Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam
Plaque César FRANCK
Que César Franck (Liège 1822 – Paris 1890) soit un virtuose exceptionnel et l’un des plus grands compositeurs de son temps, nul ne le conteste. Lors de ses obsèques, grandioses, en 1890 à Paris, les plus grands éloges sont adressés à celui qui s’est formé à Liège, a maîtrisé très vite le piano, avant d’être guidé vers Paris où il s’installe. Le musicien wallon y étudie au Conservatoire et remporte tous les prix. Il joue alors sur les plus prestigieuses scènes d’Europe, avant de rompre avec son impresario de père (1845). En plus d’exceller au piano, à l’orgue, au contrepoint et à la fugue, César Franck se révèle un brillant compositeur. Il faudra quelques années avant que cet autre talent ne soit perçu par ses contemporains. Pour être nommé professeur d’orgue au Conservatoire de Paris (1872), César Franck prend la nationalité française ; il ne le regrette pas : sa classe devient un foyer de création extrêmement actif. Quant à ses Béatitudes et à son Quintette, ce sont des œuvres qui l’imposent comme une figure maîtresse de la fin du siècle. Honoré de son vivant (Légion d’honneur en 1885, présidence de la Société nationale de musique en 1886), César Franck ne pouvait tomber dans l’oubli.
Déjà manifeste de son vivant, la compétition entre Paris et Liège se poursuit après sa mort. Dès 1894, un comité se constitue à Liège pour élever un monument à César Franck dans sa ville natale, mais c’est à Paris, en 1904, qu’une statue est inaugurée à sa mémoire, le 13 (ou 22) octobre, sur le square actuellement appelé Samuel Rousseau, devant la basilique Sainte-Clotilde où l’artiste jouait de l’orgue. Un comité parisien y travaillait depuis 1896. Établi dans la capitale française, Albert Mockel a alerté les Liégeois ; il a même défendu la candidature de Joseph Rulot, mais le projet du sculpteur wallon inspiré de l’oratorio des Béatitudes n’est pas choisi, le comité parisien lui préférant le projet d’Alfred Lenoir. En novembre 1904, l’ambitieux projet de Rulot est présenté à Liège. En l’absence de moyens financiers et en raison aussi de la personnalité de Rulot, ce projet en est encore au stade de l’ébauche quand éclate la Grande Guerre ; l’association des Amis de l’Art wallon, cercle constitué au lendemain des Salons artistiques de l’Exposition internationale de Charleroi, n’a pourtant pas ménagé ses efforts pour qu’un mémorial César Franck soit inauguré en Wallonie. À défaut ou dans l’attente d’une statue ou d’une œuvre spectaculaire, l’association les Amis de l’Art wallon pose un premier geste en apposant une plaque commémorative sur la maison natale de César Franck, rue Saint-Pierre.
DANS CETTE MAISON EST NE
LE 10 – XII – 1822
CÉSAR AUGUSTE FRANCK
MORT A PARIS LE 9 – XI – 1890
LE PLUS GRAND MUSICIEN
DE LA FIN DU XIXe SIÈCLE
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HOMMAGE DE LA WALLONIE
A SON ILLUSTRE FILS
15 – III – 1914
Sources
Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse
Sylvain DUPUIS, Charles DELCHEVALERIE, César Franck : la leçon d’une œuvre et d’une vie : commémoration du centenaire de la naissance de César Franck né à Liège le 10 décembre 1822 mort à Paris le 9 novembre 1890, Liège, 1922
Serge ALEXANDRE, Joseph Rulot et Jules Brouns. Deux Sculpteurs à Herstal, dans Art & Fact. Revue des Historiens d'Art, des Archéologues, des Musicologues et des Orientalistes de l'Université de l'Etat à Liège, (1993), vol. 12, p. 128-129
Alexia CREUSEN, sur http://www.wittert.ulg.ac.be/expo/19e/album/584_franck.html (s.v. mai 2014)
Norbert DUFOURCQ, dans Biographie nationale, Bruxelles, t. 33, col. 322-335
Maurice EMMANUEL, César Franck, Paris, 1930. Coll. Les musiciens célèbres
César Franck. Correspondance réunie, annotée et présentée par Joël-Marie Fauquet, Sprimont, Mardaga, Conseil de la Musique de la Communauté française, 1999, coll. « Musique-Musicologie »
Musée des Beaux-Arts, Exposition Le romantisme au pays de Liège, Liège, 10 septembre-31 octobre 1955, Liège (G. Thone), s.d., p. 189
La Vie wallonne, 15 septembre 1920, I, p. 8-11, 38
La Vie wallonne, 15 août 1921, XII, p. 573 et ssv
La Vie wallonne, 15 octobre 1921, XIV, p. 93
La Vie wallonne, 15 mars 1922, XIX, p. 333
La Vie wallonne, 15 décembre 1922, XXVIII, p. 155-163 et 163-178
La Vie wallonne, 15 janvier 1923, 3e année, XXIX, p. 227-230
La Vie wallonne, IV, n°260, 1952, p. 305
La Vie wallonne, 1972, n°340, p. 338-339
Rue Saint-Pierre
4000 Liège
Paul Delforge
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Buste de Joseph Foidart
À l’origine, le buste en bronze de Joseph Foidart (1852-1911) surmontait une spectaculaire fontaine publique, érigée à la mémoire du bourgmestre de Bressoux, à l’angle des rues (Louis) Foidart et du Champ de Manœuvre. Avec le temps, la fontaine s’est abîmée et a perdu son utilité publique ; le buste Foidart s’est, par conséquent, retrouvé orphelin et a été réaménagé au sommet d’une colonne, tout en demeurant sur la place communale.
Conseiller communal élu en 1876, successivement échevin de l’Instruction et des Finances à partir de 1880, bourgmestre faisant fonction de 1884 à 1886 et finalement bourgmestre de Bressoux à partir du 30 mars 1886, Joseph Foidart a consacré l’essentiel de son activité à sa commune, y développant d’importants travaux d’aménagement, tant pour en améliorer l’hygiène (eau, égouts) que le confort des habitants et la circulation (la voirie et notamment l’établissement du chemin de fer vicinal Liège-Barchon). Président suppléant du Conseil de milice, vice-président du Comité de l’Association libérale et progressiste de Bressoux au début du XXe siècle, cette personnalité libérale liégeoise – qui contribua à la réunification de sa famille politique – était aussi conseiller provincial, élu dans le canton de Grivegnée de 1898 à 1904 et de 1906 jusqu’à son décès le 18 février 1911.
Au lendemain des imposantes funérailles du deuxième bourgmestre de Bressoux depuis 1830, un Comité se constitue en dehors de toutes préoccupations politiques pour lui élever un monument ; une souscription publique est lancée dès le début du mois de mai 1911 et un comité d’honneur est placé sous la présidence de Loumaye, président du conseil provincial, et comprend notamment Eugène Raskin, bourgmestre qui a succédé à Foidart. En dépit de certaines réticences au sein du conseil communal, les autorités de Bressoux allouent également un subside pour ledit monument et prennent surtout en charge les travaux d’aménagement du monument/fontaine : expropriation, construction d’un trottoir circulaire en mosaïque de marbre, pose d’un grillage en fer forgé pour délimiter un jardinet, fourniture et pose des canalisations nécessaires. L’érection du monument se déroule en parallèle avec l’agrandissement de la place publique, qui crée au centre de l’entité un vaste espace. Grâce à ce parrainage actif, le Comité qui a rassemblé plus de 6.000 francs en souscription, peut mener à bien son projet, dont la réalisation artistique est confiée au sculpteur Émile David (Liège 1871 - ), sur le conseil et sous la supervision de l’Association des Élèves de l’Académie des Beaux-Arts de Liège.
Formé à l’Académie de sa ville natale avant de prendre la route de Paris pour s’y perfectionner, Émile David avait été l’un des deux « Liégeois » candidats au Prix de Rome de sculpture 1894, dont le lauréat fut un autre Wallon, Victor Rousseau, formé par des professeurs liégeois de l’Académie de Bruxelles. Sculpteur et statuaire wallon apprécié, Émile David réalise de nombreux portraits-bustes et médaillons, où l’élément féminin prend une place importante. Son expérience et ses qualités sont bien établies sur la place de Liège ; c’est à lui que furent notamment confiés les projets de monuments commémoratifs Zénobe Gramme de Jehay en 1907 (la fontaine de la place du Tambour et la plaque apposée sur la maison natale). Il signe d’autres monuments du même type, essentiellement dans la région liégeoise et sa renommée est grande avant que n’éclate la Première Guerre mondiale. Son nom est cité parmi les artistes susceptibles d’attirer les visiteurs aux Salons d’art de l’époque. On perd totalement sa trace durant la Grande Guerre.
Le buste en bronze Foidart que David signe en 1913 est fortement apprécié des autorités locales ; un hommage est rendu au sculpteur, ainsi qu’à son aidant, M. Thyse qui s’est lui occupé du monument, lors de la cérémonie officielle d’inauguration qui mobilisa toute la population locale, le dimanche 25 mai 1913, en présence aussi de diverses harmonies. Aujourd’hui disparue, le monument nous est connu par la description lyrique réalisée par un journaliste de l’époque : « tout en pierre de granit, le monument montre, au centre d’une large vasque de fontaine, un massif de roseaux duquel émergent, à mi-corps, trois femmes nues, aux formes élégamment ciselées. Cette poétique évocation symbolise les sources d’Evegnée qui alimentent en eau potable la commune de Bressoux. Les trois figures allégoriques lancent dans le bassin un jet d’eau qui scintille au soleil comme un fil d’argent aux mille reflets ».
Sources
Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse, notamment La Meuse des 20 et 22 février, 3 mai, 18 juillet 1911, 31 mars et surtout du 26 mai 1913
Mémorial de la province de Liège. 1936-1986, Liège, 1986, p. 192
Eugène DE SEYN, Dictionnaire biographique des sciences, des lettres et des arts en Belgique, Bruxelles, 1935, t. I, p. 191
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 292
Yannick DELAIRESSE et Michel ELSDORF (dir.), Le livre des rues de Liège : Angleur, Bressoux, Chênée, Glain, Grivegnée, Jupille, Liège, Rocourt, Sclessin et Wandre, Liège, Noir Dessin, 2001, p. 184
Place communale
Place de la Résistance
4020 Liège (Bressoux)
Paul Delforge
Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam
Statue Fastré BARÉ de SURLET
Quelques années après la décoration de la façade du Palais provincial de Liège par de multiples statues et bas-reliefs évoquant l’histoire de la principauté, est construit un nouveau bâtiment destiné à accueillir les services de la poste. Situé entre la rue de la Régence, la place Cockerill, le quai sur Meuse et la rue Matrognard, l’imposante construction est l’œuvre de l’architecte Edmond Jamar (1853-1929) qui s’inspire du style ogival du XVIe siècle qui avait présidé à la (re)construction du Palais des Princes-Évêques. Ce style se retrouve sur la façade des trois premières rues citées. Afin de décorer la partie supérieure du bâtiment qualifié de néo-gothique, l’architecte confie au statuaire Maurice de Mathelin (Tintigny 1854-Liège 1905) le soin de réaliser six grandes statues en bronze, représentant six bourgmestres de Liège des XVe, XVIe et XVIIe siècles, soit la période où le style du bâtiment prévalut. Les six statues sont nichées sur les façades et, à leur pied, un petit écu représente les armoiries du bourgmestre en question.
D’autres décorations apparaissent sur les façades du bâtiment construit sous l’impulsion du ministre Van den Peereboom : ainsi, neuf autres statues, plus petites, n’illustrent pas un personnage particulier, mais une fonction en rapport avec un métier exercé aux XVe et XVIe siècles ; elles ont été réalisées par l’atelier de Mathelin. À l’origine, elles étaient dorées (BROSE). Outre un grand blason au-dessus de la porte d’entrée principale, où apparaît la devise « l’Union fait la force », une série d’autres blasons, plus petits, dus au sculpteur Joseph Wéra, évoquent quelques bonnes villes, tandis qu’on retrouve encore le blason du gouverneur de la province de Liège en fonction au moment de la construction de l’hôtel des postes, ainsi qu’un cor postal, un lion de bronze tenant drapeau et trompette et un médaillon de près de 3 mètres de diamètre qui représente le bâtiment lui-même… Parmi les six grandes statues, celle qui est la plus proche du quai sur Meuse représente Fastré-Baré de Surlet.
Trois Fastré Baré de Surlet ont été bourgmestres de Liège avant la fin du Moyen Âge ; l’un, dit de Lardier, a été élu à la charge annuelle pour 1381 et 1384, année au cours de laquelle le peuple obtient le droit de choisir tous les membres du Conseil de la Cité et où les 32 métiers obtiennent eux aussi le droit d’intervenir dans la désignation des élus. Un autre, petit-fils du précédent, a été bourgmestre en 1419, année où il assiste à l’entrée solennelle de Jean de Heinsberg, ainsi qu’en 1421, 1423, 1428, 1432, 1433 et 1438, année de son décès. Vient enfin le troisième Fastré Baré de Surlet, fils du précédent, nommé bourgmestre en 1446, 1452 et 1457, l’année de la désignation de Louis de Bourbon comme nouveau prince-évêque, puis encore en 1462, 1466 (comme remplaçant en cours d’année) et 1467. « Capitaine des Liégeois dans les révolutions de son temps, il était plein de courage et de zèle, et n’en donna que trop de preuves à la bataille de Brusthem, où il eut le malheur d’être tué d’un coup de lance le 8 octobre 1467, dans sa cinquième année de magistrature », rapporte le Recueil héraldique. C’est ce troisième Fastré Baré de Surlet qui est illustré sur la Grand Poste, comme en atteste son blason. Chevalier, seigneur de Chockier, il est représenté tenant une lance dans la main droite, et le regard légèrement incliné vers le bas, selon la volonté de Maurice de Mathelin.
Fils de Jean-Baptiste de Mathelin de Papigny, le jeune Luxembourgeois a été l’élève de Prosper Drion à l’Académie de Liège, avant de faire une carrière à la fois de peintre, de médailleur et de sculpteur. Décédé à l’âge de 50 ans, il laisse principalement des bustes et des portraits. Marié à Louise d’Andrimont, il est notamment l’auteur du buste du bourgmestre Jules d’Andrimont conservé au Musée de l’Art wallon (du moins avant son démantèlement). Plusieurs commandes publiques permettent à Mathelin de réaliser des sculptures le plus souvent allégoriques, tant à Bruxelles, qu’en Wallonie. Ainsi est-il l’auteur de l’une des sculptures en bronze de la façade de l’Université de Liège, place du XX août (L’Étude). Peu avant sa mort, il avait réalisé les grandes statues situées au-dessus du fronton central du Palais des Fêtes de l’Exposition universelle de Liège, en 1905. Les statues réalisées pour la Grand Poste furent inaugurées en même temps que le bâtiment de Jamar, le 16 décembre 1901.
Sources
Yvon LABARBE, Hôtel des Postes de Liège, Fexhe, 1999, en particulier p. 47-48
Charles BURY, Les Statues liégeoises, dans Si Liège m’était conté, n°37, hiver 1970, p. 26
http://gw.geneanet.org/gounou?lang=fr&p=maurice&n=de+mathelin+de+papigny
http://www.chokier.com/PDF/Devolution.pdf (s.v. mars 2015)
Louis ABRY, Jean-Guillaume LOYENS, Recueil héraldique des bourguemestres de la noble cité de Liège…, Liège, 1720, p. 96, 130, 138, 152-153, 168, 169, 176
Christine RENARDY (dir.), Liège et l’Exposition universelle de 1905, Bruxelles, La Renaissance du livre, 2005, coll. « Les Beaux livres du Patrimoine », p. 197
Noémie WINANDY, La Grand-Poste d’Edmond Jamar, dans Un Siècle de néogothique 1830-1930, numéro spécial de Les Nouvelles du Patrimoine, janvier-février-mars 2010, n°126, p. 30-31
Jean BROSE, Dictionnaire des rues de Liège, Liège, Vaillant-Carmanne, 1977, p. 152
Quai sur Meuse
4000 Liège
Paul Delforge
Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam
Statue Érard de la Marck
Au milieu du XIXe siècle, afin de doter l’institution provinciale de Liège d’un bâtiment digne de ce niveau de pouvoir, d’importants travaux sont entrepris autour de l’ancien palais des princes-évêques. Propriétaire des lieux (1844), l’État belge retient le projet du jeune architecte Jean-Charles Delsaux (1850) et lui confie la mission de réaliser une toute nouvelle aile, en style néo-gothique, sur le côté occidental du Palais. Face à la place Notger, Delsaux (1821-1893) achève l’essentiel du chantier en 1853, mais des raisons financières l’empêchent de réaliser la décoration historiée qu’il a prévue pour la façade du nouveau palais provincial. Vingt-cinq ans plus tard, le gouverneur Jean-Charles de Luesemans prend l’avis d’une commission pour déterminer les sujets et les personnes les plus dignes d’illustrer le passé de « la Nation liégeoise ». Placés sous la responsabilité de l’architecte Lambert Noppius (1827-1889), une douzaine de sculpteurs vont travailler d’arrache-pied, de 1877 à 1884, pour réaliser 42 statues et 79 bas-reliefs. Elles racontent l’histoire de la principauté de Liège, privilégiant les acteurs du Moyen Âge.
Dès la mi-octobre 1880, 27 des 42 statues sont achevées, validées par la Commission et mises à leur emplacement respectif. Celle d’Érard de la Marck est parmi celles-ci.
À titre personnel, Léopold Noppius, le frère de l’architecte liégeois, signe onze décorations particulières, dont 9 statues de personnalités majeures de l’histoire de la principauté de Liège, parmi lesquelles l’ambitieux prince-évêque de Liège et cardinal de Valence, Erard de la Marck (1472-1538), celui qui fit entrer la principauté dans la Renaissance. Placée entre Albert de Cuyck et Saint-Hubert, sa statue est située en plein centre du péristyle, témoignant de l’importance du personnage dans la manière de retracer l’histoire liégeoise au milieu du XIXe siècle. Élu Prince-Évêque de Liège le 30 décembre 1505 et sacré en mai 1506, celui qui est né à Sedan quatre ans après la destruction de Liège par les troupes bourguignonnes ne cache pas vouloir jouer un rôle en vue dans la politique européenne de son temps Fait évêque de Chartres par le roi de France en 1507, il négocie le statut de la principauté de Liège et, en dépit d’une neutralité affirmée, fait alliance avec Charles Quint qui l’ordonne évêque (1520) puis cardinal de Valence (1521), en échange de sa protection. Reconstructeur de la cité, mécène de Lambert Lombard, correspondant d’Erasme, il rétablit l’ordre dans les finances et n’hésite pas à mâter violemment l’insurrection des Rivageois (1531). Sa présence sur la façade du jeune Palais provincial ne pouvait se discuter : n’était-il pas celui qui avait fait reconstruire le palais des princes-évêques dans le style qu’on lui connaît aujourd’hui, après l’incendie de 1505 ? Avec son porte-chef caractéristique, la statue d’Érard de la Marck est l’une des rares montrant le personnage en train de lire le long manuscrit qu’il tient entre les mains. Peut-être s’agit-il du traité garantissant la neutralité liégeoise.
Avant ce chantier de décoration, Léopold Noppius dont l’atelier accueillait le tout jeune Léon Mignon avait déjà signé quelques bas-reliefs, médaillons et bustes en région de Liège, comme sur le fronton du portique d’accès à l’Institut de Zoologie de l’Université de Liège. Réalisant des statues s’inspirant de sujets religieux (Vierge, Saint-Sébastien, etc.) qui ornent les églises, il rédige et publie, en 1880, un Projet de cortège historique pour Liège. Après le succès rencontré par celui organisé à Bruxelles à l’occasion des cinquante ans de la Belgique, il présente aux autorités liégeoises, et aussi à tous les partenaires du pays wallon, un projet de cortège historique qui pourrait se dérouler à Liège afin d’honorer et de glorifier tous ceux qui ont contribué à l’histoire de la principauté de Liège, voire du pays wallon. Nombre des personnalités évoquées dans son opuscule se retrouvent sur la façade du palais provincial.
Sources
Léopold NOPPIUS, Cortège historique, Liège son passé son présent, Liège, éd. Blanvalet et Cie, 1880
Jean LEJEUNE (dir.), Liège et son palais : douze siècles d’histoire, Anvers, Fonds Mercator, 1979
Julie GODINAS, Le palais de Liège, Namur, Institut du Patrimoine wallon, 2008, p. 94
http://perso.infonie.be/liege06/07sept.htm
http://www.chokier.com/FILES/PALAIS/PalaisDeLiege-Masy.html (s.v. août 2013)
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. II, p. 231
Jean-Luc GRAULICH, dans Musée en plein air du Sart Tilman, Art&Fact asbl, Parcours d’art public. Ville de Liège, Liège, échevinat de l’Environnement et Musée en plein air du Sart Tilman, 1996
Henri LONCHAY, Biographie nationale, t. 13, col. 497-511
La Meuse, 2 octobre 1880
Façade latérale du Palais provincial
Place Saint-Lambert 18A
4000 Liège
Paul Delforge
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Statue Éracle
Au milieu du XIXe siècle, afin de doter l’institution provinciale de Liège de bâtiments dignes de ce niveau de pouvoir, d’importants travaux sont entrepris autour de l’ancien palais des princes-évêques. Propriétaire des lieux (1844), l’État belge retient le projet du jeune architecte Jean-Charles Delsaux (1850) et lui confie la mission de réaliser la toute nouvelle aile, en style néo-gothique, sur le côté occidental du Palais. Face à la place Notger, Delsaux (1821-1893) achève l’essentiel du chantier en 1853, mais des raisons financières l’empêchent de réaliser la décoration historiée qu’il a prévue pour la façade du nouveau palais provincial. Vingt-cinq ans plus tard, le gouverneur Jean-Charles de Luesemans prend l’avis d’une commission pour déterminer les sujets et les personnes les plus dignes d’illustrer le passé de « la Nation liégeoise ». Placés sous la responsabilité de l’architecte Lambert Noppius (1827-1889), une douzaine de sculpteurs vont travailler d’arrache-pied, de 1877 à 1884, pour réaliser 42 statues et 79 bas-reliefs. Dès la mi-octobre 1880, 27 des 42 statues sont achevées, validées par la Commission et mises à leur emplacement respectif. Celle d’Eracle est parmi celles-ci.
Membre de cette équipe, Michel Decoux (1837-1924) va réaliser trois des 42 statues, dont celle de Notger et celle d’Éracle. Considéré comme un sculpteur animalier, Decoux est surtout connu pour la réalisation de groupes de scènes de chasse, et s’est spécialisé dans les animaux sauvages (éléphants, panthères, etc.). Influencé par le cubisme et s’inscrivant dans le courant art déco, aimant travailler le bronze, Michel Decoux avait signé toute autre chose sur le chantier de Liège : c’est dans la pierre que, de manière fort classique, il avait tenté de rendre la personnalité d’Éracle (c. 925-971), le prédécesseur de Notger à la tête du diocèse de Liège.
Ancien prévôt de l’église de Bonn, membre de l’archevêché de Cologne, disciple de Rathier, Éracle est nommé évêque de Liège en 959 ; il y remplace Baldéric Ier, en même temps qu’il se voit confier la direction de l’abbaye de Lobbes (959-960). Au service de l’empereur, il tente de renforcer à la fois le pouvoir spirituel et le pouvoir temporel dans un diocèse réputé difficile. Évêque constructeur, il fera partager à Liège son goût pour les études, y favorisant le développement d’une véritable École liégeoise, la cité mosane devenant une sorte d’« l’Athènes du Nord », sous Notger, son successeur.
En représentant les bras d’Éracle se croisant à mi-corps, la main gauche tenant un livre fermé, Michel Decoux donne une allure sage et solennelle à l’évêque identifié par sa mitre et le drapé de son vêtement. Située sur la partie supérieure de la colonne de droite, sur la façade du marteau de gauche, du côté de la cour, la statue d’Éracle occupe une position originale, dans un angle intérieur, qui l’oblige à être seule dans son coin supérieur. L’inclinaison de la tête tend à montrer que l’évêque continue à veiller sur Liège.
Sources
Julie GODINAS, Le palais de Liège, Namur, Institut du Patrimoine wallon, 2008, p. 82
Hubert SILVESTRE, dans Biographie nationale, t. XLIV, col. 446-459
http://www.chokier.com/FILES/PALAIS/PalaisDeLiege-Masy.html
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 332
La Meuse, 2 octobre 1880
Façade du Palais provincial
Place Saint-Lambert 18A
4000 Liège
Paul Delforge
Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam
Monument André-Hubert DUMONT
Monument André-Hubert Dumont, réalisé par Eugène Simonis, 15 juillet 1866.
Pendant près d’un quart de siècle, entre 1842 et 1866, l’une des toutes premières statues présentes dans l’espace public de Wallonie et dédiées à un personnage historique était celle d’André-Modeste Grétry, figé dans le bronze par Guillaume Geefs, et placée sur la place de Liège située entre la salle académique de l’Université de Liège et la façade de la Société libre d’Émulation. Lorsque le monument « Grétry » est déplacé devant l’opéra (1866), la statue d’André-Hubert Dumont vient le remplacer sur cette place baptisée plus tard « place du XX août », suite aux événements tragiques des premières journées de la Grande Guerre.
L’inauguration du monument Dumont a lieu le 15 juillet 1866, en présence de Léopold II qui effectue à Liège l’une de ses toutes premières sorties depuis son intronisation comme deuxième roi des Belges (17 décembre 1865). Cette présence souligne toute l’importance accordée à l’époque à la « statuomanie » officielle qui vise à peupler l’espace public de monuments en l’honneur des « grandes gloires nationales belges ». Les peintures d’histoire ne suffisent pas. Il faut toucher le plus grand nombre et lui inspirer un sentiment national. Dès les années 1840, les gouvernements belges ne manquent pas d’inciter les pouvoirs locaux et provinciaux à faire preuve d’initiative. En honorant Grétry (1842) puis A-H. Dumont, « ses enfants », Liège participe à ce mouvement qui se poursuivra avec le monument « Charlemagne » (1868), les statues de la façade du Palais provincial (1884) puis de la Grand Poste (1901), ainsi qu’avec les monuments Zénobe Gramme et Charles Rogier en 1905.
Déjà auteur d’un buste d’André-Hubert Dumont destiné au Palais des Académies à Bruxelles en 1856, le sculpteur Louis-Eugène Simonis est presque naturellement choisi pour réaliser la statue « liégeoise ». Formé à l’Académie de Liège, sa ville natale, Eugène Simonis (1810-1882) a bénéficié d’une bourse de la Fondation Darchis qui l’a mené en Italie (1828-1832) ; à son retour, il refuse la place de professeur à l’Académie de Liège qui lui est proposée afin de consacrer tout son temps à la fois au développement de ses propres œuvres et aux commandes qui lui parviennent. La statue équestre de Godefroid de Bouillon inaugurée à Bruxelles (1848) est sans doute la plus connue, mais elle occulte souvent les multiples œuvres d’imagination qu’il expose dans les Salons et celles qu’il réalise à Bruxelles. Ayant installé son atelier à Koekelberg, le sculpteur wallon anime l’école de sculpture bruxelloise. Sur le tard (1859-1881), il a accepté de donner des cours – composition historique et d'expression –, et il accède à la direction de l’Académie des Beaux-Arts de Bruxelles de 1863 à 1877. Travaillant le plâtre, le marbre, le bronze ou la pierre de France, Simonis ne se contente pas d’exécuter des œuvres monumentales ; ses bustes sont nombreux, représentant des proches ou des personnalités célèbres, voire les deux, comme le buste d’Henri-Joseph Orban, son beau-père, par ailleurs père de Walthère Frère-Orban.
Tandis que Jéhotte – l’autre sculpteur liégeois qui fait carrière à Bruxelles – se démène pour installer son Charlemagne à Liège, Simonis est donc convié à laisser sa signature sur un autre monument marquant de « la capitale de la Wallonie » de l’époque. S’inspirant du buste de l’Académie, il réalise en bronze la statue d’un André-Hubert Dumont qui se tient debout, la jambe droite légèrement en avant, et la tête légèrement inclinée vers le bas. Vêtu de sa toge académique, le géologue tient un plan roulé dans sa main gauche, tandis que son index droit pointe un endroit précis sur le sol. Placé sur un haut piédestal en grès rouge (près de 3 mètres), où repose aussi une lampe de mineur, l’ensemble est imposant. L’attitude donnée à A-H. Dumont par le sculpteur vise sans aucun doute à insister sur les travaux originaux de ce scientifique.
Autodidacte repéré par d’Omalius d’Halloy, professeur extraordinaire de la toute jeune Université de Liège (1835), Dumont avait entrepris seul la réalisation d’une carte géologique des quatre provinces wallonnes. Le modèle mathématique qu’il met au point lui permet de décrire la formation des couches géologiques et, avec une précision redoutable, les diverses stratifications du sous-sol. Ses travaux permettent notamment d’identifier la présence de gisements charbonniers. Grâce à lui, l’exploitation houillère connaît un essor spectaculaire en pays wallon ; par ailleurs, l’intérêt pour la géologie fait naître une véritable école auprès des universitaires. Couvert d’honneurs et de récompenses de son vivant, tant dans sa propre ville que dans son pays et à l’étranger, nommé recteur de l’Université (1856-1857), Dumont ne résistera pas à la fatigue engendrée par son dynamisme débordant. Moins de dix ans après sa disparition, le monument réalisé par Eugène Simonis rend hommage à sa brillante carrière.
Dès 1860, un comité s’était constitué pour l’érection d’un tel hommage. Une souscription publique avait permis de rassembler un capital initial qu’une intervention publique (la ville pour le piédestal) vient compléter. Quant à l’emplacement actuel de la statue, il diffère de celui inauguré en 1866. En effet, les travaux d’agrandissement du bâtiment central de l’Université ont contraint un déplacement – périlleux et mouvementé – du monument d’une vingtaine de mètres en 1890. L’œuvre n’en est pas sortie indemne. Depuis lors, un grillage en fer forgé encercle l’ensemble monumental.
Sources
Liège, Patrimoine architectural et territoires de Wallonie, Liège (Mardaga), 2004, p. 363
Charles BURY, Les Statues liégeoises, dans Si Liège m’était conté, n°35, été 1970, p. 5
G. DEWALQUE, dans Biographie nationale, t. VI, col. 283-295
Frédéric BOULVAIN, Jacqueline VANDER-AUWERA, Géologie de terrain. De l’affleurement au concept. Géologie, Liège, 2011, p. 7-15 (en ligne http://www.editions-ellipses.fr/PDF/9782729863333_extrait.pdf) (s.v. mai 2013)
Musée des Beaux-Arts, Exposition Le romantisme au pays de Liège, Liège, 10 septembre-31 octobre 1955, Liège (G. Thone), s.d., p. 150-151
Edmond MARCHAL, dans Biographie nationale, t. XXII, col. 572-579
Chantal JORDENS, dans Jacques VAN LENNEP (dir.), La sculpture belge au 19e siècle, catalogue, t. 2, Artistes et Œuvres, Bruxelles, CGER, 1990, p. 557-561
Alexia CREUSEN, dans Musée en plein air du Sart Tilman, Art&Fact asbl, Parcours d’art public. Ville de Liège, Liège, échevinat de l’Environnement et Musée en plein air du Sart Tilman, 1996
Actuelle place du XX août
4000 Liège
Paul Delforge
Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam
Statue Jean d’Outremeuse
Statue de Jean d’Outremeuse, réalisée par Alphonse de Tombay, entre 1877 et 1884.
Au milieu du XIXe siècle, afin de doter l’institution provinciale de Liège de bâtiments dignes de ce niveau de pouvoir, d’importants travaux sont entrepris autour de l’ancien palais des princes-évêques. Propriétaire des lieux (1844), l’État belge retient le projet du jeune architecte Jean-Charles Delsaux (1850) et lui confie la mission de réaliser la toute nouvelle aile, en style néo-gothique, sur le côté occidental du Palais. Face à la place Notger, Delsaux (1821-1893) achève l’essentiel du chantier en 1853, mais des raisons financières l’empêchent de réaliser la décoration historiée qu’il a prévue pour la façade du nouveau palais provincial. Vingt-cinq ans plus tard, le gouverneur Jean-Charles de Luesemans prend l’avis d’une commission pour déterminer les sujets et les personnes les plus dignes d’illustrer le passé de « la Nation liégeoise ». Placés sous la responsabilité de l’architecte Lambert Noppius (1827-1889), une douzaine de sculpteurs vont travailler d’arrache-pied, de 1877 à 1884, pour réaliser 42 statues et 79 bas-reliefs.
Parmi les 42 personnages illustres, il n’est pas étonnant de retrouver Jean d’Outremeuse, né Jean Desprez (1338-1399), dans la mesure où ce chroniqueur a été l’un des tout premiers à se lancer dans l’écriture de l’histoire de Liège, depuis les temps les plus anciens (il remonte à la Guerre de Troie) jusqu’au XIVe siècle. Pendant des générations, tant sa Geste de Liège que son histoire universelle intitulée Le Myreur des histors, ont été considérées comme la porte d’accès la plus aisée pour appréhender le passé liégeois. En « rymes françoises », sa Geste apparaît comme un roman chevaleresque, rédigé pour la noblesse de l’époque, et exaltant un sentiment national liégeois. Sa chronique en prose, quant à elle, mélange « faits historiques » et fantaisie, et apporte des témoignages précieux, voire uniques, aux « historiens », et nourrit la curiosité du « peuple » auquel Jean d’Outremeuse s’adressait en priorité.
Pour figer dans la pierre le chroniqueur liégeois, il a été fait appel à Alphonse de Tombay (1843-1918), fils et petit-fils de sculpteurs liégeois. Ami de Léon Mignon, il a bénéficié comme lui d’une bourse de la Fondation Darchis et a séjourné plusieurs mois à Rome quand il revient à Liège, au moment où s’ouvre le chantier de décoration du Palais provincial. Répondant à plusieurs commandes officielles dont un buste de Charles Rogier (1880) à Bruxelles qui aura beaucoup de succès, de Tombay signe à Liège six statues et trois bas-reliefs évoquant des scènes historiques (L'exécution de Guillaume de la Marck, La mort de Louis de Bourbon, L'octroi de la Paix de Fexhe). Exposant ses propres œuvres tout en répondant à de nombreuses commandes officielles à Bruxelles, il devient professeur à l’Académie de Saint-Gilles, avant d’en assurer la direction (1902).
Quant à la statue de Jean d’Outremeuse, elle trouve place sur la façade occidentale, à l’intersection entre celle-ci et le marteau gauche, sur la colonne centrale : le chroniqueur est placé entre Henri de Hornes et Jehan Le Bel. Coiffé d’un bonnet sans âge, il tient entre ses deux mains un livre entr’ouvert et, avec un air juvénile, donne l’impression de continuer à raconter ses histoires à ceux qui se rassembleraient sous ses pieds : sa statue est située dans la partie inférieure de la colonne.
Sources
Julie GODINAS, Le palais de Liège, Namur, Institut du Patrimoine wallon, 2008, p. 81-82
http://www.chokier.com/FILES/PALAIS/PalaisDeLiege-Masy.html
Hugo LETTENS, dans Jacques VAN LENNEP (dir.), La sculpture belge au 19e siècle, catalogue, t. 2, Artistes et Œuvres, Bruxelles, CGER, 1990, p. 350-351
Émile VARENBERGH, Jean Desprez, dans Biographie nationale, t. 5, col. 784-788
Façade du Palais provincial, face à la place Notger
4000 Liège
Paul Delforge
IRPA
Buste Auguste DONNAY
Buste à la mémoire d’Auguste Donnay, réalisé par Georges Petit, 30 juin 1956 ( ?).
Ce n’est pas la première fois qu’il est demandé à Georges Petit de réaliser un portrait d’Auguste Donnay. En 1927, il avait signé un bas-relief au bois des Manants à Esneux. Trente ans plus tard, le sculpteur réalise un buste destiné au parc de la Boverie à Liège. Au lendemain de l’Exposition universelle de 1905, ce parc est progressivement devenu le lieu privilégié pour accueillir des monuments dédiés principalement à des artistes liégeois. Dès 1907, a été inauguré un buste dédié au peintre Léon Philippet ; en juillet 1923, Gilles Demarteau est honoré à son tour, avant que ne les rejoignent, sans être exhaustif, Louis Boumal (1925), Jean Varin (1928), Jean-Barthélémy Renoz (1930), Armand Rassenfosse (1935), Adrien de Witte (1938), Georges Antoine (1938) et Richard Heintz (1956). Une galerie des bustes prend ainsi place dans la pergola du parc de la Boverie ; elle permet au public de croiser une palette d’artistes de renom, du moins jusqu’au début du XXIe siècle. On assiste en effet alors à une série de disparitions et d’actes de vandalisme (vols, dégradation, « lancer de buste » dans la Meuse…) contraignant les autorités liégeoises à placer à l’abri les bustes restants. Si quelques monuments restent intacts, d’autres ont entièrement disparu, comme en témoignent certains socles nus dont celui d’Auguste Donnay. Enlevé de l’espace public de Wallonie, son buste a trouvé refuge dans les réserves du BAL.
Surnommé « le maître de Méry », professeur à l’Académie de Liège nommé en 1901, Auguste Donnay (1862-1921) avait choisi de résider à la campagne pour profiter en permanence du ravissement de la vallée de l’Ourthe. Cherchant l’endroit idéal à Méry même, il changea d’adresse à quatre reprises, trouvant finalement le nid idéal dans un repli du vallon, dans une demeure discrète qui transformait l’artiste en ermite ; c’est là qu’il vécut jusqu’en 1921. Là, Donnay disposait du paysage recherché, avec ses multiples variations de couleurs. Membre de la section liégeoise des Amis de l’Art wallon (1912), Donnay avait marqué le Congrès wallon de 1905 par un rapport où il apporta des arguments convaincants en faveur de l’existence d’un sentiment wallon en peinture.
Ami d’Auguste Donnay, Georges Petit (1879-1958) était né à Lille, de parents liégeois. Il grandit à Liège et reçoit une formation artistique à l’Académie des Beaux-Arts où il est l’élève de Prosper Drion, Jean Herman et Frans Vermeylen. Il deviendra plus tard professeur de cette Académie. « Depuis 1901, date de ses premières œuvres, jusqu’à la guerre de 1940, Georges Petit a occupé avec autorité la scène artistique liégeoise », affirme Jacques Stiennon qui explique qu’il devait sa position aux multiples commandes officielles reçues autant qu’à sa maîtrise précoce de son art. Sa sensibilité et sa capacité à transformer une anecdote en symbole universel ont influencé durablement ses élèves, parmi lesquels Oscar et Jules Berchmans, Robert Massart, Louis Dupont et Adelin Salle.
D’abord attiré par les portraits, Petit a livré plusieurs bustes de grande facture (ainsi par exemple un buste d’Auguste Donnay conservé par le Musée de l’Art wallon), tout en s’intéressant à la condition humaine. Marqué par la Grande Guerre, l’artiste y puise une force qui se retrouve dans ses réalisations des années 1917 à 1927. C’est aussi à cette époque (1919 précisément) qu’il réalise la médaille commémorant la remise par la France de la Croix de la Légion d’honneur à la ville de Liège. Ensuite, comme épuisé par tant de souffrances, il choisit la peinture de chevalet et devient plus léger, sans tomber dans la facilité. Les visages humains tendent à disparaître et tant les paysages que les traditions wallonnes l’inspirent : en peinture, comme dans ses médailles (qui sont très nombreuses et d’excellente facture), voire dans les quelques sculptures qu’il exécute encore, comme la Tradition commandée par le Musée de la Vie wallonne. Le buste qu’il consacre à Auguste Donnay et qui vient orner le parc de la Boverie semble avoir été réalisé entre 1901 et 1910 ; il semble aussi avoir été installé au parc de la Boverie vers 1956.
Sources
La Vie wallonne, septembre 1927, LXXXV, p. 25-28
La Vie wallonne, octobre 1927, LXXXVI, p. 42-53
La Vie wallonne, III-IV, 1970, n°331-332, p. 234 + ill
Liliane SABATINI, dans Encyclopédie du Mouvement wallon, Charleroi, Institut Destrée, 2000, t. I, p. 507-508
Jacques PARISSE, Auguste Donnay, un visage de la terre wallonne, Bruxelles, 1991
Maurice KUNEL, dans Biographie nationale, 1967-1968, t. 34, col. 244-247
Paul DELFORGE, Société des Amis de l’Art wallon, dans Encyclopédie du Mouvement wallon, Charleroi, Institut Destrée, 2001, t. III, p. 1484-1486
Jacques STIENNON (introduction), Georges Petit, catalogue de l’exposition organisée à Liège du 9 janvier au 2 février 1980, Verviers, 1980
Charles BURY, Les Statues liégeoises, dans Si Liège m’était conté, n°35, printemps 1970, p. 15
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. II, p. 282
Parc de la Boverie
4020 Liège
Paul Delforge
Taque de foyer de Sélys-Longchamps - KIK-IRPA
Deux taques de foyer aux armes impériales
Hôtel de Sélys-Longchamps
Situé à l’entrée du Mont-Saint-Martin, cet édifice de prestige vient récemment de connaître une profonde restauration et d’intégrer un complexe hôtelier luxueux. Constitué de cinq ailes et d’une tour qui s’articulent autour de deux cours intérieures pour former un plan en H, l’ensemble a été construit dans la première moitié du XVIe siècle. Il fut remanié au cours des deux siècles suivants et restauré une première fois en 1911 sur les plans de l’architecte Edmond Jamar. Une chambre à coucher située dans la tour abrite une taque de foyer des plus intéressantes.
La cheminée, datée des années 1600-1610, comporte des jambages en pierre sculptée représentant un atlante et une cariatide supportant un lion tenant un écu muet. Le linteau en chêne sculpté compte plusieurs armoiries. La taque de foyer, certainement antérieure, est richement décorée. On y retrouve les armes et la devise de Charles Quint « plus oultre ». Cette présence atypique témoigne une fois encore des rapports entre l’empereur et les souverains liégeois : Charles Quint appuie la nomination d’Érard de la Marck au rang de cardinal en 1521 et fait de lui son vassal ; l’empereur est également lié par le sang au prince-évêque Georges d’Autriche.
Maison Baar-Lecharlier
Cette trace des liens entre Liège et l’empereur se retrouve dans une autre demeure du centre de la Cité ardente. Située place Saint-Denis, la maison Baar-Lecharlier ainsi dénommée de nos jours était autrefois le siège de la poste impériale de Cologne. Cette construction du XVIe ou du premier quart du XVIIe siècle, de style gothico-renaissance, en briques et calcaire, a elle aussi été édifiée sur un plan en H. Un corps central de trois niveaux et demi sur cinq travées, flanqué d’ailes de deux niveaux constituent l’imposante façade de l’édifice. Une cheminée, située dans la pièce dénommée « bureau vert », construite entre 1791 et 1800 en marbre de Saint-Rémy, conserve une taque de foyer des plus intéressantes mais bien antérieure au reste de la composition. Comme pour celle de l’hôtel de Sélys-Longchamps, elle figure en son centre les armoiries de Charles Quint, également entourées de l’aigle bicéphale impériale.
Frédéric MARCHESANI, 2013
Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam
Mémorial Maurice DESTENAY
Mémorial Maurice Destenay, réalisé par Marceau Gillard, 29 septembre 1975 ; circa 1976.
Située place des Carmes, du côté du bâtiment de l’Athénée de Liège Ie un mémorial est dédié à Maurice Destenay (Tilleur 1900 – Liège 1973), personnalité libérale importante de la vie politique liégeoise puisqu’après avoir été député et échevin, il devient le bourgmestre de la plus grande ville de Wallonie de l’époque, en l’occurrence entre 1963 et 1973. Très vite après sa disparition, ses amis se réunissent pour lui ériger un monument qui prend place dans l’espace public. Avec un médaillon réalisé sobrement par Marceau Gillard (Louvroil 1904 – Liège 1987), le mémorial Destenay est inauguré en 1975 en même temps que son nom est attribué à l’un des grands boulevards de la cité.
Ayant connu la Grande Guerre durant son adolescence, Maurice Destenay mène une carrière d’instituteur durant tout l’Entre-deux-Guerres, tout en exerçant des responsabilités au sein du Parti libéral ; mobilisé en 1939-1940, ce lieutenant est fait prisonnier de guerre à la suite de la Campagne des 18 Jours et va connaître une captivité de 5 ans similaire à celle de près de 65.000 autres Wallons de sa génération. Actif dans l’action wallonne, il va mener une carrière politique au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.
Ancien président des Jeunesses libérales, opposant affirmé au retour de Léopold III, le député de Liège ne devient pas ministre, mais, désigné à la présidence nationale du Parti libéral (1954-1958), il se flatte d’avoir été l’un des auteurs du fameux Pacte scolaire. Sans doute est-ce la raison de sa désignation comme Ministre d’État en 1966. Conseiller communal (1952), échevin de l’Instruction publique et des Sports (1953-1964), il prend plusieurs initiatives depuis l’hôtel de ville de Liège pour défendre la Wallonie et la langue française. Fédéraliste affirmé, défenseur des Fourons au début des années 1960, il remplace Auguste Buisseret à la tête de la ville de Liège tout en continuant à affirmer des positions wallonnes. Il est le dernier maire libéral de la cité liégeoise, qui s’est largement agrandi après la fusion des communes de 1976.
Durant son maïorat, la ville de Liège était entrée dans une période de grands travaux, selon un plan directeur faisant la part belle aux grandes voies de pénétration vers le centre-ville. Dès lors, le nom de Destenay fut donné à la nouvelle avenue reliant le bord de Meuse au boulevard d’Avroy. Son mémorial y fut aussi inauguré à un endroit particulièrement visible, à l’heure des Fêtes de Wallonie. Cette visibilité s’est singulièrement restreinte quand d’importants travaux justifièrent son déplacement et son installation à hauteur de la place des Carmes, devenue zone piétonne en 1975. La stèle en pierre bleue originale n’a subi aucun changement au cours de ce transfert. Avec ses lignes droites et très simples, la stèle accueille un médaillon réalisé par Marceau Gillard et porte l’inscription suivante :
M. DESTENAY
BOURGMESTRE
DE LIÈGE
MINISTRE D’ETAT
1900-1973
En 1974 déjà, Gillard avait reçu commande d’une médaille présentant le profil droit de Maurice Destenay ; Jean Lejeune l’avait jugée « digne des médailleurs liégeois du grand siècle » ; pour le mémorial, il adapte son œuvre et livre une stèle de facture très classique, répondant parfaitement au genre officiel que constitue l’exercice auquel il s’est déjà livré ou se livrera encore pour représenter ou honorer Hector Clockers, Edmond Cathenis, Jean Lejeune, Edgard Scauflaire, Constant Burniaux, Jules Jaumotte et d’autres encore, soit dans l’espace public, soit dans l’espace fermé de cimetières.
Né en France de parents wallons, Marceau Gillard arrive à Liège avec sa famille en 1914. Au sortir de la Grande Guerre, il suit les cours de dessin à l’Académie de Liège avant d’opter aussi pour la sculpture, où il devient l’élève d’Oscar Berchmans. Il se distingue par plusieurs prix durant sa formation (1918-1928). Restaurateur de tableaux (dans les années 20), décorateur de théâtre, il devient professeur dans le réseau provincial liégeois (1931-1949) à Seraing, puis à Huy ; après la Seconde Guerre mondiale, il succède à Oscar Berchmans quand il devient professeur de sculpture à l’Académie de Liège (1949-1970). Membre de l’Association pour le Progrès intellectuel et artistique de la Wallonie, Gillard fait partie du groupe « Pointes et Bosses », sous-section figurative de l’association présidée par Marcel Florkin. Aspirant à la réalisation de grands formats, il répond surtout à des commandes officielles et privées, émanant principalement de la région liégeoise. Associé notamment à la décoration du Pont des Arches (« Naissance de Liège » – 6 mètres) et du Pont Albert Ier, il signe l’imposant monument d’hommage aux victimes de Grâce-Berleur, tuées lors des événements de la Question Royale. À Huy, il signe le monument aux prisonniers politiques de la Seconde Guerre mondiale.
Paul DELFORGE, dans Encyclopédie du Mouvement wallon, Charleroi, Institut Destrée, 2000, t. I, p. 482-483
Joseph TORDOIR, Des libéraux de pierre et de bronze. 60 monuments érigés à Bruxelles et en Wallonie, Bruxelles, Centre Jean Gol, 2014, p. 193-196
Jean-Patrick DUCHESNE, Musée en plein air du Sart Tilman, Art&Fact asbl, Parcours d’art public. Ville de Liège, Liège, échevinat de l’Environnement et Musée en plein air du Sart Tilman, 1996
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 626-627
Joseph PHILIPPE, Marceau Gillard dans l’École liégeoise de sculpture, Liège, 1991
Jean BROSE, Dictionnaire des rues de Liège, Liège, Vaillant-Carmanne, 1977, p. 125
Avenue Destenay
Place des Carmes
4000 Liège
Paul Delforge