Lahaut Julien

Politique

Seraing 06/09/1884, Seraing 18/08/1950

L’histoire récente de la Wallonie compte un certain nombre de personnalités politiques assassinées. André Cools et François Bovesse sont certainement les plus connues, mais on ne peut oublier Jules Hiernaux, Désiré Horrent et surtout pas Julien Lahaut. Les circonstances de son exécution par deux tueurs d’extrême droite ont fait l’objet d’une enquête publiée par R. Van Doorslaer et Et. Verhoeyen en 1987, mais de nouvelles recherches sont menées depuis 2011 avec le soutien de la Région wallonne.

Figure marquante du communisme et de l’antifascisme, tribun et meneur d’hommes, « le p’tit Julien » avait entamé sa carrière professionnelle à l’âge de 14 ans. Ouvrier-chaudronnier comme son père, tourneur de métaux (1899), il entre chez Cockerill puis au Val Saint-Lambert. Son implication dans la structuration du mouvement syndical naissant lui coûte son emploi à plusieurs reprises. Le groupe initial Relève-toi (1905) s’étend à plusieurs usines et deviendra la Centrale des Métallurgistes. Lahaut est choisi comme secrétaire permanent par ses camarades ouvriers (1908-1921) qui luttent aussi pour obtenir le droit au suffrage universel. Son engagement syndical lui vaut la prison (1913) quand éclate la Première Guerre mondiale. Se portant volontaire, il est versé dans les auto-canons et est envoyé sur le front russe, à l’instar de Marcel Thiry. Il y vivra la Révolution d’Octobre. À peine rentré (1918), imprégné des idéaux communistes et convaincu de la nécessité d’affilier son parti, le POB, à la troisième Internationale de Lénine, Lahaut se retrouve à la tête de plusieurs mouvements sociaux de l’après-guerre qui revendiquent fermement des améliorations salariales et des conditions de travail. Son jusqu’au-boutisme se heurte de plus en plus au réformisme adopté par le POB.

Après la longue (9 mois) grève d’Ougrée-Marihaye (9.000 ouvriers concernés) et un nouveau passage en prison, Julien Lahaut est exclu de sa centrale syndicale et du POB (1921). Il lance une nouvelle fédération syndicale, les Chevaliers du Travail, point de départ de la future Centrale révolutionnaire des Mineurs. Il adhère ensuite au Parti communiste (1923) créé deux ans plus tôt. La rupture est ainsi consommée avec le mouvement socialiste.

Toujours à la pointe du combat, il mène encore les grèves de 1932 et de 1936, la grève des 500.000 ; dès 1933, il s’oppose à la montée du fascisme et du nazisme et, en 1936, se lance dans la lutte pour l’Espagne républicaine. Son combat lui vaut la confiance des électeurs de l’arrondissement de Liège : en 1932, il est l’un des trois premiers parlementaires communistes à siéger à la Chambre (avec Henri Glineur et Joseph Jacquemotte). Il sera régulièrement réélu (1932-1950). Lahaut peut compter sur un soutien populaire considérable et, malgré une certaine indiscipline, il s’impose aussi comme une figure de proue du Parti communiste : à la mort de Jacquemotte, il accède au secrétariat général du PCB et à la direction du quotidien La Voix du Peuple.

En 1938, Julien Lahaut préside la première Conférence des communistes wallons (Liège, 8 janvier). Identique à celui du congrès de la Concentration wallonne, l’ordre du jour des communistes wallons rejette la politique de neutralité et affirme que l’alliance avec la France est la seule chance pour le peuple wallon de protéger ses foyers. Néanmoins, en 1939, les positions du PCB influencées par Moscou sont moins tranchées et une certaine ambiguïté – entretenue par les anti-communistes –va régner jusqu’à l’attaque allemande de juin 1941.

Conseiller communal élu à Seraing en 1932, chef de l’opposition (1933-1940), Julien Lahaut fait fonction d’échevin des Travaux publics entre 1940 et 1942. Après un bref passage en France durant l’été 1940, il contrecarre les visées de Degrelle (janvier 1941), mène la grève des 100.000 (mai 1941) où tout le bassin liégeois est immobilisé, organise la lutte armée et jette les bases de l’Armée belge des Partisans. Dès le lancement de l’opération Barbarossa, Lahaut est arrêté. Malgré ses quatre tentatives d’évasion, il est transféré de la Citadelle de Huy au camp de Neuengamme, puis déporté au camp de concentration de Mauthausen (13 juillet 1944-28 avril 1945). 

Après 48 mois de captivité dont il revient très affaibli, sa popularité et son idéal n’ont pas été atteints. Porté à la présidence du Parti communiste de Belgique (11 août 1945), l’orateur vibrant redevient le lutteur infatigable en faveur des travailleurs. Julien Lahaut soutient aussi la proposition de loi élaborée par le Congrès national wallon visant à la transformation de la Belgique en une Confédération formée de deux États (Flandre et Wallonie) et d’une région fédérale (Bruxelles composé de dix-neuf communes).

Au premier rang de l’opposition au retour de Léopold III, J. Lahaut soutient le mouvement de grèves qui embrasent la Wallonie durant l’été 1950. Le 11 août, au moment où le prince royal va prêter le serment constitutionnel devant les Chambres réunies, sa voix éclate dans un vibrant : Vive la République ! Même si, plus tard, Henri Glineur revendiquera la paternité de ce cri de protestation, Julien Lahaut ne pouvait que le cautionner et le partager. Une semaine plus tard était abattu, devant sa maison à Seraing, celui qu’un comte polonais – qui a partagé sa captivité – appelait L’homme qui portait le soleil dans sa poche et en donnait un morceau à chacun.

Sources

STEINBERG Maxime, Biographie Nationale, 1976, t. 39, col. 569-584
PIRLOT Jules, Julien Lahaut vivant, Cuesmes, éditions du Cerisier, 2010
DELFORGE Paul, Encyclopédie du Mouvement wallon, Charleroi, 2001, t. II 
STEINBERG Maxime, Julien Lahaut, 1884 - 1950, FJJ, 2000
VAN DOORSLAER R., VERHOEYEN E., L’assassinat de Julien Lahaut, Anvers (Dossier EPO), 1987

Mandats politiques

Député (1932-1950)
Conseiller communal de Seraing (1933-1950)
Échevin ff (1940-1942)