Rathier
Eglises
Liège circa 890, Namur 25/04/974
Parmi les centres majeurs de la vie intellectuelle en Wallonie, l’abbaye de Lobbes occupe une place éminente surtout à la fin du Xe et au début du XIe siècle. Elle a réussi à garder le niveau de qualité de l’école du palais de Charlemagne, dans l’Athènes du Nord, et va donner une impulsion aux sciences et aux lettres. Parmi les maîtres issus de cette solide école de Lobbes, Rathier apparaît comme l’un des meilleurs théologiens de son temps (Genicot), voire « le seul théologien de son siècle » (Kurth). Il est l’élève d’un esprit brillant, Étienne, responsable de l’abbaye de Lobbes et évêque de Liège (901-920). Considéré comme « un des esprits les plus curieux » de son temps, Rathier excelle en médecine, en mathématiques et en sciences, il maîtrise les auteurs grecs et romains, connaît le droit canon et les philosophes. Plusieurs voyages à l’étranger lui ont permis de rassembler tout un savoir qui faisait défaut dans sa patrie avant lui. Latiniste distingué, il développe aussi, comme théologien, une approche personnelle.
À la mort d’Étienne, Rathier part pour l’Italie ; c’est là qu’il consolide sa culture. Sensible au pouvoir, le monacus laubiensis avait dû quitter le diocèse de Liège parce qu’il avait misé sur le mauvais candidat à la succession d’Étienne : Hilduin, son ami à Lobbes, n’ayant pas obtenu la charge, décide de partir en Italie et Rathier l’accompagne. Là, Hilduin est nommé évêque de Vérone et Rathier lui succède en 931. Une série d’intrigues le prive de son mandat (934) et il se retrouve en prison à Pavie, puis à Côme (936-939). Consacrant sa captivité à l’écriture (son œuvre la mieux connue, Praeloquia, date de ce moment), il parvient à s’enfuir et trouve refuge en Provence, avant de rentrer quelques mois à l’abbaye Lobbes, à laquelle il offre sa Vie de Saint Ursmer (944-946).
Après maints épisodes tourmentés, Rathier retrouve Vérone et sa charge diocésaine (946) : sa volonté de réformer le clergé local se heurte cependant à une vive opposition devant laquelle il ne trouve son salut que dans la fuite. Rentré dans le nord (vers 948-952), Rathier est appelé à Cologne par Brunon, frère d’Otton Ier et fils cadet de Henri Ier l’Oiseleur, où il peut enseigner et partager son savoir. Quand Brunon devient archevêque de Cologne, il désigne Rathier à la tête de l’évêché de Liège, comme successeur de Farabert (septembre 953). Là aussi sa nomination suscite l’hostilité, tant de l’aristocratie liégeoise que du clergé local, soutenus par Régnier III de Hainaut. En 955, Rathier finit par renoncer à sa charge et se retire à l’abbaye d’Aulne. Quand l’empire reprend possession du nord de l’Italie, Rathier est à nouveau nommé évêque de Vérone (962-969) ; la troisième fois n’est toujours pas la bonne : il doit même faire face à des émeutes lorsqu’il invoque les canons pour faire respecter des préceptes religieux depuis longtemps oubliés dans l’épiscopat. Bafoué lorsqu’il veut imposer le célibat des prêtres et améliorer le sort du clergé inférieur, il perd toute autorité et se décide à partir, définitivement cette fois.
« Malheureux dans toutes ses entreprises sans jamais soupçonner la cause de ses revers, idéaliste passionné pour les grandes causes » (Kurth), davantage doué pour les études, Rathier obtient les revenus de l’abbaye d’Aulne grâce à Eracle, l’un de ses élèves ; mais il en veut davantage et brigue la direction de l’abbaye de Lobbes, d’où il chasse Folcuin, avant de la faire fortifier. Ce conflit est réglé par Notger, nouvellement nommé, et c’est à Aulne que Rathier achève une longue existence, marquée par des déboires dans les cercles de pouvoirs, mais par une œuvre intellectuelle de premier ordre.
Sources
La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Lettres - arts - culture, t. I, p. 81-82, 489
Godefroid KURTH, dans Biographie nationale, t. XVIII, col. 772-783
Oeuvres principales
- Responsio ad Mediolanenses (931) – écrits à caractère scientifique
- Praeloquia (934-939)
- Vita sancti Ursmari (946)
- Excerptum ex dialogo confessionali (957-960)
- Volumen perpendiculorum Ratlierii Veronensis tei visus cujusdam appensi cum aliis multi in Ugno latronis (963) – satire de son clergé à Vérone
- Synodica ad presbyteros (966) – œuvre pastorale
- De nuptu cujusdam illicito (966) – sur le mariage des prêtres
- Judicatum (967) – sur le statut du bas clergé
Paul Delforge