Texte fondateur de la conscience wallonne, la Lettre au Roi sur la séparation de la Wallonie et de la Flandre, publiée en 1912, demeure largement méconnue malgré son large retentissement. Plus d'un siècle plus tard, (re)découvrez le contenu et le contexte historique d’un document d’époque auquel il est toujours abondamment fait référence aujourd’hui.
En 1912, Jules Destrée écrit sa célèbre Lettre au Roi sur la séparation de la Wallonie et de la Flandre. Ce texte fondateur de la conscience wallonne, auquel il est toujours fait référence, n'est souvent que partiellement connu. Au travers de séquences vidéo didactiques, redécouvrez l’ampleur, les subtilités et l’impact de ce document, ainsi que les clefs pour l’interpréter.
Téléchargez ou consultez en ligne le texte intégral de Jules Destrée (boutons en bas de la page)
Un peu de critique historique
Quatre capsules vous proposent quelques éléments utiles pour appréhender la Lettre au Roi dans son contexte de 1912
De la lecture d'un texte centenaire | Du patriotisme belge de Destrée |
De l'emploi du mot "métis" | De la signification du mot "race" |
Paul Delforge & Marie Dewez, 2014
Couverture de la Lettre au Roi, de Jules Destrée © Province de Liège – Musée de la Vie wallonne - FHMW
L’Assemblée wallonne réunie à Liège (1919) © Province de Liège – Musée de la Vie wallonne - FHMW
La peinture wallonne sous l'Ancien Régime
La peinture wallonne sous l'Ancien Régime
Si la notion d’« art wallon » a longtemps fait débat, il est incontestable que le territoire wallon actuel a engendré quelques grands noms de la peinture sous l’Ancien Régime. Avec le temps, plusieurs spécialistes ont pu identifier des traits communs à ces artistes dont le talent a traversé les époques. Au travers d’une synthèse et de documents illustratifs, cette leçon présente leurs parcours et leur travail.
Destrée Jules
Militantisme wallon, Politique
Marcinelle 21/08/1863, Bruxelles 02/01/1936
Considéré comme l’éveilleur de la conscience wallonne en raison notamment de La Lettre au roi sur la séparation administrative de la Wallonie et de la Flandre et de sa présidence de l’Assemblée wallonne (1912), Jules Destrée fut aussi l’un des tout premiers socialistes élus au Parlement (1894) et désignés comme ministre (1919).
Docteur en Droit de l’Université libre de Bruxelles (1883), stagiaire chez Edmond Picard, Jules Destrée fréquente les écrivains de la Jeune Belgique, ainsi que des peintres et sculpteurs (1885-1886), mais ce sont les événements de 1886 qui orientent à tout jamais la vie de l’esthète bourgeois. Touchant l’ensemble du bassin industriel wallon, les émeutes de la misère ouvrière sont réprimées avec violence et le jeune avocat est appelé à défendre l’un des syndicalistes de l’Union ouvrière ; sans succès. Par contre, il fait acquitter les suspects du pseudo « Grand Complot », traînés devant les Assises (1889). Il franchit un pas supplémentaire en s’engageant sur le terrain politique.
Soutenant les ouvriers en lutte pour le suffrage universel, il crée la Fédération démocratique de Charleroi en 1892 et, en 1894, à l’occasion des premières élections législatives au suffrage universel masculin tempéré par le vote plural, il figure parmi les 28 premiers parlementaires du POB, tous élus en Wallonie. Les électeurs de l’arrondissement de Charleroi lui feront régulièrement confiance jusqu’à son décès, en 1936. Auteur avec Émile Vandervelde – qu’il a connu à l’ULB – de l’ouvrage Le Socialisme en Belgique (1898), Jules Destrée s’affirme comme l’un des ténors du socialisme wallon, défenseur du suffrage universel, d’une législation sociale et de l’instruction obligatoire. Ses interventions parlementaires sont unanimement saluées. Son souci de lutter contre l’injustice l’amène à prendre position en faveur de l’égalité entre Flamands et Wallons.
L’affirmation du sentiment wallon chez Destrée apparaît comme une réponse à une dynamique belge et flamande, injuste et oppressante pour les Wallons. Il répétera de façon constante et incessante son souci de voir la Belgique se maintenir malgré l’originalité de ses composantes, mais il affirme son identité wallonne et son appartenance à la civilisation française. Faire prendre conscience d’elle-même à la Wallonie, s’appuyer sur la France et sa culture, rendre l’autonomie aux communes et aux provinces sont ses objectifs lorsqu’il accepte de patronner les manifestations culturelles et artistiques de l’Exposition de Charleroi (1911), lorsqu’il fonde et préside la Société des Amis de l’art wallon (1911-1936), et lorsqu’il écrit la Lettre au Roi (15 août 1912). Quand est créée l’Assemblée wallonne (1912), premier Parlement informel de la Wallonie, Jules Destrée est désigné à sa tête comme secrétaire général (1912-1914, 1919) : son objectif est d’étudier la meilleure formule de décentralisation, voire de fédéralisation de la Belgique afin de défendre les intérêts wallons.
Durant la Grande Guerre, chargé de mission par le gouvernement belge en exil, le socialiste contribue au ralliement de l’Italie dans le camp des alliés. À Pétrograd, le ministre plénipotentiaire établit un contact avec les forces socialistes antibolchéviques. Au lendemain de l’Armistice et des premières élections au suffrage universel, le POB est associé pour la première fois à un gouvernement. Jules Destrée est désigné comme Ministre des Sciences et des Arts (1919-1921) et, en peu de temps, fait adopter une série de mesures de protection des artistes et de leurs œuvres (rénovation du Prix de Rome, création de l’Académie royale de Langue et de Littérature françaises) et d’accompagnement à l’instruction obligatoire (loi sur les bibliothèques) en permettant l’accès gratuit à la culture pour le plus grand nombre.
Ayant quitté la tête de l’Assemblée wallonne quand il devient ministre, Jules Destrée reste attentif à la résolution de la question wallonne et se rallie à l’idée de l’homogénéité linguistique de la Flandre et de la Wallonie, refusant de se mêler des francophones de Flandre. Partisan de la formation d’États-Unis d’Europe, il tente d’apporter une solution au problème des nationalités par le Compromis des Belges - étape vers le fédéralisme - qu’il signe avec le socialiste flamand Camille Huysmans (1929). Ses actions en faveur de la Wallonie, de la culture et du monde ouvrier ne l’empêchent pas d’entretenir ses dons de littérateur. Critique d’art, il rend à de le Pastur ses racines tournaisiennes ou évoque le Maître de Flémalle (1930). Conteur (Les Chimères, 1889), il parle aussi de lui-même (Mons et les Montois, 1933). Politique, il alimente la pensée socialiste (Introduction à la Vie socialiste, 1929), relate ses expériences (Les fondeurs de neige, 1920) ou livre ses réflexions (Wallons et Flamands, 1923).
Sources
Philippe DESTATTE, Encyclopédie du Mouvement wallon, Charleroi, 2000, t. II, p. 483-490
Philippe DESTATTE, Destrée, Extrait de Hervé HASQUIN (dir.), Dictionnaire d’histoire de Belgique, Vingt siècles d’institutions, Les Hommes, les faits, Bruxelles, Didier Hatier, 1988, p. 157-158
Georges-H. DUMONT, dans Nouvelle Biographie nationale, Bruxelles, t. V, p. 117-123
Mandats politiques
Député (1894-1936)
Conseiller communal de Marcinelle (1904-1910)
Échevin (1904-1910)
Ministre des Sciences et des Arts (1919-1921)
© Coll. Institut Jules-Destrée., Paul Delforge
Symbolique wallonne
Symbolique wallonne
Forgé au cours du XIXe siècle, le mot « Wallonie » fut rapidement popularisé tant au sein de la région qu’il désigne que chez ses voisins. Point de départ de l’affirmation de l’unité wallonne, cette dynamique a conduit, voici un siècle, à l’adoption d’un drapeau et d’une fête que le Parlement wallon a consacrés officiellement en 1998. De la revue littéraire d'Albert Mockel jusqu'à la régionalisation, cette leçon met en lumière les grands repères symboliques de l'identité wallonne au travers d'une synthèse et de documents.
Destree Jules
Commandeur (Historique)
MARCINELLE 21.08.1863 – BRUXELLES 02.01.1936
Né dans un milieu bourgeois, Jules Destrée s’investit dès ses études en droit dans ses deux grandes passions : l’art et la politique. C’est ainsi que, parallèlement à ses contributions dans des revues artistiques, il revendique, dès 1882, avec des étudiants de tendance libérale progressiste, le suffrage universel. Avocat à Charleroi durant les émeutes ouvrières de 1886, il défend régulièrement les grévistes traduits devant la justice. Cet épisode le rapproche des milieux ouvriers, première étape de son adhésion au Parti ouvrier belge, dont il sera l’un des vingt-huit premiers députés élus à la Chambre, en 1894.
Dès le début du Mouvement wallon, à la fin du XIXe siècle, il affirme le principe d’égalité entre Flamands et Wallons. Il vote, à ce titre, avec le gouvernement catholique, la loi de 1898 instaurant l’équivalence juridique des textes néerlandais et français. Dans les années qui suivent, il développe le thème de la dualité entre Flamands et Wallons. Il estime ainsi que leurs qualités respectives sont diminuées à force d’être confondues dans l’amalgame belge officiel. Transposant cette réflexion dans le domaine de l’art, il organise, en 1911, à Charleroi, une exposition consacrée à l’Art wallon, mettant à l’honneur la contribution de la Wallonie à la culture française.
Il participe ensuite au Congrès wallon de Liège de 1912, qui étudie la question de la séparation administrative. Le 15 août 1912, il publie sa célèbre Lettre au Roi sur la séparation administrative de la Flandre et de la Wallonie. Dans ce texte fondateur, il met l’accent sur la méconnaissance de l’identité et des aspirations wallonnes et prône le fédéralisme. Cet acte au grand retentissement donne une assise importante au Mouvement wallon auquel l’avocat de Marcinelle contribuera de manière intensive jusqu’à sa mort. Toujours en 1912, il est l’initiateur de l’Assemblée wallonne, premier parlement informel de Wallonie dont la première réunion inaugurale a lieu le 20 octobre, à Charleroi.
Pendant la première guerre mondiale, Jules Destrée est investi d’importantes missions internationales, notamment celle d’aller à Rome pour rallier, avec succès, l’Italie à la Triple entente. Il se rend également en mission spéciale en Russie en octobre 1917. Après le conflit, il devient Ministre des Sciences et des Arts entre 1919 et 1921, poste où il déploie une activité intense. Il contribue ainsi à reconstruire un enseignement primaire de qualité, notamment en instaurant l’obligation scolaire et en imposant de nombreuses réformes toujours d’actualité. Dans le domaine des Arts, il fonde l’Académie de Langue et de Littérature françaises qu’il ouvre aux femmes et à des membres étrangers, figurant ainsi parmi les pionniers de la francophonie et de l’égalité des sexes.
Redevenu parlementaire, il continue à s’impliquer dans le Mouvement wallon face à une Assemblée wallonne attiédie. Pragmatique et homme d’action, il signe en 1929, avec Kamiel Huysmans, le Compromis des Belges, prônant un fédéralisme modéré. A la fin de sa vie, en parallèle à ses activités wallonnes et artistiques, il s’élèvera contre les fascismes.
Figure emblématique du Mouvement wallon, tribun hors pair ayant contribué à l’éveil de la conscience wallonne, Jules Destrée demeure une référence incontournable.
Il fut fait Commandeur de Mérite wallon à titre posthume en 2012, année du centenaire de sa célèbre Lettre.
Orientation bibliographique :
Philippe DESTTATE, DESTREE Jules, dans Encyclopédie du Mouvement wallon, notice 1924.
Georges-Henri DUMONT, DESTREE Jules, dans Nouvelle Biographie nationale, t. 5, Bruxelles, Académie royale, 1999, pp. 117-123.