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Dethier (ou De Thier) Laurent-François

Révolutions

Spixhe-Theux 14/09/1757, Theux 01/07/1843


À la suite de la Prise de la Bastille, Laurent-François Dethier prend la tête d’un mouvement révolutionnaire et républicain ; à son initiative, le Congrès de Polleur adopte, dès le 16 septembre 1789, une Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen. Si l’on considère généralement que cette œuvre fut collective, force est de reconnaître le rôle prépondérant joué par l’avocat Dethier, par ailleurs bourgmestre de Theux. Tour à tour Liégeois, Autrichien, Français, Hollandais et Belge, bourgmestre, représentant du Tiers, député de l’Ourthe et membre du Congrès national, L-Fr. Dethier contribue à la transformation des institutions qui l’entourent en restant fidèle à un seul principe : il est républicain. Au-delà de son activité politique, l’avocat Dethier a consacré une partie de son existence à l’étude des sciences naturelles, du folklore et de l’archéologie. Plus d’un siècle après sa disparition, son premier biographe (J. Meunier) fait ressurgir une personnalité marquante qu’avaient révélé les événements de 1789.

Formé à Saint-Trond, puis aux universités de Louvain et de Reims, diplômé en Droit (1780), avocat, particulièrement intéressé aux affaires publiques, le jeune Laurent François Dethier est d’abord le chef de la faction opposée à la famille des « de Limbourg » dans le dernier quart du XVIIIe siècle. En 1788, il est choisi bourgmestre de Theux (avril-novembre). Défenseur farouche des idées des Lumières, il prend une part active aux événements révolutionnaires qui se déroulent en principauté de Liège et en particulier dans le marquisat de Franchimont, à partir de l’été 1789. Dès le 9 août, il convoque en Congrès à Polleur, tous les représentants des cinq bans du Marquisat (Jalhay, Sart, Spa, Theux et Verviers) ; la première réunion se tient le 26 août et Dethier prononce le discours inaugural ; dès la 5e séance, le 16 septembre, le « Congrès de Polleur » rend publique une Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, plus radicale que la déclaration française. Approuvée à l’unanimité, elle est jugée plus radicale parce que le texte wallon ne reprend pas l’article XVII français et ne reconnaît donc pas, en la propriété, un droit inviolable et sacré, même s’il la range dans les droits naturels et imprescriptibles. Aux côtés de Dethier qui est l’homme fort du Congrès, le spadois Jean-Guillaume Brixhe joue un rôle important, en tant que secrétaire.

Lors des premières élections liégeoises (juin 1790), L-Fr. Dethier devient le premier représentant du marquisat de Franchimont à l’État Tiers. En juillet, avec Fyon notamment, il constitue une « Société des Amis de la Liberté à Theux » qui, par pétition, réclame un local. Dès le 16 août, est élaboré un projet de constitution franchimontoise. Jugeant les décisions liégeoises trop timorées, Dethier et ses partisans tiennent à un modèle ressemblant à la France ; ils sont même décidés à se battre contre les Liégeois pour imposer leurs idées. Mais à l’heure où les troupes autrichiennes se rapprochent dangereusement pour restaurer l’Ancien Régime, le Congrès de Polleur cesse de se réunir (janvier 1791) et L-Fr. Dethier part trouver refuge en France. Il n’a de cesse de défendre le rattachement à la France de la principauté de Liège, ou du moins « des pays de Franchimont, de Stavelot et de Logne » dont il imagine l’organisation politique et sociale. Il est aidé par Brixhe qui rédige le Code du Droit public des pays réunis de Franchimont, Logne et Stavelot, où se trouvent les procès-verbaux des séances de l’assemblée de Polleur.

De retour à Theux dans les pas de Dumouriez, il incite ses compatriotes à voter la réunion (26 décembre 1792) et, en 1793, se montre partisan d’une distinction claire entre Liégeois et Franchimontois quand commence la seconde Restauration. Réfugié à nouveau à Paris, Dethier est admis au Club des Jacobins (juin 1793) et revient définitivement à Theux en 1795. Agent au service de la République dans l’arrondissement de Spa, juge au tribunal de Spa (1795), juge de paix du canton de Spa (1796-1797), juge au tribunal civil de Liège (1797-1798), Dethier est élu député au Conseil des Cinq Cents, la chambre législative qui se réunit à Paris, mais il en démissionne à la suite du coup d’État de Bonaparte, le « despote usurpateur ». En 1800, il rentre au pays où il se consacre à l’écriture.

En l’an VII, il avait rédigé un mémoire dédié à la « grande république une et indivisible ». Ce goût de l’écriture, il le met à profit durant la période où il se retire de la politique, non sans militer en faveur de l’instruction publique. Comme il s’intéresse à l’archéologie, à la linguistique et aux sciences naturelles, il rédige plusieurs traités et ouvrages dans ces divers domaines, sans systématiquement les publier. Il est en contacts épistolaires avec de nombreux savants de son temps. Minéralogiste et géologue, il est connu pour plusieurs découvertes de minéraux anciens et pour l’établissement de la première carte géologique couvrant tout le département de l’Ourthe. En 1817, il est candidat à la chaire de minéralogie de l’Université de Liège. Outre un Calendrier perpétuel wallon-français, il signe aussi Origines wallonnes ouvrage (inédit) où se manifeste son intérêt pour le passé et le « folklore » wallons, comme en témoigne le long sous-titre « recherches archéologiques sur l’histoire et les antiquités du pays wallon Belgique, son idiome, sa mythologie, ses lois et usages primitifs les plus remarquables ».
Au moment de la Révolution de 1830, Laurent-François Dethier revient sur la scène politique. À Theux d’abord comme bourgmestre, comme député ensuite : membre du Corps législatif, il est député suppléant au Congrès national en 1830. Il y plaide en faveur d’un régime républicain pour l’État qui vient de faire sa révolution contre les Pays-Bas. Quand une majorité de députés opte pour un système monarchique, L-Fr. Dethier remet immédiatement sa démission. Après les événements de 1830, il est décoré de la Croix de fer.
 

 

Sources

http://www.wallonie2010.eu/DroitsHomme.htm
Paul HARSIN, La Révolution liégeoise de 1789, Bruxelles, Renaissance du Livre, 1954, coll. Notre Passé, p. 97-98, 119-120
Élisée LEGROS, dans La Vie wallonne, III, 1960, n°291, p. 197-202
Gustave DEWALQUE, dans Biographie nationale, t. 5, col. 824-826
Joseph MEUNIER, La personnalité attachante de l’avocat theutois L. F. Dethier, dans Fédération archéologique et historique de Belgique, Annales. XXXIVe session, Congrès de Verviers, 22-25 juillet 1951. Programme du congrès et résumé des communications - textes des mémoires, 1954, p. 57-66
Joseph MEUNIER, Un acteur de la Révolution liégeoise : l’avocat Laurent-François Dethier, 1757-1843, géologue et publiciste, représentant du peuple au Conseil des 500, membre du Congrès national de Belgique et ses correspondants, dans Bulletin de la Société verviétoise d’archéologie et d’histoire, Verviers, Gérard, 1959, vol. 46, p. 7-144
Joël BAUM, Le Theutois Laurent-François Dethier et le Spadois Jean-Guillaume Brixhe, acteurs majeurs de la révolution et de lapériode française dans le pays de Franchimont (1789-1805), Université de Liège, mémoire inédit en Histoire, 2010-2011

 

 

Mandats politiques

Echevin de la Cour de Justice de Theux
Bourgmestre de Theux (1788)
Représentant au Tiers (1790)
Député de l’Ourthe au Conseil des Cinq Cents (1799-1800)
Membre suppléant du Congrès national (1830-1831)

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de Fassin Nicolas-Henri

Culture, Peinture

Liège 10/04/1728, Liège 21/01/1811


Issu d’une famille de notables liégeois qui le destinaient à une carrière de magistrat, le peintre d’animaux et de paysages Nicolas-Henri de Fassin vient de fêter ses vingt ans lorsqu’il se rend à Paris pour s’engager dans les armes. Devenu officier, mais accusé d’avoir voulu passer à l’ennemi, il est finalement innocenté par la commission spéciale nommée pour examiner l’affaire. 

Amer, il rentre au pays et part pour Anvers, où il étudie les chefs-d’œuvre des peintres flamands. À l’âge de trente-quatre ans, il se lance dans des études à l’Académie d’Anvers pour se perfectionner dans son art. À quarante ans, il fait le voyage d’Italie, séjournant à Rome et à Naples. Il visite ensuite Genève, où il se fait une réputation en faisant la connaissance d’un amateur d’art célèbre, Tronchu, également possesseur d’une impressionnante collection de tableaux, que Fassin entreprend de copier.

En 1769, se trouvant dans le voisinage du château de Ferney, acquis par Voltaire dix ans plus tôt, Nicolas-Henri de Fassin se rend auprès du philosophe qui lui permet de faire son portrait. Celui-ci, appartenant à la collection de Maxime de Soer de Solières, représente le philosophe en bonnet de nuit et en robe de chambre. 

Nicolas-Henri de Fassin revient à Liège, en 1770, où sa réputation l’avait précédé et où il retrouve son ancien ami, le peintre Léonard Defrance. Ensemble, il projette de doter Liège d’une académie de dessin, de peinture et de sculpture, un projet qui put voir le jour, en 1775, grâce à l’appui du prince-évêque François-Charles de Velbrück. 
Quand éclate la Révolution liégeoise, Nicolas-Henri de Fassin, à qui l’on confia, par ailleurs, le commandement de la milice locale, est installé à Spa. Une fois le pays de Liège réuni à la France, le peintre s’établit définitivement à Liège où il continue ses activités, jusqu’à sa mort.
 

Sources

Paul SIRET, dans Biographie nationale, t. 6, col. 891-894
Jacques STIENNON, dans La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Lettres. Arts. Culture, t. II, p. 248
Revue belge, t. 5, 1837 http://books.google.be/books?id=7VMFAAAAQAAJ&printsec=frontcover&hl=fr#v=onepage&q&f=false (s.v. 26 septembre 2014)

Bassenge Pierre-Nicolas

Révolutions

Liège 24/11/1758, Liège 16/07/1811

« Liégeois, vous êtes un peuple libre ! Un peuple est libre quand il n’obéit qu’aux lois qu’il se donne à lui-même par le consentement de tous les individus qui le composent ou par celui des représentants nommés et autorisés par eux ». L’auteur de ces paroles écrites en 1787 déjà se nomme Nicolas Bassenge. Il figure parmi les personnalités à la pointe de la lutte contre l’autoritarisme du prince-évêque Hoensbroeck.

Nostalgique du règne de Velbrück, période durant laquelle Bassenge était un écrivain en vue au sein de la Société d’Émulation, Bassenge était déjà très jeune un admirateur des réformes de Frédéric II et un adepte inconditionnel des idées des Lumières. Vers 1781, alors qu’il n’a qu’une vingtaine d’années, Bassenge se lance dans la défense opiniâtre de l’abbé Raynal (La Nymphe de Spa, 1781), ce qui lui vaut plusieurs pamphlets injurieux, provenant des milieux conservateurs de France comme de la Principauté, principalement du synode. Après un séjour à Paris où son amitié avec Grétry l’introduit dans des milieux importants (1782-1785), il rentre dans son pays wallon où il se fait le promoteur de la Société patriotique. À partir de mai 1787, il commence à publier ses Lettres à l'abbé de P, où il revendique les droits historiques du peuple liégeois et l'établissement d'un régime démocratique dans la principauté. Ne s’achevant qu’au moment de la Révolution liégeoise de 1789, les Lettres de Bassenge auxquelles s’ajoutent de nombreux articles publiés dans des journaux « patriotiques » représentent cinq fort volumes qui alimentent le discours révolutionnaire en critiquant le régime et en exaltant la patrie liégeoise. Mais la diffusion est à ce point calamiteuse que Bassenge n’évite la ruine personnelle que de justesse.

Au premier rang dans les événements qui font sortir calmement la principauté de Liège de l’Ancien Régime, Bassenge est l’un des premiers élus, comme « député du Tiers » (juillet 1790), et prépare un plan de municipalité « à la française » (été 1790). Contrairement au camp des insurgés liégeois qui veulent en revenir simplement aux institutions liégeoises d’antan (celles d’avant 1684), Nicolas Bassenge – que l’on qualifie souvent de « républicain modéré et de tête pensante de la « Révolution liégeoise » – veut du changement et prend Paris comme modèle, proposant de créer à Liège 60 sections avec tous les citoyens actifs de Liège et de sa banlieue, le titre de citoyen étant accordé à toute personne âgée de 25 ans, née à Liège ou ayant depuis cinq ans sa résidence et payant une somme de trois florins à la caisse communale. Disposant d'une voix, les électeurs devaient élire deux bourgmestres et vingt conseillers pour l'administration journalière et 120 notables pour les affaires plus importantes.

On sait que l’arrivée des Autrichiens (12 janvier 1791) restaure l’Ancien Régime ; principale plume des « révolutionnaires liégeois », Bassenge se réfugie à Givet, puis à Paris où le texte expliquant le vœu de réunion de Liège à la France est présenté à la Convention nationale. Après Jemappes, il rentre dans sa cité natale où un nouveau conseil municipal liégeois est mis en place ; Fabry le préside et Bassenge en est le secrétaire. Le 28 juillet 1793, il est élu conseiller avec 738 suffrages, tandis qu’un vote a mis un terme à un millénaire d’intégration liégeoise dans l’empire germanique pour permettre la réunion à la France. Devant la seconde restauration autrichienne, Bassenge fuit à nouveau à Paris jusqu’au moment où la principauté est intégrée à la République (1795). Ayant évité la mort de peu, sous la Terreur, il devient, à Liège, Commissaire général du Directoire exécutif près de l’administration du département de l’Ourthe. En 1798, il est élu comme représentant dudit département au Conseil des Cinq-Cents qui siège à Paris.

Soutien de Bonaparte lors de son coup d’état (1799), le républicain liégeois ne peut accepter la dérive monarchiste et despotique. Ses protestations sont entendues : il est écarté de ses fonctions… Il décide alors de se retirer de la vie politique (1802). Dans un grand dénuement, il achève son existence à Liège où les autorités lui ont confié la charge de conservateur de la bibliothèque municipale. Poète, homme de plume plutôt que tribun, Bassenge était entré résolument dans l’arène politique et, pendant dix ans, y exerça des fonctions majeures (notamment lors de missions auprès des plus hautes autorités de l’époque), et contribua sans conteste à faire basculer l’ordre ancien.

Sources

Adolphe BORGNET, dans Biographie nationale, t. II, col. 748-754
Paul HARSIN, La Révolution liégeoise de 1789, Bruxelles, Renaissance du Livre, 1954, coll. Notre Passé, p. 25, 28, 115-116
La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Lettres - arts - culture, t. II, p. 85-87
Histoire de la Wallonie (L. GENICOT dir.), Toulouse, 1973, p. 309
D. JOZIC, Jacques-Joseph Fabry, père de la révolution liégeoise (1722-18 août 1789), Liège, Université de Liège, mémoire, 1966-1967 

Mandats politiques

Conseiller municipal de Liège (1790-1795)
Commissaire général du Directoire exécutif près de l’administration du département de l’Ourthe (1795)
Député du département de l’Ourthe au Conseil des Cinq-Cents (1798-1802)

Au cœur des bouleversements politiques qui agitent l’Europe à la fin du XVIIIe siècle, le pays wallon voit se succéder les régimes jusqu’à la révolution de 1830. Au travers de nombreux documents, cette leçon relate l’éveil politique des habitants du territoire wallon entre l’Ancien Régime et la Première Guerre mondiale.

Ransonnet Jean-Pierre

Militaires

Liège 13/10/1744, Moutiers-en-Tarentaise (Savoie) 03/03/1796

Entré très jeune au service de l’Autriche (1759), Jean-Pierre Ransonnet éprouve des difficultés à être promu et quand, enfin, il accède au rang de lieutenant (1772), il décide de renoncer à ses fonctions dans l’armée autrichienne (avril 1773) pour rentrer dans sa famille, et disposer d’une fortune assez confortable. Mais l’oisiveté le mine et les nouvelles des événements qui se déroulent de l’autre côté de l’Atlantique le décident à quitter sa jeune épousée (1775) pour se mettre au service des insurgés dans leur guerre d’indépendance de 1778 à 1781. De retour au pays de Liège, il repart au combat dès 1787, contre le prince-évêque cette fois. Nul n’est étonné de le retrouver à la tête des insurgés qui, le 18 août 1789, s’emparent de la citadelle.

L’exploit de cette passe d’armes lui vaut le grade de lieutenant-colonel, mais les événements qui se préparent dans le Brabant l’attirent. Recrutant ses hommes en principauté, il met son propre régiment à la disposition du comité insurrectionnel réuni à Bréda et est nommé membre du Comité de Guerre en même temps que Van der Meersch. Nanti du grade de colonel brabançon, il mène une première campagne à la mi-octobre dont le résultat est mitigé. Ses efforts ne sont pas décisifs, mais sa tête est recherchée par les Autrichiens. N’obtenant des Brabançons le soutien qu’il recherche et trouvant leur insurrection trop conservatrice, il rejoint les patriotes liégeois et fait campagne, à ses frais, contre les coalisés (1790). Quand le prince-évêque est remis sur son siège par les Autrichiens, ce sont les hommes de Ransonnet qui assurent la sécurité des municipaux lorsque ceux-ci doivent chercher refuge en dehors de la principauté.

Réfugié à Paris, tandis que sa femme est emprisonnée et qu’une peine de bannissement le frappe, Ransonnet est mis en contact avec La Fayette par La Rochefoucauld et est autorisé à lever un corps franc auprès de Liégeois et de Belges réfugiés en France. Avant même que l’Assemblée nationale ne le décrète (28 mai 1792), Ransonnet forme une des premières compagnies franches de la jeune République, les hommes se rassemblant à Givet. Menant campagne en France d’abord, il rejoint ensuite l’Armée de  la Moselle, pour repousser les Prussiens. Promu colonel par Kellerman (7 novembre 1792), il repasse dans l’armée des Ardennes qui fait retraite de la Belgique au printemps 1793 ; promu général de brigade à titre provisoire, Ransonnet se retrouve par deux fois sous les verrous pour des raisons obscures, mais qui pourraient bien résulter du fait que, durant ces années difficiles pour la République, les chefs qui connaissaient la défaite étaient rapidement châtiés. 

Finalement remis en liberté, non sans mal, fin 1793, il recevait à titre définitif le grade de général (février 1794) avant de recevoir le commandement de la division de la Basse-Sambre, dans l’armée du Nord. Lors du siège de Charleroi et avant la bataille décisive de Fleurus (juin 1794), il reconnaît les positions en présence à partir du ballon d’observation. Après la prise de Mons (1er juillet), il poursuit les Autrichiens du côté de Liège, et participe à la bataille de Sprimont. Sujet fréquent aux remontrances de ses supérieurs, Ransonnet est un baroudeur qui a besoin d’action. Bien que rentré sur « ses terres », il aspire à repartir. En mars 1795, il est en Italie, où il retrouve Kellerman. Participant actif de la campagne italienne de juin à décembre 1795, il est chargé de la défense de la vallée de la Tarentaise ainsi que de celle de Beaufort. C’est là, à Moutiers qu’il est victime d’une attaque d'apoplexie. 

Tête brûlée aux idéaux purs et désintéressés, la personnalité de Ransonnet a frappé les esprits de son temps, d’autant que sa famille a payé un lourd tribut aux événements. De son mariage avec Anne-Marie Magnée dont on a vu qu’elle paya aussi de sa personne l’engagement de son mari, sont nés quatre fils, tous nés à Liège, officiers au service de France et morts au combat avant la fin de la période impériale, hormis le capitaine de vaisseau Jacques-Joseph Ransonnet (Liège 1778, Paris 1861).

 

Sources

E. JORDENA, dans Biographie nationale, t. XVIII, col. 663-678
Général Hector-Jean COUVREUR, Les Wallons dans la Grande Armée, Gembloux, Editions Duculot, 1971

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Bouquette Jean-Denis

Révolutions

Liège 17/06/1763, Huy 25/03/1794

Avec Grégoire-Joseph Chapuis à Verviers, Jean-Denis Bouquette est, à Huy, l’un des quelques patriotes de la principauté de Liège à subir la répression du prince-évêque, François-Antoine de Méan, lorsque celui-ci est rétabli sur son siège par les Autrichiens au cours de la seconde restauration. Bouquette est arrêté et condamné à mort le 20 mars 1794. Le 25 mars 1794, il est décapité sur la Grand-Place de Huy, pour l’exemple : sa tête fichée sur une pique est exposée au thier de Falise…, en même temps qu’Augustin Behogne de Jehay.

Bien qu’il affichât une vive opposition à l’égard de la fonction de prince-évêque en raison de la dimension religieuse de ce pouvoir, J-D. Bouquette, fripier de son état, avait réussi dans les affaires en s’imposant comme l’un des fournisseurs de la cour. Sans être un théoricien des Droits et Libertés, mais plutôt par tempérament, il se mêle aux événements du 18 août 1789. Petit bourgeois partisan d’un changement, le commerçant ne souffrait pas le désordre provoqué par le petit peuple. Pourtant, quand le prince-évêque Hoensbroeck est reconduit à l’hôtel de ville de Liège, est contraint d’approuver l’abrogation du règlement de 1684 de Maximilien-Henri et apparaît symboliquement au balcon, J-D. Bouquette saisit l’occasion pour accrocher sa propre cocarde « révolutionnaire » sur le vêtement de l’évêque (18 août 1789). 

Les versions de l’événement varient d’un « commentateur » à l’autre, mais chacun rapporte les mots prononcés en wallon par Bouquette : « Louki, grand-père, ki çoulà v’va bin ! N’aï nin paou, vo’n polé mâ » (Regardez, grand-père, comme cela vous va bien ; n’ayez pas peur, vous ne « pouvez mal »). La portée politique de l’acte pèsera lourd dans le jugement définitif rendu en 1794 : crime de lèse-majesté ! Le prétexte ne doit pas dissimuler le fait que Bouquette avait continué à être un actif révolutionnaire, combattant le retour de l’Ancien Régime en établissant des contacts avec les Français, en particulier avec Dumouriez, et qu’il fut choisi par ses compatriotes comme officier municipal lors de la deuxième révolution.

Le sort post-mortem de Bouquette est une histoire en soi. La tête du condamné a en effet été jetée dans une fosse à la Buissière… avant d’être récupérée par des soldats français, en juillet 1794, quand ils effectuent leur retour à Huy après la bataille de Fleurus. Selon P. Deschene, la mémoire du révolutionnaire hutois est honorée avec pompe : « un cortège patriotique conduit la tête de Bouquette portée par quatre jeunes filles de blanc vêtues jusqu’à la Grand Place où elle est enterrée à proximité de la Fontaine du Marché, à l’endroit même où fut ensuite planté l’Arbre de la Liberté qui sera abattu sur ordre du commandant de l’armée prussienne d’occupation en 1815 ». En 1994, une ASBL prend l’initiative de réaliser une stèle qui rend hommage à J-D. Bouquette près du Mont Falise. Un comité Jean-Denis Bouquette (Wallonie) est d’ailleurs partie constituante d’une « Fédération nationale laïque des Associations des Amis des Monuments pacifistes, républicains et anticléricaux ».

 

Sources

Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse
Joseph Lebeau 1794-1865, Huy, 1966, p. 37
Pierre DECHESNE, Quel est le Hutois enterré sous la Grand-Place ?, dans La Meuse, 28 août 2010
Conférences de la Société d’art et d’histoire du diocèse de Liège (Volume 3-5)
Freddy JORIS, Mourir sur l’échafaud, Liège, Céfal, 2005, p. 18
Philippe RAXHON, La Figure de Chapuis, martyr de la révolution liégeoise dans l’historiographie belge, dans Elizabeth LIRIS, Jean-Maurice BIZIÈRE (dir.), La Révolution et la mort : actes du colloque international, Toulouse, 1991, p. 209-222
Paul HARSIN, La Révolution liégeoise de 1789, Bruxelles, Renaissance du Livre, 1954, coll. Notre Passé, p. 173
Conférences de la Société d’art et d’histoire du diocèse de Liège (Volume 3-5), Liège, 1888

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Pirson François-Gérard

Révolutions

Sart-Custinne 24/10/1765, Dinant 01/05/1850

Formé au collège royal de Sedan et à Dunkerque où il suit des cours de commerce et de comptabilité, François Pirson est issu d’une famille aisée vivant dans le duché de Bouillon, État semi-autonome tourné vers Paris. C’est là que le jeune homme se trouve au moment où éclate la Révolution, en 1789. 

À son retour à Bouillon qui s’agite également à la suite des événements parisiens, Pirson se fait le porte-parole des notables en dénonçant quelques abus du duc. En 1790, il contribue à la mise en place d’une Assemblée générale (Paliseul, mars 1790). Composée de 55 « députés » sur le modèle de l'Assemblée nationale française, approuvée par le duc et installée à Bouillon, elle se dote d’un Comité d’action composé de 12 membres. Rapidement les droits féodaux sont abolis. En février 1791, elle adopte un décret proclamant la souveraineté « nationale » du duché. 

Au printemps 1792, l’Assemblée devient permanente, son but étant de rectifier la Constitution du pays. Le 28 mars 1792, une charte constitutionnelle est proclamée qui doit accueillir les réformes projetées ; elle se réfère aux principes de la Constitution française et de la Déclaration des Droits de l’homme d’août 1789. Sorte de monarchie constitutionnelle, Bouillon contraint le duc Godefroy-Charles-Henri de la Tour d’Auvergne à prêter le serment de respecter la loi fondamentale. Le 26 mai, l’Assemblée abolit tous les droits seigneuriaux et féodaux. L’Assemblée reste constituante jusqu’en novembre 1792 et crée une véritable démocratie bourgeoise. En 1793, Pirson est le délégué de l’Assemblée à Paris pour y négocier avec son homologue française… l’indépendance d’une République ardennaise. En 1794, la République de Bouillon est née.

Contrée rurale aussi révolutionnaire que Paris, Bouillon est cependant annexée à la République manu militari le 4 brumaire an IV (25 octobre 1795). Pour s’assurer l’intégration du duché dans la république, la Convention eut soin de partager le territoire « ancien » entre les trois nouveaux départements (Ardennes, Forêts et Ourthe). Citoyen français, François Pirson exerce tour à tour la fonction de commissaire du Directoire exécutif pour organiser les cantons d'Orchimont et de Gedinne dans le département de Sambre-et-Meuse (octobre 1795-mars 1796), membre puis président de l'administration centrale dudit département (jusqu’en avril 1799), avant de devenir membre du Conseil de la sous-préfecture de Saint-Hubert sous le Consulat et membre du Conseil général du département en 1808.

Ayant déménagé à Dinant, il est nommé capitaine de la Garde civile mais s’occupe surtout de bienfaisance à l'hospice de la cité mosane (1815), devenant membre de la direction du Bureau de bienfaisance (1816). Après avoir siégé aux États provinciaux de Namur, il devient membre du Conseil communal de Dinant (1817), puis de la Seconde Chambre des États généraux (1819) et enfin commissaire d'arrondissement (1820) : son opposition à la politique est virulente et remarquée. Retiré de la politique en 1822, il réapparaît au premier plan durant la révolution de 1830. Président de l'administration provisoire dinantaise, il est délégué au Congrès national (1830) où il vote en faveur du duc de Neumours. Il siège à la Chambre des représentants jusqu’en 1842. Il est désigné bourgmestre de Dinant, deuxième titulaire d’une charge qu’il exerce d’août 1836 à 1848. Républicain libéral anti-orangiste, il est partisan d'une séparation absolue entre l'Église et l'État, tout en étant un catholique « progressiste » pratiquant… Au sein de l’unionisme régnant aux débuts de la Belgique, cela ne doit pas étonner. Il est le père de Victor Pirson, futur gouverneur de la province de Namur.

Sources

Luc FRANÇOIS, François Pirson (1765-1850) : Un acteur politique en période troublée, dans De la Meuse à l'Ardenne, n° 9, 1989, p. 15-33.
VERMER Adelin, La révolution bouillonnaise et ses lendemains. Contribution à l'histoire des révolutions de la fin du XVIIIe siècle, Heule : UGA, 1975, (Anciens pays et assemblées d'États = Standen en landen ; 65)
Fr.-D. DOYEN, dans Biographie nationale, t. XVII, 1903, col. 665-670

Mandats politiques

Membre de l’Assemblée générale de Bouillon (1790-1795)
Membre des États provinciaux de Namur
Conseiller communal de Namur (1817-1822)
Délégué au Congrès national (1830-1831)
Député (1831-1843)
Bourgmestre de Dinant (1836-1848)

La Révolution liégeoise de 1789

La prise de la Bastille, le 14 juillet 1789 à Paris, donne l’impulsion à la révolution des Liégeois contre les représentants de l’ancien Régime. Successeur de Velbruck à la tête de la principauté (1784), Hoensbroech a fait naître contre sa personne une irrésistible opposition populaire qui se saisit du moindre prétexte pour dénoncer davantage le représentant de l’Église que celui du temporel. L’affaire des jeux de Spa avive les esprits.
 La défense des droits de l’homme est le leitmotiv des leaders démocrates liégeois de l’insurrection. Se référant à la Paix de Fexhe, aux traditions et libertés, ils contraignent le prince-évêque à la fuite, s’attèlent à la rédaction d’une constitution, après la prise de l’hôtel de ville de Liège et de la Citadelle (18 août 1789). Au nom du Cercle de Westphalie, la Prusse poste calmement 5.000 hommes de troupes dans la principauté. Des élections ont lieu dans la cité de Liège (juillet 1790) et le soutien de la France est vivement sollicité. Quand le Cercle de Westphalie fait mine de rétablir l’ordre en principauté, des troupes de volontaires prennent le dessus sur les armées de métier (Hasselt 27 mai, Genk 9 août, Visé 9 décembre). Ce sont finalement les troupes autrichiennes – qui viennent de mettre fin à la révolution brabançonne – qui imposent la restauration de l’Ancien Régime et le retour du prince-évêque (12 janvier 1791).
Quant au duché de Bouillon, petit Monaco du nord ayant accueilli des encyclopédistes en fuite (XVIIIe siècle), il prend une part active à la révolution de juillet 1789. Dès mars 1790, les Bouillonnais réunis à Paliseul décident de former une « Assemblée générale » sur le modèle de l'Assemblée nationale française.

Références
H80 ; Hahu147


Institut Destrée (Paul Delforge et Marie Dewez) - Segefa (Pierre Christopanos, Gilles Condé et Martin Gilson)