gros verres plats » vont assurer la notoriété des verres de Barbençon dans toute l’Europe. Sous tous les régimes politiques qui se succèdent alors assez rapidement, les Colnet conservent le privilège d’une activité verrière permanente.

Les origines et les activités des Colnet font l’objet de débats depuis de très nombreuses années ; ils sont loin d’être terminés.  L’ouvrage de synthèse sur l’histoire du verre en Belgique de Chambon est une référence qui pèse lourdement sur la vision traditionnelle de l’histoire du verre dans le pays wallon, en particulier dans la région de Chimay. On restera par conséquent attentif à toute nouvelle information permettant de cerner parfaitement les activités des Colnet, d’Englebert (de) Colnet en particulier.
 

Sources

Benoît PAINCHART, L’activité verrière des Colinet au Sart de Chimay, XIIIe-XVIIe siècles, cinq articles répartis  dans la revue Éclats de Verre, du n°21 au n°25, mai 2013-mai 2015, en particulier la deuxième partie : en quête de vérités, les preuves de la non-existence de Verreries au Surginet et au Fourmathot au XVIe siècle, dans Éclats de Verre, novembre 2013, n°22, p. 34-46
Janette LEFRANCQ, Apports et incidences de l’œuvre de Raymond Chambon sur l’histoire de la verrerie en Belgique, dans Annales du XVIIe Congrès de l’AIHV (qui a eu lieu à Anvers en 2006), Anvers, 2009, p. 339-343
Jutta-Annette PAGE, The ‘Catalogue Colinet’ : a mid-16th-century manuscrit ?, dans Johan VEECKMAN (dir.), Majolique et verre de l'Italie à Anvers et au-delà : la diffusion de la technologie au XVIe et au début du XVIIe siècle, Anvers, 2002, p. 243-262
M. THIRY, Les verreries du Hainaut, dans Luc ENGEN (dir.), Le verre en Belgique des origines à nos jours, Anvers, Mercator, 1989, p. 93-103
Luc ENGEN, Les verreries du Pays de Liège, dans Luc ENGEN (dir.), Le verre en Belgique des origines à nos jours, Anvers, Mercator, 1989, p. 135
http://gw.geneanet.org/michubert?lang=fr;pz=maxine+marie+francoise+cicercule;nz=coton;ocz=0;p=jean;n=de+colnet;oc=3 (s.v. novembre 2014)
Michel PHILIPPE, Naissance de la verrerie moderne XIIe-XVIe siècles. Aspects économiques, techniques et humains, Turnhout, Brepols, 1998, coll. dans De Diversis Artibus, XXXVIII, p. 80, 241-242, 402-403
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rbph_0035-0818_2004_num_82_4_7239_t1_1189_0000_2 (s.v. décembre 2014)
http://afaverre.fr/Afaverre/bibliographie-de-raymond-chambon-concernant-le-verre/ 
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Raymond CHAMBON, Les Verreries forestières du Pays de Chimay du XIIe au XVIIIe siècle d’après les documents d’archives, dans Publications de la Société d’histoire régionale de Rance 1959-1960, Chimay, 1960, t. IV, p. 111-180
André DEFLORENNE, Momignies 2000 ans d’histoire verrière, Centre culturel de Momignies, 2002, 2e éd.
Virgile LEFEBVRE, La verrerie à vitres et les verriers de Belgique depuis le XVe siècle, Charleroi, Université du Travail, 1938
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Armorial général des d’Hozier ou Registres de la noblesse de France, Paris, 1869, vol. 7, p. 509
La difficile gestion des ressources humaines autour d’un four de  verrerie à la fin de l’Ancien Régime en France par Stéphane Palaude, docteur en Histoire, Université de Lille 3 
Adolphe-Jérôme BLANQUI, Dictionnaire du commerce et de l’industrie, Volume 4, p. 449
Histoire de la Wallonie (L. GENICOT dir.), Toulouse, 1973, p. 256
La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Histoire. Économies. Sociétés, t. I, p. 277
La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Lettres - arts - culture, t. II, p. 277
http://gw.geneanet.org/michubert?lang=fr;pz=maxine+marie+francoise+cicercule;nz=coton;ocz=0;p=gilles;n=de+colnet
http://gw.geneanet.org/michubert?lang=fr;pz=maxine+marie+francoise+cicercule;nz=coton;ocz=0;p=englebert+ou+engrant;n=de+colnet 
http://gw.geneanet.org/michubert?lang=fr;pz=maxine+marie+francoise+cicercule;nz=coton;ocz=0;p=collart;n=de+colnet
http://gw.geneanet.org/michubert?lang=fr;pz=maxine+marie+francoise+cicercule;nz=coton;ocz=0;p=francois;n=de+colnet;oc=3 (s.v. 27 novembre 2014)