Vandestrick Michel
Socio-économique, Entreprise
Seraing 28/10/1926, Nandrin 31/03/2007
Comme beaucoup de patrons ou d’ingénieurs wallons pendant les années d’après-guerre, Michel Vandestrick est un entrepreneur peu exposé à la visibilité du grand public, sauf quand des difficultés économiques surgissent. C’est ainsi que, discrètement, il s’est hissé à la tête de l’une des plus importantes entreprises liégeoises, la Fabrique nationale d’Armes de Guerre de Herstal, qu’il va diriger jusqu’en 1986, moment où il est remplacé par Albert Diehl. Conseiller à la Société générale de Belgique, c’est en 1971 que Michel Vandestrick succède à René Laloux comme directeur général de la FN. Après plus d’un demi-siècle de contrôle par la famille Laloux, la FN est placée entre les mains d’un homme de la Société Générale. Il est chargé d’introduire une toute nouvelle culture d’entreprise à la FN, ayant l’intention de moderniser et l’outil et l’esprit de la société. Ingénieur issu de la métallurgie liégeoise, il n’a pas d’expérience particulière dans le métier des armes ; il s’entoure de managers diplômés et de consultants, et force les cadres à de nouvelles formations.
Outre le changement du mode de gestion, il s’attache à inscrire la FN dans le train des technologies de pointe, tout en devant faire face à la crise qui frappe le monde à partir du début des années 1970. Durant son mandat, le patron de la FN va s’employer à diversifier la production avec le FAL, la MAG et les munitions 7,62 mm suivies par les 5,56 mm ; il cherche des débouchés dans le monde du sport, de la sécurité, de la maintenance industrielle ou du recyclage de déchets, en plus des secteurs traditionnels des moteurs et des armes. Des filiales sont aussi créées. À la vue des comptes affichés en 1980 et 1981, les critiques s’amoncellent sur la tête de Vandestrick ; les investissements ont été particulièrement lourds et mangent les bénéfices ; de surcroît, le nombre de travailleurs est passé de 13.000 en 1964 à 9.000 dix ans plus tard, tandis que l’organigramme s’est complexifié. En 1982, le patron reçoit mission dans la sidérurgie wallonne ; il sera progressivement remplacé à la tête de la FN, par Bernard Regout, puis Albert Diehl.
Dans le même temps, Michel Vandestrick exerce des fonctions en vue au sein de l'Union wallonne des Entreprises, puisqu’il en devient l’un des vice-présidents. Née au printemps 1968, cette association s’est résolument inscrite comme partenaire dans l’application de la loi dite Terwagne de planification et de décentralisation économique votée en juillet 1970. Tout en se structurant, elle a accompagné l’émergence de la Région wallonne. Or, cette même région, toute jeune institutionnellement, est confrontée à la crise d’un des secteurs qui ont fait sa prospérité. À l’entame des années 1980, la constitution de Cockerill-Sambre constitue l’aboutissement d’un processus de regroupements, d’absorptions et de fusions d’une multitude d’outils et de sites sidérurgiques wallons, processus entamé simultanément du côté liégeois et du côté carolorégien, afin de lier le destin des deux bassins.
La naissance de CS le 16 janvier 1981 ne règle cependant pas la crise économique et financière que traverse alors la sidérurgie wallonne. Plusieurs plans ont déjà été présentés, mais ils ne donnent pas entière satisfaction quand M. Vandestrick est nommé administrateur-délégué de CS après la démission d’Albert Frère en mars 1982. Dans une certaine mesure, il y représente la Société Générale. Les rapports et plans qui sont sur la table se contredisent, de même que s’affrontent syndicats, décideurs politiques de tout bord et des différents niveaux de pouvoir. Dans ce contexte périlleux, le nouvel administrateur-délégué tente une synthèse constructive et dépose son propre plan (mai 1982) : il prévoit un retour à la rentabilité financière en 1985, une restructuration équilibrée entre les deux bassins et une seule société commerciale, ainsi que la rentabilité des filières industrielles. Très vite, pourtant, son plan est revu à la baisse en raison des exigences de la Commission européenne et d’autres paramètres sur lesquels il n’a pas prise. En l’absence de décisions fermes, Michel Vandestrick jette le gant (février 1983), laissant la place à Jean Gandois.
Ses efforts sont unanimement reconnus ; administrateur à Fabrimétal, il est nommé à la présidence de la FEB de 1983 à 1987. D’autre part, il est appelé à succéder à Roger Van der Schueren à la présidence de l’UWE dès 1983 et jusqu’en 1987. Il prend cette présidence au moment même où l’UWE devient un acteur plus important au sein du CERW devenu précisément le CERSW en 1983, du fait du retrait des « politiques » dans son organisation. Afin d’améliorer la qualité des interventions de l’UWE au CERSW, Vandestrick fait développer des études économiques et des enquêtes. À l’heure où l’Exécutif régional wallon tend davantage la main à l’initiative industrielle privée et met l’accent sur les nouvelles technologies, le président de l’UWE encourage cette orientation et prône la nécessité de combattre les réticences à l’égard de la notion de libre entreprise, concept qui semble effrayer les Wallons. Il encourage une série d’opérations comme les journées portes ouvertes en entreprise, et l’amélioration de l’information vers le monde politique et celui des enseignants.
Sources
Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse
Pascal DELOGE, Une histoire de la Fabrique Nationale de Herstal. Technologie et politique à la division « Moteurs » (1889-1992), Céfal, 2012, p. 70-75, 82-83
Jean STEPHENNE, L’Union wallonne des Entreprises, dans Jean-Claude VAN CAUWENBERGHE (dir.), L’aventure régionale, Bruxelles, Luc Pire, 2000, p. 137-143
Cédric LOMBA, Gérer l’indétermination des frontières de l’entreprise, dans Les Cahiers du Centre de recherches historiques, http://ccrh.revues.org/1662
Michel CAPRON, La sidérurgie en Wallonie entre Usinor, Duferco et Arcelor, dans CH du CRISP, n°1786-1787, Bruxelles, 2003
Rik DECAN, Qui est qui en Belgique francophone 1985-1989, Encyclopédie biographique, Bruxelles, Lannoo, 1984, p. 876
Paul Delforge