De Dorlodot Eugène

Socio-économique, Entreprise

dit Eugène-François de DORLODOT-HOUYOUX

Charleroi 27/03/1783, Bruxelles 18/04/1869

Descendant de maîtres-verriers implantés à Charleroi depuis le XVIIe siècle, Eugène de Dorlodot est le représentant de la 9e génération de cette importante famille ; fils aîné d’Édouard-Michel de Dorlodot (1734-1816), il est plongé dès son enfance dans le métier du verre puisque son père continue l’exploitation de l’usine du Faubourg de Charleroi, le siège historique des Dorlodot. À son décès, c’est sa mère, Philippine de Beelen Bertholff (1762-1835), qui reprend la direction des affaires, tout en se faisant aider par ses enfants. Mais une autre perspective s’offre à Eugène, lorsqu’il épouse, en 1819, Thérèse Houyoux (1799-1849), la fille du maître de forges Pierre Joseph Houyoux (1776-1832). Ce n’est pas vers la politique, même si, de 1815 à 1818, il est conseiller communal de la ville de Charleroi. En fait, lorsque Léopold (son jeune beau-frère) rejoint son frère Édouard à la tête de la verrerie familiale (1825), Eugène de Dorlodot s’en retire pour se consacrer exclusivement au métier du fer, où les perspectives sont particulièrement enthousiasmantes.

En 1818, son beau-père a fait l’acquisition de la platinerie d’Acoz ; c’est là que, quelques années plus tôt, avait été installé le premier laminoir à l’anglaise, à l’initiative de Georges Gauthier-Puissant. Engagé dans cet autre métier du feu où les progrès techniques sont considérables, Eugène de Dorlodot en fait régulièrement le constat lors de ses séjours en Angleterre où il assouvit sa passion pour les chevaux. Il est fort possible que ce soit dans ces circonstances que s’établit le contact entre Pierre Joseph Houyoux et l’anglais Thomas Bonehill, car c’est ce dernier qui se charge de transformer les forges d’Acoz dès 1825, en installant un laminoir pour étirer les fers en barre, sous l’action de roues hydrauliques.

Bénéficiant des investissements et du savoir-faire de son beau-père et des conseils avisés de spécialistes comme Bonehill, Eugène de Dorlodot va construire progressivement « l’établissement sidérurgique le plus considérable de tous ceux possédés dans l’arrondissement de Charleroi par un particulier », pour reprendre l’expression de Jean-Louis Delaet. En 1840, en effet, sur le site d’Acoz et sur celui de Bouffioulx, de Dorlodot possède notamment deux hauts-fourneaux au coke. Comme les Puissant, les Cartier d’Yves et les Huart-Chapel, de Dorlodot a recours aux techniciens anglais pour moderniser ses outils et introduire les laminoirs à l’anglaise ; comme eux, il peut être considéré comme l’un des initiateurs de la révolution industrielle dans le bassin de Charleroi.

Mais la crise frappe en 1840 et oblige l’entrepreneur à prendre des décisions. Eugène de Dorlodot met en chômage le laminoir d’Acoz et installe près de Maubeuge, de l’autre côté de la frontière, un laminoir permettant de construire des rails et de répondre ainsi à des commandes venant de compagnies ferroviaires françaises. C’est ce laminoir de Bois-le-Tilleul qui fusionne en 1853 avec les Hauts-Fourneaux de Hourpes (Thuin et Leernes) pour former la SA des Forges et Laminoirs de la Sambre. En 1858, cessant ses activités à l’âge de 75 ans, Eugène de Dorlodot cède la direction des usines d’Acoz qui compte alors quatre hauts-fourneaux et deux laminoirs. Il abandonne au même moment le mandat de bourgmestre d’Acoz qu’il exerçait depuis l’indépendance de la Belgique. Il conservera encore jusqu’en 1863, le mandat de sénateur qu’il avait conquis en 1850, en tant que représentant du parti catholique, pour l’arrondissement de Charleroi. Du 6 septembre 1850 au 9 juin 1863, le maître de forges d’Acoz et de Bouffioulx avait siégé au sein de la Commission des Travaux publics.

Lorsqu’il s’éteint, en 1869, son fils Eugène-Charles est à la tête des forges d’Acoz qui atteignent leur apogée, comptant davantage d’ouvriers que Cockerill par exemple, et produisant davantage de tonnes d’acier que les usines liégeoises. Le maître verrier avait parfaitement réussi sa reconversion dans la sidérurgie.

 

Sources

Revue du Conseil économique wallon, n°40, septembre 1959, p. 68-69
Revue du Conseil économique wallon, n°54-55, janvier-avril 1962, p. 80-81
Jean-Luc DE PAEPE, Christiane RAINDORF-GÉRARD (dir.), Le Parlement belge 1831-1894. Données biographiques, Bruxelles, 1996, p. 131
Jean-Louis DELAET, dans Ginette KURGAN, Serge JAUMAIN, Valérie MONTENS, Dictionnaire des patrons en Belgique, Bruxelles, 1996, p. 163-164
Histoire du Sénat de Belgique de 1831 à 1995, Bruxelles, Racine, 1999