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Jacques de Hemricourt

Académique, Histoire

Remicourt 1333, Liège, 18/12/1403

En trois ouvrages publiés entre 1378 et 1399, mais dont il avait engagé l’écriture de fort longue date, Jacques de Hemricourt décrit les institutions de son temps et rend compte des mœurs de la société dans laquelle il évolue.

 Proche de Jehan Le Bel, contemporain de Jean d’Outremeuse, le chroniqueur présente, dans une langue sans préciosité, des récits destinés à l’instruction juridique, sociale, voire civique de la classe noble de son temps et qui s’avèreront une véritable mine de renseignements pour les historiens, biographes et généalogistes qui s’intéressent à cette époque proche de la fin du Moyen Âge. Au XIXe siècle, tous ceux qui s’intéressent à l’histoire de la principauté de Liège et de ses grandes familles se sont en effet précipités sur les précieux écrits de Jacques de Hemricourt, qui connaissent des rééditions aux qualités variables et discutables.

Seigneur hesbignon, il a occupé pendant trente ans la fonction de clerc auprès du tribunal des échevins de Liège, accédant au rang de secrétaire au moment du décès de son père vers 1360. Pour sa part, il donne sa démission en 1383 ; secrétaire du tribunal des Douze depuis 1372, mayeur en féauté pour Raes de Waroux, il est élu bourgmestre de Liège en 1389. C’est à cette époque de son existence qu’il prend le temps d’achever ses écrits.
Son Miroir des Nobles de la Hesbaye établit la généalogie de l’ancienne noblesse liégeoise du début du XIIe siècle jusqu’à la fin du XIVe siècle ; toutes les grandes familles nobles liégeoises appartiendraient à un tronc commun, remontant à un ancêtre unique, originaire de France. Glorifiant les qualités de la noblesse du passé, son Traité des Guerres des Awans et des Waroux synthétise cet épisode « animé » de l’histoire de la principauté de Liège (1297-1335). Quant au Patron de la Temporalité des Evêques de Liege, il dépeint clairement les institutions de son temps et devait constituer un « guide » précieux pour ses contemporains. Caractérisées par une méthode stricte et rigoureuse, où la critique des sources doit servir son propos, les études de Jacques de Hemricourt ne relèvent pas d’une démarche dilettante. Au contraire. Elles sont celles d’un érudit nostalgique qui déplore la disparition d’une époque où la noblesse disposait de l’autorité, et qui rêve de restaurer un pouvoir débarrassé des privilèges et autres concessions faites aux bourgeois et surtout aux classes populaires.

Veuf pour la seconde fois en 1397, Jacques de Hemricourt sollicite son introduction au sein de l’ordre de Saint-Jean de Jérusalem et en respecte les règles jusqu’à son décès, en 1403. Selon son vœu, il a été enterré dans une chapelle de la cathédrale de Liège, celle des Clercs élevée en expiation des guerres d’Awans et de Waroux. Le tombeau où avait été gravée son effigie fut préservé au début du XIXe siècle et une reproduction paraît dans une édition du Miroir des Nobles réalisée par De Salbray.

Sources

Alfred JOURNEZ, dans Biographie nationale, t. 9, col. 35-43
Léopold GENICOT, Histoire de la Wallonie (dir.), Toulouse, 1973, p. 180
La Wallonie. Le Pays et les hommes (Arts, Lettres, Cultures), t. I, p. 184-185
Œuvres de Jacques de Hemricourt, Ed. C. de Borman, A. Bayot et E. Poncelet, Bruxelles, 1910-1931, 3 vol.

Jacques de Guise

Académique, Histoire

Mons 1334, Valenciennes 06/02/1399

Frère franciscain issu d’une grande famille montoise, Jacques de Guise voyage pendant plus d’un quart de siècle au sein des maisons de l’ordre de Saint-François, où il s’intéresse tant à la philosophie qu’aux mathématiques, à la physique ou à la théologie ; vers 1375, il aurait été fait docteur en théologie de l’Université de Paris, l’une des rares universités de son temps. Mais, intéressé par l’histoire, il se lance dans l’écriture du passé du Hainaut quand il revient à Mons. Remontant à la Guerre de Troie, pour s’arrêter au milieu du XIIIe siècle, ses Annales Hannonioe seu Chronica illustrium principum Hannoniae ab initio rerum usque ad annum Christi, publiées en 1390, sous la signature auctore Jacobo Guisio, comptaient trois volumes écrits en latin. L’œuvre de Jacques de Guise était inachevée, s’arrêtant en 1253. Au siècle suivant, ses livres seront traduits en français, par Jean Wauquelin, à la demande des ducs de Bourgogne, et illustrés par plus d’une centaine de miniatures ; l’une de celles-ci représente Jacques de Guise à son écritoire. D’autres traductions paraîtront encore par la suite.

Contemporain de Jean Froissart, Jacques de Guise a consulté une masse considérable de documents (mémoires, chroniques, généalogies, chartes, archives, etc.), visitant les bibliothèques des cités, des églises et des abbayes, débordant largement le cadre du seul comté de Hainaut. Son travail de compilation est considérable. Ce monument des antiquités du Hainaut nourrira l’imagination de ses successeurs immédiats ; son statut sera cependant redéfini par la critique historique moderne, car son auteur ne faisait guère de distinction entre légendes et faits authentiques. Au-delà de sa valeur intrinsèque, l’œuvre du frère franciscain apporte sans conteste aux historiens des textes – ou des fragments – anciens à tout jamais disparus. L’esprit qui préside à l’ensemble de la démarche de Jacques de Guise témoigne d’une forme de patriotisme hennuyer : au cours de ses voyages, il avait constaté que l’histoire de certaines régions voisines était écrite, mais qu’elle faisait défaut au Hainaut. Sa quête des origines du Hainaut est d’ailleurs dédiée au comte Albert Ier de Hainaut, de la famille de Bavière.

Sources

Anne ROUZET, Les Chroniques de Hainaut de Jacques de Guise, Liège, Mardaga, 1982, CaCef, coll. Musées vivants de Wallonie et de Bruxelles, n°4
La Wallonie. Le Pays et les hommes (Arts, Lettres, Cultures), t. I, p. 183
Jacques STECHER, dans Biographie nationale, t. 8, col. 548-553
Christiane VAN DEN BERGEN-PANTENS, Pierre COCKSHAW (dir), Les Chroniques de Hainaut ou les ambitions d’un prince bourguignon, Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, 2000

Harvent René

Culture, Sculpture

Mons 09/07/1925, Mons 05/08/2004

Sculpteur, médailleur, René Harvent avait l’habitude de raconter que plusieurs circonstances factuelles avaient déterminé le choix de sa carrière artistique. Montois, il était né non loin de la place de Flandre où s’élève l’impressionnante statue équestre de Baudouin de Constantinople. D’autre part, un bref séjour à Maredsous lui fait découvrir l’école des Arts et Métiers (1932), tandis qu’un voyage à Paris le met en face des sculptures de l’Arc de Triomphe (1938) et un autre à Dijon (1939) lui donne l’occasion d’admirer les œuvres de Rude, ainsi que le puits de Moïse à la chartreuse de Champmol. Enfin, en 1940, il croise la route du peintre Fernand Gommaerts qui lui apprend le dessin, puis, en 1941, celle du peintre symboliste Jean Delville, et il s’émerveille de son atelier. Recommandé par Delville, René Harvent est admis à l’Académie de Mons, mais l’orientation « architecture » qu’il a choisie ne correspond pas à ses aspirations (1942). Il trouve alors sa voie auprès du statuaire Robert Delnest et du dessinateur Paul Cuvelier ; mais, à la Libération, il s’émancipe des conseils des « anciens », pour voler de ses propres ailes : dans la maison familiale de Cuesmes, il installe son atelier de sculpture qu’il ne quittera plus. C’est là que se construit une œuvre qui s’oriente dans deux directions : la sculpture d’abord, les médailles ensuite.

Travaillant de préférence la pierre bleue à ses débuts, le sculpteur réalise des portraits, puis des bustes (dont celui d’E. Cornez, 1955) ; réalisant aussi ses premières œuvres monumentales, le plus jeune « Prix du Hainaut » (1949) est associé à la décoration du Palais des Beaux-Arts de Charleroi (1953), au chantier de l’église Saint-Christophe (un Saint-Matthieu ailé, Charleroi, 1955), ainsi qu’à celui de la façade du Palais provincial de Mons (1956-1958), où il signe deux des six grands bas-reliefs (le carrier et le houilleur). En 1957, un bas-relief orne aussi l’entrée de l’hôtel de ville de Marcinelle et, en 1960, la façade du Conservatoire de musique de Charleroi. En 1959, ses sculptures sont le motif du prix que lui décerne l’Académie de Belgique.

En 1948, il avait remporté un autre concours, organisé par la ville de Binche : il s’agissait de réaliser une médaille à l’occasion du 400e anniversaire des fêtes organisées par Marie de Hongrie. Par la suite, nombreuses sont les commandes qui lui parviennent destinées à marquer des commémorations (par ex. le 8e centenaire cathédrale de Tournai). Le sujet des médailles donne à Harvent la possibilité d’entretenir son goût pour l’histoire.

Professeur de sculpture monumentale à l’École industrielle d’Écaussinnes (1956-1962), professeur d’histoire de l’art à l’Institut provincial de Mons (1960), professeur de sculpture à l’Académie de Liège (1963-1965), il est ensuite choisi comme professeur à l’Académie de Mons, en charge de l’histoire de l’art (1962-1968), puis d’autres matières (jusqu’en octobre 1975). Ses critiques à l’égard du fonctionnement de l’enseignement supérieur artistique – en janvier 1975, il rédige un important rapport de réforme, aux propos assez cinglants – sont cependant jugées excessives et il est mis fin à son enseignement à l’Académie.

En 1968, quand Danièle Debay rejoint l’atelier de l’artiste wallon pour y suivre ses conseils, elle devient sa muse unique, tout en s’initiant à la gravure de médailles, art dans lequel Harvent s’est aussi forgé une belle réputation. À deux reprises, le Prix Victor Tourneur lui a été décerné (1963 et 1973). À partir de 1971, il signe ses médailles « Excudit René Harvent Montensis », en y ajoutant un poinçon D.D. (pour Danièle Debay).

Conçue avec patience (entre 1971 et 1980), Danièle est la plus aboutie des nombreuses sculptures d’un René Harvent qui préfère désormais le bronze. S’il a construit son œuvre personnelle autour d’un seul sujet, la femme, dans un style fort classique, aux références hellénistiques incontestables, Harvent entreprend, avec ses « Danièle » numérotées en chiffres romains, un autre projet : il s’est arrêté à un seul modèle et il donne à ses nus davantage de sensualité et de mouvement, en recherchant des attitudes nouvelles.

Artiste apprécié par la ville de Mons, René Harvent – à l’instar de Michel Stiévenart – reçoit la commande de la plupart des statues qui se trouvent dans les jardins du Waux-Hall, ainsi que de La danseuse, installée dans les bâtiments du théâtre de Mons.

Sources

Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 684
René Harvent, Musée de Mariemont, exposition du 28 février au 1er juin 1980, s.l. [1980]
Guy DONNAY, René Harvent, Mons, Centre de création artistique de Mons, 1988

Halleux Laurent

Culture, Musique

Verviers 24/01/1897, Bruxelles 10/05/1964

Comme Alphonse Onnou, autre violoniste verviétois, Laurent Halleux s’inscrit résolument dans les pas de ses illustres devanciers que furent François Prume, Henri Vieuxtemps et autres Guillaume Lekeu. Formé à l’École de musique de Verviers (dans la classe de Nicolas Fauconnier), médaille de Vermeil de musique de chambre et de violon 1912, il obtient également le prix et la bourse Vieuxtemps, avant de poursuivre sa formation dans la classe du Liégeois César Thompson au Conservatoire de Musique de Bruxelles. Premier Prix de violon 1914, le jeune prodige n’a pas d’âge quand il intègre le futur quatuor à cordes Pro Arte – en 1913 selon les uns, en 1916 selon les autres – mais en tout cas sous la direction du virtuose Alphonse Onnou. Le succès de ce quatuor deviendra tel qu’en 2013 son centième anniversaire est célébré en grandes pompes aux États-Unis…

Sa participation effective et continue au quatuor est attestée dès 1917, année où le nom définitif est adopté : le Quatuor Pro Arte repose principalement, à ses débuts, sur les deux Verviétois, le premier violon Alphonse Onnou et sur le second violon Laurent Halleux, ce dernier remplaçant parfois le premier. Leurs partenaires varient pendant quelques mois, jusqu’à ce que Fernand Quinet et Germain Prévost les rejoignent de manière constante (1919). En 1921, lorsqu’il reçoit le Prix de Rome, Fernand Quinet est cependant contraint de céder son siège à Robert Maas ; il s’agit du dernier changement significatif avant le succès remporté par le quatuor dans l’Entre-deux-Guerres. 

Contraints au service militaire, les jeunes musiciens se produisent parfois sous le nom de Quatuor à Archets du 1er Régiment des Guides (1920-1921). Une fois libérés de leurs obligations, les « quatre » ne vont plus cesser de se produire, faisant connaître des compositeurs de leur époque (choix artistique d’Onnou), ou se faisant les interprètes de compositeurs plus classiques (orientation de Halleux) : Schönberg, Milhaud, Bartok, Roussel, Honegger, Berg, Absil, Beethoven… Ils reçoivent aussi des compositions spécifiques de Chevreuille, Darius Milhaud et Igor Stravinsky, qui sont autant de témoignages de la qualité du groupe. Pendant un peu plus de dix ans, jusqu’au début des années 1930, Bruxelles est le lieu régulier des Concerts Pro Arte, mais, de plus en plus souvent, le quatuor est appelé à l’étranger. Parfois, Laurent Halleux est invité à se produire en dehors du quatuor, avec son violon Émile Laurent, modèle Guadagnini ; mais il s’agit là d’exceptions.

Remarqué par Elizabeth Sprague Coolidge, une milliardaire américaine passionnée par la musique de chambre, le quatuor est invité aux États-Unis dès 1926 ; il se produit lors de l’inauguration de la salle de musique de la bibliothèque du Congrès, à Washington, puis régulièrement, grâce à sa mécène, il retourne en Amérique du Nord pour donner les Concerts Pro Arte-Coolidge. Quand éclate la Seconde Guerre mondiale, le quatuor se retrouve coincé Outre-Atlantique. Il décide de continuer à se produire sur place. Le responsable de l’Université du Wisconsin leur offre l’hospitalité, à Madison, sur le campus, en tant que « quatuor-en-résidence ».

Frappé d’une leucémie, aux États-Unis, en novembre 1940, Onnou est le premier à disparaître. Il était le modérateur du groupe. Il est remplacé par le catalan Antonio Brosa (1894-1979), formé à Barcelone à l’école verviétoise du violon par Mathieu Crickboom ; Halleux n’avait pas souhaité devenir le premier violon. Mais l’absence d’Onnou précipite la séparation de Laurent Halleux et de Germain Prevost. Second violon du groupe, Halleux décide de quitter le quatuor durant l’été 1943. Il remplace Thomas W. Petre, récemment décédé, au sein du London String Quartet et dès ce moment travaille pour les studios de cinéma de La Metro Goldwyn Mayer, à Hollywood ; il est alors remplacé par le violoniste liégeois Albert Rahier.

Alors que des Américains perpétuent durablement le Pro Arte Quartet of the University of Wisconsin, Laurent Halleux poursuit sa route à Los Angeles. Sa famille l’a rejoint en 1941. Outre sa collaboration au cinéma, il joue dans des orchestres de chambre qui se produisent Outre-Atlantique. En 1952, il fait partie du Quatuor Hongrois qui se produit à Bruxelles, dans un cycle Beethoven. Depuis 1950, il joue de l’alto et est membre de l’Orchestre Philharmonique de Los Angeles. Au début des années soixante, il rentre au pays et sera quelque temps second violon à l’Orchestre national de Belgique.

Sources

Anne VAN MALDEREN, Historique et réception des diverses formations Pro Arte (1912-1947), thèse de doctorat, Louvain-la-Neuve, 2012
Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse, en particulier Le Jour Verviers du 02/05/2014, La Libre Culture du 21/05/2014
La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Lettres - arts - culture, t. III, p. 394
http://proartequartet.org/about.html (s.v. mai 2016)
Anne VAN MALDEREN, Le quatuor Pro Arte (1912-1947), dans Revue de la Société liégeoise de musicologie, Liège, 2002, n°19, p. 25-45 sur http://popups.ulg.ac.be/1371-6735/index.php?id=480&file=1 (s.v. mai 2016)
Eric Walter WHITE, Stravinsky : A critical Survey 1882-1946, Toronto, 1997, p. 180

Guyot dit Castileti ou Jean Guyot de Châtelet Jean

Culture, Musique

Châtelet 1512, Liège 11/03/1588

Au Moyen Âge comme aux Temps modernes, il n’est pas rare que les bons musiciens du pays wallon soient invités à poursuivre leur carrière auprès des grandes cours princières : l’Italie, la Bavière, la France, l’Espagne, voire l’Angleterre les attirent volontiers. Johannes Ciconia, Guillaume Dufay, Gilles Binchois, Johannes Tinctoris, Roland de Lassus sont quelques exemples de ces musiciens, auxquels on peut ajouter Jean Guyot de Châtelet. Compositeur wallon important de la Renaissance, celui-ci a ouvert la route de la cour d’Autriche.

Originaire de l’une des 23 Bonnes Villes de la principauté de Liège, Jean Guyot était issu d’une famille bourgeoise aisée, son père étant tanneur et propriétaire d’une foulerie, tandis que des oncles exerçaient diverses fonctions au service de la principauté. Après des études chez les Pères Récollets de Châtelet, le jeune Guyot étudie à la faculté des Arts de l’Université de Louvain (1534-1537), tout en se destinant à la prêtrise. Licencié ès-arts (1537) et identifié comme prêtre en 1538, peut-être voyage-t-il à ce moment en Italie, et y écrit-il ses premières compositions musicales (1540) ; peut-être est-ce là qu’il se fait connaître sous le nom de Joannes Castileti alias Guyot comme l’un des premiers contre-pointistes du XVIe siècle. De retour en pays wallon, il est recruté dans « la capitale » où il vient s’établir en 1545 : chapelain de la collégiale Saint-Paul, il devient très vite maître des chantres de la cathédrale Saint-Lambert à Liège (1546).

Auteur d’un ouvrage savant important – une dissertation dramatisée sur les sciences et les arts libéraux, Minervalia Artium, écrite en langue latine et publiée en 1554, chez Bathen, à Maastricht –, il est l’auteur de chansons et de motets appréciés au-delà de la principauté, comme en témoignent les impressions de ses œuvres réalisées par Susato à Anvers dès les années 1540, par Montanus à Munich et Nuremberg, ensuite, par Gardano à Venise enfin.

Repéré par l’empereur germanique Ferdinand Ier qui l’appelle d’abord comme chef de sa musique particulière, avant de le désigner comme premier maître de chapelle, Jean Guyot/ Joannes Castilety fait une brève expérience à la cour impériale de Vienne (1561-1564). À la mort de Ferdinand, son successeur (Maximilien II) met un terme aux activités de Guyot dans la capitale impériale ; celui que Clément Lyon considère que le fondateur de l’école musicale viennoise au XVIe siècle s’en retourne à Liège, pour le plus grand plaisir des princes-évêques. L’auteur des Minervalia Artium contribue alors au développement des écoles de musique de Liège et de Châtelet. Jusqu’à son décès, il retrouve la direction de la chapelle de la cathédrale Saint-Lambert, où il aurait contribué à établir les orgues et où il crée l’école de musique où se forment plusieurs élèves (par ex. Jean de Fosse).

« Compositeur, brillant prosateur et poète élégant, il écrit des vers latins avec facilité » écrit à propos de Guyot son plus éminent biographe, Clément Lyon : au XIXe siècle, celui-ci a patiemment identifié la quasi-totalité de l’œuvre de Guyot conservée dans les archives de prestigieuses bibliothèques européennes. « On peut considérer Guyot comme le véritable rénovateur de l’esprit musical dans sa patrie et le fondateur de cette brillante école liégeoise, d’où sont sortis les Heyne, les Pietkin, les Dumont, les Hamal, les Gresnick, et, en dernier lieu, comme pour couronner plus dignement tant de vaillants efforts, l’immortel Grétry » (LYON).

Sources

Clément LYON, Jean Guyot de Chatelet, illustre musicien wallon du XVIe siècle, premier maître de chapelle de S.M. l’empereur d’Allemagne, Ferdinand 1er. Sa vie et ses œuvres. 1ère partie, Charleroi, 1875
La Wallonie. Le Pays et les hommes (Arts, Lettres, Cultures), t. II, p. 312-314
Clément LYON, dans Biographie nationale, t. 8, col. 564-565

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Greiner Léon

Socio-économique, Entreprise

Seraing 24/02/1877, Liège 17/03/1963

Moins d’une semaine après la disparition d’Adolphe Greiner, le Conseil d’administration de la Société Cockerill à Seraing désigne son fils, Léon, pour lui succéder comme directeur général. Le mois de décembre 1915 n’a pas encore commencé et, pas plus que son père, Léon Grenier n’accepte de travailler au profit de l’occupant allemand. En 1917, sa résistance lui vaudra d’être arrêté et emprisonné. Il restera détenu en Allemagne jusqu’à l’Armistice. Sur le modèle paternel, Léon Greiner s’emploiera alors à tout reconstruire, et à étendre encore ce qui, à la veille de la Grande Guerre, était déjà le plus grand complexe métallurgique du monde.

Ingénieur électricien diplômé de l’Université de Liège (1899), Léon Greiner n’est pas entré par la grande porte dans la Société Cockerill en 1900 ; il a appris le métier dans les ateliers, pas à pas. Modèle d’organisation, de gestion, d’innovation et d’ouverture à l’exportation, les aciéries exigent le meilleur de ses centaines d’ouvriers et d’employés. Ingénieur en chef au service électrique, le jeune Greiner démontre son savoir-faire en installant la grande centrale au gaz. Ensuite, lui est confiée la direction de la division mécanique et du chantier naval.

Sous l’occupation allemande, Léon Greiner est solidaire de la politique de la direction consistant, d’une part, à ne pas permettre à l’occupant allemand de tirer profit de la production des usines Cockerill et, d’autre part, à occuper néanmoins la moitié de ses 10.000 travailleurs tant pour leur permettre de se nourrir que pour éviter leur déportation en Allemagne. Cette attitude vaudra la prison au nouveau directeur général (1917-1918). Dans l’Entre-deux-Guerres, Léon Greiner se consacre entièrement à la reconstruction et au développement des activités industrielles. Parallèlement, il succèdera aussi à son père à la tête de l’association des Chercheurs de Wallonie, la première à inscrire dans ses statuts la protection des paysages. Il soutient également les initiatives menées à Esneux pour perpétuer la Fête des Arbres. En 1928/1929, il apporte un soutien matériel important à la mise en place du FNRS.

Au moment de la fusion entre Cockerill d’une part, Angleur-Athus d’autre part (mars 1945), Léon Greiner devient vice-président du Conseil d’administration ; quand cet ensemble fusionne avec Ougrée-Marihaye en 1955, il est admis comme administrateur honoraire de Cockerill-Ougrée.

Sources

Robert HALLEUX, Cockerill. Deux siècles de technologie, Liège, éd. du Perron, 2002, p. 131
Suzy PASLEAU, dans Ginette KURGAN, Serge JAUMAIN, Valérie MONTENS, Dictionnaire des patrons en Belgique, Bruxelles, 1996, p. 332
Robert HALLEUX, Geneviève XHAYET, La liberté de chercher. Histoire du Fonds national belge de la recherche scientifique, Liège, éd. Université de Liège, 2007

Greiner Adolphe

Socio-économique, Entreprise

Bruxelles 07/12/1842, Seraing 20/11/1915

En septembre 1913, Adolphe Greiner est au sommet de sa carrière. Depuis qu’il a été engagé par la jeune « Société anonyme pour l’Exploitation des Établissements de John Cockerill », il y a près de 50 ans, cet ingénieur n’a cessé de prendre des responsabilités au sein de la société, et a conduit les établissements sidérurgiques sérésiens à l’apogée de leur développement, tant en termes de production qu’en termes de rendement. L’Ixon and Steel institute ne s’y trompe pas, quand il lui décerne la Médaille d’Or Bessemer ; il s’agit de la plus haute récompense à laquelle peut aspirer un ingénieur, d’autant que ce sont ses pairs qui décident de son attribution et, par la même occasion, de sa désignation à la présidence de l’association (en mai 1914). La presse de l’époque compare alors Adolphe Greiner à Andrew Carnegie : ils sont les rois de l’acier. Plus encore qu’au nom de John Cockerill, c’est à celui d’Adolphe Greiner que les aciéries liégeoises doivent d’avoir participé à la mutation technologique qui contribue à faire de la Wallonie, à l’entame du XXe siècle, l’une des plus grandes puissances du monde.

Pas plus que l’Anglais Cockerill, Adolphe Greiner ne peut se prévaloir de la nationalité belge à sa naissance. Son père, Gustave, est originaire de Saxe. Il est arrivé en Belgique dans le sillage du nouveau roi, Léopold Ier. Anciens maîtres-verriers, les Greiner servent désormais le roi des Belges, Gustave, homme de confiance, gérant notamment les biens personnels du roi, sous la responsabilité de son frère Adolphe Greiner, comptable principal. C’est donc dans un milieu très particulier que grandit le jeune Adolphe, accomplissant ses études à l’Athénée de Bruxelles, avant d’entrer à l’École des Mines de Liège, annexée à l’Université (1859-1864). À peine diplômé, l’ingénieur est recruté par Gustave Pastor, sur le conseil du fils de ce dernier. Dans le même temps, le jeune Grenier opte pour la nationalité belge.

Ingénieur chimiste chargé de l’analyse des aciers, il entame sa carrière dans les usines Cockerill à Seraing au moment où Henry Bessemer vient d’inventer un nouveau procédé de fabrication qui va révolutionner la sidérurgie. La méthode Bessemer date de 1863. Envoyé en Angleterre pour l’étudier, Greiner met son talent au service de l’usine sérésienne : rapidement, la nouvelle technologie est maîtrisée, fonctionne et donne des résultats immédiats. Promu chef du département des aciéries (1869-1887), Greiner perfectionne sans cesse les processus de production ; il introduit le procédé Thomas. En quelques années, les gains de fabrication enregistrés sont multipliés par 100 ; et ce n’est pas fini.

En 1887, Greiner succède au baron Sadoine et à Delloye-Mathieu à la direction générale des aciéries Cockerill de Seraing et contribue, par ses connaissances, son implication au travail, son ouverture à l’innovation et des investissements judicieux, à une expansion plus grande encore. Par exemple, le laitier résiduel de la fusion est récupéré pour fabriquer des briques ; les gaz des hauts fourneaux et des fours à coke sont eux aussi récupérés et valorisés ; quant à l’énergie électrique, elle tend à se généraliser dans tous les secteurs ; le premier four électrique est ainsi construit.

Désigné administrateur de la Société Cockerill en 1902, Greiner dispose d’un réseau de contacts qui s’étend à l’international et touche tous les milieux. Au début des années 1880, il lance l’idée d’un « Syndicat international des rails » ; en 1884, c’est le « Syndicat belge des rails » qui voit le jour et qui confie sa présidence à Greiner ; vingt ans plus tard, naîtra le comptoir des Aciéries (1905), tandis que se constitue aussi l’Entente mondiale entre les producteurs (1904). Par ailleurs, il siège au sein du Conseil supérieur de l’Industrie et du Commerce, dont il préside le comité central, et il a fait partie de la commission organisatrice de l’Exposition universelle de Bruxelles, en 1897. Président de la Fédération pour la défense des intérêts belges à l’étranger, il préside aussi l’Union des constructeurs de locomotives, la Société géologique et minière des ingénieurs et des industriels, l’Association des Ingénieurs de Liège et la Société belge des Ingénieurs et des Industriels.

Non content de répondre aux demandes, le directeur général de la SA John Cockerill suggère et anticipe. En cas de guerre européenne, le gouvernement belge entend que les forts à construire soient munis de plaques de blindage et que des canons soient disponibles : des commandes sont passées à Cockerill. Dans la construction navale, Cockerill qui a installé des ateliers à Hoboken construit les malles-poste pour la ligne Ostende-Douvres, qui se permettent de battre des records mondiaux de vitesse ; d’Hoboken partent aussi des commandes pour les colonies et la Russie. Des fours Martin-Siemens qui ont fait leurs preuves à Seraing sont commandés et l’entreprise dirigée par Grenier se charge de les installer à l’étranger.

Administrateur des Charbonnages liégeois en Campine et de l’Usine à Tubes de la Meuse, président de l’Union des Charbonnages et Usines métallurgiques de la Province de Liège, Greiner contribue par ailleurs à l’installation des usines de la société métallurgique La Dniéprovienne et des Charbonnages du Centre du Donetz (Russie) ; administrateur-fondateur de la Géomines (1910), il s’attaque à la prospection de gisements d’étain dans l’est du Congo (Greinerville) et exploite le bassin houiller de la Lukuga (1912) ; en Espagne, il fonde les Altos Homos Iron and Steel Works pour l’exploitation des mines de fer de Biscaye ; la Chine est aussi son terrain de jeu à partir de la fin du XIXe siècle ; partenaire dans la construction des chemins de fer, il dispose sur place de spécialistes qui prospectent les ressources disponibles.

Ses préoccupations sociales et morales sont aussi à mettre en évidence, même si la formation et la bonne santé du personnel ouvrier contribuent à la qualité de la main d’œuvre employée. En plus de l’organisation d’écoles industrielles, de la réalisation d’un hôpital, d’un orphelinat et de bains douches pour les charbonnages, ce sont des caisses d’épargne et de solidarité qui sont créées, de même que la Mutuelle des Ouvriers de la Société Cockerill et une caisse de pension pour les employés et les ouvriers. À partir de 1912, une Fondation Greiner (créée au lendemain du Jubilé Greiner) octroie des bourses d’accès aux études aux fils d’ouvriers, tandis que le Foyer du Rivage favorise l’accès au logement.

Fêté pour ses 25 années à la tête de la SA John Cockerill, Adolphe Greiner remercia tous ceux qui lui avaient rendu hommage en particulier « le personnel des ouvriers de Cockerill [qui] est la gloire de nos établissements et l’honneur de la Wallonie. On peut demander tout ce qu’on veut aux ouvriers wallons, ils sont toujours prêts » (juillet 1912).

Que seraient devenues les installations sérésiennes si l’invasion allemande n’avait mis un terme à la structure de production que Greiner avait patiemment mise au point ? Emporté par la maladie, après avoir été arrêté pour avoir refusé de travailler au profit de l’occupant, Adolphe Greiner n’évite pas totalement le spectacle du pillage et de la dévastation de « ses » usines. Sur le modèle paternel, Léon Greiner s’emploiera à tout reconstruire après l’Armistice, et à étendre encore ce qui, à la veille de la Grande Guerre, était déjà le plus grand complexe métallurgique du monde.

Léon Greiner succèdera aussi à son père à la tête de l’association des Chercheurs de Wallonie, la première à inscrire dans ses statuts la protection des paysages. Adolphe Greiner en était devenu le président en 1907, soit deux ans après avoir pris part activement à la première Fête des Arbres à Esneux (1905). Président de la Société d’ornithologie de Seraing, il était encore un grand collectionneur d’oiseaux de différentes espèces. L’aide de ce véritable capitaine d’industrie fut précieuse dans le succès de l’Exposition universelle organisée à Liège en 1905 ; il faisait aussi partie du Comité d’honneur du Congrès wallon, en 1905, et assista à ses séances.

Sources

La Meuse, 2 juillet 1912 ; Le Petit Bleu, 9 septembre 1913 ; La Meuse, 10 septembre 1913 ; L’Indépendance belge (Angleterre), 30 novembre 1915 ; Le Progrès, 1er décembre 1915
Albert DUCHESNE, dans Biographie nationale, t. 34, col. 259-264
Benjamin STASSEN, La Fête des Arbres - 100 ans de protection des arbres et des paysages à Esneux et en Wallonie (1905-2005), Liège, éd. Antoine Degive, 2005, p. 11, 33
Suzy PASLEAU, John Cockerill. Itinéraire d’un géant industriel, Liège, éd. du Perron, 1992, p. 143-158
Robert HALLEUX, Cockerill. Deux siècles de technologie, Liège, éd. du Perron, 2002, p. 130-131
Suzy PASLEAU, dans Ginette KURGAN, Serge JAUMAIN, Valérie MONTENS, Dictionnaire des patrons en Belgique, Bruxelles, 1996, p. 331-332
Christine RENARDY (dir.), Liège et l’Exposition universelle de 1905, Bruxelles, La Renaissance du livre, 2005, coll. « Les Beaux livres du Patrimoine »

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Goffin Robert

Culture, Littérature, Musique

Ohain 21/05/1898, Genval 27/06/1984

Poète, avocat, musicologue et musicien, gastronome, voyageur, essayiste, Robert Goffin est une personnalité wallonne qui ne se laisse pas cerner facilement. Ses centres d’intérêt paraissent à ce point variés que ses publics appartiennent à des milieux qui ignorent parfois les autres facettes de sa personnalité ; sa curiosité éclectique et une écriture trop rapide le privent parfois d’une reconnaissance spécifique.

Après des études primaires à l’école communale de son village natal – « Ohain, ma capitale personnelle de Wallonie », comme il aimait le dire et l’écrire –, il commence ses humanités au petit séminaire de Basse-Wavre et les termine en 1916 à l’Athénée communal de Saint-Gilles. En raison de la fermeture de l’Université libre de Bruxelles durant l’occupation allemande, il ne poursuit ses études qu’en 1919 ; il se mêle alors aux jeunes milieux littéraires de l’époque, se lie d’amitié avec René Purnal, Charles Plisnier, Odilon-Jean Périer et découvre une musique nouvelle, le jazz, dont il deviendra un grand spécialiste. Docteur en Droit (1923), inscrit au Barreau de Bruxelles (1926), le jeune juriste publie tour à tour trois ouvrages spécialisés. Mais là ne sont ni sa passion ni son originalité.

Musicien, Goffin qui joue à la fois du piston, de la trompette et du trombone, est attiré par le jazz et il est l’un des tout premiers à écrire un article sur cette musique (dans le Disque vert, 1922) et à partir à la découverte de ses origines. De séjours aux États-Unis, il ramène non seulement des ouvrages spécialisés et originaux (1932-1948), mais surtout de solides amitiés, notamment avec Arthur Briggs, Sydney Bechet, Lou Armstrong, Bill Coleman, Duke Ellington, etc.

Poète, Goffin compte une vingtaine de recueils à son actif, entre 1918 et 1982, dont l’écriture s’engage dans deux voies fort différentes, parfois très travaillées, parfois en recourant « à de longs vers libres, balancés en périodes, émaillés de mots rares » (HOREMANS). Essayiste, voire biographe, Goffin s’intéresse à des poètes comme Rimbaud, Verlaine, Apollinaire, Mallarmé, etc. ; tantôt il jette un regard critique sur leurs œuvres, tantôt il s’étend en anecdotes inédites, destinées à contextualiser leurs écrits.

Zoologiste, voire naturaliste, Goffin surprend dans un genre où il ne s’attarde pas (1936-1938). Romancier, Goffin déroute ici aussi ses lecteurs en signant des ouvrages policiers ou d’espionnage, parfois alimentaires, alors que d’autres, qui ont davantage mûri, valent le détour. Le Goffin historien n’est pas loin, quand il mène des enquêtes sur la fille de Léopold Ier, sur Sissi, la famille des Habsbourg, voire souligne la part des Wallons dans la fondation de New York.

De la Wallonie, Goffin n’est jamais très loin non plus, mais avec une approche, elle aussi, fort personnelle. Son grand-père lui avait transmis le culte de la Wallonie, de Napoléon et de Victor Hugo, et les monuments proches de Waterloo retiennent d’autant plus son attention que son bisaïeul était propriétaire de la ferme de Plancenoit. En 1938, Goffin publie Chère espionne !, roman de l’amitié franco-belge, dédié à tous nos amis de Belgique qui luttent pour la France éternelle. Mais s’agit-il d’un roman ou d’un engagement politique ? Alors qu’il se rend aux pèlerinages wallons de Waterloo, il crée l’hebdomadaire Alerte, opposé à la neutralité et qui réclame une alliance avec la France (1939). Il écrit aussi dans La Faluche, périodique du Cercle des Étudiants wallons de l’ULB, un vibrant article sur la Grandeur de la France.

Ses activités pro-françaises et les articles virulents qu’il signe contre Degrelle et les nazis l’obligent à quitter le pays lorsque la Seconde Guerre mondiale éclate. Il gagne la France, l’Espagne puis le Portugal avant de s’embarquer pour New York. Aux États-Unis, sur l’intervention de son ami et ancien condisciple Paul-Henri Spaak, Goffin devient l’interprète des services belges de la propagande, chargé de faire connaître le pays et l’attitude du chef de l’armée. En 1943, il publie l’ouvrage Le roi des Belges a-t-il trahi ?, rédigé en deux semaines en novembre 1940, dans lequel, bien que partisan de l’union avec la France et pour éviter de semer la zizanie parmi les Belges, il tente de justifier l’attitude de Léopold III. En se faisant le défenseur du roi, Robert Goffin est l’un des rares socialistes, non suspect d’accointance avec De Man, à trouver des circonstances atténuantes à celui qui rendit visite à Hitler à Berchtesgaden. Mais ce n’est pas le dernier paradoxe de Robert Goffin.

Dans le cadre de la propagande belge aux États-Unis, il sillonne le pays et donne en anglais des conférences sur la guerre et la résistance en Europe. Citoyen d’honneur de la Nouvelle-Orléans, il est nommé professeur d’histoire du jazz à la New School for Social Research à New York. C’est aussi à ce moment qu’il publie la première édition d’un ouvrage consacré aux Wallons fondateurs de New York, qui sera réédité en 1970 par l’Institut Jules Destrée. De retour en Europe, en 1945, conférencier, journaliste, auteur à succès, traduit en de nombreuses langues, Robert Goffin se partage alors entre jazz et poésie.

Le 25 octobre 1954, il est reçu à l’Académie de Langue et de Littérature françaises par Marcel Thiry ; il a l’honneur de succéder à Charles Plisnier. Président du PEN Club français de Belgique puis vice-président du PEN Club international, il réalise plusieurs tours du monde dans les années cinquante et soixante. Vice-Président de Québec-Wallonie (année 1950) et journaliste dans Le Globe, président du groupe CCE du Mouvement fédéraliste européen (1970), il mène campagne en faveur de l’élection directe du Parlement européen. En 1976, il est l’un des 143 signataires de la Nouvelle Lettre au roi (29 juin), destinée à dénoncer l’extrême lenteur mise dans l’application de l’article 107 quater de la Constitution ; il plaide ainsi en faveur d’un fédéralisme fondé sur trois Régions : Bruxelles, Flandre et Wallonie.

Membre de la Société historique pour la Défense et l’Illustration de la Wallonie avant la Seconde Guerre mondiale, administrateur (1973-1980), puis administrateur honoraire (1981-1984) de l’Institut Jules Destrée, il y a publié deux ouvrages de souvenirs, Souvenir à bout portant. Poésie. Barreau. Jazz (1979) et Souvenirs avant l’adieu (1980).

Sources

Thomas OWEN, Adieu à Robert Goffin, dans Bulletin de l’Académie royale de Langue et de Littérature françaises, Bruxelles, 1984, t. 42, n°2, p. 127-130
Marc DANVAL, L’insaisissable Robert Goffin. De Rimbaud à Louis Armstrong, Gerpinnes, Quorum, 1998
Jean-Paul DE NOLA, « Marc DANVAL, L’Insaisissable Robert Goffin. De Rimbaud à Louis Armstrong », dans Textyles, n°17-18, 2000, p. 217-219
Jean-François POTELLE, dans Encyclopédie du Mouvement wallon, Charleroi, Institut Destrée, 2001, t. II, p.
Jean-Marie HOREMANS, Robert Goffin, le poète au sang qui chante, Charleroi, Institut Jules Destrée, 1976, coll. Figures de Wallonie
Robert GOFFIN, Souvenirs à bout portant. Poésie Barreau Jazz, Charleroi, Institut Jules Destrée, 1979
Robert GOFFIN, Souvenirs avant l’adieu, Charleroi, Institut Jules Destrée, 1980
Jean-Marie HOREMANS, dans Robert FRICKX et Raymond TROUSSON, Lettres françaises de Belgique. Dictionnaire des œuvres, t. II, La poésie, Paris-Gembloux, Duculot, 1988, p. 506-507

Œuvres principales

Droit financier
Code élémentaire des agents de change (1927)
Code élémentaire de la banque (1928) 
Manuel de Droit financier (1930)

Jazz
Jazz-Band (1922)
Aux frontières du jazz (1932)
Jazz : from Congo to swing (1946)
Histoire du jazz (1946)
La Nouvelle-Orléans, capitale du jazz (1946)
Louis Armstrong, le roi du jazz (1947) 
Nouvelle histoire du jazz. Du Congo au Behop (1948)

Romans
L’Apostat (1934) 
Chère espionne !, roman de l’amitié franco-belge (1938)
Pérou (1940)
Passeports pour l’Au-Delà (1943)
La Colombe de la Gestapo (1943)
Le Voleur de feu (1950)
Foudre Natale (1955)

« Histoire »/essais/mémoire
Charlotte, l’Impératrice fantôme (1937)
Élisabeth, l’Impératrice passionnée (1939)
De Pierre Minuit aux Roosevelt (1943)
L’Epopée des Habsbourg (1945)
Le Roi du Colorado (1958)
Souvenirs à bout portant. Poésie Barreau Jazz (1979)
Souvenirs avant l’adieu (1980)

Poésie
Rosaire des soirs (1918) 
La Proie pour l’ombre (1935)
Couleur d’absence (1936)
Sang bleu (1939)
Le nouveau Sphinx (1941)
Patrie de la poésie (1945)
Le Temps sans rives (1948)
Œuvres poétiques compilation 1918-1954: le Nouveau Sphinx, le Fusillé de Dunkerque, le Chat sans Tête, Sabotage dans le Ciel, etc... (1958)
Archipels de la sève (1959)
Sources du ciel (1962)
Corps Combustible (1964)
Sablier pour une Cosmogonie (1965)
Le Versant noir (1967)
Faits divers (1969)
Phosphores chanteurs (1970)
Le tour du monde en quatre-vingts quatrains (1970)
L’Envers du feu (1971)
Chroniques d’Outre-Chair (1975)
Enfance naturelle (1977)
Quatre fois vingt ans (1979)
Le Champ de mai (1982)

« Critique »
Sur les traces d’Arthur Rimbaud (1934)
Rimbaud vivant (1937)
Rimbaud et Verlaine vivants (1948)
Entrer en poésie (1948)
Mallarmé vivant (1955)
Le Fil d’Ariane pour la poésie (1964)

Naturaliste
Le Roman des anguilles (1936)
Le Roman des rats (1937)
Le Roman de l’araignée (1938)

Goffin David

Sport, Tennis

Liège 07/12/1990


Une finale de Coupe Davis, deux tournois ATP 250, 7 tournois challenger et une place de 16e joueur mondial, tels sont les meilleurs résultats engrangés par David Goffin à la fin de la saison 2015, soit après 7 années sur le circuit professionnel.

Amené sur les courts de tennis dès son plus jeune âge, David Goffin reçoit les conseils de son père et de Michèle Gurdal, avant de partir en stage aux États-Unis (1998), puis d’intégrer le centre tennis études de Mons. À peine sorti de l’Athénée Marguerite Bervoets, il intègre la section Team Pro de l’AFT, tandis qu’il participe pour la première fois aux tournois juniors de Roland Garros et Wimbledon (2008). Progressivement, il va affirmer son jeu sur le circuit professionnel.

Un premier titre Challenger l’attend en 2012, de même qu’une participation à Roland Garros où sa route s’achève en 8e de finale, face à Roger Federer (2012). Après une saison 2013 en demi-teinte, 2014 est celle de la confirmation : une série de 25 victoires consécutives durant l’été lui permet de remporter 3 tournois challenger consécutifs et son premier ATP 250, à Kitzbühel. Un second (Open de Metz) suivra quelques semaines plus tard. Finaliste malheureux face à Federer au tournoi de Bâle (ATP 500), il obtient le droit de participer au Masters de Paris-Bercy. Mais en sauvant l’équipe belge de la relégation du groupe mondial (septembre 2014), David Goffin prépare déjà la saison 2015 qu’il entame au rang de 22e joueur mondial.

Paradoxalement, il n’enregistre aucune victoire dans les grands tournois en 2015, mais en se hissant régulièrement près ou en finale, il conforte son statut sur le circuit professionnel, entre dans le top 20 et atteint le 16e rang mondial au terme de l’année 2015. En coupe Davis, la finale du groupe mondial perdue face à la Grande-Bretagne d’Andy Murray et de son frère Jamie témoigne du niveau atteint par le tennisman wallon – élevé au rang d’officier du Mérite wallon 2015 – sur la scène internationale, à l’aube de ses 25 ans. En mars 2016, son accession aux quarts de finale du tournoi d’Indian Wells et aux demi-finales du tournoi de Miami confirme son statut international ; le 4 avril 2016, il occupait la 13e place du classement mondial.

 

Sources

Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse
https://www.facebook.com/DavidGoffinTennis/ 
https://fr.wikipedia.org/wiki/David_Goffin (s.v. avril 2016)

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Godenne Léopold

Culture, Edition

Malines 19/03/1850, Malines 20/08/1922

Depuis le milieu du XIXe siècle, les Godenne sont imprimeurs à Namur et défendent la pratique du wallon. Frère de Paul Godenne, Alphonse Godenne (1819-1870) invente le procédé d’impression simultanée des couleurs, procédé qui révolutionna l’art du livre. Il quitte Namur pour s’engager chez Hanicq, l’imprimeur pontifical établi à Malines. C’est là que Léopold, son fils, aîné d’une famille de neuf enfants, grandit et apprend le métier, auprès de Dessain, le successeur de Hanicq, avant de s’établir à Namur, chez son oncle Paul Godenne, après le décès de son père. Au confluent de la Sambre et de la Meuse, Léopold Godenne va se distinguer, en 1883, en créant la toute première gazette jamais imprimée en langue wallonne.

À l’entame des années 1880, Léopold a ouvert sa propre imprimerie, rue du Collège, et est notamment chargé de l’impression d’un journal intitulé La Réclame ; il prend alors l’initiative d’y insérer des boutades et anecdotes en langue wallonne, racontées en quelques lignes. Devant l’engouement manifesté par les lecteurs, Godenne décide de créer un journal essentiellement wallon, qu’il intitule La Marmite. Son premier numéro paraît le 29 mars 1883 et, pendant 22 années, sans interruption, cet hebdomadaire satirique accueille toutes les plumes de qualité qui écrivent en wallon. Son tirage atteint 15.000 exemplaires la première année. Ne limitant pas sa diffusion au Namurois, il devient le lieu où se publie et se développe une littérature populaire wallonne. Son exemple est imité dans d’autres villes wallonnes.

Cherchant à développer ses activités d’imprimeur, notamment par l’édition de productions littéraires, Léopold Godenne tente de s’installer à Marcinelle, puis à Couillet, avant de se résoudre à s’installer dans sa ville natale, à Malines (1890). Léopold Godenne y emmène la gazette dialectale ; à partir de 1893, La Marmite devient l’organe du cercle bruxellois Nameur po tot, dont Louis Loiseau assure la direction littéraire. Entre la disparition des animateurs fondateurs de la société Moncrabeau (vers 1880) et la naissance des Rèlîs namurwès (1909), La Marmite assure en quelque sorte de l’extérieur, la continuation du mouvement littéraire wallon de Namur.

L’Aurmonaque del Marmite (1885-1904) est une autre publication de l’imprimeur Godenne à qui Léon Pirsoul confie son Dictionnaire du dialecte namurois, et Léon Loiseau ses Échos du terroir. Installé définitivement sur la place du Grand Marché à Malines, Léopold Godenne s’est associé à son frère Alexandre ; les maîtres-imprimeurs wallons y publient de nombreux volumes des Documents et Rapports de la Société paléontologique et archéologique de l’arrondissement judiciaire de Charleroi, une impressionnante histoire de Malines (Malines jadis et aujourd’hui, 1908), richement illustrée, puis un Guide touristique de la ville (1909), ainsi que le Bulletin du Cercle archéologique de Malines de 1890 à 1922.

Sources

Lucien MARÉCHAL, dans La Vie wallonne, 1922, p. 89-91
Oscar COLSON, La mort de La Marmite, dans Wallonia, t. XIII, 1905, p. 70-71
André-Marie GOFFIN, dans Françoise JACQUET-LADRIER (dir.), Dictionnaire biographique namurois, Namur, Le Guetteur wallon, n° spécial 3-4, 1999, p. 107
Félix ROUSSEAU, Propos d’un archiviste sur l’histoire de la littérature dialectale à Namur, 1ère partie, « Des origines à 1880 », dans Les Cahiers wallons (Namur), 1964, n°1-2-3, p. 80, 84-85, 101 ; 2e partie, « 1880-1965 », 1965, n°1-2-3, p. 6-22
Paul COPPÉ et Léon PIRSOUL, Dictionnaire bio-bibliographiques des littérateurs d’expression wallonne (1622-1950), Gembloux, Duculot, 1951, p. 179-180
Émile BROUETTE, dans Biographie nationale, t. 34, col. 414-416