Bonehill Thomas

Conception-Invention

Bilston (GB) 15/03/1796, Marchienne-au-Pont 03 ou 04/08/1858
 

Si William et John Cockerill incarnent du côté de Liège l’apport des techniciens anglais à la révolution industrielle qui caractérise le XIXe siècle en Wallonie, Thomas Bonehill est sans conteste son équivalent du côté de Charleroi. Avec Haarodt Smith, il n’est pas le seul Anglais à répondre aux sollicitations de patrons hennuyers. Techniciens expérimentés, ils apportent sur les bords de la Sambre diverses innovations qui donnent son impulsion au secteur traditionnel du travail du fer. 

Sixième d’une famille ouvrière, Thomas Bonehill est repéré dès le début des années 1820 par un espion industriel au service du roi Guillaume d’Orange. Arrivé en Wallonie vers 1824, après la levée par les autorités anglaises de l’interdiction d’émigrer qui avait été imposée aux mécaniciens, Bonehill est d’abord occupé à la modernisation de quelques forges dans l’Entre-Sambre-et-Meuse. Au service d’une société dont Guillaume d’Orange est actionnaire, Bonehill construit, près de Thuin, un haut-fourneau, deux fineries, plusieurs fours à réverbère pour fondre les gueuses et un forage à canons. Ensuite, passant de patron à patron dans le bassin de Charleroi, on trouve trace de son passage à Yves Gomezée, Couvin, Biesme, Acoz, Marchienne, Fayz-les-Manage, etc. Auprès d’une quinzaine d’entre eux au moins (Cartier d’Yves, Hannonet-Gendarme, Desmanet, F-J. Houyoux, Charles de Cartier, Champeau-Chapel, etc.), il « vend » des techniques qui leur sont inconnues et il forme à leur usage le personnel local.

Avec les frères Puissant, Thomas Bonehill rencontre des partenaires plus particuliers : il n’est plus employé cette fois, mais associé. Originaires d’Agimont, les Puissant comme les Licot de Nîmes exploitent depuis plusieurs générations des fourneaux de fusion. Maître de forges à Gougnies, Ferdinand Puissant se laisse convaincre d’abandonner son petit site sidérurgique, au bord d’une forêt et alimenté par une faible rivière, pour construire un laminoir moderne à proximité d’une grande voie d’eau et surtout d’un site charbonnier. C’est ainsi que va naître le premier laminoir de la Providence, à Marchienne-au-Pont. Ensemble, l’entrepreneur wallon et l’ingénieur anglais vont construire de nouveaux fours à puddlage et mettre en service le laminoir dès 1832. Les Forges de la Providence à « Marchiennes » (aujourd’hui Marchienne-au-Pont) constituent l’une des installations les plus perfectionnées et rentables du moment, capables de produire annuellement 6.500 tonnes de produits finis. À la mort de Fernand Puissant et de son épouse Adélaïde Licot, leurs enfants, Edmond et Jules Puissant s’associent à Thomas Bonehill pour fonder la SA des Laminoirs, Hauts Fourneaux, Forges, Fonderies et Usines de la Providence (1838), dont l’Anglais est le directeur gérant. Il s’agit aussi de trouver les capitaux nécessaires à la construction de nouveaux fours et d’un haut-fourneau à coke. Celui-ci sera opérationnel en 1840.

D’autres hauts-fourneaux sont mis à feu grâce à Th. Bonehill désormais « consultant indépendant » (1841). Des laminoirs sont encore construits. À l’autre bout de la Sambre, côté français cette fois, au sud de Maubeuge, soit à une cinquantaine de kilomètres de Charleroi, le nouveau haut-fourneau de la Providence qui est construit à Hautmont est destiné à fabriquer les rails pour le réseau ferroviaire français. Dans le sillage de capitaux « belges », Thomas Bonehill sera également appelé en Allemagne. En 1855, il est de retour à Marchienne-au-Pont où il fait construire pour son propre compte les Laminoirs de l’Espérance. Ce sont ses enfants qui en prendront la direction en constituant la SA Usines Bonehill frères. Au total, Bonehill aura contribué à la naissance d’une quarantaine d’usines en pays wallon.

Aux confins de Marchienne-au-Pont et Mont-sur-Marchienne, le château qu’il a fait construire, qui porte son nom et dans une rue désormais éponyme, reste un fleuron du patrimoine architectural, culturel et historique de Charleroi ; il a été totalement rénové dans les années 1990.

Sources

Jean-François POTELLE (dir.), Les Wallons à l’étranger, hier et aujourd’hui, Charleroi, Institut Destrée, 2000
Freddy JORIS, Natalie ARCHAMBEAU (dir.), Wallonie. Atouts et références d’une région, Namur, 1995
Ginette KURGAN, Serge JAUMAIN, Valérie MONTENS, Dictionnaire des patrons en Belgique, Bruxelles, 1996, p. 64-65
La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Histoire. Économies. Sociétés, t. II, p. 35
Adriaan LINTERS, industria. Architecture industrielle en Belgique, Liège, Mardaga, 1986, p. 31
René LEBOUTTE, Vie et mort des bassins industriels en Europe, 1750-2000, Paris, L’Harmattan, 1997, p. 81-83
Robert HALLEUX, Cockerill. Deux siècles de technologie, Liège, éd. du Perron, 2002, p. 63-64