De Gorge Henri

Socio-économique, Entreprise

dit DE GORGE-LEGRAND

Orsinval (Villers-Pol) 12/02/1774, Hornu 22/08/1832

Aîné d’une famille nombreuse et paysanne du nord de la France dont l’aisance lui permet de suivre une formation aux collèges du Quesnoy et de Bavay, Henri Degorge est attaché à l’Intendance de l’Armée de Sambre-et-Meuse en 1795, devient fournisseur des armées sous le Consulat et l’Empire, tout en se spécialisant dans le négoce de charbon. Son mariage, en 1800, avec Eugénie Legrand, fille d’un grossiste lillois, favorise des affaires qui prospèrent et lui permettent de se porter acquéreur, en 1810, d’une concession houillère sur les terres de l’ancienne abbaye de Saint-Ghislain. À proximité du canal Mons-Condé en cours de réalisation, le site est reconnu comme difficile, les eaux s’engouffrant systématiquement dans les percements. Après plusieurs essais infructueux, il tombe sur une veine présentant d’excellentes qualités et parvient à assécher les travaux miniers (1814). Aidé de ses frères, il commence à récolter le fruit de ses efforts à partir de 1816. Propriétaire et directeur des charbonnages du Grand-Hornu, dans le Couchant de Mons, il achètera encore d’autres concessions plus au sud et exploitera le Grand Bouillon.

Afin de conserver les mineurs à proximité de son exploitation principale et de disposer de locaux administratifs et de maintenance, Henri Degorge réalise, à partir de 1823, un ambitieux projet architectural sous la forme d’une cité ouvrière modèle, comprenant 500 maisons avec jardin, des places publiques et des rues conduisant vers les différents puits, des salles de classes et autre bibliothèque. Conçu par l’architecte tournaisien Bruno Renard, le site du Grand-Hornu est achevé à l’entame des années 1830, avec la fameuse salle de l’Atelier de Construction de Machines à Vapeur et de Mécaniques (1831-1832). Sur le site charbonnier, la société fondée par Degorge allait en effet s’avérer capable de fabriquer toutes sortes de machines pour l’exploitation des mines ou d’autres industries.

On peut citer un autre aspect de l’esprit d’innovation dont fit preuve l’entrepreneur. Ayant vu fonctionner en Angleterre les premiers chemins de fer, celui qui a pris l’habitude de scinder son nom de famille en deux et d’y accoler celui de sa belle-famille se lance aussi dans la construction d’une des tout premières lignes ferrées privées du pays wallon. Dès l’été 1830, une voie à petite section conduit le charbon de la mine vers le canal ; des chevaux assurent la traction. Ce bouleversement dans le mode de transport sera particulièrement mal apprécié par les charretiers et autres boteresses ; à la faveur des événements révolutionnaires de septembre et octobre 1830, les mécontents viendront saccager et arracher les rails de ce dangereux concurrent, tout en semant la pagaille sur l’ensemble du site.

Essentiellement préoccupé par la bonne marche de ses affaires, Henri De Gorge-Legrand slalomera entre les grandes idées politiques de son temps. Élevé dans la foi catholique, il accède à d’importantes responsabilités au sein de la franc-maçonnerie lilloise. Ayant obtenu la nationalité des Pays-Bas en 1825, il se montre pro-orangiste avant 1830, réunioniste en 1830 et défenseur de l’indépendance belge après 1830… Membre du Comité provincial d’Industrie, de Commerce et d’Agriculture du Hainaut (1831-1832), il est choisi comme sénateur par les catholiques de l’arrondissement de Mons ; il siège à la Haute Assemblée du 29 août 1831 jusqu’à son décès, dû au choléra.

 

Sources

Revue du Conseil économique wallon, n°74-75, mai 1965, p. 54-56
Jean-Luc DE PAEPE, Christiane RAINDORF-GÉRARD (dir.), Le Parlement belge 1831-1894. Données biographiques, Bruxelles, 1996, p. 138-139
Hubert WATELET, dans Ginette KURGAN, Serge JAUMAIN, Valérie MONTENS, Dictionnaire des patrons en Belgique, Bruxelles, 1996, p. 166
Léopold DEVILLERS, dans Biographie nationale, t. X, col. 115-117