Huart-Chapel Paul François Joseph
Socio-économique, Entreprise
Charleroi 1770 ou 1771, Charleroi 05/09/1850
Depuis le début du XVIIIe siècle, grâce à Abraham Darby, l’Angleterre dispose de ses premiers hauts-fourneaux au coke. Ce nouveau combustible remplace utilement le charbon de bois car les fontes produites sont de meilleure facture et de moindre coût. Par ailleurs, en 1784, un autre Anglais met au point le système du puddlage. Le procédé de décarburation mis au point par Cort empêche le soufre de s’introduire dans le fer. Dès lors, l'oxydation de la fonte liquide obtenue par brassage avec des scories ferrugineuses (puddlage) dans des fours à réverbère procure un métal très résistant.
Ne disposant pas des secrets anglais, de nombreux Européens du continent multiplient les expériences ou tentent d’attirer chez eux le savoir-faire technologique des Insulaires. Dans le pays wallon, on utilise énormément de charbon de bois, bien que la houille soit connue depuis le XVe siècle. Après avoir vaincu les problèmes d’évacuation des eaux souterraines, on s’attache à comprendre comment transformer la houille en coke. Du côté de Liège, Jean-Philippe de Limbourg s’y emploie, et du côté de Charleroi, Stanislas Desandrouin parvient lui aussi à transformer la houille en coke, sans succès lorsqu’il s’agit de l’utiliser dans le haut-fourneau de manière industrielle. À Couillet, dès 1792, Daniel-François Chapel établit un four à réverbère et multiplie les expériences pour atteindre le niveau de qualité des Anglais. En 1822, ses efforts sont couronnés de succès grâce à son beau-fils, Paul Huart-Chapel, lui aussi maître de forges jusqu’alors, avant de devenir patron d’industrie.
Fils du notaire Paul Huart, Paul F-J. épouse Marie Chapel, fille d’une famille à la tête de plusieurs exploitations industrielles lorsque survient la période révolutionnaire. En 1806, Paul F-J. Huart-Chapel hérite des ateliers qui sont restés dans le giron de sa belle-famille en dépit des bouleversements politiques ; ils sont principalement situés dans la région de Charleroi. À l’image de son beau-père, il cherche en permanence à améliorer les moyens de production. Dès 1807, il invente un four à puddler, avant d’installer, en 1812, un laminoir moderne à Acoz (René Leboutte).
Initiateur des méthodes sidérurgiques « à l’anglaise » dans le bassin de Charleroi, Paul Huart-Chapel parvient, au début des années 1820, à substituer le coke au charbon de bois dans l’alimentation de son haut-fourneau, de manière industrielle. Soutenu par le banquier montois Fontaine-Spitaels, il porte le projet de concentrer toutes ses activités au cœur du bassin houiller et à proximité des moyens de communication. Par le Fonds de l’Industrie institué par le roi Guillaume d’Orange en 1823, Huart-Chapel (comme d’autres industriels) reçoit une aide précieuse de l’État qui lui permet de construire, entre 1824 et 1826, le haut-fourneau à coke des Hauchies, à Marcinelle, où se retrouveront aussi les fours à puddler et fonderies. Il semblerait qu’il s’agisse là du deuxième haut-fourneau à coke du continent européen, construit juste après celui de Cockerill à Seraing et en même temps que celui de Hannonet-Gendarme à Couvin.
En 1827, en même temps que Cockerill à Seraing, Paul F-J. Huart-Chapel à Marcinelle inaugure sa première coulée de haut-fourneau. En 1850, Charleroi comptera 24 des 30 hauts-fourneaux hennuyers. Le bassin de Charleroi dispose ainsi des dernières innovations technologiques de l’époque. Dans cette mutation industrielle, l’aide de mécaniciens anglais y est pour beaucoup. Dans le succès de Huart-Chapel, on retrouve encore la griffe de Thomas Bonehill.
En 1828, la maison Fontaine-Spitaels construit à Couillet un ensemble sidérurgique similaire à celui de Paul Huart-Chapel. En juin 1830, les deux entreprises fusionnent sous le nom Fontaine-Spitaels et Cie, mais le nouvel ensemble est très vite confronté à un manque de capitaux. Effaçant les dettes, l’intervention de la Société générale, en 1833, transforme la société en commandite par actions en une société anonyme : SA des hauts fourneaux, Usines et Charbonnages de Marcinelle et Couillet. Ferdinand Spitaels en sera l’administrateur principal.
De Huart-Chapel, on sait encore qu’il prend une part active lors de la Révolution de 1830. Lors des journées décisives, ce défenseur affirmé des idées libérales fait pression sur le Conseil de Régence présidé par Ferdinand Puissant d’Agimont, pour qu’il abandonne le parti du roi Guillaume d’Orange et se rallie aux « patriotes ». En 1831, Paul Huart-Chapel est choisi comme nouveau bourgmestre de Charleroi et exercera cette fonction jusqu’en 1834, année où il remet sa démission.
Sources
René LEBOUTTE, Vie et mort des bassins industriels en Europe, 1750-2000, Paris, L’Harmattan, 1997, p. 81-82
Ginette KURGAN, Serge JAUMAIN, Valérie MONTENS, Dictionnaire des patrons en Belgique, Bruxelles, 1996, p. 52, 255, 260, 300, 521, 560
Robert HALLEUX, dans Freddy JORIS, Natalie ARCHAMBEAU (dir.), Wallonie. Atouts et références d’une région, Namur, 1995
La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Histoire. Économies. Sociétés, t. I, p. 328-330, 338, 345 ; t. II, p. 28
Revue du Conseil économique wallon, n°40, septembre 1959, p. 68-69
Revue du Conseil économique wallon, n°90, janvier 1969, p. 65
Paul Delforge