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Godenne Jacques

Culture, Edition

Namur 04/09/1851, Namur 18/05/1909

Depuis le milieu du XIXe siècle, les Godenne sont imprimeurs à Namur et, en même temps, défendent la pratique du wallon. C’est Paul Godenne, le père de Jacques, qui a fixé l’établissement dans la rue de Bruxelles, en 1869, et l’imprimerie restera propriété des Godenne jusqu’en 1955. Alphonse Godenne (1819-1870, oncle de Jacques) avait inventé le procédé d’impression simultanée des couleurs, procédé qui révolutionna l’art du livre, avant de partir travailler dans l’imprimerie pontifical de Malines. Léopold Godenne, cousin de Jacques, fonde quant à lui, en 1883, le journal satirique La Marmite que Paul Godenne animera aussi pendant de nombreuses années. Quant à Jacques, il va mettre son métier d’imprimeur au service de la défense et de l’illustration du Vieux Namur, de ses idées politiques et de la langue wallonne.

Très jeune, il entame sa carrière à Namur dans l’établissement familial ; il y apprend le métier, avant d’ouvrir une librairie et un atelier d’imprimerie au cœur de la cité de Liège vers 1890. Depuis Namur et Liège, les Godenne éditent notamment les Pandectes périodiques belges rédigés sous la direction d’Edmond Picard et d’Arthur Procès, ainsi que l’Encyclopédie du droit civil belge de Gustave Beltjens. Plusieurs prix viendront récompenser les productions des imprimeries Godenne (Exposition universelle de Paris en 1889, de Chicago en 1893, et à l’Exposition internationale du Livre de Paris, en 1894).

Membre-fondateur, depuis 1882, du cercle culturel namurois L’Émulation, Jacques Godenne fait aussi la rencontre, à Liège, de l’abbé Pottier qui le sensibilise à ses idées. Tandis qu’il édite un imposant Guide complet de Liège (1896), Jacques Godenne imprime Le Bien Public, organe des « jeunes » démocrates-chrétiens de Belgique. Ne dissimulant pas sa sensibilité politique, il n’hésite pas à publier des pamphlets (comme Testis l’halluciné), où les démocrates-chrétiens attaquent frontalement leurs coreligionnaires conservateurs du groupe catholique de Liège.

Abandonnant Liège à la mort de son père (1896), Jacques Godenne modernise encore le matériel à Namur et diversifie ses activités. Dans les domaines du droit et de la littérature, il réalise de belles éditions (le Dictionnaire des filigranes de Del Marmol, 1900, et les Œuvres complètes d’Octave Pirmez, 1900). Les ouvrages édités par Jacques Godenne se caractérisent par leurs grandes qualités typographiques, comme en attestent d’autres prix reçus lors d’expositions internationales. Il est aussi l’éditeur d’ouvrages « religieux », comme, en 1903, une Histoire de Léon XIII, le pape de l’encyclique Rerum novarum.

Amoureux de sa cité natale, il se lance encore dans l’édition du bihebdomadaire Le Journal de Namur (1885-1896), puis d’un hebdomadaire illustré : Namur-la-Belle (1899), où il consacre une page à la littérature wallonne. Directeur de La province de Namur pittoresque, monumentale, artistique et historique (1895), ainsi que du Beffroi de Namur, il joue un grand rôle pour mieux faire connaître Namur (ses Guides notamment) et dans la vulgarisation du parler wallon.

Littérateur en wallon lui-même, Jacques Godenne – il est l’un des petits-neveux de Charles Wérotte – a écrit plusieurs œuvres originales et, comme d’autres auteurs du pays wallon, il a transposé, avec réussite, des fables de Jean La Fontaine dans son wallon namurois. Le maître imprimeur est apprécié pour son savoir-faire, mais aussi pour sa prodigalité. Président d’honneur de la Société de secours mutuels « La fraternelle namuroise » (cercle fondé en 1898), il imprime volontiers les brochures d’auteurs wallons et, grâce à son initiative, un tiré à part sort de l’oubli les vingt-cinq premières années de la Société Moncrabeau, qui s’était quelque peu éteinte à la fin du XIXe siècle. En 1907, il avait été nommé vice-consul d’Espagne à Namur.

Sources

La Meuse, 1891-1898 ; Le Journal de Charleroi, 26 décembre 1896 ; L’Indépendance belge, 9 février 1901 ; Le Vingtième Siècle, 21 mai 1909
André-Marie GOFFIN, dans Françoise JACQUET-LADRIER (dir.), Dictionnaire biographique namurois, Namur, Le Guetteur wallon, n° spécial 3-4, 1999, p. 107
Félix ROUSSEAU (dir.), Molons èt rèlîs namurwès: La littérature dialectale à Namur de Charles Wérotte à Joseph Calozet : [Exposition dialectale organisée à Namur, au siège du Crédit communal de Belgique pour la province de Namur, du 29 novembre au 21 décembre 1968], Namur, Crédit communal, 1969, p. 13-14
Paul COPPE et Léon PIRSOUL, Dictionnaire bio-bibliographiques des littérateurs d’expression wallonne (1622-1950), Gembloux, Duculot, 1951, p. 179-180
P. WUILLE, Un vulgarisateur d’historiographie locale : M. Jacques Godenne, Namurois, dans Wallonia, t. XVI, 1908, p. 29-32
Émile BROUETTE, dans Biographie nationale, t. 34, col. 411-414
Félix ROUSSEAU, Propos d’un archiviste sur l’histoire de la littérature dialectale à Namur, 1ère partie, « Des origines à 1880 », dans Les Cahiers wallons (Namur), 1964, n°1-2-3, p. 80, 84-85, 101 ; 2e partie, « 1880-1965 », 1965, n°1-2-3, p. 6-22

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Godenne Alphonse

Conception-Invention, Culture, Edition, Littérature

Namur 08/06/1819, Malines 04/12/1870

Depuis le milieu du XIXe siècle, les Godenne sont imprimeurs à Namur et défendent la pratique du wallon. Ce sont deux frères, Alphonse (1819-1870) et Paul (1826-05/02/1896) Godenne qui créent cette activité sans avoir d’antécédents familiaux dans le domaine. Leur grand-père, Adrien-Joseph, exerçait dans la coutellerie. À l’instar de ses frères, leur père, Jacques-Philippe (1785-1857), s’est quant à lui engagé dans les armées de Napoléon ; plusieurs fois blessé, surtout lors de la bataille de Wagram, il est rentré à Namur avec le statut de grand invalide de guerre et y exerce la fonction de garde de la Porte de Jambes.

Curieux des arts et des techniques, Alphonse Godenne se passionne pour l’imprimerie et va mettre au point un procédé d’impression simultanée des couleurs, procédé qui révolutionna l’art du livre. Lors de l’Exposition universelle de 1855, deux presses mécaniques de l’invention d’Alphonse Godenne sont exposées. Fort de cette invention et de ses brevets, Alphonse Godenne est engagé, à Malines, chez l’imprimeur pontifical P-J. Hanicq. En 1849, il quitte Namur pour la cité brabançonne où il s’établit avec sa famille. À la mort de Hanicq, l’imprimerie est dirigée par la famille Dessain au service de laquelle Godenne restera jusqu’à sa mort.

Un lien continue à le relier à Namur et à la Wallonie : son frère, d’une part, qui a établi une imprimerie, et la Société du Moncrabeau, d’autre part. Alphonse Godenne continue en effet de cultiver la langue wallonne. En 1867, il compose Li Brabançonne Moncrabeautienne, son œuvre la plus réussie. À Malines, il devient aussi le régisseur de la société Les Musophiles et est l’auteur d’une cantate interprétée, en 1854, lors de l’inauguration de la statue de Marguerite d’Autriche.

Son fils, Léopold, poursuivra toutes les activités familiales, l’imprimerie et la pratique du wallon, en leur donnant une dimension plus importante encore. Quant à Paul(-Gérard), son frère, il a établi une imprimerie à Namur, en 1869, qui restera propriété des Godenne jusqu’en 1955. Les machines utilisées étaient parmi les plus perfectionnées de l’époque. Membre probable de la Société de Moncrabeau, il en a écrit l’histoire des 25 premières années ; son fils, Jacques, s’en inspirera plus tard. Animateur du journal La Marmite, Paul Godenne est aussi l’initiateur, à Namur, du premier Aurmonaque de la cité mosane (1865). Dans ce calendrier annuel qui paraîtra jusqu’à la fin du siècle, on trouve, notamment, en 1883, la première publication de la chanson Vive Nameur po tot, de l’abbé Dethy.

Sources

Lucien MARÉCHAL, dans La Vie wallonne, 1922, p. 89-91
Oscar COLSON, La mort de La Marmite, dans Wallonia, t. XIII, 1905, p. 70-71
André-Marie GOFFIN, dans Françoise JACQUET-LADRIER (dir.), Dictionnaire biographique namurois, Namur, Le Guetteur wallon, n° spécial 3-4, 1999, p. 107
Félix ROUSSEAU, Propos d’un archiviste sur l’histoire de la littérature dialectale à Namur, 1ère partie, « Des origines à 1880 », dans Les Cahiers wallons (Namur), 1964, n°1-2-3, p. 80, 84-85, 101 ; 2e partie, « 1880-1965 », 1965, n°1-2-3, p. 6-22
Paul COPPE et Léon PIRSOUL, Dictionnaire bio-bibliographiques des littérateurs d’expression wallonne (1622-1950), Gembloux, Duculot, 1951, p. 179-180
Émile BROUETTE, dans Biographie nationale, t. 34, col. 414-416

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Godart Jean

Culture, Architecture

Huy 26/04/1931, Liège 2009

Diplômé de l’Institut d’architecture Saint-Luc à Liège (1956), Jean Godart traverse l’Atlantique pour effectuer son stage dans le célèbre bureau d’architecture Skidmore, Owings & Merill à Chicago (1957). Fort de son expérience américaine, il établit son bureau dans sa ville natale et s’associe à André Constant pour dresser les plans de bâtiments industriels, d’habitations privées nombreuses ou d’immeubles à appartements. Au moment où il entame sa carrière, Liège est en pleine ébullition. Le Grand Liège invite à anticiper les événements (désindustrialisation, expansion démographique) et à faire de Liège une capitale européenne. Si le projet CECA échoue, les architectes sont néanmoins mis à contribution (Palais des Congrès en 1958, nouvelle gare des Guillemins en 1960, plusieurs hauts immeubles dont la Cité administrative, la transformation de la place Saint-Lambert et le tracé de voies rapides destinées à pénétrer au cœur de la cité).

Sans être un acteur majeur de cette mutation, Jean Godart apporte sa contribution en s’inspirant de l’esprit du Mouvement moderne. À la suite de la venue à Liège de l’architecte américain Bruce Goff, invité par l’Association pour le Progrès intellectuel et artistique de la Wallonie (1969), Godart explore l’architecture organique et réalise, en 1971, la maison Raze, à Esneux.

Mais l’un des premiers projets majeurs sur lequel il intervient est celui qui vise à rassembler sur un seul site les phases à chaud et les phases à froid d’une aciérie liégeoise modernisée. En collaboration avec le bureau d’études de la SA Métallurgie d’Espérance Longdoz, il contribue à l’implantation à Chertal (1960-1964) d’une série de nouveaux bâtiments industriels (halls, bureaux, salles), en utilisant les matériaux produits par le commanditaire, à savoir des tôles profilées et de faible épaisseur. Dans un bassin industriel liégeois qui commence à s’inquiéter des indices de régression économique, la nouvelle usine de Chertal est le symbole de la modernisation d’une activité traditionnelle qui a fait la prospérité de la Wallonie. Mais le projet initial ne sera pas réalisé complètement et la phase à froid restera à une distance de la phase à chaud qui s’avèrera pénalisante sur le long terme.

À Seraing, avec André Constant, Jean Godart signe un quartier de maisons en éléments préfabriqués de béton cellulaire (1963) ; ensemble, ils ont aussi conçu le projet de l’école primaire du Sart Tilman (1962) et celui de l’Université de la Paix à Tihange (1964). Attentif au choix des matériaux, ce qui fait l’originalité de ses réalisations, l’architecte Jean Godart mène une réflexion permanente sur l’évolution de son activité professionnelle et met au point un prototype de maison à énergie solaire passive dès 1980.

Sources

Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse
Philippe HENRION, dans Anne VAN LOO (dir.), Dictionnaire de l’architecture en Belgique, de 1830 à nos jours, Bruxelles, Fonds Mercator, 2003, p. 319
Liège : Guide d’architecture moderne et contemporaine 1895-2014, Liège, Mardaga, 2015, p. 43-45, 305
http://gar.archi/collection/godart-jean/ 

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Goblet Bernard

Socio-économique, Entreprise

Liège 1960

Licencié en Droit de l’Université catholique de Louvain (1983) et licencié en Économie à la Louvain School of Management (1984), Bernard Goblet entame sa carrière chez Coopers & Lybrand (1984-1989), avant d’entrer au département financier de Hertz Leasing (1989). Assistant du Chief Financial Officer Europe, il s’impose comme CFO de Hertz Leasing France (1990-1991), mais le monde de l’industrie l’attire : CFO USA de Diamant Boart (1993-1998), il se familiarise avec les outils de forage à base de diamants destinés au secteur de la pierre.

Fondée en 1937 pour développer des machines et des outillages à usage industriel utilisant le boart, un diamant naturel de qualité secondaire extrait des mines de diamants du Congo, la société hennuyère a mis au point, dans les années 1960 des diamants industriels synthétiques qui remplacent les diamants naturels. Alors que le fonds britannique Candover rachète l’usine en difficultés à l’Union minière, Goblet devient le CEO de Diamant Boart (1998-2002) jusqu’au moment où la société est revendue à Electrolux. Après une année de consultance et un court passage chez Proximus (2005), Magotteaux fait appel à lui comme directeur des opérations (2006), le temps de préparer sa désignation comme PDG du groupe en 2007.

Depuis 1914 et sa fondation par Lucien Magotteaux en bord de Vesdre, à hauteur de Vaux-sous-Chèvremont, la fonderie Magotteaux n’a cessé de grandir. Entre les mains de Georges Halbart, elle prend son envol au lendemain de la Seconde Guerre mondiale quand sont mis au point des boulets industriels destinés aux opérations de broyage dans les secteurs des mines, des carrières, mais surtout des cimenteries, puis de plus en plus aussi du dragage. Qu’il s’agisse des boulets ou d’autres produits (superalliage, plaques de revêtement, etc.) généralement toujours orientés pour améliorer les broyeurs, leur qualité et leur résistance sont appréciés mondialement.

Référence internationale dans les années 1970, Magotteaux traverse les crises économiques en s’adaptant à la mondialisation, en gardant son ancrage familial, ainsi que son centre de recherches en terre liégeoise, mais en se transformant en Magotteaux International SA : disposant d’une quinzaine de sites sur tous les continents, le leader mondial dans la conception de pièces industrielles high-tech pour le broyage et le concassage de minerais occupe plusieurs centaines de personnes quand s’achève le mandat de Michel Hahn en 1998. La part de l’actionnariat familial se réduit cependant. Après une période mixte, où les managers-propriétaires partagent la direction des opérations avec la SRIW et IK Investment Partners (une société européenne d’investissements qui acquiert 55 % du capital de la société en 2007), c’est un très important groupe chilien, actif dans de nombreux domaines, le consortium Sigdo Koppers, qui devient seul propriétaire, tout en laissant le poste de pilotage à Liège (2011).

Co-négociateur de cette profonde mutation, Bernard Goblet contribue à l’intégration de départements aux activités particulièrement indépendantes au sein du groupe, renforce la présence du QG à Vaux et, sous sa direction, la société parvient à résister sans trop d’encombres aux conséquences de la crise financière de 2008, étendant notamment ses activités en Thaïlande. En juin 2015, la route du CEO et de son actionnariat se sépare et lui succède Sébastien Dossogne, déjà présent dans la société depuis 2007, en tant que responsable financier.

Sources

Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse, dont L’Écho, 3 mai 2002, La Libre, 3 septembre 2011, L’Écho, 26 décembre 2015
http://www.uwe.be/uwe-1/historique
http://www.ccimag.be/wp-content/uploads/2013/11/12949_CCIC_CciConnectEstJanvier2013_WEB1.pdf (s.v. mai 2016)

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Gendebien Alexandre Jr

Révolutions, Socio-économique, Entreprise

Bruxelles 11/10/1812, Charleroi 22/02/1865

Alexandre Gendebien ne doit pas être confondu avec son père qui porte le même prénom (1789-1869), l’actif révolutionnaire des Journées de Septembre 1830 et défenseur d’une Belgique conservant tout le Limbourg et tout le Luxembourg. Le jeune Alexandre, troisième de la dynastie des Gendebien fondée par Jean François (1753-1838), est davantage tourné vers l’industrie, à l’instar de son grand-père et de son oncle, Jean Baptiste (1791-1865).

Le jeune Alexandre n’a pas dix-huit ans quand il est mêlé aux Journées de Septembre 1830. Son impétuosité suscite la crainte de ses proches ; capitaine d’artillerie, il se distingue par sa conduite à l’armée de la Meuse et pendant la retraite d’Hasselt, le 8 août 1831. Par conséquent, celui qui fut décoré de la Croix de fer peut ajouter son nom à ceux de sa famille dans l’établissement du nouveau royaume de Belgique. Il s’écarte cependant du sillon paternel pour se consacrer totalement à des activités industrielles.

Directeur des concessions du Mambourg et de Belle-Vue, dans le pays de Charleroi (1837), responsable des Charbonnages de Piéton, il devient le directeur-gérant des Charbonnages réunis de Char¬leroi (1er janvier 1851), soit des anciennes sociétés charbonnières de Mambourg et Bawette, Belle-Vue, Sablonnière, Lodelinsart et Sacré-Français. Avec le soutien de la Société générale, toutes les exploitations des Gendebien sont rassemblées au sein de la « Société anonyme des Charbonnages réunis, à Charleroi » (juin 1851), qui, avec un capital de près de 7 millions de francs de l’époque, constitue l’une des plus grandes fusions de la région.

En tant que membre (1843) de la Chambre de commerce de Charleroi, il s’intéresse particulièrement à la question des péages sur les canaux, les rivières et le chemin de fer de l’État (1848-1849) ; il publie une étude à ce sujet et interpelle les autorités belges à diverses reprises. Par ailleurs, à titre personnel, il n’hésite pas à investir dans la construction de chaussées ou de lignes ferroviaires.

Devenu vice-président de la Chambre de commerce de Charleroi (1860-1865) et membre du Conseil supérieur de l’Industrie, Alexandre Gendebien s’est aussi occupé de l’Asso¬ciation charbonnière des bassins de Charleroi et de la Basse-Sambre : fondé en 1832, ce syndic de patrons charbonniers entre en crise à l’entame des années 1850, au moment où ses statuts sont révisés. Secrétaire puis président (1850-1852), Gendebien démissionne de la présidence et jusqu’en 1863, l’association fonctionne en mode provisoire ; c’est dans ces conditions qu’elle examine le dossier de ses propres statuts, ainsi que des questions aussi importantes que la loi sur le travail des enfants (1859) ou le projet de traité de commerce avec la France (1860). Finalement, fin 1863, l’Association est reconstituée et Gendebien la préside jusqu’à son décès (1863-1865).

Sans jamais s’être mêlé de politique, Alexandre Gendebien ne cachait pas ses sentiments républicains ; par ailleurs, après s’être montré favorable au mouvement catholique en politique, réclamant des candidats se revendiquant des thèses cléricales (manifeste du Mambour), il est devenu libre-penseur et a exigé que son enterrement soit purement civil.

Sources

Journal de Charleroi, 1851-1853 ; Le Bien Public, 24 février 1865 ; Journal de Bruxelles, 27 février 1865 ; Indépendance belge, 3 mars 1865 ; Gazette de Charleroi, 12 décembre 1893, p. 2
Jules GARSOU, Alexandre Gendebien. Sa vie. Ses mémoires, Bruxelles, René Van Sulper, 1930
Jean-Louis DELAET, dans Ginette KURGAN, Serge JAUMAIN, Valérie MONTENS, Dictionnaire des patrons en Belgique, Bruxelles, 1996, p. 304-306
La Wallonie. Le Pays et les hommes (Economies, Sociétés), t. II, p. 30, 37, 57

Gendebien Jean Baptiste

Socio-économique, Entreprise

Mons 17/05/1791, Bruxelles 07/08/1865

Second fils de Jean François Gendebien (1753-1838), Jean Baptiste a poursuivi les activités industrielles de son père, tandis que son frère aîné, Alexandre (1789-1869), s’est consacré davantage à la politique.

Né à Mons en pleine première restauration autrichienne, Jean Baptiste Gendebien mène d’abord une carrière d’officier. Son père, intendant de la famille des d’Arenberg, lui ouvre la porte : en 1804, Jean Baptiste est officier dans le régiment d’Arenberg et, en 1815, il fait partie du 27e chasseurs à cheval. Initié aux affaires commerciales et financières par son père qui est propriétaire, en 1817, d’une douzaine de mines dans le Namurois et les bassins de Charleroi, du Centre et du Borinage, il se destine à gérer les avoirs familiaux ; dès 1822, il reçoit la propriété et la direction du charbonnage du Gouffre à Châtelineau. Un mariage avec la fille d’une famille de banquiers montois, les Hennekinne-Briard (1824) favorise le développement de ses activités. Ouvert aux innovations techniques, il n’hésite pas à prendre en charge la construction de nouvelles voies de communication (comme la route de Châtelineau à Farciennes).

S’il ne partage pas le même intérêt que son père et son frère à l’égard de la politique, et s’il ne monte pas aux barricades lors des Journées de Septembre 1830, Jean Baptiste Gendebien se laisse cependant élire, en novembre 1830, dans l’arrondissement de Charleroi. Au Congrès national (1830-1831), il siège par conséquent aux côtés de son père et de son frère, et s’il prend part à une série de votes, il ne monte guère à la tribune.

Davantage attiré par le monde de l’industrie et de la finance, Jean Baptiste rachète la totalité des parts d’Alexandre dans les entreprises familiales, ainsi que celles de ses sœurs (1831) ; il se retrouve ainsi à la tête d’un nombre impressionnant d’exploitations. En 1835, le charbonnage de Châtelineau constitue sa part dans la constitution, avec la Société générale, de la SA des Hauts Fourneaux, Usines et Charbonnages de Châtelineau, où l’on retrouve aussi notamment John Cockerill et Gustave Pastor. En juin 1851, avec le soutien de la Société générale, toutes les exploitations des Gendebien dans le pays de Charleroi sont rassemblées au sein de la « Société anonyme des Charbonnages réunis, à Charleroi », qui, avec un capital de près de 7 millions de francs de l’époque, constitue l’une des plus grandes fusions de la région (sont ainsi réunies les anciennes sociétés charbonnières de Mambourg et Bawette, Belle-Vue, Sablonnière, Lodelinsart et Sacré-Français).

Administrateur de cette société, Jean-Baptiste Gendebien l’est également des Charbonnages d’Oignies-Aiseau, des Char¬bonnages belges, des Charbonnages d’Agrappe et Grisoeuil. Installé d’abord à Farciennes, puis à Bruxelles rue Neuve, il diversifie ses activités en étant également partie prenante dans le Chemin de Fer de Dendre et Waes, la Sucrerie de Farciennes et de Tergnée, dans des Moulins bruxellois, les Galeries Saint-Hubert à Bruxelles ou dans le secteur du bois. Il préside aussi quelques années la Chambre de commerce de l’arrondissement de Charleroi.

Sources

Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse
Jules GARSOU, Alexandre Gendebien. Sa vie. Ses mémoires, Bruxelles, René Van Sulper, 1930
Jean-Louis DELAET, dans Ginette KURGAN, Serge JAUMAIN, Valérie MONTENS, Dictionnaire des patrons en Belgique, Bruxelles, 1996, p. 304-306

Gendebien Alexandre

Politique

Mons 04/05/1789, Bruxelles 06/12/1869

Le nom d’Alexandre Gendebien est étroitement lié aux Journées de Septembre 1830. Avocat inscrit au barreau de Bruxelles (1811), jurisconsulte, opposant de Guillaume d’Orange et partisan d’une union des catholiques et des libéraux, ce Montois prend d’ailleurs une part active dans les événements qui donnent naissance à la Belgique, d’août 1830 à juillet 1831. Rêvant d’une réunion à la France depuis la Révolution de Juillet, partisan d’une formule de séparation administrative lorsqu’il rencontre Guillaume d’Orange en tant que représentant des provinces du sud (fin août), il se rallie à la formule de l’indépendance à partir du 26 septembre, au moment où il devient l’un des ministres du gouvernement belge provisoire, avec Charles Rogier, Sylvain Van de Weyer et Emmanuel d’Hooghvorst. À plusieurs reprises, il est envoyé en mission à Paris pour négocier le nouveau statut de la Belgique, sans obtenir le résultat qu’il espérait.

Président du Comité Justice, Alexandre Gendebien est élu pour le Congrès tant par les électeurs de Bruxelles que par ceux de Mons (3 novembre). Celui qui a étudié à Tournai et à Bruxelles choisit les suffrages de Mons, sa ville natale, et retrouve au Parlement tant son père Jean-François, élu de Soignies, que son frère Jean-Baptiste, élu de Charleroi, et son beau-père, le Tournaisien Antoine Barthélemy, élu de Bruxelles.

Ralliant des formules dites réalistes en dépit de certains de ses principes, Alexandre Gendebien vote tour à tour pour l’indépendance de la Belgique, pour la monarchie, pour l’exclusion perpétuelle des Orange-Nassau du pouvoir en Belgique, contre la création d’un Sénat, contre l’élection à vie des parlementaires, en faveur du duc de Nemours comme roi des Belges, ainsi que pour tous les articles de la nouvelle Constitution, à la rédaction de laquelle il prit une part minime en raison de ses missions diplomatiques.

Éphémère ministre de la Justice sous la Régence de Surlet de Chockier, et premier président de la Cour supérieure de Bruxelles (1831), il fonde, anime et préside l’Association nationale belge, groupement destiné à faire pression sur les négociations internationales (conférence de Londres) : Gendebien est un farouche opposant à la formule de rétrocession des territoires du Limbourg et du Luxembourg. Dans un discours célèbre (juillet 1831), il s’oppose fermement au Traité des XVIII articles et il prend une part active comme volontaire présent sur le terrain durant la brève campagne militaire d’août 1831.

Député de Mons (1831-1839), chef d’un courant qualifié de gauche à la Chambre, il refuse obstinément que le Limbourg et le Luxembourg soient sacrifiés sur l’autel des négociations internationales ; il entre aussi en conflit, parfois violent, avec ses anciens amis des Journées de Septembre 1830 et finit par se brouiller avec Devaux (après un duel), Lebeau (après le dépôt d’un acte d’accusation), mais aussi avec de Brouckère, de Gerlache, Nothomb et Rogier. Lors de la discussion de la loi communale (juillet 1834-mai 1835), Gendebien se montre favorable à accorder la plus large liberté municipale possible, plaide pour la publicité obligatoire des séances, pour la suppression de tout cens d’éligibilité, et pour l’élection directe du bourgmestre et des échevins. Rarement, faut-il le dire, il est suivi dans ses choix les plus radicaux.

Refusant les nominations dans la magistrature qui lui sont proposées, Alexandre Gendebien finit par se lasser des débats parlementaires et, surtout, il ne peut supporter l’imposition du Traité des XXIV Articles contre lequel il n’a cessé de combattre : « il est déplorable qu’au moment d’abandonner 400.000 Belges on ne veuille pas nous donner le moyen de justifier cet abandon qu’on a appelé à juste titre un fratricide (…) ». À l’heure du vote (19 mars 1839), faisant allusion au nombre d’habitants « sacrifiés » du Limbourg et du Luxembourg, Gendebien s’écrie : « Non, trois cent quatre-vingt mille fois non, pour trois cent quatre-vingt mille Belges que vous sacrifiez à la peur ». Avec fracas, il donne sa démission de député et quitte définitivement l’assemblée ; il renoncera aussi à son mandat de conseiller communal de Bruxelles (1830-1848) et de bâtonnier de l’ordre des avocats.

Succédant à Antoine Barthélémy comme receveur général, il se consacre alors à l’administration des hospices et à quelques exercices d’écriture afin de laisser une trace de ses mémoires. Sa fortune était en partie assurée par les participations que sa famille possède dans une série de charbonnages à la suite des acquisitions de Jean François Gendebien (1753-1838), le père d’Alexandre et de Jean-Baptiste, et fondateur de la dynastie des Gendebien.

Sources

Théodore JUSTE, dans Biographie nationale, t. 7, col. 577-586
Jules GARSOU, Alexandre Gendebien. Sa vie. Ses mémoires, Bruxelles, René Van Sulper, 1930
Jean-Louis DELAET, dans Ginette KURGAN, Serge JAUMAIN, Valérie MONTENS, Dictionnaire des patrons en Belgique, Bruxelles, 1996, p. 304-306

Gendebien Jean Francois

Politique, Révolutions, Socio-économique, Entreprise

Givet 21/02/1753, Mons 04/03/1838

Considéré comme le fondateur de la dynastie familiale, Jean François Genbebien s’est distingué au tournant des XVIIIe et XIXe siècles tant par ses activités politiques que dans le monde de l’industrie charbonnière. Père d’Alexandre et de Jean Baptiste, il a contribué à la transformation des institutions politiques de son temps et, investisseur averti, n’a pas manqué de contribuer au démarrage de la révolution industrielle en pays wallon.
À l’instar de son père, qui exerce comme avocat en principauté de Liège, Jean François Gendebien se destine au Droit qu’il étudie à Liège, à Vienne ainsi qu’à Paris et à Louvain (1777), avant de se fixer à Mons. Avocat auprès du Conseil souverain du Hainaut (1779), occupé à la défense des intérêts de la maison d’Arenberg, il se mêle des affaires de la cité dès qu’il obtient le droit de nationalité du Hainaut. Tour à tour greffier échevinal du magistrat de Mons et membre des États de Hainaut (1786), le beau-fils du lieutenant-châtelain de la ville de Mons exprime clairement son opinion sur les efforts de modernisation à introduire pour améliorer l’administration du comté, soumis aux Habsbourg d’Autriche.

En désaccord avec les réformes de Joseph II, il est destitué et emprisonné au moment où éclate la Révolution brabançonne. À peine libéré (fin 1789), il est choisi comme l’un des neuf délégués du Hainaut au Congrès des États-généraux et il participe à la rédaction de la Proclamation des États-Belgiques-Unis, créant un nouvel état indépendant sous la forme d’une république fédérale (11 janvier 1790). En raison de la modération de ses idées, il préside le Congrès à diverses reprises et est chargé de négocier les conditions d’une réconciliation avec Vienne (fin 1790). Jouant la carte autrichienne contre les Français, il ne s’enthousiasme pas lors de la venue des troupes de Dumouriez et, au moment de la seconde restauration autrichienne, il est nommé membre du Conseil communal de Mons et conseiller-pensionnaire des États de Hainaut (juin 1793-juin 1794). Par conséquent, après Fleurus, Gendebien juge prudent de s’exiler en Allemagne (1794-1796), avant, finalement, de reprendre son activité d’avocat dans le chef-lieu du département de Jemmapes et d’intendant auprès de la famille d’Arenberg.

De plus en plus, il s’intéresse au commerce et à l’industrie, en particulier à un secteur qui lui semble promis à un bel avenir : les houillères. Progressivement, il acquiert des participations ou devient seul propriétaire : à la fin de sa vie, il sera à la tête d’une quinzaine de charbonnages dans le Namurois et les bassins de Charleroi, du Centre et du Borinage, se montrant particulièrement satisfait de disposer dans son portefeuille les sites du Gouffre, du Roton et de Monceau-Fontaine. Patron éclairé, il n’hésite pas à investir quand les machines à vapeur deviennent indispensables.

Pour défendre les intérêts d’un secteur nouveau et en expansion, J-Fr. Gendebien remet le pied à l’étrier de la politique : nommé membre du Conseil général du Département de Jemmapes (1800), il entre aussi au conseil municipal de Mons, avant d’être élu à la présidence du Tribunal de Ière Instance de Mons. De 1804 à 1813, il siège au Corps Législatif de France, où il ne se signale que dans la défense des intérêts du secteur des houillères de son département (co-auteur de la loi de 1810 sur les mines). Il publie alors plusieurs brochures juridiques sur le sujet.
Attentif à l’évolution du monde, Gendebien entretient de longue date des contacts avec les « Hollandais » ; dès lors, en 1815, il est invité à prendre part aux travaux de la Commission chargée de préparer la Loi fondamentale du nouveau Royaume-Uni des Pays-Bas, avant d’être désigné par Guillaume Ier comme membre de sa « Deuxième Chambre » (1815). Esprit indépendant, Gendebien s’avère cependant un parlementaire critique à l’égard de la politique royale et, en 1821, son siège lui est retiré.

L’attitude de ses deux fils dans les Journées de Septembre 1830 le ramène, à 77 ans, aux affaires publiques. Membre de la Société de la Constitution, à Mons (octobre 1830), désigné à la présidence du Tribunal de Ière instance par le gouvernement provisoire, il est plébiscité par les électeurs de l’arrondissement de Soignies pour les représenter au Congrès national (novembre) ; il y rejoint ses deux fils. Il s’y montre en faveur de l’indépendance de la Belgique, pour la monarchie, pour l’exclusion perpétuelle des Orange-Nassau du pouvoir en Belgique, contre la création d’un Sénat, contre l’élection à vie des parlementaires, en faveur du duc de Nemours comme roi des Belges, ainsi que pour tous les articles de la nouvelle Constitution, à la rédaction de laquelle il ne prend qu’une part minime.

Au moment de la dissolution du Congrès national, J-Fr. Gendebien ne brigue pas le renouvellement de son mandat parlementaire. Rentré à Mons, il siège au Conseil communal et préside le Tribunal de Ière Instance jusqu’à son décès, tout en dirigeant le Comité de secours des réfugiés politiques (jusqu’en 1834). Quant à ses charbonnages, ils sont désormais entre les mains de son fils, Jean-Baptiste.

Sources

A. ALVIN, dans Biographie nationale, t. 7, col. 576-577
Luc FRANÇOIS, dans Nouvelle Biographie nationale, t. II, p. 188-190
Jean-Louis DELAET, dans Ginette KURGAN, Serge JAUMAIN, Valérie MONTENS, Dictionnaire des patrons en Belgique, Bruxelles, 1996, p. 304-306

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Gavage Louis

Socio-économique, Entreprise

Liège 1885, Esneux 00/04/1965

En Wallonie, Louis Gavage peut sans conteste être rangé parmi les pionniers de la protection de la nature. Son engagement remonte aux années vingt et, pendant plus de quarante ans, il ne va jamais cesser sa contribution à la préservation de sites naturels exceptionnels, tout en nourrissant un mouvement d’idées beaucoup plus large, sensible à la préservation de l’environnement.

Avant la Grande Guerre, ce Liégeois développe des activités professionnelles dans le secteur de l’industrie du zinc. Soucieux d’étendre vers l’extérieur les marchés des industriels du pays de Liège, il crée, avec d’autres jeunes patrons liégeois pratiquant l’espagnol, ainsi qu’avec un ressortissant espagnol et un Équatorien, « l’Espagnol Club », dont il est le secrétaire (1908). L’association organise des conférences afin de mieux faire connaître la langue de Cervantès, ainsi que tous les pays où elle est pratiquée dans une perspective économique. 

À partir du printemps 1910, le club se transforme et devient la Société d’Expansion belge vers l’Espagne et l’Amérique du Sud. Tout en poursuivant des cycles de conférences en espagnol, cet organisme de diffusion économique vise à favoriser les relations avec ces pays dans les domaines scientifique, commercial et industriel (par exemple, par l’envoi ou l’accueil d’étudiants) ; en 1912, quand Gavage accède à la présidence de la SEBEAS, elle compte 800 membres dont « tous les Ministres des républiques sud-américaines à Bruxelles ». 

Afin de pouvoir commercer aussi avec le Brésil, Gavage multiplie les démarches pour ouvrir un cours de portugais à Liège, haut lieu de la révolution industrielle.

Chargé du consulat de Colombie à Liège (1914-1930), co-fondateur du Cercle consulaire du pays de Liège sous l’occupation allemande, Louis Gavage possède une résidence d’été à Ham, près d’Esneux, au cœur de la boucle de l’Ourthe. 

Après l’Armistice, il s’inquiète des projets immobiliers et des menaces qui pèsent sur la vallée de l’Ourthe et sur celle de l’Amblève. Se souvenant des Fêtes de l’Arbre des années 1905 à 1910, il alerte le journaliste Léon Souguenet, qui lui conseille de prendre contact avec René Stevens, animateur de la Ligue des Amis de la Forêt de Soignes. Prenant exemple sur le groupement brabançon créé en 1909, Gavage donne naissance au Comité pour la Défense de l’Ourthe (esneutoise) (24 septembre 1924) ; un rapport est envoyé dans le même temps à la Commission royale des Monuments et des Sites. Président de l’Association pour la Défense de l’Ourthe, appellation définitivement adoptée (ADO), Gavage va mener pendant plus de quarante ans un combat incessant pour la défense de la nature.

Sans jamais ménager son temps, il envoie des milliers de lettres, rédige des rapports, organise des pétitions et surtout mobilise les journalistes. Son ADO bénéficie constamment du patronage de l’ensemble de la presse belge, toujours prompte à relayer un avis ou une alerte de ce dynamique président. Sans se mêler de politique, mais sensible au discours de l’auteur de La colline inspirée, Louis Gavage dispose de relais dans divers partis et parvient également à mobiliser de très nombreuses communes autour de Tilff-Esneux quand le besoin s’en fait sentir. Durant près de 200 numéros entre 1928 et 1963, il assure aussi la publication d’un bulletin trimestriel fort bien documenté et où il développe l’argumentaire de ses dossiers.

Régulièrement traité de farfelu, d’idéaliste et d’autres compliments soulignant la naïveté de son combat en faveur de la nature, Louis Gavage rappelle volontiers son statut d’industriel – dans l’Entre-deux-Guerres, la société de Gavage est devenue le concessionnaire exclusif d’une marque d’aspirateur pour cheminées. De ce fait, il souligne que son combat ne néglige nullement les considérations économiques. Chacune de ses réfutations s’appuient systématiquement sur des avis formulés par des spécialistes (urbanistes, agents des eaux et forêts, ingénieurs, etc.) qu’il sollicite personnellement. 

Dès 1928, il émet l’idée de faire de la région de l’Ourthe liégeoise un parc naturel à proximité de Liège, à l’instar du bois de la Cambre ou de la forêt de Soignes pour Bruxelles, les domaines de Wilrijck et Deurne pour Anvers. Réclamant la reconnaissance du parc naturel Esneux-Tilff, notamment pour protéger la boucle de l’Ourthe, il s’oppose à l’extension de fours à chaux, à l’installation d’une laiterie industrielle, à un projet immobilier, à plusieurs projets de construction de barrages, à l’établissement de pylônes électriques, etc. Sa réputation est telle qu’en 1948 il est l’un des membres fondateurs de l’Union internationale pour la protection de la nature (Congrès de Fontainebleau). Quant au Conseil économique wallon, créé par des militants wallons au sortir de la Seconde Guerre mondiale, il sollicite Gavage pour son expertise sur les questions des routes, des chemins de fer, des canaux, des chemins de fer vicinaux et de l’économie régionale.

En 1933, sur une idée lancée par Souguenet un an plus tôt, Gavage relance le projet d’une fête annuelle de l’arbre à Esneux. Après quelques éditions, l’élan est interrompu ; la Fête sera relancée en 1947, connaîtra des éditions épisodiques jusqu’en 1955, avant que décision soit prise d’une organisation tous les 5 ans. Après la Libération, Gavage contribue à faire émerger le projet d’un code de l’urbanisme applicable à l’ensemble du territoire de la Belgique ; une loi est adoptée en 1962. Avec la régionalisation introduite en 1980, la loi de 1962 deviendra le CWATU, tandis que la loi de 1931 sur le patrimoine est abrogée au profit du décret de 1987 sur la protection du patrimoine culturel immobilier, lui-même remplacé en 1991 par un décret intégré dans le CWATUP. En 1936, Gavage avait obtenu que le bois de Beaumont (Esneux) soit classé comme site national intangible. En 1993, la Boucle de l’Ourthe est classée au Patrimoine exceptionnel de Wallonie.

Sources

Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse
Benjamin STASSEN, La Fête des Arbres. L’Album du Centenaire. 100 ans de protection des arbres et des paysages à Esneux et en Wallonie (1905-2005), Liège, éd. Antoine Degive, 2005, p. 77-178
Paul DELFORGE, Aux origines du Corps consulaire de la Province de Liège. Histoire des consulats établis à Liège de 1845 à 2015, Liège, 2015
Bulletin de l’Association pour la Défense de l’Ourthe, juillet 1928, n°1 – mars 1963, n°191

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Gauchez Maurice

Culture, Littérature

Chimay 31/07/1884, Saint-Gilles 24/11/1957

Auteur fécond, à la fois comme poète au début de sa vie, romancier régionaliste à partir des années 1920 et essayiste, Maurice Gauchez doit faire face à plusieurs clichés concernant son parcours littéraire. Le roman du grand veneur (inspiré par le pays de Chimay) est le livre le plus souvent attaché à son nom, tandis que l’étiquette d’écrivain de guerre lui est régulièrement accolée. Émile Lempereur retient pourtant Cacao (inspiré par Anvers) comme le meilleur d’une œuvre où il signe plusieurs « romans-frontières ». Comme dans Le roman du grand veneur, le pays de Chimay a inspiré Le Baron des Robaux, Tignasse, Timothée Flouque et L’Aventurier sans envergure. Avec Au cœur des Fagnes et La Grange au Bois (situé en Gaume), Gauchez visitera aussi d’autres régions du pays wallon.

Né Maurice Gilles, à Chimay en 1884, Maurice Gauchez restera toute sa vie fortement attaché à sa ville natale, bien qu’Anvers puis Bruxelles se soient imposées comme ses principaux lieux de vie. En effet, en 1890, le père de Maurice est désigné à l’Athénée d’Anvers en tant que professeur de mathématiques et c’est dans la métropole portuaire que Gauchez accomplit ses études ; à l’Athénée, le jeune étudiant publie ses premiers poèmes dans le journal de l’école (1899), avant que le quotidien Le Matin accueille ses premiers articles. Fondateur de La Jeune Revue avec Fernand Paul (1903), il publie son premier essai, La Poésie symboliste en choisissant son nom de plume définitif, Maurice Gauchez (1906). Secrétaire de la revue Le Thyrse, il est décidément davantage attiré par les lettres que par les chiffres ; engagé à la Caisse d’Épargne, il n’y fait pas long feu : seule l’écriture l’intéresse.

Quand survient la Grande Guerre, il se porte volontaire dans les rangs des autocanons, mais dans les combats de l’été 1914, il est fait prisonnier, et condamné à mort. Il parvient cependant à s’évader et à rejoindre le front de l’Yser. Durant les quatre années passées dans les tranchées, il se révèle un soldat résolu au combat, blessé à plusieurs reprises et même intoxiqué par les effets du gaz moutarde. Son expérience de vie nourrira certaines de ses œuvres littéraires publiées après l’Armistice (De la Meuse à l’Yser, ce que j’ai vu) : cette production ne doit cependant pas le réduire au seul statut d’« écrivain de guerre », même si, rattrapé par la Seconde Guerre mondiale, il y puisera le sujet d’autres livres.

Critique littéraire au Matin, professeur de français à Anvers, Gauchez collabore progressivement au Soir et, à la fin des années 1920, décide de s’installer à Bruxelles (Saint-Gilles), où il poursuit sa carrière de journaliste et d’enseignant, tout en animant la vie littéraire. En 1922, son Histoire des lettres françaises de Belgique des origines à nos jours est plusieurs fois primée. Ses préfaces, critiques et biographies des gens de lettres sont innombrables, autant que ses conférences ; peut-être ces exercices accaparent-ils le temps que le poète et l’écrivain aurait dû davantage consacrer à construire sa propre œuvre littéraire. D’autant que, responsable de la revue La Renaissance d’Occident, il anime aussi une maison d’édition et une troupe théâtrale qui compte à son répertoire de nombreuses œuvres d’avant-garde. Il fonde encore l’Association des écrivains belges anciens combattants.

Depuis 1994, un Prix littéraire Maurice et Gisèle Gauchez-Philippot est décerné à de jeunes écrivains belges ou étrangers de langue française. Lui-même avait obtenu le Prix Davaine de l’Académie française en 1918 pour Les Rafales, le Prix des Indépendants pour son poème Ainsi chantait Thyl (1919), les Prix De Kein et Prix Michaut pour son Histoire des lettres française de Belgique et le Prix Bouvier-Parvillez pour son roman Le Baron des Robaux.

Sources

Roger FOULON, Maurice Gauchez, Dossiers L, Marche-en-Famenne, Service du livre luxembourgeois, 2e trimestre 2000, 28 p.
Fernand DEMANY, Un poète belge : Maurice Gauchez, Bruxelles, La Renaissance d’Occident, 1923
Georges DOPAGNE, Maurice Gauchez, Bruxelles, 1937
Préface de Jean-Marie HOREMANS à la réédition du Roman du grand veneur, Mons, Tourisme et Culture-Hainaut. 1970

Œuvres principales

Simples croquis, poèmes, Éd. Lamertin, Bruxelles, 1907
Jardin d’adolescent, poèmes, Éd. Sansot, Paris, 1907
Émile Verhaeren, monographie, Éd. Le Thyrse, Bruxelles, 1908
Symphonies voluptueuses, poèmes, Éd. Larcier, col. La Belgique artistique et littéraire, Bruxelles, 1908
Le livre des masques belges, gloses et documents sur quelques écrivains d’hier, d’aujourd’hui et de demain, Éd. La Société nouvelle, Mons, t.1 : 1909, t.2 : 1911 (masques de Franz Gaillard, préface de J. Ernest-Charles)
Images de Hollande. La louange de la terre, poèmes, Éd. Lamberty, Bruxelles, 1911 (Ill. De Fons Van Beurden)
Paysages de Suisse. La louange de la terre, poèmes, Éd. Lamberty, Bruxelles, 1912 (Ill. D’Amédée Lynen et de G. Van Den Broeck)
Les poètes des gueux, anthologie du XIIe siècle à nos jours, Éd. Michaud, Paris, 1912 (choix et préface de Maurice Gauchez)
De la Meuse à l’Yser : ce que j’ai vu, témoignage, Éd. A. Fayard, Paris, 1914 (préface de Henri de Régnier)
Les rafales, poèmes, Éd. E. Figuière, Paris, 1917. Prix Davaine de l’Académie française
Ainsi chantait Thyl, poèmes, Éd. G. Crès, Paris-Zurich, 1918. Prix des Indépendants 1919
L’hymne à la vie, poèmes, Éd. La Renaissance d’Occident, Bruxelles, 1920
Histoire des lettres françaises de Belgique des origines à nos jours, Éd. La Renaissance d’Occident, Bruxelles, 1922. Prix De Kein et Prix Michaut
Romantiques d’aujourd’hui, essai, Éd. La Renaissance d’Occident, Bruxelles, 1924
Tous mes désirs sont les tiens, poèmes, Éd. de la Fourmi, Bruxelles, 1925
Chansons humaines, poèmes, Éd. Buschmann, Anvers, 1925
Cacao, roman, Éd. La Renaissance du Livre, Bruxelles, 1925
La maison sur l’eau, roman, Éd. La Renaissance du Livre, Bruxelles, 1926
Thyl, comédie en quatre actes, en vers et en prose, Éd. La Renaissance d’Occident, Bruxelles, 1927
À la recherche d’une personnalité, vingt-cinq essais sur des écrivains belges, Éd. La Renaissance d’Occident, Bruxelles, 1927
Le réformateur d’Anvers, roman, Éd. Burton, Anvers, 1928
Le roman du grand veneur, roman, Éd. La Renaissance du Livre, Bruxelles, 1929
Les muscles d’or, poèmes, Éd. La Renaissance d’Occident, Bruxelles, 1930
La servante au grand cœur, roman, Éd. La Renaissance du Livre, Bruxelles, 1931
L’Émigrant, roman et contes, Éd. La Renaissance du Livre, Bruxelles, 1933
Le Baron des Robaux, roman, Éd. Labor, Bruxelles, 1933. Prix Bouvier-Parvillez
Tanchelin, légende historique, Éd.. Imcomin, Anvers, 1935 (Ill. D’Ernest Heylens)
Marées de Flandre, roman, Éd. La Renaissance du Livre, Bruxelles, 1935
Au cœur des Fagnes, roman, Éd. Les Cahiers ardennais, Spa, 1935 (Préface d’Albert Bonjean et un portrait d’Ernest Heylens)
V.D.G. volontaire de guerre, roman, Éd. Union des Fraternelles de l’Arme de Campagne, Bruxelles, 1936
Tristontout, nouvelles, Éd. Lovanis, Louvain, 1937
Le démon, roman, Éd. La Renaissance du Livre, Bruxelles, 1937
Tignasse, roman, Éd. Neggor, Louvain, 1938
Par-dessus les moulins, roman, Éd. Neggor, Louvain, 1938
Hôtel de la paix, roman, Éd. Labor, Bruxelles, 1938
La grange-au-bois, roman, Éd. Braconnier, Florenville, 1939
Max Harry, vedette, roman, Librairie des Combattants, Bruxelles, 1940 (Ill. De J. M. Canneel)
Les espions du ciel, roman, Éd. de l’Étoile, Bruxelles, 1942
L’Entre-Sambre-et-Meuse, essai, Éd. Office de Publicité, Bruxelles, 1941
Camille Lemonnier, essai, Éd. Office de Publicité, Bruxelles, 1943
L’aventure sans envergure, roman, Éd. Les Auteurs associés, Bruxelles, 1943
La tempête, poèmes, Éd. Office de Publicité, Bruxelles, 1944
Quand soufflait l’ouragan, 5 tomes :
1. La ville nue
2. La geôle sous le soleil
3. L’armée du maquis
4. V. V. V.
5. On les a eus, romans, Éd. Wallens-Pay, Bruxelles, 1948

Le Zwin, poèmes, Éd. La Renaissance d’Occident, Bruxelles, 1951
Brume sur la vie, poèmes, Éd. La Renaissance d’Occident, Bruxelles, s.d.