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Bouquette Jean-Denis

Révolutions

Liège 17/06/1763, Huy 25/03/1794

Avec Grégoire-Joseph Chapuis à Verviers, Jean-Denis Bouquette est, à Huy, l’un des quelques patriotes de la principauté de Liège à subir la répression du prince-évêque, François-Antoine de Méan, lorsque celui-ci est rétabli sur son siège par les Autrichiens au cours de la seconde restauration. Bouquette est arrêté et condamné à mort le 20 mars 1794. Le 25 mars 1794, il est décapité sur la Grand-Place de Huy, pour l’exemple : sa tête fichée sur une pique est exposée au thier de Falise…, en même temps qu’Augustin Behogne de Jehay.

Bien qu’il affichât une vive opposition à l’égard de la fonction de prince-évêque en raison de la dimension religieuse de ce pouvoir, J-D. Bouquette, fripier de son état, avait réussi dans les affaires en s’imposant comme l’un des fournisseurs de la cour. Sans être un théoricien des Droits et Libertés, mais plutôt par tempérament, il se mêle aux événements du 18 août 1789. Petit bourgeois partisan d’un changement, le commerçant ne souffrait pas le désordre provoqué par le petit peuple. Pourtant, quand le prince-évêque Hoensbroeck est reconduit à l’hôtel de ville de Liège, est contraint d’approuver l’abrogation du règlement de 1684 de Maximilien-Henri et apparaît symboliquement au balcon, J-D. Bouquette saisit l’occasion pour accrocher sa propre cocarde « révolutionnaire » sur le vêtement de l’évêque (18 août 1789). 

Les versions de l’événement varient d’un « commentateur » à l’autre, mais chacun rapporte les mots prononcés en wallon par Bouquette : « Louki, grand-père, ki çoulà v’va bin ! N’aï nin paou, vo’n polé mâ » (Regardez, grand-père, comme cela vous va bien ; n’ayez pas peur, vous ne « pouvez mal »). La portée politique de l’acte pèsera lourd dans le jugement définitif rendu en 1794 : crime de lèse-majesté ! Le prétexte ne doit pas dissimuler le fait que Bouquette avait continué à être un actif révolutionnaire, combattant le retour de l’Ancien Régime en établissant des contacts avec les Français, en particulier avec Dumouriez, et qu’il fut choisi par ses compatriotes comme officier municipal lors de la deuxième révolution.

Le sort post-mortem de Bouquette est une histoire en soi. La tête du condamné a en effet été jetée dans une fosse à la Buissière… avant d’être récupérée par des soldats français, en juillet 1794, quand ils effectuent leur retour à Huy après la bataille de Fleurus. Selon P. Deschene, la mémoire du révolutionnaire hutois est honorée avec pompe : « un cortège patriotique conduit la tête de Bouquette portée par quatre jeunes filles de blanc vêtues jusqu’à la Grand Place où elle est enterrée à proximité de la Fontaine du Marché, à l’endroit même où fut ensuite planté l’Arbre de la Liberté qui sera abattu sur ordre du commandant de l’armée prussienne d’occupation en 1815 ». En 1994, une ASBL prend l’initiative de réaliser une stèle qui rend hommage à J-D. Bouquette près du Mont Falise. Un comité Jean-Denis Bouquette (Wallonie) est d’ailleurs partie constituante d’une « Fédération nationale laïque des Associations des Amis des Monuments pacifistes, républicains et anticléricaux ».

 

Sources

Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse
Joseph Lebeau 1794-1865, Huy, 1966, p. 37
Pierre DECHESNE, Quel est le Hutois enterré sous la Grand-Place ?, dans La Meuse, 28 août 2010
Conférences de la Société d’art et d’histoire du diocèse de Liège (Volume 3-5)
Freddy JORIS, Mourir sur l’échafaud, Liège, Céfal, 2005, p. 18
Philippe RAXHON, La Figure de Chapuis, martyr de la révolution liégeoise dans l’historiographie belge, dans Elizabeth LIRIS, Jean-Maurice BIZIÈRE (dir.), La Révolution et la mort : actes du colloque international, Toulouse, 1991, p. 209-222
Paul HARSIN, La Révolution liégeoise de 1789, Bruxelles, Renaissance du Livre, 1954, coll. Notre Passé, p. 173
Conférences de la Société d’art et d’histoire du diocèse de Liège (Volume 3-5), Liège, 1888