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Monument Charles BERNIER

La statue inaugurée à Angre, le 7 août 1949, en l’honneur de Charles Bernier, de son vivant, n’est pas celle que l’on peut voir désormais le long de la Honnelle. En effet, l’œuvre en bronze réalisée par le sculpteur français Elie Raset a été volée et jamais retrouvée. Afin de rendre hommage à l’enfant du pays, qui avait conservé de nombreuses attaches avec son village natal où il a souhaité reposer pour l’éternité, les autorités communales ont pris l’initiative d’un nouveau monument : sur son socle en briques rouges surmontées d’une dalle de pierre bleue, la statue n’a plus la dimension d’autrefois, mais en est néanmoins une reproduction fidèle.


Charles
BERNIER
Artiste Graveur
Angre 1871-1950


Fils de Théodore Bernier, le jeune Charles se révèle très tôt un dessinateur doué ; il quitte l’Athénée de Mons pour l’Académie des Beaux-arts de Mons, où Antoine Bourlard (dessin) et Auguste Danse (gravure) façonnent ce talent couronné, en 1891, par le second Prix de Rome en gravure.

Poursuivant sa formation à Paris (1892-1893), Bernier y remporte un prix au Salon des artistes français. D’autres récompenses saluent une production qu’il expose notamment à l’occasion des Expositions internationales. Ami d’Émile Verhaeren qui résidait régulièrement, avant-guerre, non loin du village de Bernier, au Caillou qui Bique, il sera séduit par l’impressionnisme, mais son œuvre se caractérise principalement par ses portraits ; il traite aussi de sujets inspirés des tableaux des maîtres anciens ou contemporains, il s’inspire encore de son village d’Angre et sa région pour ses paysages. Après la Grande Guerre, qui emporte notamment son ami Verhaeren, Bernier devient Inspecteur de l’Enseignement du dessin (1922). Il signera parfois « Charles Dubailly » en raison de la Cour du Bailly à Mons, dont il était le propriétaire. Il est le frère de Michel (1888-1942), lui aussi graveur et peintre.

Monument Charles Bernier (Angre-Honnelle)

Originaire de Valenciennes, l’auteur de la sculpture, Elie Raset (1874-1956) est bien connu dans l’espace public du nord de la France pour des œuvres illustrant des scènes de la vie quotidienne, ainsi que pour plusieurs monuments aux morts élevés après l’Armistice dans plusieurs villes et villages. Élève de Maugendre à Valenciennes et de Barrias à Paris, Raset a formé de nombreux artistes en tant que professeur de sculpture à l’Académie des Beaux-Arts de Valenciennes de 1903 à 1937. Son monument Bernier, inauguré à Angre en 1949, représente son « collègue et ami » les mains dans les poches, jetant sur les alentours un regard un peu narquois.
Suite à la disparition de l’œuvre originale, un nouveau monument est inauguré le week-end des 13 et 14 septembre 2008, dans le cadre des Journées du Patrimoine en Wallonie, en même temps qu’est organisée une exposition rétrospective des œuvres de Charles Bernier. Le prétexte est aussi et surtout le centième anniversaire de la fête organisée – en 1908 – par Émile Verhaeren pour féliciter Bernier d’avoir reçu la rosette française d’Officier de l’Instruction publique.


 

Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse, Vers l’Avenir, 22 août 2008
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 88
André HAVEZ, Catalogue des œuvres de Charles Bernier
Christiane PIÉRARD, Théodore, Michel et Charles Bernier
Louis PIÉRARD, Charles Bernier, un graveur wallon, dans Wallonia, 1908, n°7, p. 186-194
http://www.dailymotion.com/video/x6py4p_tele-mb-exposition-charles-bernier_creation 
http://www.haut-pays.be/angre.php 
http://www.ac-antique.com/product_info.php?products_id=311&osCsid=55a098161a2c94b25138b512dfa54ff6 
http://monumentsmorts.univ-lille3.fr/auteur/24/rasetelie/
http://300gp.ovh.net/~honnelle/bernier.html (s.v. novembre 2015)

rue de Dour 1
7387 Angre-Honnelle

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Charlier Jambe de Bois

Bas-relief en l’honneur de Charlier Jambe de Bois, réalisé par Servais Detilleux, 14 mai 1939.

Apposé sur la façade d’une maison des hauteurs de Liège, le bas-relief représentant Jean-Joseph Charlier (1794-1866), passé à la postérité sous le nom de Charlier dit la Jambe de Bois, le montre à côté de son célèbre canon, dans ses habits caractéristiques de l’imagerie populaire pour illustrer les événements de 1830. Tandis qu’il est fort justement représenté avec son handicap à la jambe droite, une chaîne brisée sur une borne symbolise son combat pour la liberté. La partie illustrée du bas-relief a été très travaillée par Servais Detilleux qui représente de façon elliptique des briques, maisons et pavés pour évoquer les combats de Bruxelles. En contre-bas, sur une surface plane, se détache le simple texte suivant :

J. J. CHARLIER
DIT « JAMBE DE BOIS »
1794 – 1866

Né au moment où l’ancienne principauté de Liège était sur le point d’être annexée à la France, soldat au service de Napoléon (1813), il a combattu en « Allemagne » et à Waterloo. Ce serait sur ce champ de bataille que le Liégeois aurait été blessé ; mal soignée, sa jambe se serait infectée alors qu’il était rentré à Liège et on dut l’amputer pour stopper la gangrène. À partir de 1818, il perçoit d’ailleurs une petite pension de l’État en raison de son handicap. Celui-ci ne l’empêche pas d’être parmi les premiers volontaires liégeois prêts à en découdre avec les « Hollandais » en 1830. Avec son canon surnommé « Willem », Charlier dit Jambe de Bois prend une part active aux journées décisives de la Révolution belge (23-27 septembre)

Homme de condition modeste, simple tisserand à l’origine, il incarne les volontaires liégeois qui, comme d’autres Wallons, sont venus faire la Révolution dans les rues de Bruxelles.

L’hommage est rendu à l’initiative de la « Société royale les R’Jettons des combattants di 1830 », comme l’atteste une plaque apposée sous le bas-relief :

STE RALE LES R’JETTONS DI 1830
PRESIDENT JULES VAN MULEN
COMITE D’HONNEUR MME F. DUPONT
MRS A.BUISSERET – C. LOHEST
ET MME VANNERUM
14 – 5 - 1939

Cette société a été constituée à Liège en 1901 et avait son local au 109 de la rue Pierreuse…
Quant à Servais Detilleux (Stembert 1874 - Bruxelles 1940), l’auteur du bas-relief,  il n’a pas croisé la route de Charlier Jambe de Bois, mais son enfance a dû être bercée par les exploits du « héros de 1830 » ; formé à l’Académie de Liège (1891-1896, 1899-1900), il fréquente aussi J. Portaels et Ch. Van der Stappen à Bruxelles. Surtout peintre et dessinateur, mais aussi sculpteur, il privilégiait les paysages, les scènes historiques, les vues de ville, tout en réalisant des nus et des portraits, notamment d’hommes politiques, voire de Léopold II.

Sources:

Bas-relief Charlier Jambe de Bois (Liège)

La Vie wallonne, septembre 1928, XCVII, p. 65
René HÉNOUMONT, Charlier dit la jambe de bois : le canonnier liégeois de 1830, Bruxelles, Legrain, 1983
Paul EMOND, Moi, Jean-Joseph Charlier dit Jambe de Bois, héros de la révolution belge, Bruxelles, 1994 (rideau de Bruxelles)
Les journées de septembre 1830, Mémoire de Jean-Joseph Charlier dit la jambe de bois, capitaine d’artillerie en retraite, Liège, 1967 (première édition en 1853)
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 457

 

 
 

 

126 rue Pierreuse
4000 Liège

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Plaque Pierre BONAPARTE

C’est à l’occasion de l’ouverture d’un Musée Bonaparte aux Épioux qu’une plaque commémorative est inaugurée dans ce château proche de Florenville, le 6 octobre 1950. L’initiative en revient à l’Académie luxembourgeoise présidée par Pierre Nothomb qui, depuis la Libération, parsème la province de Luxembourg de mémoriaux dédiés à des personnalités illustres qui ont vécu, séjourné ou sont passées par la « Belle province ». Après Pétrarque, Châteaubriand, Shakespeare et Perk, c’est au tour de Pierre Bonaparte de retenir l’attention de cette Académie héritière de l’Association des Écrivains ardennais.


ICI VECUT 
DE 1862 À 1871
LE PRINCE 
PIERRE NAPOLÉON
BONAPARTE
QUI Y TROUVA 
DANS LES RUDES PLAISIRS 
DE LA CHASSE
ET L’AMITIÉ DES ARDENNAIS
LES SEULS JOURS DE REPOS
DE SA VIE
AVENTUREUSE


indique la plaque de schiste apposée sur le pignon de façade du vieux manoir ardennais dont Bonaparte fut quelque temps le propriétaire.

Neveu et cousin de deux empereurs des Français, Pierre Bonaparte n’a pas marqué la grande histoire de son empreinte à l’instar de Napoléon Ier ou de Napoléon III. Fils de Lucien Bonaparte, Pierre Bonaparte naît à Rome en 1815 quelques jours avant l’exil à Saint-Hélène de Napoléon Ier, son oncle. Davantage attiré par l’équitation et par le maniement des armes que par l’enseignement des Jésuites d’Urbino, il est mêlé à diverses intrigues et péripéties (dont la Rivoluzione di Romagna de 1831 et des faits d’armes condamnables) qui l’obligent à trouver refuge en différents endroits (États-Unis, Londres, etc.) avant finalement de trouver refuge à Mohimont, dans un Luxembourg dont le sort n’a pas encore été définitivement fixé par les traités (1838). 

Dix ans plus tard, il délaisse sa vie rythmée par la chasse, l’étude et l’écriture pour se joindre, à Paris, à la Révolution. Désigné comme représentant de la Corse à l’Assemblée nationale, le député de l’extrême gauche est nommé chef de bataillon à la Légion étrangère. Ces expériences tournent court ; en 1851, il s’éloigne de son cousin Napoléon III. Après un séjour en Corse (1852-1859), il revient en province de Luxembourg : à Daverdisse d’abord (1859), en louant le château d’Orval ensuite (1860-1862), avant de se porter acquéreur du château des Épioux (1862-1870). Se passionnant pour l’écriture, il fait installer une presse d’imprimerie et, comme l’observe Édouard Hizette, plusieurs de ses ouvrages de l’époque (dont La Bataille de Calenzana) portent l’inscription «Imprimerie des Épioux». 

En 1869, lors d’un séjour à Paris, la plume de Pierre Bonaparte s’éloigne de la poésie pour piquer les adversaires de Napoléon III auquel il accorde à nouveau ses faveurs. La joute scripturale dégénère et Pierre Bonaparte tue un des témoins du journaliste adverse qui le provoquait en duel. L’affaire fait grand bruit et la tombe spectaculaire de Victor Noir – un gisant en bronze – qui, au Père Lachaise, reste un lieu très fréquenté, alimente le mythe de l’un des derniers duels mortels de l’histoire de France qui entoure les protagonistes. Acquitté après un procès particulièrement suivi par l’opinion publique (1870), Pierre Bonaparte repasse la frontière, séjourne à Rochefort (1870-1875), avant de s’installer à Bruxelles (1875-1877), puis à Versailles (1878-1881) où il s’éteint. De ses relations et mariages, Pierre Bonaparte n’eut qu’un fils comme héritier, Roland (1858-1924). Ce dernier est le père de Marie (1882-1962). Celle qui épousa en 1907 le fils du roi de Grèce deviendra, dans l’Entre-deux-Guerres, la propagandiste enthousiaste de l’œuvre de Freud ; considérée ipso facto comme psychanalyste, la princesse de Grèce et du Danemark est aussi reconnue comme écrivaine à partir de 1933 quand elle publie une impressionnante biographie sur Edgar Poe.

C’est elle qui est l’invitée d’honneur de l’Académie luxembourgeoise, en 1950, pour l’inauguration du « Musée Bonaparte » aux Épioux, en même temps qu’est dévoilée la plaque commémorative. Lancé par l’Académie luxembourgeoise, le projet de Musée – dont Arsène Geubel, membre de l’Académie, est le conservateur – ne survivra pas aux années 1960 aux Épioux ; il est transféré au Moulin Maron à Florenville, avant d’être hébergé dans une maison de la rue de la Station (1961-1970), puis de fermer définitivement. Le Musée conservait quelques souvenirs du « baroudeur et chasseur invétéré, rejeton turbulent, exilé pour cause de son sang… », ainsi que le qualifie Jean-Marie Cauchies. Organisée au printemps 2009, une exposition montée par le Cercle archéologique et historique de Florenville témoigne que les objets et livres provenant de l’ancien Musée n’avaient pas disparu. 

Mais c’est surtout Pierre Nothomb qui a contribué à mettre en évidence l’attachement particulier de Pierre Bonaparte pour la province de Luxembourg. Au-delà de ses écrits très fouillés, s’appuyant sur de riches archives familiales, le président de l’Académie luxembourgeoise est en effet le principal initiateur tant du musée que de la plaque apposée sur le mur du « château du Prince Pierre », aux Épioux, faisant de Pierre Napoléon « un homme du pays », « un Ardennais », « un Luxembourgeois » ; « ce n’est qu’à la veille de sa mort que l’ancien châtelain des Épioux s’arrache à ce pays wallon-luxembourgeois qui est vraiment devenu son pays ! », rappelle Pierre Nothomb qui a établi avec méticulosité que le berceau de la famille maternelle de Pierre se situe précisément dans un espace compris entre Mohimont, Carignan, Orval et Florenville (p. 97-116).

Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse
http://pierrebonaparte.skynetblogs.be/ 
http://www.herodote.net/dossiers/evenement.php?jour=18700112 (s.v. juillet 2015)
La Vie wallonne, IV, n°252, 1950, p. 300
Les Cahiers de l’Académie luxembourgeoise, Chronique 1938-1958, Arlon, Fasbender, 1959, nouvelle série 1, p. 19-20
Édouard HIZETTE, Pierre Napoléon Bonaparte (1815-1881), Prince à Orval et aux Épioux, dans Le Pays gaumais, 2003-2004, Virton, 2010, p. 167-183 (intro. De J-M. Cauchies)
Pierre Napoléon Bonaparte (1815-1881), neveu de l’empereur Napoléon Ier, prince aux châteaux d’Orval et des Épioux, Jamoigne, ancienne grange du Faing, exposition, avril 2009
Lucien PETIT, Revue Ardenne et Meuse n° 5
EUGÉNIE DE GRÈCE, Pierre Napoléon Bonaparte, Paris, Hachette 1963
Pierre NOTHOMB, Curieux personnages, Bruxelles, Brepols, 1942, p. 89-116
Adrien DE PRÉMOREL, L’Avenir, 26 octobre 1950
Témoignage du propriétaire du manoir (août 2015)

Les Épioux
6820 Florenville

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Monument Jules CORNET

Monument Jules Cornet, réalisé par l’architecte Georges Pepermans et le sculpteur Harry Elström, 1953.
 

Au bout de l’avenue Frère-Orban, au moment où elle croise le boulevard Dolez, au lieu-dit « la porte des Guérites », près des machines à eaux, un imposant ensemble statuaire rend hommage à l’action de Jules Cornet (1865-1929), géologue, prospecteur au Katanga au tournant des XIXe et XXe siècles et professeur à l’École des Mines de Mons. Au milieu d’une esplanade arborée, trois piliers rectangulaires, espacés de quelques centimètres, sont reliés à leur sommet par une longue et fine dalle de béton. Devant le pilier central, un haut buste du scientifique repose sur un socle de pierre bleue où ont été sobrement gravés :


JULES CORNET
1865 – 1929


Sur les colonnes de droite et de gauche, le sculpteur Harry Elström (1906-1980) signe encore un bas-relief de format carré illustrant des scènes africaines. À l’arrière du pilier central, une plaque en bronze explicite les circonstances et les motivations du monument conçu par l’architecte Pepermans :


AU PROFESSEUR
JULES CORNET
1965 - 1929
FONDATEUR DE LA GÉO-
LOGIE DU CONGO.
L’ASSOCIATION DES INGE-
NIEURS DE LA FACULTE
POLYTECHNIQUE DE MONS.


Vient ensuite une des conclusions rédigées en 1894 par Cornet lui-même :


« ON A VU, PAR LES CONSI- / DÉRATIONS QUE NOUS VE- / NONS D’EXPOSER, QUELLE / MASSE ENORME DE MINE- / RAIS DE FER ET DE CUIVRE / DOIT RECELER LE SOL DE / LA PARTIE MERIDIONALE / DU BASSIN DU CONGO ». / JULES CORNET, ADJOINT A / L’EXPÉDITION BIA-FRANQUI / 1891 -1893 / (EXTRAIT DE SON MEMOIRE / DE 1894, EN CONCLUSION).


À la tête de l’État indépendant du Congo, le roi des Belges, Léopold II, avait fait appel au Montois pour prospecter ses terres africaines. Fils de François Léopold Cornet spécialiste en minéralogie, diplômé de l’Athénée de Mons, docteur en Sciences de l’Université de Gand, Jules Cornet fait en effet partie de la fameuse expédition Bia-Francqui (1891-1893) qui contribue à la soumission de cette province au Congo, jusqu’au bassin du Zambèze, mais surtout, grâce à Cornet, qui découvre l’immensité des richesses concentrées au Katanga. À son retour, Cornet dresse une carte physique et géologique du Congo et révèle de façon scientifique l’importance des formidables gisements métallifères. L’inscription gravée sur la plaque de bronze, apposée à l’arrière de l’une des trois « colonnes » de l’ensemble, en témoigne.


Nommé à la chaire de Géologie, de Minéralogie et de Paléontologie à l’École des Mines de Mons (1897), professeur pendant 33 ans, il donne ses lettres de noblesse à l’école montoise, tout en enseignant aussi à l’Institut commercial de Mons (jusqu’en 1903) et en acceptant d’être chargé du cours de Géographie physique à l’Université de Gand (à partir de 1904) et professeur à l’École de Commerce annexée à la dite université. Après le Congo, c’est désormais le bassin de la Haine qui va révéler tous ses secrets à Jules Cornet. Auteur des Premières notions de géologie (1903), il rédige plusieurs traités jusqu’à la fin des années 1920, dont sa Géologie, véritable encyclopédie des Sciences de la terre parues en quatre volumes entre 1909 et 1923, ou ses Leçons de Géologie (1927). Lauréat du prix Gosselet 1909, membre de l’Académie des Sciences de Belgique (classe des Sciences, 1912), Prix décennal des Sciences minéralogiques (1920), Cornet était aussi membre correspondant de l’Institut de France (1923) et de l’Institut royal colonial belge.


Sans conteste, Jules Cornet a marqué son temps, par son apport dans la connaissance de la géologie de l’Afrique Centrale et du Bassin de Mons, par son influence dans leurs développements économiques, et par son rôle essentiel dans l’enseignement de la géologie à Mons. Encouragés par son fils René-Jules Cornet et par l’association des « anciens du Congo », ses élèves et disciples et les autorités communales et belges multiplient les hommages au milieu des années 1930, tant au Musée de Tervueren, que dans les localités boraines et au Congo. Si la Seconde Guerre mondiale freine considérablement cet élan mémorial, la création d’une Fondation Cornet, en 1953, est l’occasion d’ériger, à Mons, un monument d’une ampleur certaine.


Sa réalisation en est confiée à l’architecte Georges Pepermans (1910-2006) et au sculpteur Harry Elström (Berlin 1906-Linkebeek 1993). Né à Berlin d’un père danois et d’une mère anglaise, Elström a mené ses études en histoire de l’art à Dresde, Berlin et Bruxelles, ville où il s’installe en 1934, après avoir participé à une campagne de fouille à Pompéi. Professeur de sculpture à Saint-Luc (1939), puis professeur d’arts graphiques et plastiques à la faculté des Sciences appliquées (architecture) de l’Université catholique de Louvain (1952), auteur de pièces de monnaie et de timbres, céramiste, le sculpteur impose sa signature en bas de plusieurs dizaines de statues religieuses, comme son calvaire dans la basilique de Koekelberg ; on lui doit aussi une vie de Saint-Pierre à Lessines (1956), un monument pour la Paix à Saint-Léger (1959), la façade de l’hôtel de ville de Turnhout (1964), qui sont autant de réalisations majeures postérieures à sa contribution au mémorial Cornet de Mons (1953). Là, il se contente de réaliser le buste du géologue et les deux bas-reliefs latéraux. L’ensemble du monument est quant à lui dû à Georges Pepermans, lui aussi professeur à Saint-Luc et professeur extraordinaire nommé en 1952 à l’Université catholique de Louvain. Diplômé de l’Université catholique de Louvain et de l’Institut des Beaux-Arts d’Anvers, Pepermans signe plusieurs immeubles dans le centre de Bruxelles. En 1959, il réalise, avec E. van Love, l’Institut Albert Ier (rue Wayenberg).

 


Musée de Tervueren, fonds d’archives Cornet
Armand RENIER, Jules Cornet. Fondateur de la Géologie du Congo, s.l., s.d., 12 p.
Marcel CROCHET (coord.), Des Écoles spéciales à l’EPL : 50 ans de science et de technologie à l’UCL, Louvain-la-Neuve, Presses universitaires de Louvain, 2012, p. 120-121
La Vie wallonne, janvier 1921, n°5, p. 232
Willy STAQUET, Un fleuron intellectuel du Hainaut : la faculté polytechnique de Mons, Mons, 1990, p. 88-98
Françoise BRADFER, Georges Pepermans, s.l., CRA, 1987
http://www.telemb.be/index.php?iddet=12550&qp=24&lim_un=207
http://www.basilicakoekelberg.be/documents/basilica/the-monument/sculptures/harry-elstrom.xml?lang=fr 
http://www.reflexcity.net/bruxelles/metiers/architectes/architecte-georges-pepermans (s.v. mars 2015)
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 547

Avenue Frère-Orban
7000 Mons

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Plaque Charles BALBOUR

Stèle et plaque à la mémoire d’un musicien et d’un combattant de 1914 victime de la grippe espagnole.

Plaque commémorative en l’honneur d’un résistant dinantais de 1914
Réalisée à l’initiative des autorités dinantaises.Dinant, circa 1930.

Apposée sur un mur, juste sous le début du pont de Dinant, à hauteur de la collégiale, une plaque en pierre rend hommage à Charles Balbour (1885-1924) qui s’est distingué en réalisant un acte de désobéissance spectaculaire par rapport aux occupants allemands de la Grande Guerre. Cantonnier des ponts et chaussées, plongeur, Balbour connaît particulièrement bien la Meuse. 

Avec Jules Hentjens, Charles Balbour est l’un des principaux protagonistes de l’évasion spectaculaire de dizaines de citoyens à bord de l’Atlas V, épisode héroïque de la Grande Guerre qui se déroula dans la nuit du 3 au 4 janvier 1917. Malgré la surveillance et les tentatives d’interception des Allemands, le navire parvient à quitter Liège et à gagner les Pays-Bas, où une centaine de personnes arrivent à bon bord.

Afin de rendre hommage à Charles Balbour qui perdit la vie, en 1924, lors des travaux de reconstruction du pont détruit pendant la guerre, la ville de Dinant inaugure cette inscription gravée dans la pierre :

                                                                                   À 
                                                                        Charles Balbour 
                                                                      Héros de l’Atlas V
                                                                             3-1-1917
                                                                           Décédé ici
                                                                       Le 13 mai 1924

Près de la collégiale, depuis 1993, une place porte aussi le nom de Charles Balbour.

Édouard DEHARENG, L’odyssée du remorqueur Atlas V, Visé, s.d.
L'Atlas V, Liège, Vonêche, 1930

près de la collégiale, sur le mur du pont de Dinant
5500 Dinant

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Monument Oscar BRICOULT

Il n’est guère étonnant qu’un monument rende hommage à Oscar Bricoult à l’entrée d’une rue du quartier d’habitations sociales de Châtelet. En effet, avec Louis Van Laer principalement, Oscar Bricoult a grandement contribué à la constitution d’une société d’habitations à bon marché, Le Foyer moderne, qui complète l’œuvre du Foyer ouvrier. La plupart des maisons se trouvant à proximité du monument Bricoult sont nées de l’initiative de celui qui a également été membre du Comité de patronage des habitations à bon marché pour les cantons de Châtelet et Gosselies, ainsi que secrétaire de la société régionale de la Petite Propriété terrienne. Dans l’ombre de personnalités carolorégiennes socialistes beaucoup plus influentes que lui, Oscar Bricoult s’était mis au service de la collectivité à différentes reprises tout au long de son existence. Employé communal, il presta 35 années au service de la ville de Châtelet, terminant sa carrière comme chef de bureau. 

Durant les deux guerres, son activité suscita le respect : entre 1914 et 1918, il contribue à l’organisation des secours à la population ; entre 1940 et 1944, il est reconnu comme résistant par la presse clandestine. Membre influent de la section locale du POB de Châtelet, il est élu pour la première fois au Conseil provincial du Hainaut en 1932 ; il aurait sans doute continué à y siéger si, en 1949, René de Cooman n’avait abandonné son mandat de député permanent pour siéger à la Chambre. Oscar Bricoult est alors désigné pour le remplacer : le député permanent s’occupera principalement d’enseignement technique et de l’enfance. Vice-président de l’Université du Travail, il accèdera à la présidence de l’Œuvre nationale de l’Enfance quelque temps avant son décès inopiné, le 7 novembre 1954, pendant une réunion de travail du congrès national du Progrès social.

À l’initiative des « communaux de la CGSP », un monument d’hommage lui est dédié :

Monument Oscar Bricoult (Châtelet)

EN RECONNAISSANCE
AU DÉPUTÉ
PERMANENT
OSCAR BRICOULT
1887-1954

LES COMMUNAUX


DE LA C.G.S.P.


La réalisation en a été confiée à Joseph Ganty (1921-2004), bien que ce sculpteur travaille de préférence le bois. Mais Ganty est un touche à tout doué, reconnu à la fois comme aquarelliste, sculpteur et ébéniste.

 Formé à l’ébénisterie à l’école des Métiers d’Art de Maredsous, il multiple les expériences artistiques (modelage, peinture, dessin, aquarelle, gravure, etc.) s’installant dans un premier temps comme « indépendant ». Vers 1950 et pour près de 40 ans, il est chargé de cours à l’Académie de Châtelet ; il donne le cours de sculpture sur bois et de modelage. C’est de cette année 1950 que semble dater le médaillon présent sur le monument dont la date d’inauguration n’a pas été retrouvée. Après quelques mois consacrés à des projets variés au service de la SNCB puis de Solvay, Joseph Ganty devient professeur à l’Institut Saint-Joseph de Saint-Hubert en 1954 ; il y prodigue un enseignement avisé durant une trentaine d’années. Trouvant ses sources d’inspiration en Afrique comme en Chine, il a une prédilection pour les oiseaux, thème que l’on retrouve régulièrement dans son travail. Dans les années 1980, Joseph Ganty est l’auteur d’un manuel à l’usage du sculpteur sur bois qui ne sera publié qu’après son décès, par son disciple Alain Tilmant, ainsi que par Christian Dewez.



http://gw.geneanet.org/astridbricout?lang=fr;p=oscar;n=bricoult
Jean-Louis DELAET, dans Dictionnaire biographique des militants du mouvement ouvrier en Belgique, Bruxelles, EVO, s.d., t. I, A-B, p. 209
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 599
Alain TILMANT, Christian DEWEZ, L’ébéniste sculpteur Joseph Ganty. Sa vie, son œuvre, Weyrich, 2005

rue Oscar Bricoult, à l’angle de la rue Chavepeyer, près de la rue des Chasseurs
6200 Châtelet

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Paul Delforge

Paul Delforge-Diffusion Institut Destrée-Sofam

Statue Berthe

Au milieu du XIXe siècle, afin de doter l’institution provinciale de Liège d’un bâtiment digne de ce niveau de pouvoir, d’importants travaux sont entrepris autour de l’ancien palais des princes-évêques. Propriétaire des lieux (1844), l’État belge retient le projet du jeune architecte Jean-Charles Delsaux (1850) et lui confie la mission de réaliser la toute nouvelle aile, en style néo-gothique, sur le côté occidental du Palais. Face à la place Notger, Delsaux (1821-1893) achève l’essentiel du chantier en 1853, mais des raisons financières l’empêchent de réaliser la décoration historiée qu’il a prévue pour la façade du nouveau palais provincial. Vingt-cinq ans plus tard, le gouverneur Jean-Charles de Luesemans prend l’avis d’une commission pour déterminer les sujets et les personnes les plus dignes d’illustrer le passé de « la Nation liégeoise ». Placés sous la responsabilité de l’architecte Lambert Noppius (1827-1889), une douzaine de sculpteurs vont travailler d’arrache-pied, de 1877 à 1884, pour réaliser 42 statues et 79 bas-reliefs. Dès la mi-octobre 1880, 27 des 42 statues sont achevées, validées par la Commission et mises à leur emplacement respectif. Celle de Berthe est parmi celles-ci.

Membre de cette équipe, Léon Mignon (1847-1898) va réaliser quatre des 42 statues et représenter deux scènes historiques (La bataille de Steppes et L’institution de la Fête-Dieu). De retour d’un séjour de plusieurs mois à Rome, Léon Mignon s’est installé à Paris ; rentrant à Liège de temps à autre, il apporte sa contribution au chantier de décoration du Palais provincial. C’est aussi durant cette période qui va de 1876 à 1884 que l’artiste réalise ses œuvres majeures, celles qui lui assurent en tout cas une réelle notoriété : Li Toré et son vis-à-vis Le Bœuf de labour au repos.
Réalisée en pierre durant la même période, sa statue de la mère de Charlemagne (c. 720 – 783) ne ressemble en rien aux « monuments » que la ville de Liège implante aux Terrasses.

Sa représentation de Berthe, l’épouse de Pépin le Bref, semble s’inspirer très fortement du gisant de la dame franque de la basilique Saint-Denis à Paris ; par contre, il est loin de la statue qu’Eugène Oudiné (1810-1887) a inaugurée dans la galerie des reines de France et femmes illustres du Jardin du Luxembourg, à Paris. Sans faire allusion au surnom « au Grand Pied » de l’aristocrate franque devenue reine, Mignon lui donne une apparence simple, en insistant sur les signes distinctifs de son pouvoir. La particularité la plus manifeste de cette statue réside dans le fait qu’il s’agit de l’une des deux seules femmes représentées sur la façade du Palais provincial de Liège. Berthe et Gertrude de Moha sont bien seules face à 40 autres hauts personnages historiques masculins. Située entre Charlemagne et Godefroid de Bouillon, la statue de Berthe est placée à l’extrême droite du péristyle, sur la partie supérieure ; elle se situe au-dessus de la statue d’Erard de la Marck.

Elle témoigne aussi que Léon Mignon (1847-1898) n’est pas qu’un sculpteur animalier, même si son œuvre la plus connue à Liège reste Li Toré. Bénéficiaire d’une bourse de la Fondation Darchis, cet élève studieux de l’Académie des Beaux-Arts de Liège, qui fréquentait depuis son plus jeune âge l’atelier de Léopold Noppius, avait trouvé l’inspiration en Italie (1872-1876). Médaille d’or au salon de Paris en 1880 pour son taureau, il s’était installé dans la capitale française (1876-1884), avant d’être contraint à habiter Bruxelles pour pouvoir  exécuter des commandes officielles du gouvernement : c’est l’époque de ses bustes, mais aussi de la statue équestre de Léopold II particulièrement remarquable, d’une série de bas-reliefs pour le Musée d’Art moderne de Bruxelles et le Musée des Beaux-Arts d’Anvers, ainsi que d’une Lady Godiva, sa dernière œuvre.


Julie GODINAS, Le palais de Liège, Namur, Institut du Patrimoine wallon, 2008, p. 89
http://www.chokier.com/FILES/PALAIS/PalaisDeLiege-Masy.html
Michel Péters sur http://fr.slideshare.net/guest78f5a/petit-historique-de-la-sainttor-des-tudiants-ligeois (s.v. août 2013)
Hugo LETTENS, Léon Mignon, dans Jacques VAN LENNEP (dir.), La sculpture belge au 19e siècle, catalogue, t. 2, Artistes et Œuvres, Bruxelles, CGER, 1990, p. 504-508
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. II, p. 231
Musée en plein air du Sart Tilman, Art&Fact asbl, Parcours d’art public. Ville de Liège, Liège, échevinat de l’Environnement et Musée en plein air du Sart Tilman, 1996
La Meuse, 2 octobre 1880
 

Façade du Palais provincial, face à la place Notger
4000 Liège

carte

Paul Delforge

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Stèle CHÂTEAUBRIAND

Sur les hauteurs du village de Bande, dans un endroit particulièrement isolé, le lieu-dit Au Zéro accueille depuis 1948 une borne en souvenir de François-René vicomte de Châteaubriand (Saint-Malo 1768 – Paris 1848). Précurseur du romantisme français, grand nom de la littérature française, Châteaubriand évoque explicitement dans ses Mémoires d’outre-tombe le périple qui le conduit de Longwy à Namur, puis à Bruxelles et finalement à Jersey.

Dans ses jeunes années, celui qui n’a pas encore la notoriété que lui vaudront Atala (1801), René (1802), Génie du christianisme (1802) et ses Mémoires d’outre-tombe (1848) est un lieutenant au service du régiment de Navarre, qui arrive à Paris en 1788, participe aux États de Bretagne et, après avoir effectué un périple dans Le Nouveau monde retrouve Saint-Malo (mars 1792), avant de partir pour Paris « offrir son épée à Louis XVI » ; mais en juillet, fuyant la Terreur, il décide de rejoindre l’armée des émigrés à Coblence (juillet), en passant par Lille, Tournai, Bruxelles et Liège. 

Engagé dans les armées favorables au retour du roi de France contre les armées de la jeune République, Chateaubriand participe au siège de Thionville (août) et arrive à Verdun où, comme l’ensemble de la troupe il attrape ce qu’il appelle « la maladie des Prussiens». 

L’armée de Condé étant licenciée, Châteaubriand obtient son congé le 16 octobre à Longwy et gagne directement Arlon. Il cherche alors à sortir de la République par le Nord et à gagner Jersey via Ostende, pour rejoindre les royalistes en Bretagne. Atteint aussi par la petite-vérole, Châteaubriand entreprend de traverser à pied le pays wallon ; il évoque explicitement Attert, Flamisoul et un endroit nommé Bellevue atteint après six jours de voyage effectué de charrettes en charrettes.

Désormais, il se retrouve seul et obligé de marcher, s’appuyant sur une béquille. Gagné par la fièvre et la fatigue, celui qui tient dans sa besace les premiers pages d’Attala s’évanouit soudain au bord du chemin et la mort l’eut cueilli si des hommes du Prince de Ligne ne l’avaient ramassé et ramené à la vie. Une fois soigné, il gagne Namur où il est aidé par de nombreuses habitantes de la cité, Bruxelles et Jersey convalescent. 

Châteaubriand met alors un terme à sa carrière militaire. Il vit ensuite à Londres jusqu’en 1800 et y publie son premier ouvrage, un essai historique mais surtout politique. De retour à Paris, il y dirige le Mercure de France et y publie ses premières œuvres déjà citées, de même que son Itinéraire de Paris à Jérusalem, dont il a trouvé l’inspiration lors d’un périple dans l’est de la Méditerranée en 1806.

En lisant avec attention le chapitre 1 du livre 10 des Mémoires d’outre-tombe, on ne trouve à aucun endroit une mention explicite du lieu-dit Au Zéro. C’est pourtant dans ce coin perdu qu’est inaugurée la stèle Châteaubriand, le 21 août 1948, soit quasiment un siècle, presque jour pour jour, après la mort de l’écrivain (4 juillet 1848). Pour l’occasion s’est déplacé un aéropage de personnalités dont le ministre C. Hysmans, l’ambassadeur de France à Bruxelles, ainsi que de nombreux écrivains et amis des lettres dont Carlo Bronne, Thomas Braun, Gustave Charlier et bien sûr Pierre Nothomb, président de l’Académie luxembourgeoise depuis le 25 avril 1948. Après avoir commémoré en 1947 le passage de Pétrarque en Ardenne, la dite Académie plante dans le sol wallon une nouvelle « borne au sceau du génie latin ».

Comment l’Académie a-t-elle identifié l’endroit ? Cela reste un mystère, même si aujourd’hui les offices du tourisme, se référant à Émile Tandel, affirment que Châteaubriand fit halte au Zéro, dans ce petit hameau qui comptait alors trois maisons dont une auberge. Placé sur l’ancienne voie de circulation nommée « Vieille Pavée » ou « Route Marie-Thérèse », le bourg aujourd’hui disparu avait déjà vu s’arrêter l’impératrice Marie-Thérèse d’Autriche lors d’un périple sur ses terres d’en bas. À son tour, Châteaubriand est accueilli, logé et surtout soigné en ce lieu qui, en 1948, est surtout reconnu comme un haut lieu de la Résistance active durant la Seconde Guerre mondiale. Au-delà de la localisation, on peut aussi s’interroger sur la nature du message véhiculé par cette simple stèle de schiste, où les mentions sont réduites au minimum :

CHÂTEAUBRIAND
1792

L’Académie luxembourgeoise voulait-elle célébrer le lieu de (re)naissance de Châteaubriand, écrivain en devenir alors au bord de la mort ? Entendait-elle rendre hommage dans un même ensemble à la Résistance, à la France (représentée officiellement par l’ambassadeur et comte de Hautecloque) et à Léopold III ? On peut le supposer en ces années d’immédiat après-guerre marquées notamment par la question royale, même si la valorisation du Luxembourg est au cœur de la reconstitution historique réalisée par les Compagnons de Saint-Lambert, à l’occasion de l’inauguration officielle du monument.


Sources:

Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse
La Vie wallonne, 1948, III-IV, n°243-244, p. 276-277
Émile TANDEL, Les communes luxembourgeoises, 1870
http://www.tourisme-marche-nassogne.be/fr/decouvertes-a-loisirs/patrimoine-et-nature/item/17820-lieu-dit-au-zero-et-stele-chateaubriand (s.v. mars 2015)
http://www.ebooksgratuits.com/ebooksfrance/chateaubriand_memoires_outre-tombe.pdf
Les Cahiers de l’Académie luxembourgeoise, Chronique 1938-1958, Arlon, Fasbender, 1959, nouvelle série 1, p. 16

 

Stèle Châteaubriand (Bande - Champlon)

 
 

 

Au Zéro – route de Lignières 
6951 Bande (Champlon)

carte

Stèle en souvenir de Châteaubriand, réalisée à l’initiative de l’Académie luxembourgeoise, 21 août 1948.
 

Paul Delforge

Paul Delforge-Diffusion Institut Destrée-Sofam

Mémorial Albert BONJEAN

Pendant longtemps, les seuls monuments érigés dans la Fagne ont été des croix d’occis, rappelant des moments tragiques où tel garde forestier, tel promeneur patenté ou tel couple de fiancés trouvèrent la mort dans l’étendue sauvage que constitue le parc naturel des Hautes Fagnes. Une nouvelle tradition s’instaure dans les années 1930 lorsque de grands défenseurs de la Fagne sont honorés par leurs amis : c’est le cas pour Léon Frédéricq, décédé en 1935 ; puis d’Albert Bonjean honoré de son vivant, en 1938.

Docteur en Droit de l’Université de Liège (1880), Albert Bonjean a fait carrière comme avocat dans la cité lainière dont il est originaire et où il a fait ses études. Né en 1858, il est plusieurs fois bâtonnier du barreau de Verviers. S’il aime la prise de parole pour défendre ses clients, il trouve cependant son épanouissement profond en parcourant la Fagne voisine qu’il traverse de part en part, solidement équipé de vêtements et de souliers appropriés, de réserves alimentaires et de puissantes jumelles. Il n’oublie ni ses cartes ni surtout ses carnets de note qui constitueront la substance de nombreux écrits (légendes d’abord, poèmes et romans ensuite) dont la Fagne est l’héroïne principale. Déjà à l’Athénée, son professeur, Till Lorrain, l’encourageait à l’écriture. Si d’autres écrivains ont vanté certains coins de Wallonie, Bonjean est le premier chantre des Hautes Fagnes. 

Auteur d’une dizaine d’ouvrages publiés entre 1878 et 1939, il est le signataire d’une série impressionnante d’articles dans de nombreuses revues dont la ligne éditoriale manifeste notamment des sympathies libérales et de l’intérêt pour la Wallonie. Membre responsable du Touring-Club de Belgique (créé en 1895) auquel il apporte des articles pour son magazine, membre de la Commission des Monuments et des Sites, il se fait également le défenseur du patrimoine naturel et bâti, et surtout des sentiers vicinaux. Co-fondateur du Comité des Défenseurs de la Fagne (26 octobre 1911), puis de la Ligue de la Fleur, des Plantations et des Sites, il sera nommé président d’honneur des Amis de la Fagne lorsque cette asbl est constituée en 1935. Il n’eut de cesse d’obtenir la protection intégrale et officielle de la région des Hautes Fagnes et eut la satisfaction de voir ses efforts couronnés par le projet de reconnaissance de la Fagne en réserve nationale.

Mémorial Albert Bonjean

Ce sont ces différents titres qui lui valent l’honneur d’une haute stèle (3,5 mètres) où un bas-relief de bronze figure sa silhouette. L’initiative est prise par « ses amis », comme en témoigne la signature sur la face avant du monument. Le sculpteur ne pouvait omettre d’attirer l’attention sur les jumelles du jubilaire. Le lieu et le jour de l’inauguration du mémorial ont aussi valeur de symboles. Depuis plusieurs années, Bonjean s’était battu pour préserver la Fagne et, en 1931, il avait réussi à faire renaître la Baraque Michel. Cent ans après l’édification de la chapelle Fischbach, le lieu reprenait vie et redevenait un point de rendez-vous pour les amis de la Fagne. Alors que les Hautes Fagnes obtenaient le statut de Parc national, la société des Amis de la Fagne décidait d’une journée annuelle de la Fagne : le 10 juin 1936, lors de cette première, Bonjean fut au centre de tous les discours et des réjouissances. L’année suivante, c’est au tour du professeur Frédéric d’être honoré. Quant à la troisième édition de la Journée de la Fagne, elle est l’occasion d’inaugurer le monument Albert Bonjean, tandis que Jules Feller lui consacre un poème. L’œuvre est installée à la Baraque Michel, à quelques pas des tourbières, du Boultay et de la chapelle Fischbach. En 1975, il sera déplacé en bordure nord du parking de la Baraque Michel.

Les Amis de la Fagne en ont confié la réalisation à un sculpteur liégeois. Né à Grivegnée en 1883, Van Neste est à la fois peintre et sculpteur. Autodidacte pour le premier genre, il a reçu une formation à l’Académie de Liège pour le second. Retenu prisonnier dans un camp allemand pendant la Première Guerre mondiale (il séjournait à Munster en mars 1915), Van Neste représentera les conditions de sa captivité, ainsi que des portraits de prisonnier dans quelques tableaux, mais il privilégiera les paysages, les fleurs et les natures mortes dans son œuvre picturale, voire quelques scènes villageoises. Comme d’autres sculpteurs, il eut diverses commandes de monuments aux morts de la Grande Guerre dont principalement celui de Spa. Il signe aussi le buste placé au sommet du monument aux motocyclistes à Aywaille.


La Vie wallonne, août 1938, CCXVI, p. 357-374
André VLECKEN, Albert Bonjean, le Chantre des Hautes Fagnes, sa vie, son œuvre 1858-1939, Verviers, Vinche, c. 1941
http://www.osotatarl.com/monument_chapuis.86.html#Baraque%20Michel 
http://www.mini-ardenne.be/encyclopedie.phpdisplay=theme&commune=JALHAY&localite=HAUTES_FAGNES&P=1 (s.v. mars 2014)
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. II, p. 672
Benjamin STASSEN, La Fête des Arbres. L’Album du Centenaire. 100 ans de protection des arbres et des paysages à Esneux et en Wallonie (1905-2005), Liège, éd. Antoine Degive, 2005, p. 60
Bulletin de l’Association pour la Défense de l’Ourthe, juillet-septembre 1939, n°114, p. 190
R. COLLARD et V. BRONOWSKI, Guide du plateau des Hautes Fagnes, Verviers, éd. des Amis de la Fagne, 1977, p. 303

Baraque Michel – 4845 Jalhay

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Paul Delforge

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Plaque Joseph DAMIEN

Plaque commémorative sur la maison natale de Joseph Damien, réalisé à l’initiative du Comité d’initiative de Noville-les-Bois, 16 septembre 1962.
 

Sur la maison natale de Joseph Damien, rue Dachelet, à Noville-les-Bois (plus précisément Sart d’Avril), une plaque commémorative a été apposée le 16 septembre 1962.


L’ARTISTE PEINTRE
JOSEPH DAMIEN
NAQUIT ICI
LE 22 FÉVRIER 1879


Le contexte des Fêtes de Wallonie a été délibérément choisi pour honorer le peintre local, en même temps qu’Ernest Montellier. Les deux hommes sont nés dans le village et une Journée des Arts est organisée avec le soutien des autorités locales pour honorer les enfants du lieu.


Portraitiste renommé, fils du peintre tournaisien Franz Damien, Jos Damien (Noville 22/02/1879 – Schaerbeek 1973) avait été élève à l’Académie de Liège et à l’Institut supérieur d’Anvers, avant d’achever sa formation artistique à Paris. Pratiquant la peinture murale à ses débuts, il se destine plutôt à la décoration quand il s’établit en province de Limbourg, à Halen d’abord (1904-1911) d’où sa femme est originaire, à Hasselt ensuite (1911-). Fondateur du cercle Ars proba, il « invente une nouvelle forme d’art qui fait sensation, sous la forme de toiles de soie flottantes peintes, représentant de grands tableaux historiques, accentuées par une bordure de soie qui était réalisée par son épouse. Ses créations lui permettent de remporter le premier prix au « Concours des Arts décoratifs » de Paris en 1912 » (fernelmont.be) et d’être remarqué à l’exposition internationale de Gand (1913). Attiré à Hasselt en raison d’une importante commande d’une fabrique de céramique, il est déporté en Allemagne au début de la Grande Guerre. Après plusieurs mois au camp de Munster, il est finalement libéré en 1915.


Si les compositions florales et les tableaux de genre constituent une partie de sa production, les figures et les portraits « officiels » vont faire sa réputation à partir de 1915. Surnommé le « peintre des rois », Joseph Damien n’a pas portraituré les seuls représentants de la famille royale belge. D’autres personnalités belges (gouverneurs, magistrats, militaires, professeurs…) ou étrangères (luxembourgeoises, chinoises) ont droit à l’attention du peintre. On estime à 600 le nombre de portraits qu’il aurait réalisé en vingt ans (1934). C’est dans les années 1930 qu’il est invité aux Cours de Laeken et de Luxembourg. Établi à Bruxelles à la fin des années 1930, il continuera d’y peindre jusqu’à son décès, à l’âge de 94 ans, en 1979. Dès lors, il était présent à Noville-les-Bois en 1962 et on lui doit notamment un portrait d’Ernest Montellier habillé en Molon.


L’hommage relevait d’un Comité d’initiative de Noville-les-Bois qui avait obtenu l’étroite collaboration de l’administration communale. Au programme de la Journée des Arts, les autorités locales célèbrent à la fois Montellier et le peintre Joseph Damien par une série d’événements dont la pose des plaques commémoratives. Très remarquée était la présence des Quarante Molons au complet, des amis des Rèlîs Namurwès et de confréries folkloriques.



Sources


La Vie wallonne, IV, 1962, n°300, p. 295-296
Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse
Françoise JACQUET-LADRIER (dir.), Dictionnaire biographique namurois, Namur, Le Guetteur wallon, n° spécial 3-4, 1999, p. 181
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 283

 

Plaque Joseph Damien (Noville-les-Bois)

 

Rue Dachelet 11

5380 Noville-les-Bois

carte

Paul Delforge