Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam

Statue John COCKERILL

Décédé en 1840 lors d’une mission à Varsovie, John Cockerill laisse une société au bord de la banqueroute tant la diversification des activités est grande et peu maîtrisée. Une importante restructuration soutenue par le gouvernement conduit à la création, en 1842, de la Société Anonyme pour l’Exploitation des Etablissements de John Cockerill, placée sous la direction d’un cousin et neveu par alliance, Gustave Pastor. Les affaires reprennent fortement et la dette s’éteint progressivement. Placée sous la direction d’Eugène Sadoine à partir de 1865, la société connaît une année record en 1872-1873. 

Dans le même temps, le corps de John Cockerill a été embaumé par un médecin polonais et il faut attendre juin 1867 pour qu’il soit rapatrié au cimetière de Seraing. Tandis que la ville de Liège choisit de donner le nom de Cockerill à l’une de ses places, Seraing lance une souscription publique pour élever une statue de fer en l’honneur de son exceptionnel capitaine d’industrie. La conjoncture est plus favorable qu’en 1840. Plus de 50.000 francs sont réunis en subsides communaux et gouvernementaux. Un concours est lancé ; deux sculpteurs sont invités à présenter une maquette et celle d’Armand Cattier (1830-1892) est retenue.

Français né à Charleville et installé à Bruxelles où il a fait ses études à l’Académie, il a eu Louis Jéhotte comme professeur et a fréquenté l’atelier d’Eugène Simonis. Répondant à de nombreuses commandes publiques (hôtel de ville de Bruxelles, les Boduognat, Ambiorix et Vercingétorix pour les portes des fortifications d’Anvers, et bien d’autres allégories souvent du travail voire du progrès) ou privées (bustes), Cattier réalise par ailleurs d’initiative des œuvres inspirées par l’antiquité ou la vie populaire. Parmi les références qu’il peut présenter avant de réaliser la statue de John Cockerill figure une petite statuette en bronze, intitulée Mémorial de l’épidémie de choléra de 1866 (Bruxelles, 1867).

Désigné par les autorités sérésiennes, Armand Cattier livre « une statue de bronze de John Cockerill, la jambe gauche en avant, la main gauche soutenant le coude droit, la main droite soutenant le menton. Derrière lui, un billot contre lequel est appuyée une roue dentée, supporte une enclume enveloppée d’une large feuille (probablement un plan) ». Le bronze est signé sur une partie plate de l’enclume (Armand Cattier / 1870) et « la marque de fonderie (des Bronzes à Bruxelles / Directeur Alph. Verhaeren) se trouve sur un pan de la terrasse, du côté de la roue dentée » (Heirwegh). Le tout prend place sur un socle de petit granit dont la face avant porte le blason de Cockerill, avec ses cinq coqs et sa devise « Courage to the last ». Sous le blason, apparaît sobrement l’inscription gravée dans la pierre :« John Cockerill 1790 – 1840 ».

Par rapport aux statues réalisées précédemment, celle de Cockerill innove totalement par la présence d’une nouvelle iconographie. Sur le côté droit du socle, l’inscription Intelligence est en effet encadrée des figures en pied, réalisée en fonte, d’un Puddleur et d’un Ajusteur, et sur le côté gauche, l’inscription Travail est complétée par les figures d’un Houilleur et d’un Forgeron. D’une hauteur de 2 mètres environ, ces quatre ouvriers identifiables par leurs vêtements et leurs outils constituent une réelle nouveauté dans l’art monumental public de la région. On observera encore qu’à l’avant du monument, au sol, se trouve une grande pierre rectangulaire où apparaît en lettres de bronze le nom de John Cockerill. À l’arrière, un médaillon de bronze a été ajouté en 1885 en hommage à Hubert Brialmont, ingénieur de la société. Un petit parc fleuri, avec des grilles basses, entoure le monument devant lequel on inhuma en 1947 les restes de John Cockerill. 

On observera que si ce dernier a droit à une statue à Seraing et une autre à Ixelles, ainsi que son nom attribué à une rue ou à une place dans trois villes wallonnes, on ne trouve aucune trace à Verviers où William Cockerill était arrivé à la fin du XVIIIe siècle.

 

 

Monument John Cockerill

Hugo LETTENS, La sculpture de 1865 à 1895, dans Jacques VAN LENNEP, La sculpture belge au 19e siècle, Bruxelles, CGER, 1990, t. 1, p. 87
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 198
Jacques VAN LENNEP, La sculpture belge au 19e siècle, catalogue, t. 2, Artistes et Œuvres, Bruxelles, CGER, 1990, p. 317-318
Jean-Jacques HEIRWEGH, Patrons pour l’éternité, dans Serge JAUMAIN et Kenneth BERTRAMS (dir.), Patrons, gens d’affaires et banquiers. Hommages à Ginette Kurgan-van Hentenryk, Bruxelles, Le Livre Timperman, 2004, p. 434 et 441-452
Suzy PASLEAU, dans Mémoires de Wallonie, Les rues de Louvain-la-Neuve racontent…, Luc COURTOIS (dir.), Louvain-la-Neuve, Fondation Humblet, 2011, p. 123
Robert HALLEUX, Cockerill. Deux siècles de technologie, Liège, éd. du Perron, 2002
Suzy PASLEAU, John Cockerill, Itinéraire d’un géant industriel, Liège, éd. du Perron, 1992, p. 73
Ed. MORREN dans Biographie nationale, t. 4, col. 230-239
 

 

 

Place de l’Hôtel de ville

4100 Seraing

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Paul Delforge

Christine Jongen

Statue Childéric

Statue de Childéric, réalisée par Christine Jongen, avril 2004.

Bénéficiant d’un financement inscrit dans le cadre du Phasing out de l’Objectif 1, la ville de Tournai entreprend de valoriser davantage son patrimoine historique, au-delà du beffroi, de la cathédrale et du Pont des Trous. Via l’Intercommunale Ideta qui est le maître d’œuvre, un plan stratégique privilégie en effet depuis 1995 le développement touristique du Hainaut. Se concentrant sur le cœur historique de Tournai, les autorités locales confient à l’artiste plasticienne Christine Jongen (1949-) le soin de mettre en place une quinzaine de statues en bronze dans un parcours d’interprétation à travers la « Cité des cinq Clochers ». 

Ces statues sont les étapes marquantes d’un circuit fortement balisé par une signalétique particulière. Touristes comme habitants de la cité sont ainsi invités à une promenade de deux heures, jalonnées de 43 étapes. Afin de garantir la qualité de l’initiative communale, le bourgmestre, Roger Delcroix, a confié à un comité scientifique composé d’historiens, d’archéologues et de spécialistes des traditions locales la mission d’encadrer le projet. 

Répondant aux critères souhaités, Christine Jongen implante quinze statues sur les trottoirs de Tournai, entre la Grand-Place, l’Escaut, la Tour Saint-Georges et le Fort Rouge. De cette initiative, toutes les étapes ne sont pas restées intactes quelques années plus tard. Étant réalisées en bronze, les statues sont malheureusement convoitées par des ferrailleurs peu scrupuleux qui ne leur reconnaissent qu’une valeur de refonte, estimation bien dérisoire à côté de leur valeur artistique. Durant l’été 2011, la statue de Childéric a été sciée de son mât et dérobée ; les malfrats ont été appréhendés, mais l’œuvre n’est pas retournée place de Nédonchel.

Née à Bruxelles, formée en psychologie à l’Université libre de Bruxelles, Christine Jongen travaille comme journaliste à l’hebdomadaire Notre Temps (1975-1976), avant de se consacrer entièrement à la sculpture. Après une formation en terre cuite à l’École supérieure des Arts plastiques et visuels de Mons (chez Ch. Leroy), elle se perfectionne à l’Académie de Varsovie (chez Gustave Zemla). Laissant son inspiration se nourrir aux sources les plus variées, de la Renaissance européenne aux grandes traditions asiatiques ou d’Amérique, elle s’oriente vers la peinture abstraite quand elle s’installe en France au début des années 1980. Menant aussi une réflexion continue sur l’art dans son essai À la recherche de formes, paru pour la première fois à la fin les années 1980, elle présente ses œuvres à plusieurs reprises (Paris, Bruxelles, Genève, Bordeaux, Bézier, Montréal, Rome, Barcelone, Avignon, Padoue, etc.) et dans divers salons d’art français (2000-2003).

Pour le projet tournaisien, Christine Jongen crée quinze statues, en bronze, de 70 à 75 centimètres de haut, qui toutes sont déposées sur des piliers de 2,8 m de haut. Coulées dans les ateliers de la fonderie Francart, à Crisnée, les statues sont autant de références au passé de Tournai, évoquant des fonctions (chanoine, évêque) ou des « activités » (tailleurs de pierre, portier, arbalétrier), comme des personnages historiques. Inévitablement, Childéric a été retenu à côté de Louis XIV, Pasquier Grenier et Bruno Renard.
D’une taille de 70 centimètres environ, la statue de Childéric présente le roi des Francs debout, s’appuyant légèrement sur son épée. Les rares objets conservés du fameux trésor de Childéric inspirent les vêtements du roi couronné ; l’artiste a en effet retenu des abeilles comme motifs des habits royaux. Dix ans après l’inauguration des quinze statuettes, quelques-unes ont (provisoirement ?) disparu. C’est le cas du Childéric qui a abandonné la place Nédonchel sans laisser d’adresse.


Sources:

Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse (dont NordEclair, août 2011)
http://christine.jongen.pagesperso-orange.fr/GrilleJongen.htm (s.v. décembre 2013)
http://www.badeaux.be/Balisages/Bal5/Site15/Site15.html 
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 770

 

Statue de Childéric


 

Place de Nédonchel 
7500 Tournai

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Paul Delforge

Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Stèle CHÂTEAUBRIAND

Sur les hauteurs du village de Bande, dans un endroit particulièrement isolé, le lieu-dit Au Zéro accueille depuis 1948 une borne en souvenir de François-René vicomte de Châteaubriand (Saint-Malo 1768 – Paris 1848). Précurseur du romantisme français, grand nom de la littérature française, Châteaubriand évoque explicitement dans ses Mémoires d’outre-tombe le périple qui le conduit de Longwy à Namur, puis à Bruxelles et finalement à Jersey.

Dans ses jeunes années, celui qui n’a pas encore la notoriété que lui vaudront Atala (1801), René (1802), Génie du christianisme (1802) et ses Mémoires d’outre-tombe (1848) est un lieutenant au service du régiment de Navarre, qui arrive à Paris en 1788, participe aux États de Bretagne et, après avoir effectué un périple dans Le Nouveau monde retrouve Saint-Malo (mars 1792), avant de partir pour Paris « offrir son épée à Louis XVI » ; mais en juillet, fuyant la Terreur, il décide de rejoindre l’armée des émigrés à Coblence (juillet), en passant par Lille, Tournai, Bruxelles et Liège. 

Engagé dans les armées favorables au retour du roi de France contre les armées de la jeune République, Chateaubriand participe au siège de Thionville (août) et arrive à Verdun où, comme l’ensemble de la troupe il attrape ce qu’il appelle « la maladie des Prussiens». 

L’armée de Condé étant licenciée, Châteaubriand obtient son congé le 16 octobre à Longwy et gagne directement Arlon. Il cherche alors à sortir de la République par le Nord et à gagner Jersey via Ostende, pour rejoindre les royalistes en Bretagne. Atteint aussi par la petite-vérole, Châteaubriand entreprend de traverser à pied le pays wallon ; il évoque explicitement Attert, Flamisoul et un endroit nommé Bellevue atteint après six jours de voyage effectué de charrettes en charrettes.

Désormais, il se retrouve seul et obligé de marcher, s’appuyant sur une béquille. Gagné par la fièvre et la fatigue, celui qui tient dans sa besace les premiers pages d’Attala s’évanouit soudain au bord du chemin et la mort l’eut cueilli si des hommes du Prince de Ligne ne l’avaient ramassé et ramené à la vie. Une fois soigné, il gagne Namur où il est aidé par de nombreuses habitantes de la cité, Bruxelles et Jersey convalescent. 

Châteaubriand met alors un terme à sa carrière militaire. Il vit ensuite à Londres jusqu’en 1800 et y publie son premier ouvrage, un essai historique mais surtout politique. De retour à Paris, il y dirige le Mercure de France et y publie ses premières œuvres déjà citées, de même que son Itinéraire de Paris à Jérusalem, dont il a trouvé l’inspiration lors d’un périple dans l’est de la Méditerranée en 1806.

En lisant avec attention le chapitre 1 du livre 10 des Mémoires d’outre-tombe, on ne trouve à aucun endroit une mention explicite du lieu-dit Au Zéro. C’est pourtant dans ce coin perdu qu’est inaugurée la stèle Châteaubriand, le 21 août 1948, soit quasiment un siècle, presque jour pour jour, après la mort de l’écrivain (4 juillet 1848). Pour l’occasion s’est déplacé un aéropage de personnalités dont le ministre C. Hysmans, l’ambassadeur de France à Bruxelles, ainsi que de nombreux écrivains et amis des lettres dont Carlo Bronne, Thomas Braun, Gustave Charlier et bien sûr Pierre Nothomb, président de l’Académie luxembourgeoise depuis le 25 avril 1948. Après avoir commémoré en 1947 le passage de Pétrarque en Ardenne, la dite Académie plante dans le sol wallon une nouvelle « borne au sceau du génie latin ».

Comment l’Académie a-t-elle identifié l’endroit ? Cela reste un mystère, même si aujourd’hui les offices du tourisme, se référant à Émile Tandel, affirment que Châteaubriand fit halte au Zéro, dans ce petit hameau qui comptait alors trois maisons dont une auberge. Placé sur l’ancienne voie de circulation nommée « Vieille Pavée » ou « Route Marie-Thérèse », le bourg aujourd’hui disparu avait déjà vu s’arrêter l’impératrice Marie-Thérèse d’Autriche lors d’un périple sur ses terres d’en bas. À son tour, Châteaubriand est accueilli, logé et surtout soigné en ce lieu qui, en 1948, est surtout reconnu comme un haut lieu de la Résistance active durant la Seconde Guerre mondiale. Au-delà de la localisation, on peut aussi s’interroger sur la nature du message véhiculé par cette simple stèle de schiste, où les mentions sont réduites au minimum :

CHÂTEAUBRIAND
1792

L’Académie luxembourgeoise voulait-elle célébrer le lieu de (re)naissance de Châteaubriand, écrivain en devenir alors au bord de la mort ? Entendait-elle rendre hommage dans un même ensemble à la Résistance, à la France (représentée officiellement par l’ambassadeur et comte de Hautecloque) et à Léopold III ? On peut le supposer en ces années d’immédiat après-guerre marquées notamment par la question royale, même si la valorisation du Luxembourg est au cœur de la reconstitution historique réalisée par les Compagnons de Saint-Lambert, à l’occasion de l’inauguration officielle du monument.


Sources:

Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse
La Vie wallonne, 1948, III-IV, n°243-244, p. 276-277
Émile TANDEL, Les communes luxembourgeoises, 1870
http://www.tourisme-marche-nassogne.be/fr/decouvertes-a-loisirs/patrimoine-et-nature/item/17820-lieu-dit-au-zero-et-stele-chateaubriand (s.v. mars 2015)
http://www.ebooksgratuits.com/ebooksfrance/chateaubriand_memoires_outre-tombe.pdf
Les Cahiers de l’Académie luxembourgeoise, Chronique 1938-1958, Arlon, Fasbender, 1959, nouvelle série 1, p. 16

 

Stèle Châteaubriand (Bande - Champlon)

 
 

 

Au Zéro – route de Lignières 
6951 Bande (Champlon)

carte

Stèle en souvenir de Châteaubriand, réalisée à l’initiative de l’Académie luxembourgeoise, 21 août 1948.
 

Paul Delforge

Paul Delforge

Charlier Jambe de Bois

Bas-relief en l’honneur de Charlier Jambe de Bois, réalisé par Servais Detilleux, 14 mai 1939.

Apposé sur la façade d’une maison des hauteurs de Liège, le bas-relief représentant Jean-Joseph Charlier (1794-1866), passé à la postérité sous le nom de Charlier dit la Jambe de Bois, le montre à côté de son célèbre canon, dans ses habits caractéristiques de l’imagerie populaire pour illustrer les événements de 1830. Tandis qu’il est fort justement représenté avec son handicap à la jambe droite, une chaîne brisée sur une borne symbolise son combat pour la liberté. La partie illustrée du bas-relief a été très travaillée par Servais Detilleux qui représente de façon elliptique des briques, maisons et pavés pour évoquer les combats de Bruxelles. En contre-bas, sur une surface plane, se détache le simple texte suivant :

J. J. CHARLIER
DIT « JAMBE DE BOIS »
1794 – 1866

Né au moment où l’ancienne principauté de Liège était sur le point d’être annexée à la France, soldat au service de Napoléon (1813), il a combattu en « Allemagne » et à Waterloo. Ce serait sur ce champ de bataille que le Liégeois aurait été blessé ; mal soignée, sa jambe se serait infectée alors qu’il était rentré à Liège et on dut l’amputer pour stopper la gangrène. À partir de 1818, il perçoit d’ailleurs une petite pension de l’État en raison de son handicap. Celui-ci ne l’empêche pas d’être parmi les premiers volontaires liégeois prêts à en découdre avec les « Hollandais » en 1830. Avec son canon surnommé « Willem », Charlier dit Jambe de Bois prend une part active aux journées décisives de la Révolution belge (23-27 septembre)

Homme de condition modeste, simple tisserand à l’origine, il incarne les volontaires liégeois qui, comme d’autres Wallons, sont venus faire la Révolution dans les rues de Bruxelles.

L’hommage est rendu à l’initiative de la « Société royale les R’Jettons des combattants di 1830 », comme l’atteste une plaque apposée sous le bas-relief :

STE RALE LES R’JETTONS DI 1830
PRESIDENT JULES VAN MULEN
COMITE D’HONNEUR MME F. DUPONT
MRS A.BUISSERET – C. LOHEST
ET MME VANNERUM
14 – 5 - 1939

Cette société a été constituée à Liège en 1901 et avait son local au 109 de la rue Pierreuse…
Quant à Servais Detilleux (Stembert 1874 - Bruxelles 1940), l’auteur du bas-relief,  il n’a pas croisé la route de Charlier Jambe de Bois, mais son enfance a dû être bercée par les exploits du « héros de 1830 » ; formé à l’Académie de Liège (1891-1896, 1899-1900), il fréquente aussi J. Portaels et Ch. Van der Stappen à Bruxelles. Surtout peintre et dessinateur, mais aussi sculpteur, il privilégiait les paysages, les scènes historiques, les vues de ville, tout en réalisant des nus et des portraits, notamment d’hommes politiques, voire de Léopold II.

Sources:

Bas-relief Charlier Jambe de Bois (Liège)

La Vie wallonne, septembre 1928, XCVII, p. 65
René HÉNOUMONT, Charlier dit la jambe de bois : le canonnier liégeois de 1830, Bruxelles, Legrain, 1983
Paul EMOND, Moi, Jean-Joseph Charlier dit Jambe de Bois, héros de la révolution belge, Bruxelles, 1994 (rideau de Bruxelles)
Les journées de septembre 1830, Mémoire de Jean-Joseph Charlier dit la jambe de bois, capitaine d’artillerie en retraite, Liège, 1967 (première édition en 1853)
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 457

 

 
 

 

126 rue Pierreuse
4000 Liège

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Paul Delforge

Paul Delforge

Statue Charles-Quint

Statue de Charles-Quint, réalisée par Frantz Vermeylen, septembre 1911.

Face à la gare de Binche, de style néo-gothique, construite entre 1905 et 1910, s’étend une imposante esplanade, appelée place Eugène Derbaix, au centre de laquelle a été inaugurée en 1931 une statue de l’Indépendance ; autour de ce monument central s’étendent quatre pelouses séparées par des chemins : la moitié supérieure, côté gare, est ceinturée par une balustrade en pierre bleue, sculptée, de style néo-gothique d’où émergent 8 colonnes de pierre, elles-mêmes surmontées d’une statue en bronze.

Destiné à mettre la gare davantage en évidence tout en atténuant harmonieusement le dénivelé du terrain, le square a été aménagé en respectant les indications très précises de la Commission royale des Monuments qui délégua sur place, à plusieurs reprises, ses représentants pour veiller à la bonne exécution des travaux (adjugés à 60.000 francs de l’époque). Soutenu par les autorités locales, et en particulier par le bourgmestre Eugène Derbaix, le projet de square s’inspire de celui du Petit Sablon, à Bruxelles, avec ses colonnettes gothiques et ses statuettes évoquant « l’histoire nationale ». Il est inauguré en septembre 1911.

Œuvres des sculpteurs Vermeylen et Valériola, désignés en mai 1911, les 8 statues représentent « des personnages illustres qui ont joué dans l’histoire locale un rôle important et dont le souvenir mérite de vivre dans la mémoire des Binchois » (Derbaix). Quatre sont dues au ciseau d’Edmond de Valériola : Baudouin le Bâtisseur, Gilles Binchois (statue disparue en 2014), Yolande de Gueldre et Marie de Hongrie (statue volée en 1993) ; toutes ces statues sont à gauche quand on fait face à la gare. Les quatre autres ont été réalisées par Frantz Vermeylen (1857-1922) : Guillaume de Bavière, Marguerite d’York, Arnould de Binche et le Charles-Quint qui nous occupe ici.

Natif de Louvain, où son père (Jan Frans) exerçait déjà le métier, Fr. Vermeylen a appris la sculpture dans l’atelier familial, avant de suivre les cours de l’Académie des Beaux-Arts de Louvain (1869-1878) où son père enseigne, et de se perfectionner à Paris (chez A-A. Dumont). Ayant certainement travaillé sur les chantiers de décoration de l’hôtel de ville de Louvain, de la gare d’Amsterdam et au Rijksmuseum dans les années 1880, il devient l’expert attitré des autorités louvanistes, avant de répondre aussi à des commandes de décoration pour la ville d’Audenarde, l’abbaye Saint-Gertrude, la Volksbank, etc. Spécialisé dans les intérieurs d’église (par ex. Saint-Martin à Sambreville), il reste un artiste demandé tant pour ses médailles que pour ses bustes et ses statues, comme celle du gouverneur Orban de Givry à Arlon (1903), que pour les quatre statues qu’il réalise pour Binche.

Son Charles Quint (1500-1558) est aisément reconnaissable. Sur la longue balustrade, en faisant face à la gare, c’est la deuxième statue en commençant par la droite. Fils de Jeanne et de Philippe Ier de Castille, duc de Bourgogne sous le nom de Charles II (1515) avant de devenir roi des Espagnes sous le nom de Charles Ier, souverain de Naples et de Sicile, celui qui était né à Gand en 1500 se fera un nom comme empereur du Saint-Empire romain germanique, Charles Quint exerçant cette dignité élective de 1519 à 1558. Assurément, il marque l’histoire de l’Europe occidentale, comme celle des provinces flamandes et brabançonnes réunies par les anciens ducs de Bourgogne : Gand, Anvers et Bruxelles prospèrent comme jamais. Qu’en est-il de Binche ? Au tournant des XIXe et XXe siècles, on considère que le règne de Charles Quint assure à la cité une période de grande prospérité et qu’il est « un bienfaiteur insigne de la cité », qu’il a « comblée de faveurs ». C’est l’époque où Marie de Hongrie, la sœur de l’empereur, vient y résider : elle a reçu de Charles la ville de Binche et sa seigneurie avec le privilège d’y tenir cour royale (c. 1542). La régente des Pays-Bas y fait construire un palais Renaissance où, en 1549, elle reçoit son frère (Charles Quint) et son fils (Philippe II) lors des « triomphes de Binche ». C’est aussi l’époque de la construction du premier château de Mariemont. Certes, ce faste sera éphémère, les armées françaises détruisant tout sur leur passage en 1554 ; mais le moment a marqué l’histoire de Binche et les esprits ; cela explique, en partie, le choix de Charles Quint comme personnalité majeure représentée sur le square Derbaix, aux côtés d’ailleurs de Marie de Hongrie. La devise de la ville de Binche (« Plus oultre » que l’on peut comprendre comme : toujours plus loin) est aussi celle de l’empereur, dont le blason a fortement inspiré celui de la cité : il est représenté sur la façade de l’hôtel de ville.

Sources:

Statue de Charles-Quint

Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse
Le Journal de Charleroi, 31 octobre 1910 et 16 mai 1911, Journal de Bruxelles, 3 octobre 1911
Ludo BETTENS, dans Jacques VAN LENNEP (dir.), La sculpture belge au 19e siècle, catalogue, t. 2, Artistes et Œuvres, Bruxelles, CGER, 1990, p. 602-604
Eugène D

ERBAIX, Monuments de la Ville de Binche, Vromant & Cie, 1920, p. 38-39
Étienne PIRET, Binche, son histoire par les monuments, Binche, Libraire de la Reine, 1999
Victor DE MUNTER, Frantz Vermeylen et son œuvre, dans Revue belge de numismatique et de sigillographie, Bruxelles, Société royale de Numismatique, 1925, n°1, p. 57-68
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. II, p. 739

 


 

 


 

Place et square Eugène Derbaix
7130 Binche

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Paul Delforge

Paul Delforge

Statue Charlemagne

Statue équestre de Charlemagne, réalisée par Louis Jehotte, 26 juillet 1868.

Jeune État né d’une révolution, la Belgique de 1830 n’obtient d’assurances sur sa pérennité qu’à la suite de la signature du Traité des XXIV articles, à Londres, en 1839. Déjà quelques « peintres d’histoire » ont commencé à s’inspirer d’événements du passé « belge » et les parlementaires ont décidé « d’honorer la mémoire des grands hommes belges » en encourageant toute initiative pour que fleurissent des statues dans l’espace public. =

À la suite du ministre de l’Intérieur, Jean-Baptiste Nothomb, des commandes sont passées auprès de sculpteurs pour décorer le péristyle du grand vestibule du Parlement (1845). D’emblée s’imposent comme « héros nationaux » Pépin de Herstal, Thierry d’Alsace, Baudouin de Constantinople, Jean Ier de Brabant, Philippe le Bon et Charles Quint. 

Tandis que l’hôtel de ville de Bruxelles se couvre de près de 300 statues (entre 1844 et 1902), la façade du nouveau Palais provincial de Liège en accueille une quarantaine (entre 1877 et 1884). Une impulsion avait été donnée, le mouvement allait suivre, abandonnant les façades pour occuper les places publiques. 

Chef de Cabinet, en charge de l’Intérieur (1847-1852), Charles Rogier invite chaque province à élever un monument digne des gloires nationales dans son chef-lieu. Soutenu par son successeur, Joseph Piercot, le projet se concrétise lorsque Rogier redevient ministre, entre 1858 et 1868. Aux quatre coins du pays, les édiles municipaux se mobilisent bon gré mal gré (en raison des coûts) dans un projet qui se veut collectif, mais qui révèle à la fois des particularismes locaux et des interrogations sur la définition de « belge ».

À Liège, le sculpteur Louis Jehotte (1804-1884) a offert ses services, dès 1855, pour élever sur la place Saint-Lambert une statue équestre de Charlemagne, en bronze, personnage étonnement absent de la sélection de J-B. Nothomb. Arrière-petit-fils de Pépin de Herstal, petit-fils de Charles Martel et fils de Pépin le Bref, Charles le Grand semble présenter quelques liens avec l’Ardenne et le pays mosan, avant qu’il ne soit couronné empereur, à Rome, le 25 décembre 800, par le pape Léon III. Si Charlemagne (742-814) établit sa capitale à Aix-la-Chapelle, on s’interroge encore au XIXe siècle sur le lieu de sa naissance. L’Académie a mis la question en concours, mais aucune réponse ne lui est parvenue. Herstal paraît cependant un meilleur choix que Liège, car jusqu’en 784, Charlemagne y disposait d’un palais où, disait-on, il aimait résider… De surcroît, dans certains quartiers de la localité son souvenir continue d’être vénéré, tant lors d’une fête annuelle que dans une église. Mais, au milieu du XIXe siècle, la question du lieu de naissance de Charlemagne n’est pas réglée : Belgique, France, Allemagne ? L’initiative de Jehotte relance la polémique et pousse l’Académie royale à mettre la question en concours, sans recevoir de réponse.

Embarrassée par l’offre de Jehotte, la ville de Liège choisit néanmoins, en 1862, d’installer le futur monument à proximité de l’ancien chœur occidental de la cathédrale Saint-Lambert démolie. Personne ne conteste le statut de cette « gloire nationale », mais le Conseil provincial remet en question la pertinence de l’emplacement, si bien qu’en 1863, les autorités locales optent pour le boulevard d’Avroy, dans cette partie de la ville où d’importants travaux ont transformé les anciens bras de la Meuse en avenues. Contestant cette décision en justice, le sculpteur perd son procès, mais obtient satisfaction quand il réclame que l’empereur soit orienté face au sud. Dans la mesure où le gouvernement intervient financièrement, plus rien ne s’oppose à la réalisation de la fameuse statue équestre. C’est finalement le 26 juillet 1868 que l’on procède à son inauguration devant une foule importante, mais en l’absence des hautes autorités, hormis le gouverneur de la province de Liège qui préside.

Formé à l’Académie de Liège, Louis Jehotte a bénéficié d’une bourse de la Fondation Darchis dans sa jeunesse, et a fait le voyage en Italie (Florence et Rome). Ami d’Eugène Simonis, il est comme lui élève de Mathieu Kessels à Rome (en 1823), avant de séjourner à Paris (1830) et à Copenhague où il fréquente l’atelier de Thorwaldsen (1831). Nommé professeur de sculpture à l’Académie des Beaux-Arts de Bruxelles en 1835, il y enseigne seul cette matière pendant 27 ans (1835-1863), influençant considérablement plusieurs générations d’artistes (Mélot, Bouré, Fiers, Meunier, Desenfans, etc.). Préférant sculpter des sujets religieux, Jehotte se fait rare en monuments publics. Pourtant, c’est lui-même qui avance, en 1855, l’idée de Charlemagne, personnage auquel il consacre, avec son ami André Van Hasselt, une importante biographie résultant de vingt ans de recherches. Tenant particulièrement à ce monument, Jehotte a acquis un terrain à Bruxelles (rue de Pachéco) et c’est là qu’il exécute lui-même la fonte de cette œuvre colossale, pesant dix tonnes.
Le cheval et son cavalier sont en bronze. Le socle est en pierre. On peut lire l’inscription :

« CAROLUS MAGNUS
MAGNUS BELLO
MAJOR PACE »

De style roman, le piédestal est aussi orné de statues représentant les ancêtres de l’empereur, à savoir (sainte) Begge, Pépin de Herstal, Charles Martel, Bertrade, Pépin de Landen et Pépin le Bref.
En 1888, des vandales abîment trois des statues du piédestal et un nouveau procès oppose la ville et le sculpteur qui meurt sans que l’affaire soit réglée. À la veille de la Grande Guerre, la partie inférieure du socle est remplacée. Au début du XXIe siècle, il a été procédé à une rénovation totale du monument qui a retrouvé des couleurs et un large espace de dégagement.

Sources:

Statue équestre de Charlemagne

Jacques VAN LENNEP, La sculpture belge au 19e siècle, t. 1. La Sculpture belge, Bruxelles, CGER, 1990, p. 71
Jacques VAN LENNEP, La sculpture belge au 19e siècle, catalogue, t. 2, Artistes et Œuvres, Bruxelles, CGER, 1990, p. 460-461
Pier

re COLMAN, Le site de la statue équestre de Charlemagne, dans Chroniques d’archéologie et d’histoire du pays de Liège, Liège, Institut archéologique liégeois, juillet-décembre 2004, n°7-8, tome II, p. 76-77
Alain DIERKENS, La statuaire publique, dans L’architecture, la sculpture et l’art des jardins à Bruxelles et en Wallonie, Bruxelles, La Renaissance du Livre, 1995, p. 246-250
Liège, Patrimoine architectural et territoires de Wallonie, Liège (Mardaga), 2004, p. 154
Charles BURY, Les Statues liégeoises, dans Si Liège m’était conté, n°35, printemps 1970, p. 9-10
Pierre COLMAN, Le sculpteur Louis Jehotte, alias Jehotte (1803-1884) académicien comblé...d’avanies, Liège, 2010
http://www.sculpturepublique.be/4000/Jehotte-Charlemagne.htm 
Jean WUILBAUT, Mons 1853-1868. Controverses autour de la statue de Baudouin de Constantinople, dans Annales du Cercle archéologique de Mons, Mons, 1988, t. 73, p. 1-45
Alain COLIGNON et Baudouin VAN DEN ABEELE, Mémoires de Wallonie, Les rues de Louvain-la-Neuve racontent…, Luc COURTOIS (dir.), Louvain-la-Neuve, Fondation Humblet, 2011, p. 105-107
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 764
Alexia CREUSEN, dans Musée en plein air du Sart Tilman, Art&Fact asbl, Parcours d’art public. Ville de Liège, Liège, échevinat de l’Environnement et Musée en plein air du Sart Tilman, 1996

 


 

Boulevard d’Avroy
4000 Liège

carte

Paul Delforge

Paul Delforge

Statue Grégoire-Joseph CHAPUIS

Statue à la mémoire de Grégoire-Joseph Chapuis, réalisée par Joseph-Antoine Van den Kerkhove, 10 octobre 1880.

Lors de la seconde restauration du prince-évêque de Liège François-Antoine de Méan (printemps 1793), le médecin Grégoire-Joseph Chapuis (1761-1794) ne se méfie pas des risques de rétorsion qui pèsent sur tous ceux qui ont pris une part active aux événements révolutionnaires depuis 1789. Maître-accoucheur diplômé (1785), premier chirurgien à pratiquer une césarienne en région verviétoise, cofondateur d’une association appelée la Chambre des Zélés, Chapuis porte une réelle attention aux plus défavorisés et se fait un propagandiste actif des idées nouvelles. Propagandiste des Droits de l’Homme, Grégoire Chapuis n’accepte de participer à l’administration de sa cité que sous le régime de liberté instauré par Dumouriez. Officier municipal en charge de l’État civil, il se fait un devoir de célébrer les mariages civils, symbole de la sécularisation de toute la vie sociale. Confiant dans la promesse d’amnistie annoncée par le prince-évêque, Chapuis est arrêté en avril 1793, emprisonné à Liège et, le 30 décembre, condamné à mort. Le 2 janvier 1794, il est décapité sur la place du Sablon, à Verviers.

En dépit de la portée de l’événement et d’un hommage rendu dès l’arrivée définitive des révolutionnaires français (à partir de 1795), l’exécution capitale de Chapuis paraît s’évanouir dans l’oubli du temps quand son souvenir est ranimé par une série de publications (biographies et pièce de théâtre), à partir des années 1870. En quête de références marquantes, les milieux libéraux locaux voient en lui un « Saint-Just verviétois », Un Docteur martyr, ainsi que l’écrit Thil Lorrain. Composé d’industriels et d’intellectuels locaux (Ernest Gillon, Pierre Grosfils, Thil Lorrain, Henri Pirenne père), un Comité spécial formé par le Comité des Soirées populaires se met en place pour organiser un concours littéraire et surtout plusieurs manifestations et souscriptions pour réunir les fonds nécessaires à l’élévation d’un monument. L’idée avait déjà été évoquée en 1837, mais le conseil communal ne l’avait pas retenue.

En septembre 1875, les autorités de Verviers renomment la place des Récollets et en font la place du Martyr, manifestant ainsi un soutien explicite à l’initiative privée. Le sculpteur qui est choisi est le bruxellois Joseph-Antoine Van den Kerkhove (1848- ?), dit Nelson. Fils d’Augustin Van den Kerkhove dit Saïbas, (Joseph)-Antoine est né dans une famille de sculpteurs anversoise venue s’établir à Bruxelles. Travaillant le bronze ainsi bien que le marbre ou la pierre, il travaille sur plusieurs chantiers de décoration d’édifices publics et réalise, d’initiative, de petits objets de décoration et de fantaisie.

Le 7 août 1880, la première pierre du socle est officiellement posée et, le 10 octobre, le monument érigé en mémoire de Chapuis est officiellement inauguré par le bourgmestre libéral Ortmans-Hauzeur. Le chantier n’a pas traîné car la manifestation – prestigieuse – devait correspondre à la date du 50e anniversaire de l’indépendance de la Belgique. 

Le monument comprend un socle de 4 mètres de haut en pierre bleue d’Écaussines et la statue en bronze fait la même taille. Présenté debout, la tête levée vers l’avenir, le personnage se tient droit, les jambes légèrement écartées, laissant apparaître la lame qui eut raison de lui. En l’absence de toute représentation du visage de Chapuis, ses traits sont  empruntés à Armand Wéber (dont chacun admettait la ressemblance). Sur les parois du socle, plusieurs inscriptions dévoilent surtout les motivations et les valeurs (libérales, voire anticléricales) que défendent ceux qui l’honorent. Grégoire-Joseph Chapuis est présenté comme :

« Éducateur et bienfaiteur du Peuple »
« Mort pour l’Indépendance du pouvoir civil
12 avril 1761 – 2 janvier 1794 ».

« G.J. Chapuis, ses concitoyens, 1880 »

En pleine querelle scolaire, les libéraux verviétois détiennent un héroïque prédécesseur, dévoué à l’éducation populaire. Entre libéraux, catholiques et bientôt socialistes, la mémoire de Chapuis ne va pas cesser de susciter des réappropriations symboliques. Sans entrer dans les péripéties du sujet, citons simplement le fait qu’en 1984 la section de Wallonie libre – Verviers a choisi le monument Chapuis pour célébrer ses 40 ans d’existence, et rappeler qu’elle partageait « le même goût de la liberté » que le martyr.

Sources:

Statue Grégoire-Joseph Chapuis

Freddy JORIS, Mourir sur l’échafaud, Liège, Cefal, 2005, p. 18
Philippe RAXHON, La Figure de Chapuis, martyr de la révolution liégeoise dans l’historiographie belge, dans Elizabeth LIRIS, Jean-Maurice BIZIÈRE (dir.), La Révolution et la mort : actes du colloque international, Toulouse, 1991, p. 209-222
Jacques VAN LENNEP (dir.), La sculpture belge au 19e siècle, catalogue, t. 2, Artistes et Œuvres, Bruxelles, CGER, 1990, p. 571-573


 


 

Place du Martyr
4800 verviers

carte

Paul Delforge

Paul Delforge

Statue Jean CHAPEAVILLE

Au milieu du XIXe siècle, afin de doter l’institution provinciale de Liège de bâtiments dignes de ce niveau de pouvoir, d’importants travaux sont entrepris autour de l’ancien palais des princes-évêques. Propriétaire des lieux (1844), l’État belge retient le projet du jeune architecte Jean-Charles Delsaux (1850) et lui confie la mission de réaliser la toute nouvelle aile, en style néo-gothique, sur le côté occidental du Palais. 

Face à la place Notger, Delsaux (1821-1893) achève l’essentiel du chantier en 1853, mais des raisons financières l’empêchent de réaliser la décoration historiée qu’il a prévue pour la façade du nouveau palais provincial. Vingt-cinq ans plus tard, le gouverneur Jean-Charles de Luesemans prend l’avis d’une commission pour déterminer les sujets et les personnes les plus dignes d’illustrer le passé de « la Nation liégeoise ». 

Placés sous la responsabilité de l’architecte Lambert Noppius (1827-1889), une douzaine de sculpteurs vont travailler d’arrache-pied, de 1877 à 1884, pour réaliser 42 statues et 79 bas-reliefs. Dès la mi-octobre 1880, 27 des 42 statues sont achevées, validées par la Commission et mises à leur emplacement respectif. Celle de Chapeaville est parmi celles-ci.

Située entre Lambert Lombard et François Borset, la statue de Jean Chapeaville est l’une des 42 personnalités retenues. De facture sérieuse, elle a été réalisée avec un souci d'art et de différenciation ; le visage présente des similitudes avec le peu de documents que l’on a conservés. Sur la façade du marteau de droite du palais provincial, dans la partie supérieure des colonnes d’angle, Jean Chapeaville (1551-1617) a été représenté, livres en mains, par le sculpteur Mathieu de Tombay qui signe cinq des 121 figures liégeoises. 

Chanoine de la cathédrale Saint-Lambert depuis 1587, Jean Chapeaville était une personnalité proche des princes-évêques Ernest puis Ferdinand de Bavière, dont il a été le vicaire général. Premier directeur du Grand Séminaire de Liège créé en 1592, il est aussi considéré comme le fondateur de l’historiographie moderne liégeoise.

okQuant au sculpteur Mathieu de Tombay qui signe cette statue, il est le frère d’Alphonse qui est le plus connu de cette famille liégeoise de sculpteurs, et qui travaille aussi sur le chantier du palais provincial. Ce Mathieu de Tombay est souvent confondu avec son grand-père, son parfait homonyme, voire totalement ignoré.
 

Source:
 

Julie GODINAS, Le palais de Liège, Namur, Institut du Patrimoine wallon, 2008, p. 100
http://www.chokier.com/FILES/PALAIS/PalaisDeLiege-Masy.html
Jacques VAN LENNEP (dir.), La sculpture belge au 19e siècle, catalogue, t. 2, Artistes et Œuvres, Bruxelles, CGER, 1990, p. 350
La Meuse, 2 octobre 1880

 

façade du Palais provincial, face à la place Notger - 4000 Liège

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Statue de Jean Chapeaville, réalisée par Mathieu de Tombay, c. 15 octobre 1880.

Paul Delforge

Paul Delforge

Monument Edmond CHABOT

Le 26 juin 1963, la 13e Compagnie du 1er para doit participer à un exercice de saut dans la région de Paderborn. Malgré une météo défavorable, quatre avions C-119 décollent de Melsbroek, mais il s’avère rapidement, à hauteur de Dortmund, que l’exercice de saut doit être supprimé. Ordre est alors donné à l’avion d’atterrir sur la base de Gütersloh où sont casernées les forces britanniques. 

Au sol se déroulent alors, à hauteur de la zone d’entraînement de Sennelager, des exercices de tirs de mortiers. Au moment où les quatre avions survolent cette zone, un mortier vient malencontreusement frapper l’aile droite du CP45, juste à hauteur du réservoir. L’incendie prive immédiatement plusieurs hommes de leur parachute tout en semant la panique à bord. Se rendant immédiatement compte de la situation, le premier sergent-major Edmond Chabot ouvre la porte du côté opposé à l’incendie et parvient à faire sortir neuf parachutistes. 

L’incendie a cependant l’ascendant sur les manœuvres désespérées des jeunes parachutistes et des membres de l’équipage ; l’avion s’écrase à Detmold, à quatre kilomètres de Sennelager. Les « parachutés » ne peuvent que constater la mort de leurs camarades, 33 jeunes recrues et leur moniteur, ainsi que 5 membres de l’équipage, tout en louant l’héroïsme et le sacrifice du sergent-major Chabot.

Originaire de Fosses-la-Ville où il était né en 1921, Edmond Chabot n’avait pas 20 ans quand éclata la Seconde Guerre mondiale. Ne supportant pas la vie sous occupation allemande, il tente de rejoindre l’Angleterre via les Pyrénées. Parti en vélo (mars 1941), il est arrêté en France et interné dans différents camps près de Toulouse. Il réussit pourtant à passer les Pyrénées, mais il est arrêté par les Espagnols et enfermé à Miranda pendant quelques mois. 

Monument Edmond Chabot

Réussissant à s’évader, il parvient à gagner l’Angleterre en 1942 et il s’engage au sein de la Brigade Piron. Il figure parmi les forces de libération en septembre 1944, participe à la Campagne de Hollande. En 1946, il s’engage chez les parachutistes où il devient instructeur. 

Au moment de la crise congolaise (1960), Chabot est envoyé en mission en Afrique. C’est donc ce militaire chevronné qui sauva la vie de neuf de ses camarades en donnant la sienne.

Dans les jours et les semaines qui suivront la catastrophe, nombreux seront les journaux et les magazines qui, à partir du témoignage des survivants, mettront en évidence l’abnégation de Chabot, l’homme qui était le plus près de la 

porte de sortie de l’avion. 

Chaque année, une cérémonie rend hommage à une partie des victimes reposant sur la pelouse d’honneur du Centre d’entraînement de parachutage à Schaffen. 

Dès juillet 1963, les autorités de Fosses-la-ville avait fait rapatrier le corps de Chabot dans la localité et elles font ériger un monument devant lequel, chaque année, un hommage officiel est rendu. 

Dans l’enseignement communal, un concours de rédaction porte aussi le nom d’Edmond Chabot.
 

Le monument est composé de trois blocs carrés de pierre bleue superposés. Dans la partie supérieure sont gravés les mots :
« Il sacrifia sa vie pour sauver ses hommes »

Dans la partie médiane est incrustée une plaquette où sont gravées une médaille et les mots : « Hommage des croix de guerre de Namur/ Le 9-4-1994/E. Chabot ». 

Vient ensuite un hommage de « l’Amicale Nationale Para-Commando Vriendenkring », régionale de Namur.

Dans la partie inférieure, figure enfin la mention :
« 1e SERGENT-MAJOR EDMOND
CHABOT A DETMOLD/26-6-1963 ».
 

 

http://archive.today/TwJKj
http://marcparacdo.e-monsite.com/pages/menu/detmold-26-juin-1963.html (s.v. avril 2014)

Au croisement des rues Sainte-Brigide et des Tanneries – 5070 Fosses-la-Ville

carte

Sculpteur et architecte inconnus, 1963.

Paul Delforge

SPW-Patrimoine-Guy Focant 

Monument Arille CARLIER

Situé sur un square spécialement aménagé dans l’avenue du Centaine, à Dampremy, un monument rend hommage à l’activité wallonne d’Arille Carlier (1887-1963). Avocat, stagiaire chez Jules Destrée, il s’est distingué dans la dialectologie et a été l’un des fers de lance du Mouvement wallon de 1912 à 1962. 

Inscrivant son action dans le sillage de la pensée politique wallonne de Destrée, Carlier est à l’origine de multiples actions et associations wallonnes développées dans le pays de Charleroi et il participe activement, pendant cinquante ans, à la plupart des grandes initiatives wallonnes. 

Favorable à l’autodétermination de la Wallonie, il s’est fait le théoricien du mouvement national et de l’autonomie des États. 
Co-fondateur de la Société historique pour la Défense et l’Illustration de la Wallonie (1938) et de l’Institut Jules Destrée (1961), il avait reçu de Jules Destrée l’autorisation de rééditer la Lettre au roi sur la séparation de la Wallonie et de la Flandre.

Soutenu par la commune de Dampremy et par l’Institut Jules Destrée, le mouvement Wallonie libre ouvre un fonds de souscription en 1968 pour rendre hommage à son activité en faveur de la Wallonie. Le Comité du Monument Arille Carlier qui se met en place (Isabelle Carlier, sa fille, Willy Bal, Maurice Bologne, Jacques Carlier, Jean Coyette, Alphonse Darville, Jacques Hoyaux, Émile Lempereur, l’échevin Maurice Magis et le bourgmestre de Dampremy Willy Seron) s’assure la collaboration amicale du sculpteur Alphonse Darville (1910-1990), qui s’était déjà signalé, notamment, par l’érection de la statue de Jules Destrée au boulevard Audent. 

Natif de Mont-sur-Marchienne, formé à l’Académie des Beaux-Arts de Bruxelles, Prix Godecharle 1931 et Premier Grand Prix de Rome 1935, attaché à la promotion de la création artistique en Wallonie, Darville est l’un des fondateurs de l’Académie des Beaux-Arts de Charleroi, qu’il dirige de 1946 à 1972.

Inauguré le 5 octobre 1969, le monument Carlier se présente sous la forme d’une pierre de six tonnes dont la forme évoque un menhir. Il est rehaussé d’un médaillon à l’effigie d’Arille Carlier dû à Alphonse Darville. Il mentionne simplement : « Arille Carlier Militant wallon 1887-1963 ».

Le square a été spécialement aménagé pour offrir un espace de dégagement. C’est là que, chaque année, depuis 1969, à l’occasion des Fêtes de Wallonie, se retrouvent des sympathisants wallons pour un dépôt de fleurs et des discours, généralement à l’initiative de Wallonie libre, de l’Institut Destrée et de l’Association wallonne des anciens Combattants.
 

 

- Paul DELFORGE, Arille Carlier, dans Encyclopédie du Mouvement wallon, Charleroi, Institut Destrée, 2000, t. I, p. 230-232
- Marie-Paule BOUVY, Monument Carlier, Idem, t. II, 2001, p. 1115-1116
- Paul DELFORGE, Essai d’inventaire des lieux de mémoire liés au Mouvement wallon (1940-1997), dans Entre toponymie et utopie. Les lieux de la mémoire wallonne, (actes du colloque), sous la direction de Luc COURTOIS et Jean PIROTTE, Louvain-la-Neuve, Fondation Humblet, 1999, p. 285-300

Avenue du Centenaire 
6020 Dampremy (Charleroi)

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