Photo

Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Fontaine MASSON Arthur

À Treignes, dont il fut le bourgmestre selon son père spirituel Arthur Masson (1896-1970), Toine Culot est une personnalité que chaque habitant honore, au point de lui rendre une sorte de culte prenant des formes les plus diverses : musée, rue, parcours spectacle, secteur Horeca, fontaine. Tout évoque le personnage imaginé peu avant la Seconde Guerre mondiale par un professeur de l’Athénée puis de l’École normale de Nivelles. 

En 1938, le truculent personnage apparaissait sous un titre peu flatteur : obèse ardennais ; mais ses aventures dans « la tourmente » confortent l’impression du lecteur de partager un morceau de l’existence de ce personnage qui lui ressemble. Sous la plume de l’écrivain, Toine Culot évolue dans un milieu fait de gens simples, dans la vallée du Viroin, et, dans un récit en français, recourt volontiers à des expressions wallonnes au suc intraduisible. Pleine d’une drôlerie populaire, piquante et de bon goût, la saga de Toine Culot se poursuit après la Libération. Il devient alors le maire de Trignolles (Treignes) et gravite autour de lui tout un petit monde qui est à la Wallonie ce que sont à Marseille Fanny, César, Marius ou Topaze : Tchouf-Tchouf, le médecin, Adhémar Pestiaux, le droguiste, l’Abbé Hautecoeur ou encore T. Déome. 

C’est toute cette atmosphère qui est rendue par la fontaine construite sur la place de Treignes, face à l’espace muséal (inauguré en mai 1999). Réalisé par la commune et le Ministère wallon de l’Équipement, l’ensemble de l’aménagement est l’œuvre de la société Agua, tandis que Claude Rahir est le sculpteur qui a conçu la fontaine et réalisé les sculptures en bronze qui la bordent (fonderie van Ransbeeck). Ayant retenu trois des personnages d’Arthur Masson parmi les centaines qu’il créa, à savoir Toine Culot et T. Déome qui discutent pendant que Hilda vient puiser de l’eau, Rahir illustre ainsi une scène de la vie rurale tout en rendant hommage à l’écrivain et à ses « héros ». En pierre bleue et de forme arrondie, la fontaine est conçue de manière à permettre au « visiteur » de partager un moment en compagnie des personnages : s’asseoir à côté du maïeur et poser pour la photo ; voire, pour les enfants, jouer avec les statues dont la taille correspond à celle « d’adultes réels ». 

Le projet général d’aménagement de l’espace public de Treignes remonte à 1996, année où avait été célébré le centième anniversaire de la naissance d’Arthur Masson. Deux ans plus tard, dans le cadre des fêtes de Wallonie, le ministre wallon des Travaux publics, Michel Lebrun, procède à son inauguration.   

Originaire de Verviers, Claude Rahir (1937-2007) avait exercé comme instituteur primaire avant de s’orienter vers une carrière artistique, dont la reconnaissance est internationale. Se formant à la peinture à Liège, à la sculpture à Louvain et à la mosaïque à Ravenne, il va réaliser « des peintures monumentales, des mosaïques murales, des bas-reliefs en galets et pierres naturelles, des sculptures, des décorations de jardins, de parcs, de fontaines et même d'une grand-rue et d'un centre commercial au Japon » (Moreau). Ayant installé son atelier à Nobelais au début des années 1960, l’artiste pose ses pinceaux aussi bien en Jamaïque (une fresque murale à l’Université de Kingston) que sur les murs de Louvain-la-Neuve, en Guyane française, comme au Japon, en Corée ou à Yurac Ckasa, dans les Andes boliviennes, où une fresque colorée, La distribution des pains, orne les murs de l'église. Animateur de la Fête des artistes de la Saint-Martin à Tourinnes, Rahir est au cœur de la 42e édition, en novembre 2007, qui constitue en quelque sorte une rétrospective de l’artiste. 
 

Sources

- Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse, dont Catherine Moreau, Le Soir, 16 février 2007 
- http://clauderahir.phpnet.org/index.htm  
- Robert BRONCHART, Arthur Masson ou le plaisir du partage (1896-1970), Charleroi, Institut Destrée, 1999 
- Paul DELFORGE, Cent Wallons du Siècle, Liège, 1995 
- A. DULIÈRE, Biographie nationale, 1977-1978, t. 40, col. 627-632 
- Marcel LOBET, Arthur Masson ou la richesse du cœur, Charleroi, Institut Destrée, 1971

Rue E; Defraire 29
5670 Treignes

carte

Inaugurée le 27 septembre 1998

Paul Delforge

Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Statue Pépin de Herstal, sur le monument Charlemagne à Liège

Professeur à l’Académie de Bruxelles, le sculpteur liégeois Louis Jehotte (1804-1884) a offert ses services à sa ville natale, dès 1855, pour élever sur la place Saint-Lambert une statue équestre de Charlemagne. S’inscrivant dans un mouvement typique du XIXe siècle visant à honorer les « gloires nationales belges », cette proposition a embarrassé les autorités liégeoises tant en raison de la question non résolue à l’époque du lieu de naissance de Charlemagne, que par l’insistance du sculpteur d’installer son œuvre sur la place Saint-Lambert. 

Au milieu du XIXe siècle, la question du lieu de naissance de Charlemagne n’est pas réglée : Belgique, France, Allemagne ? Elle reste d’ailleurs discutée encore aujourd’hui. Cependant, en dépit des protestations de Jehotte, l’emplacement qui est finalement choisi est le boulevard d’Avroy. C’est là que le monument est inauguré le 26 juillet 1868.

Contrairement à l’impression que pourrait donner une vision lointaine de l’impressionnante statue équestre, Charlemagne n’est pas le seul à être honoré. Jehotte associe toute « sa famille » – du moins six de ses ascendants les plus illustres –, par une représentation en bas-relief sur le large socle de style romano-byzantin, par ailleurs ornés de motifs végétaux et de médaillons historiés alternant avec des têtes de lion. Dans les six niches à arcades en plein cintre, que séparent des colonnes ornées de l’aigle impérial, on rencontre Begge, Charles Martel, Bertrade, Pépin de Landen, Pépin le Bref et Pépin de Herstal, le premier de la dynastie des Pippinides.

Statue Pépin de Herstal sur le monument Charlemagne

La famille des Pippinides

Propriétaire d’un patrimoine s’étendant principalement autour de Liège et en Ardenne, la famille des Pippinides s’étend, par mariages, aux régions de Metz et de Verdun, avant que Pépin II de Herstal (circa 645 – Jupille 714) ne réussisse à dominer toute l’Austrasie et à jouer un rôle important en Neustrie (687-710). Par la conquête de la Frise cisrhénane, Pépin II s’assure le contrôle de l’embouchure du Rhin et de la Meuse. En favorisant la christianisation des territoires conquis, il inaugure également une politique qui renforce sa propre autorité, la hiérarchie ecclésiastique établie lui étant en principe fidèle : le refus de l’évêque Lambert de célébrer le deuxième mariage de Pépin II de Herstal se soldera par l’assassinat de l’évêque de Tongres-Maastricht… Petit-fils de Pépin Ier, maire des deux palais, celui d’Austrasie et de Neustrie, Pépin II exerce aussi un ascendant certain sur les très jeunes rois mérovingiens qu’il fait et défait selon ses intérêts ; il devient de facto le détenteur de l’autorité royale. 

Les descendants de Pépin II (Charles Martel, Pépin le Bref, Charlemagne) finiront par écarter les faibles rois et à prendre définitivement leur place, mettant un terme à la dynastie des Mérovingiens. C’est ce fils de Begge, par ailleurs arrière-grand-père de Charlemagne, que Jehotte représente.

Le sculpteur Louis Jehotte

Formé à l’Académie de Liège, Louis Jehotte a bénéficié d’une bourse de la Fondation Darchis dans sa jeunesse, et a fait le voyage en Italie (Florence et Rome). Ami d’Eugène Simonis, il est, comme lui, élève de Mathieu Kessels à Rome (en 1823), avant de séjourner à Paris (1830) et à Copenhague où il fréquente l’atelier de Thorwaldsen (1831). 

Nommé professeur de sculpture à l’académie des Beaux-Arts de Bruxelles en 1835, il y enseigne seul cette matière pendant 27 ans (1835-1863), influençant considérablement plusieurs générations d’artistes (Mélot, Bouré, Fiers, Meunier, Desenfans, etc.). 

Préférant sculpter des sujets religieux, Jehotte se fait rare en monuments publics. Pourtant, c’est lui-même qui avance, en 1855, l’idée de Charlemagne, personnage auquel il consacre, avec son ami André Van Hasselt, une importante biographie résultant de 20 ans de recherches. Tenant particulièrement à ce monument, Jehotte a acquis un terrain à Bruxelles (rue de Pachéco), et c’est là qu’il exécute la fonte de cette œuvre colossale, pesant 10 tonnes. 

En 1888, des vandales abîment trois des statues du piédestal, et un nouveau procès oppose la ville et le sculpteur, qui meurt sans que l’affaire soit réglée. À la veille de la Grande Guerre, la partie inférieure du socle est remplacée. 

Au début du XXIe siècle, il a été procédé à une rénovation totale du monument qui a retrouvé des couleurs et un large espace de dégagement.



Jacques VAN LENNEP, La sculpture belge au 19e siècle, t. 1. La Sculpture belge, Bruxelles, CGER, 1990, p. 71 Jacques VAN LENNEP, La sculpture belge au 19e siècle, catalogue, t. 2, Artistes et Œuvres, Bruxelles, CGER, 1990, p. 460-461
Pierre COLMAN, Le site de la statue équestre de Charlemagne, dans Chroniques d’archéologie et d’histoire du pays de Liège, Liège, Institut archéologique liégeois, juillet-décembre 2004, n°7-8, tome II, p. 76-77
Alain DIERKENS, La statuaire publique, dans L’architecture, la sculpture et l’art des jardins à Bruxelles et en Wallonie, Bruxelles, La Renaissance du Livre, 1995, p. 246-250
Liège, Patrimoine architectural et territoires de Wallonie, Liège (Mardaga), 2004, p. 154
Charles BURY, Les Statues liégeoises, dans Si Liège m’était conté, n°35, printemps 1970, p. 9-10
Pierre COLMAN, Le sculpteur Louis Jehotte, alias Jehotte (1803-1884) académicien comblé...d’avanies, Liège, 2010
http://www.sculpturepublique.be/4000/Jehotte-Charlemagne.htm 
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 764
Alexia CREUSEN, dans Musée en plein air du Sart Tilman, Art&Fact asbl, Parcours d’art public. Ville de Liège, Liège, échevinat de l’Environnement et Musée en plein air du Sart Tilman, 1996

 

Boulevard d’Avroy
4000 Liège

carte

Paul Delforge

Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam

Stèle et bas-relief Léon RINQUET

Stèle et bas-relief Léon Rinquet, 1984
Réalisé par G. Leven
 

Stèle et bas-relief Léon Rinquet – © Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Située le long du chemin du Grand Biseû, à Hockai, face au cimetière, une stèle dédiée à Léon Rinquet, surnommé le Négus, rend hommage à une personnalité atypique des Hautes Fagnes. Le bas-relief a été réalisé en 1984, par G. Leven.

Docteur en Sciences physiques et mathématiques, Léon Rinquet (Liège 1891 – Xhoffraix 1974) est un professeur de mathématiques qui enseigne dans un athénée du Namurois lorsqu’il perd sa mère à l’entame des années 1930. Cette disparition le rend inconsolable, d’autant qu’il nourrit un profond ressentiment à l’égard du Ministère de l’Instruction publique qui, par une mutation, l’a éloigné de sa mère et l’a empêché de s’en occuper comme il le souhaitait. Fâché avec le monde qui l’entoure, Rinquet abandonne son métier et sa maison ; il a décidé de rechercher la solitude dans les Fagnes. En 1935, il arrive à Xhoffraix où il souhaite ouvrir un refuge pour les « vrais fagnards » et choisit d’acheter quatre hectares de landes et de l’installer sur « le Fraineu », entre la route de Hockai et le ru des « Trôs Marêts » d’où le panorama est inégalable.

En quelques mois, et malgré l’opposition des Amis de la Fagne qui craignaient la multiplication de tels projets, Rinquet construit une imposante cabane en bois, au toit de chaume, capable d’accueillir plusieurs hôtes, dans des conditions de vie consciemment « spartiates ». Le mauvais sort devait cependant s’acharner sur Rinquet : le 26 août 1937, la foudre s’abattait sur sa construction et la transformait en torchère, ruinant ses espoirs comme ses ressources. Néanmoins, il se remit à l’ouvrage et une cabane plus modeste était accessible quand survinrent les hostilités de la Seconde Guerre mondiale. Prise pour cible par les Allemands opérant des manœuvres dans les territoires annexés, la cabane de Rinquet ne résiste pas. Rinquet est contraint de trouver refuge à Hockai. Après la Libération, délivrant des cours particuliers dans la région, Rinquet reconstruit un troisième abri, bien différent des deux premiers, car aménagé dans le sol et finalement à son seul usage. C’est la neige cette fois qui a raison de la résistance du toit… Surnommé le Négus notamment en raison de son faciès, Rinquet réintègre progressivement la société et fait partie intégrante de la communauté villageoise de Xhoffraix. Son itinéraire atypique a fait l’objet de diverses légendes et les médias se sont intéressés à son histoire.

Le souvenir du Négus reste à ce point vivant dans la région qu’un monument lui a été consacré. Sur une stèle en pierre assez rustique, un sobre et artistique bas-relief signé G. Leven, et datant de 1984, représente le facies du personnage avec l’indication :

LEON RINQUET
DIT
« LE NEGUS »
1891-1974


Sources

Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse (articles de (Vers) l’Avenir)
http://lunoveleup.e-monsite.com/pages/dans-la-region/les-hautes-fagnes.html 
http://gite-ardennais.com/cabanedunegus.html 
http://www.neve-trek.be/roadbook/roadbook1/test.html (s.v. juin 2014)

 

Chemin du Grand Biseû
Face au cimetière
4970 Hockai

carte

Paul Delforge

Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam

Buste César Thomson

Buste César Thomson, 17 juin 1939.
Réalisé par Louis Dupont.

Situé dans les jardins de la partie centrale du boulevard Piercot, au cœur de Liège, un buste en pierre calcaire de César Thomson rend hommage à l’illustre violoniste. Il a été réalisé sur le modèle du buste en marbre blanc de Louis Dupont inauguré le 17 juin 1939 : ce jour-là, le buste en marbre de Thomson rejoint notamment celui d’Eugène Ysaÿe au Conservatoire de Liège. Dans le même temps, une cérémonie est organisée par l’Union des professeurs du Conservatoire de Liège : cette Union avait en effet lancé la souscription publique et elle réunit à Liège tous les amis de César Thomson, venant d’Amérique et d’Europe, au moment où se tient également à la périphérie de la cité ardente l’Exposition internationale de l’Eau. En présence de l’échevin de l’Instruction publique et des Beaux-Arts, Auguste Buisseret, entouré de Charles Radoux-Rogier (président du Comité organisateur), d’Edmond Glesener (directeur général des Beaux-Arts) et de Fernand Quinet, le directeur du Conservatoire, discours et concert sont au programme de cette journée où la ville de Liège rend officiellement hommage à l’un de ses enfants, dont les traits ont été figés dans le marbre par le statuaire Louis Dupont (1896-1967).

Natif de Waremme, élève d’Adrien de Witte, il a travaillé sur quelques bustes et bas-reliefs comme le bas-relief Hubert Stiernet (1925), le buste Jean Varin (1927), le médaillon Georges Antoine (1929) et surtout le buste Ysaÿe. Ceux qui l’ont choisi sont sûrs de son talent. N’a-t-il pas reçu une bourse du gouvernement (1921) et le Prix Trianon (1928) ? N’a-t-il pas été associé à Adelin Salle et à Robert Massart sur l’important chantier des bas-reliefs du Lycée de Waha (1937) ? Et alors que l’on inaugure le buste de César Thompson, Dupont était en train d’achever la réalisation du Métallurgiste du monument Albert Ier à l’île Monsin. De nombreuses autres commandes parviendront à l’artiste après la Seconde Guerre mondiale, principalement des bas-reliefs, avant que ne lui soient confiés le monument national de la Résistance (1955), puis les reliefs sur les bâtiments de la faculté de Philosophie et Lettres de l’Université de Liège (1958). Dessinateur, médailliste et statuaire, professeur de sculpture à l’Académie de Liège (1949-1967), Louis Dupont recevra en 1954 le Prix de Sculpture décerné par la province de Liège pour l’ensemble de son œuvre. Le buste de César Thomson figure parmi ses réussites. Il est posé sobrement sur un socle en pierre très simple où est gravé le seul nom César Thomson. Il s’agit d’un piédestal similaire à celui d’Eugène Ysaÿe.

Élève de Jacques Dupuis (1830-1870), ce virtuose, professeur de violon au Conservatoire de Liège, César Thomson (Liège 1855 – Bissone, Suisse, 1930) est l’un des maillons importants de l’École wallonne du violon dont François Prume, Henri Vieuxtemps et Eugène Ysaÿe sont les figures les plus connues. Enfant prodige, César Thomson cultive le don que la nature lui a offert auprès de Dupuis. Médaille de vermeil du Conservatoire de Liège (1869), il est plébiscité sur les scènes suisses, italiennes et allemandes, après avoir été acclamé partout où il se produisait en pays wallon. Quand César Thompson, Martin Marsick, Eugène Ysaÿe et Rodolphe Massart – génération dorée – se produisent ensemble sur une scène liégeoise, la quintessence de la musique est alors rassemblée pour le plus grand bonheur d’un public wallon composé de mélomanes avertis. Professeur au Conservatoire de Liège de 1882 à 1897, César Thomson quitte la cité ardente pour Bruxelles où il remplace Eugène Ysaÿe comme professeur au Conservatoire, avant de gagner les États-Unis après la Première Guerre mondiale. Soliste à Berlin (1879-1881), premier violon de son propre quatuor à cordes (1898), compositeur, Thomson s’est fait l’interprète d’œuvres méconnues de Paganini et a contribué à la revalorisation d’œuvres de l’école italienne.

Sources

Louis Dupont : exposition du 29 avril au 21 mai 1983, Liège, Province de Liège, Service des affaires culturelles, 1983
Salon de la libération : musée des beaux-arts, du 1er juin au 15 juillet 1946... (hommage à la résistance liégeoise) : la peinture française, de David à Picasso, art wallon contemporain, le peintre Jacques Ochs, les sculpteurs Louis Dupont, Robert Massart, Adelin Salle, Liège, imprimerie Bénard, 1946
Charles BURY, Les Statues liégeoises, dans Si Liège m’était conté, n°35, été 1970, p. 6
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 532-533
http://www.sculpturepublique.be/4000/Dupont-CesarThomson.htm (s.v. juillet 2013)
http://balat.kikirpa.be/photo.php?path=B177042&objnr=10152117 (s.v. juin 2014)
La Vie wallonne, 15 août 1939, CCXXVII, p. 333-336
Musée des Beaux-Arts, Exposition Le romantisme au pays de Liège, Liège, 10 septembre-31 octobre 1955, Liège (G. Thone), s.d., p. 187

Boulevard Piercot 
4000 Liège

carte

Paul Delforge

Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Buste d'Eugène-François de Dorlodot

Buste à la mémoire d’Eugène-François de Dorlodot, réalisé à l’initiative des autorités communales, 1872.

 

Dans la petite commune d’Acoz, fusionnée depuis 1976 pour former le grand Gerpinnes, un buste avait été érigé, en 1872, à côté de l’église, en l’honneur d’une personnalité marquante de l’entité : Eugène-François de Dorlodot (1783-1869).

Descendant de maîtres-verriers implantés à Charleroi depuis le XVIIe siècle, Eugène de Dorlodot s’oriente vers une activité sidérurgique après son mariage, en 1819, avec la fille d’un important maître de forges d’Acoz. Engagé dans cet autre métier du feu où les progrès techniques sont considérables, Eugène de Dorlodot fait venir un technicien d’Angleterre, Thomas Bonehill, qui va moderniser les forges d’Acoz dès 1825, et leur procurer un développement considérable (quatre hauts-fourneaux et deux laminoirs au milieu du XIXe siècle). À la tête de « l’établissement sidérurgique le plus considérable de tous ceux possédés dans l’arrondissement de Charleroi par un particulier », l’entrepreneur subit la crise de 1840 de plein fouet et installe un nouvel outil près de Maubeuge, de l’autre côté de la frontière (laminoir de Bois-le-Tilleul). Parallèlement, le patron d’industrie s’est vu confier les rênes de la commune d’Acoz dès les premiers jours de l’indépendance belge, en 1830. Il passe la main en 1858, mais il conserve encore jusqu’en 1863, le mandat de sénateur qu’il avait conquis en 1850, en tant que représentant du parti catholique, pour l’arrondissement de Charleroi. 

C’est à leur premier maire que les habitants d’Acoz, soutenus par les autorités communales, rendent hommage en lui élevant un buste. Sur le socle, leurs motivations transparaissent à travers l’inscription qui dévoile le statut de celui qu’ils veulent honorer, à savoir le politique d’abord, l’industriel ensuite :


« premier bourgmestre d'Acoz
nommé par le gouvernement provisoire en 1830
industriel »



Sources


Jean-Louis DELAET, dans Ginette KURGAN, Serge JAUMAIN, Valérie MONTENS, Dictionnaire des patrons en Belgique, Bruxelles, 1996, p. 163-164
Revue du Conseil économique wallon, n°40, septembre 1959, p. 68-69
Histoire du Sénat de Belgique de 1831 à 1995, Bruxelles, Racine, 1999

Buste Eugène-François de Dorlodot

Place communale

6280 Acoz

carte

Paul Delforge

Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam

Plaque Maurice DES OMBIAUX

Plaque commémorative sur la maison natale de Maurice des Ombiaux, réalisée par Jules Van der Stock, à l’initiative du Cercle des XV et de l’administration communale de Beauraing, 16 avril 1933. 
 
Dès sa prime jeunesse, en raison d’un père employé de l’État qui l’affecte en différents endroits, Maurice Desombiaux (1868-1943) est un voyageur infatigable qui multiplie les rencontres et les amitiés. Né à Beauraing, il fait ses études à Charleroi où il rencontre le jeune Georges Destrée, le frère du futur ministre ; ensuite, c’est à Thuin qu’il achève ses humanités (1884). Sa curiosité a été attisée par ses changements de lieux et, alors qu’il s’engage sur la voie paternelle dans l’administration des Enregistrements et Domaines, il laisse son inspiration prendre la forme de contes, de drames, de romans, de nouvelles… S’inspirant des vieilles légendes locales qui lui ont été racontées dans sa prime jeunesse, il atteint aux sommets du roman naturaliste : Mihien d’Avène et surtout Le Maugré sont considérés par Lemonnier et Maeterlinck comme des chefs-d’œuvre. 

Auteur très fécond, critique d’art, défenseur des artistes wallons, fondateurs des Amitiés françaises, il se retrouve dans le Cabinet du « premier ministre » de Broqueville, en charge de la propagande durant la Grande Guerre. Installé à Paris en 1921, il se passionne pour la critique gastronomique. Tout en affirmant son identité wallonne, il s’impose dans les milieux français où ses nombreux guides et articles lui valent le titre de « Cardinal du Bien manger ». Disposant d’un impressionnant réseau de relations, celui qui obtient en 1936 que son pseudonyme (des Ombiaux) soit reconnu comme patronyme fait l’objet de nombreux hommages qui sont autant d’occasion de faire la fête. Dans le même temps, les localités où il a vécu revendiquent cet honneur et multiplient les manifestations. Et des Ombiaux accepte volontiers la plupart des invitations qui lui sont adressées. 

En 1932, à l’occasion des Fêtes de Wallonie, le Comité namurois des Fêtes décerne sa Gaillarde d’Or à celui qu’elle nomme « le Mistral de Wallonie ». Piquée au vif, Beauraing, sa ville natale décide alors d’apposer une plaque sur la façade de la petite maison familiale. La rue de la Montagne est rebaptisée dans le même temps au nom de l’écrivain. Néanmoins, dans la « compétition » entre Beauraing et Thuin, c’est cette dernière localité qui prend l’ascendant ; Thuin avait fêté des Ombiaux et donné son nom à une rue dès 1931 ; la cité lui érigera encore un monument en mai 1938. Beauraing n’entrera pas dans la surenchère, se contentant de la plaque commémorative qui indique :

EN CETTE DEMEURE
EST NÉ LE 16 MARS 1868
MAURICE des OMBIAUX
PRINCE DES LETTRES DE WALLONIE

L’initiative en revient au Cercle des XV et à l’administration communale de Beauraing, ainsi que le précise la plaque commémorative en bronze, ornée d’une branche de laurier et de la mention de la date de l’inauguration, en l’occurrence « Pâques 1933 ». Créé pour défendre et illustrer l’Entre-Sambre et Meuse, l¬¬e Cercle des XV, présidé par M. L’Ecuyer Lambotte, avait invité les amis de l’écrivain et organisé le cortège qui traversa le village, la partie des discours (not. Alex Pasquier, Jules Sottiaux et de Warzée) et le banquet qui suivit. La partie musicale fut assurée par Jules Cognioul, Orsini Dewerpe et Bernard Baudé. Le jubilaire acheva son discours de remerciement au cri de « Vive Beauraing », « Vive la Wallonie », « Vive le Coq wallon ». Dans la presse, on relevait qu’il était « juste que le culte filial que des Ombiaux a voué à la Wallonie et qui s’est traduit par tant de pages et de pages intensément vivantes et ferventes, ait connu la douceur de cette récompense, par un beau dimanche de printemps, à l’ombre d’une maison où il ouvrit les yeux à la lumière » (Delchevalerie).

Réalisée en bronze et fondue grâcieusement par la Fonderie Cognioul de Marcinelle, la plaque est l’œuvre de Jules Van der Stock (1897-1944). Natif de Bruges, ce sculpteur fait sa carrière dans le pays de Charleroi après la Grande Guerre. Comme bon nombre de ses collègues, il partage ses activités entre des bustes et des monuments aux victimes de guerre. Il signe notamment un buste du roi Albert qui fait partie des collections de l’hôtel de ville de Charleroi. D’autres représentations de la famille royale constituent des références de ce sculpteur installé à Marcinelle. Proche des autorités politiques de Charleroi, ainsi que du monde de l’industrie et des artistes, Van der Stock bénéficie de commandes de bustes émanant de plusieurs bourgmestres et mandataires politiques (Hiernaux, Pastur, etc.). En 1933, il réalise la plaque Des Ombiaux et, l’année suivante, son Monument aux morts de Nalinnes commémore un accident de la mine. Médailleur, Van der Stock fait preuve d’une précision exceptionnelle dans ses réalisations. Influencé par l’Art Nouveau, il a reçu le Prix des artistes au Salon international de Paris avec une œuvre intitulée Guetteur. En 1931, il signe une plaque art nouveau exceptionnelle, à l’occasion du 25e anniversaire de l’Université du Travail ; sa représentation des quatre premiers directeurs (Paul Pastur, 1902 ; Alfred Langlois, 1902-1929 ; Omer Buysse, 1903-1913 ; Jules Hiernaux, 1914-) est particulièrement réussie. Cofondateur du Cercle artistique et littéraire de Charleroi (1921), il enseigne la sculpture à l’Université du Travail. Résistant durant la Seconde Guerre mondiale, il ne lui survivra pas, partageant ainsi, mutatis mutandis, la fin de vie de Des Ombiaux. 

Adulé de son vivant et en temps de paix, Maurice des Ombiaux connaît une fin de vie difficile. Réfugié à Rambouillet au lendemain de l’attaque allemande de mai 1940, il fait encore paraître quelques ouvrages (Saint-Landelin - 1941, Barbeau-sur-Meuse - 1943, La reine des gilles de Binche - 1943), avant que la maladie l’emporte, à Paris, le 21 mars 1943. En application des dispositions testamentaires, sa dépouille sera transférée au cimetière de Thuin, 12 ans plus tard, le 7 mai 1955 et il faudra attendre 1993 pour qu’une plaque rappelle, sur le tombeau familial, le nom de l’écrivain. 

Sources

Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse
Paul DELFORGE, dans Encyclopédie du Mouvement wallon, Charleroi, Institut Destrée, 2000, t. I, p. 478-479
Jean-Marie HOREMANS, Biographie nationale, 1973-1974, t. 38, col. 640-651, en particulier col. 649
Jean-Marie HOREMANS, Maurice Des Ombiaux. Prince des conteurs wallons, Charleroi, Institut Jules Destrée, 1968, coll. Figures de Wallonie
La Défense wallonne, n°5, 15 mai 1933, p. 6
René DEMEURE, Une vie en chansons. Jules Cognioul. Chantre de Wallonie. 1872-1954, Charleroi, [1963], p. 59 et 63
Charles DELCHEVALERIE, dans L’Action wallonne, n°6, 15 mai 1933, p. 4
 

Plaque Maurice des Ombiaux (Beauraing)

 

Rue des Ombiaux 7-9
5570 Beauraing

carte

Paul Delforge

Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam

Monument César FRANCK

Si Jules Destrée et Albert Mockel n’ont de cesse de saluer le talent de César Franck (Liège 1822 – Paris 1890) et de son école, il apparaît de manière évidente que l’influence franckiste sur la musique ne survit pas à la Grande Guerre. Il n’en reste pas moins que le talent du musicien et du compositeur wallon a marqué le XIXe siècle qu’une compétition s’est installée entre Paris et Liège pour entretenir le souvenir de celui qui est né et s’est formé en pays wallon avant de connaître le succès dans la capitale française. Avec le décès du sculpteur Rulot en 1919, les espoirs d’un monument César Franck à Liège paraissent disparaître, même si le directeur du Conservatoire de Liège, Sylvain Dupuis, commence à faire connaître, par une série de conférences, le fruit d’une importante étude qu’il a consacrée à César Franck (1920-1921). À l’heure où Verviers célèbre avec faste le centième anniversaire de la naissance de Vieuxtemps, les forces vives liégeoises ne veulent pas manquer le rendez-vous important que constitue le 100e anniversaire de la naissance de leur compositeur (10 décembre 1822). Tandis que Sylvain Dupuis prépare une « Semaine musicale » où les œuvres maîtresses de César Franck seront interprétées, la Société des Amis de l’Art wallon que préside Jules Destrée, puis surtout la Section liégeoise des Amis de l’Art wallon qui s’est reconstituée en 1921, souhaitent concrétiser le projet qu’ils avaient lancé en 1913 déjà, à savoir ériger un monument digne du talent de César Franck et destiné à orner un des parcs publics de Liège. Le monument Rulot est définitivement enterré quand, au début de l’année 1922, le sculpteur Victor Rousseau accepte de se lancer dans l’aventure et entreprend de dessiner un nouveau et ambitieux mémorial.

Dans le même temps, à Paris, on se prépare aussi sérieusement à l’événement. Dans la capitale française s’est en effet constitué un comité de musiciens sous la direction de Henry Rabaud (directeur du conservatoire) désireux de commémorer le souvenir de César Franck et d’offrir à la ville de Liège un mémorial « en témoignage de l’admiration que la musique française a vouée au maître angélique ». Le statuaire lyonnais Fix-Masseau a été sollicité, lui qui avait déjà réalisé – à la demande de la ville de Liège – une figure décorative pour le monument français du cimetière de Robermont. Pour assurer le budget nécessaire, un concert spécial César Franck est organisé à l’Opéra de Paris, le 7 mars 1922, en présence de la reine Élisabeth et du président de la République.
En raison de la multiplication des initiatives, un Comité César Franck est mis en place, à Liège, afin de coordonner les initiatives. L’œuvre réalisée par Fix-Masseau est inaugurée le 25 novembre 1922, devant un parterre de personnalités, dont la reine et des ministres belges et français. Fix-Masseau a représenté un groupe de trois femmes, debout, qui chantent un chœur du maître. Sous ce trio, le socle est travaillé dans sa face avant pour faire apparaître le profil droit de César Franck sculpté dans la pierre. Une inscription précise : « Hommage de Paris où il a vécu à la ville de Liège où il est né ».

La sculpture de Fix-Masseau vient orner un espace du foyer du Conservatoire de Liège (l’actuel Foyer Ysaÿe de la Salle philharmonique). Placée sous le signe de la fraternité qui unit la France et la Belgique, en particulier la Wallonie, l’inauguration à Liège de l’œuvre de Fix-Masseau est l’occasion d’organiser plusieurs concerts, durant une mémorable « Semaine musicale ». Sylvain Dupuis les dirige, tandis que de plusieurs manifestations animent la cité liégeoise. Le succès est au rendez-vous, mais pour les promoteurs d’un monument public en l’honneur de César Franck, l’occasion est ratée. C’est en vain que la revue La Vie wallonne présente, en décembre 1922, plusieurs illustrations d’une maquette réalisée en plâtre par Victor Rousseau, même si elle précise que le monument serait installé place Émile Dupont et qu’une souscription publique est lancée. La critique juge le projet Rousseau trop ambitieux.

Bien que le « centenaire » soit passé, la Section liégeoise des Amis de l’Art wallon ne renonce pas au projet d’un monument Franck à installer dans un parc public de Liège. Elle offre 1.000 francs de récompense pour « la meilleure commémoration de César Franck », mais elle ne reçoit aucune proposition alternative. En 1925, le cercle décide par conséquent d’affecter la somme de la « récompense » au monument proposé par Victor Rousseau : elle se mobilise autour de l’objectif d’ériger ce monument à Liège, le premier de son programme. La souscription publique se solde par un échec. Hormis la plaque commémorative apposée sur sa maison natale, rue Saint-Pierre, en 1914, voire le buste signé Adelin Salle dans la salle des Pas Perdus de l’hôtel de ville de Liège, aucun monument public majeur « César Franck » ne semble devoir jamais voir le jour à Liège.

En 1972, comme l’ont fait remarquer certains critiques avec amertume (par ex. J. Servais), la ville de Liège reste muette ; aucune manifestation officielle n’est organisée pour le 150e anniversaire de la naissance de César Franck. Seules des initiatives privées (inscription des œuvres de Franck dans des programmes musicaux) fleurissent de manière éparse. Mais ce qui afflige le plus, à l’époque, le rédacteur en chef de la revue La Vie wallonne, c’est la tenue d’une exposition César Franck, lors du Festival des Flandres, au musée de Tongres, où le musicien est présenté « sans attache avec la musique française » et avec des racines limbourgeoises. Pourtant, en parcourant l’œuvre du sculpteur Marceau Gillard, on est frappé de constater l’existence d’un projet en terre cuite pour un monument César Franck datant de la fin des années 1950, ainsi qu’une terre cuite intitulée Adagio Allegro, semble-t-il de la même époque et toujours avec la même finalité.

La ville de Liège ne manque pas le rendez-vous de 1990, année César Franck, correspondant au centième anniversaire de la disparition de l’artiste. À l’initiative de la société belge César Franck, un copieux programme est mis au point coordonnant de multiples manifestations de mars à décembre, exposition, enregistrements, mais surtout concerts organisés dans plusieurs villes wallonnes ainsi qu’à Paris. C’est dans ce contexte qu’est inaugurée, le 27 mars 1990, la première stèle commémorative César Franck, dans sa ville natale, à l’angle de la rue de la Régence et de la rue de l’Université. Sollicitée dès 1989, la jeune sculptrice verviétoise Marianne Baibay s’est plongée dans la musique franckiste et a développé les thèmes « Mémoire et Musique » dans une œuvre originale, s’inspirant de la forme des tuyaux d’orgue et associant la pierre bleue et le cuivre, matériaux qui, avec le temps, « prennent (…) une patine, un aspect qui leurs confèrent à la fois stabilité, fragilité avec aussi un côté précieux, gardien de mémoire, pour la musique, les orgues, les tuyaux d’orgue, présents dans la production musicale de César Franck ». Parrainé par les services clubs liégeois Fifty One, Inner Wheel, Lion’s club, Rotary et Soroptimist (une plaque évoque leur soutien au pied du monument), le mémorial bénéficie aussi du soutien des carrières Julien des Avins en Condroz qui offre les pierres. En accord avec les autorités de la ville de Liège (l’échevin Firket) et les commerçants, les tailleurs de pierre de la ville de Liège mettent le monument en place dans les délais prévus : l’inauguration de la stèle, en présence de toutes les autorités liégeoises et de la reine Fabiola, marque le début de l’année Franck.

Monument César Franck

Ce que ni Joseph Rulot ni Victor Rousseau n’avaient réussi à accomplir, la professeur de Saint-Luc Liège l’a réussi. En signant cette œuvre, Marianne Baibay met en quelque sorte un terme à la « saga César Franck » qui agite plusieurs milieux culturels et artistiques liégeois depuis un siècle. Néanmoins, en 1990, un autre projet – semble-t-il porté par le professeur Minguet – visait à reproduire le médaillon de César Franck réalisé par l’illustre Rodin en 1891, et à placer cette reproduction quelque part à Liège. Déjà à l’époque, les difficultés et polémiques avaient été grandes autour de ce médaillon Franck par Rodin, à apposer sur le tombeau réalisé par Redon. S’il est encore présent (refonte réalisée en 1995) au cimetière Montparnasse, à Paris, ce médaillon n’est par contre jamais arrivé à Liège. L’œuvre de Marianne Baibay reste donc unique.

Plongée dans les milieux artistiques dès son plus jeune âge, elle a partagé comme son frère Jean-Paul, la passion de leur père, Gilbert Baibay, à la fois peintre et sculpteur. Entre 1968 et 1973, déjà, elle participe aux expositions de « L’atelier 11+ », projet mené par un père très soucieux de la formation des jeunes à la pratique artistique. Durant ses études à Saint-Luc (1976-1979), elle s’oriente davantage vers la sculpture dans l’atelier d’A. Courtois A. Blanck et G. Theymans. Nommée professeur à la fin des années 1980, elle se révèle à la fois peintre, dessinatrice et sculptrice, signant aussi bien des affiches, des pochettes de disques que des toiles ou des sculptures, d’inspiration personnelle ou sur commande. Après le mémorial César Franck, Marianne Baibay est notamment sollicitée pour le monument en hommage à Jacques Brel qui se situe au Mont des Arts à Bruxelles (2003).

 

Informations communiquées par Marianne Baibay (juin 2014)
Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse 
Sylvain DUPUIS, Charles DELCHEVALERIE, César Franck : la leçon d’une œuvre et d’une vie : commémoration du centenaire de la naissance de César Franck né à Liège le 10 décembre 1822 mort à Paris le 9 novembre 1890, Liège, 1922
Alexia CREUSEN, sur http://www.wittert.ulg.ac.be/expo/19e/album/584_franck.html (s.v. mai 2014)
Norbert DUFOURCQ, dans Biographie nationale, Bruxelles, t. 33, col. 322-335
Maurice EMMANUEL, César Franck, Paris, 1930. Coll. Les musiciens célèbres
César Franck. Correspondance réunie, annotée et présentée par Joël-Marie Fauquet, Sprimont, Mardaga, Conseil de la Musique de la Communauté française, 1999, coll. « Musique-Musicologie »
Musée des Beaux-Arts, Exposition Le romantisme au pays de Liège, Liège, 10 septembre-31 octobre 1955, Liège (G. Thone), s.d., p. 189
La Vie wallonne, 15 septembre 1920, I, p. 8-11, 38
La Vie wallonne, 15 août 1921, XII, p. 573 et ssv
La Vie wallonne, 15 octobre 1921, XIV, p. 93
La Vie wallonne, 15 mars 1922, XIX, p. 333
La Vie wallonne, 15 décembre 1922, XXVIII, p. 155-163 et 163-178
La Vie wallonne, 15 janvier 1923, 3e année, XXIX, p. 227-230
La Vie wallonne, IV, n°260, 1952, p. 305
La Vie wallonne, 1972, n°340, p. 338-339
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 51
Joseph PHILIPPE, Marceau Gillard dans l’École liégeoise de sculpture, Liège, 1991, en particulier p. 102 et 114

Rue de la Régence
Rue de l’Université
(Angle)
4000 Liège

carte

Paul Delforge

Paul Delforge

Statue Eden HAZARD

Statue Eden Hazard, réalisé par Roberto Ollivero, 3 juin 2014.

En 1986, les autorités communales de Tubize inaugurent l’une des premières sculptures réalisées par Roberto Ollivero. Cette année-là, Michel Platini illumine de son talent la planète foot et le sculpteur brabançon a décidé de le représenter en train d’inscrire un but. Pour l’artiste, « ce coin de match » marque le début d’une riche carrière faite d’œuvres populaires. Mais le « Platini du stade Leburton » n’est pas épargné par les conditions climatiques changeantes et quand il lui est demandé de rénover sa statue, il devient très vite évident que Platini doit être remplacé par un autre joueur portant lui aussi un numéro 10, en l’occurrence Eden Hazard, un enfant du pays, issu du centre de formation de l’AFC Tubize qu’il fréquenta assidument au début des années 2000. 

En juin 2014, la statue d’Eden Hazard est par conséquent inaugurée au sommet de la butte surmontant les infrastructures sportives tubiziennes. Avec les couleurs du maillot l’équipe belge de football, l’œuvre de Roberto Ollivero qui mesure près de 8 mètres de haut ne peut échapper au regard. Cependant, l’œuvre n’est complète que quand on voit le ballon au fond des filets, malgré la spectaculaire envolée d’un gardien de buts anonyme, celui-là. Le cadre du but est déformé par la puissance du tir et un énorme GOOOAL coloré apparaît en arrière-plan.

Italien, né à Elisabethville en 1949, Roberto Ollivero s’établit à Nivelles où il donne libre cours à son tempérament artistique. Après avoir créé un lieu de théâtre du geste et de performances, à Schaerbeek, au début des années 1970, Roberto Ollivero se tourne vers la création contemporaine d’un autre genre. Cherchant entre le papier mâché, le béton et le métal le meilleur support de ses inspirations, il en vient à se spécialiser dans le polyester polychrome qui devient sa signature et prend différentes formes : sculptures d’extérieur et d’intérieur, des hauts reliefs, empreintes et peintures. Après Art Foot (Tubize, 1986), Articulture II (Mariemont, 1987), Rempart-Art (Binche, 1989) et Des mots, rien que des mots (Nivelles, 2005) qui sont autant d’événements occupant l’espace public de manière éphémère, Ollivero expose ses œuvres dans diverses galeries et obtient des commandes publiques en France et surtout à Bruxelles. 

Toujours conçues à partir d’une idée ou d’une réflexion, ses sculptures qu’il veut vivantes sont réalisées sans aucun socle. Maniant humour et critique, questionnant la société et les enjeux de pouvoir, jouant volontiers sur les mots et les codes, s’inspirant de l’actualité ou puisant dans sa mémoire, Ollivero associe étrangement et de manière volontiers provocatrice des images, des références et des valeurs établies, en créant des situations dissonantes le plus souvent dans des couleurs joyeuses qui entrent en contradiction avec les sujets abordés. Prix du ministre wallon des Travaux publics (1990), réalisateur d’une pipe à l’occasion de l’année Simenon à Liège (2003), le sculpteur s’est aussi lancé dans la réalisation de bronzes. Si son style est bien présent dans le monument de Tubize, il est évident qu’Ollivero a du football une approche bien différente de celle d’Eden Hazard.

Élu meilleur joueur de Premier League et champion d’Angleterre avec Chelsea au terme de la saison 2014-2015, après avoir été désigné comme meilleur jeune de la League en 2014, Eden Hazard est né à La Louvière en 1991 et a fait du football son art et sa profession. Après avoir joué à Braine-le-Comte et à Tubize (à partir de 2003), il est recruté par le LOSC et, en 2007, atteint les demi-finales du Championnat d’Europe des moins de 17 ans avec l’équipe de Belgique. Aligné en Ligue 1 française alors qu’il n’a pas encore 17 ans, il fait les beaux jours du club de Lille. Salué comme le meilleur jeune par le football français, il emmène Lille au paradis : Coupe de France 2011 et champion de France 2011. Poursuivant patiemment sa formation au sein du club qui lui a fait confiance, il achève la saison 2012 en tant que meilleur joueur de la Ligue 1 pour la seconde fois. Quelques jours après son succès contre Munich en finale de la Champions League, Chelsea recrute Eden Hazard et, sous la férule de Mourinho, lui confie les clés de la maison. La Ligue Europa 2013, une demi-finale de Coupe du Monde avec la Belgique en 2014, la Coupe de la Ligue anglaise 2015 et le championnat anglais 2015, voilà quelques-uns des titres collectifs auxquels le prodige a contribué depuis son départ du LOSC. Doué d’une technique exceptionnelle – peut-être héritée de ses parents tout deux anciens footballeurs de haut niveau – Eden Hazard occupe une place enviée au sommet de la hiérarchie du football mondial, étant régulièrement comparé à Messi et à Ronaldo.

 

Statue Eden Hazard (Tubize)

Sources
 


Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse
Alain DE WASSEIGE, Roberto Ollivero. Œuvre en polyester polychrome. Sculptures et empreintes, Bruxelles, La Papeterie, 2003
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. II, p. 239

Allée des Sports 7
1480 Tubize

carte

Paul Delforge

Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée -  Sofam

Stèle Léonard LEGRAS

Stèle commémorative Léonard Legras, réalisé par Fernand Heuze, 18 septembre 1932


Dans la belle vallée de la Hoëgne, non loin de Hockai, une stèle en bronze a été apposée à même les rochers, près de la cascade Léopold II, juste avant un petit pont. Elle est dédiée à la mémoire de Léonard Legras, un pionnier des guides de la Fagne.


Au XIXe siècle, une série d’amoureux de la Fagne balisent une série de promenades destinées à occuper les loisirs de bourgeois aisés. Dans le même temps, on assiste à la publication, par le Spadois Jean Dommartin, dit Jean d’Ardenne, du premier Guide des Ardennes, offrant une série de circuits « certifiés » de courtes promenades. 

Originaire de Sart-lez-Spa, Léonard Legras, quant à lui, trace et balise le premier circuit récréatif de la vallée de la Hoëgne. Son circuit est officiellement inauguré en 1899 en présence de la reine Marie-Henriette. En quelque sorte, il a fait œuvre de pionnier. Mais il ne s’agit là que d’un loisir. Léonard Legras semble en effet avoir été occupé sur le site du barrage de La Gileppe dont la construction récente procure de nouveaux emplois : Legras semble avoir été le premier barragiste, fonction qu’il a exercée jusqu’en 1888. 

Mais cet amoureux de la nature semble avoir connu une fin tragique, en août 1914, au moment de l’invasion allemande : en effet, il serait tombé nez à nez avec des soldats entreprenant l’invasion de la Belgique en application du plan Schlieffen et, considéré comme dangereux, il aurait été exécuté sur place. Quelques villages de la région ont donné le nom de Legras à leur rue (Spa et Sart par exemple).


Initiative du syndicat d’initiative de la Vallée de la Hoëgne, la plaque commémorative qui est inaugurée en septembre 1932 est due au sculpteur verviétois Fernand Heuze. Artiste discret, il est comme ses collègues l’auteur de plusieurs monuments aux victimes de la Grande Guerre (par exemple celui d’Aubel avec son joueur de clairon du 12e de ligne en 1921, ou celui de Charneux). Il sera par la suite l’auteur des monuments Apollinaire à Malmedy et Frédéricq dans les Hautes Fagnes. 

Par ailleurs, il enseigne à l’Académie de Liège. Dans son atelier, il initie son fils – parfait homonyme, né en 1914 – à la sculpture, mais c’est vers la peinture que celui-ci se dirigera, tout en étant un membre actif du comité de Verviers des Amis de la Fagne : il en assure le secrétariat à partir de 1936. Le fils a-t-il assisté son père dans la réalisation de la « plaque Léonard Legras », ou le fils est-il le seul signataire ? La signature tend plutôt à attribuer le bronze au père qui réalise un portrait jovial de Legras en gravant la dédicace suivante :

A LEONARD LEGRAS
1839-1914 

PROMOTEUR  DES PROMENADES DE LA HOËGNE
SIVH

 


Sources


Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse
Jean DESHOUGNES, La petite histoire de La Gileppe et ses promenades, Verviers, Marabout, 1971, 2e éd., p. 51
Cor ENGELEN, Mieke MARX, Dictionnaire de la sculpture en Belgique à partir de 1830, Bruxelles, août 2006, t. III, p. 809

Stèle commémorative Léonard Legras

Val de Hoëgne (Solwaster-Hockai) 

Hautes Fagnes

carte

Paul Delforge

Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Monument Hortense MONTEFIORE-BISCHOFFSHEIM

Dans l’espace public wallon, les personnalités féminines comptent pour moins de 6% de l’ensemble des monuments dédiés à un personnage historique. Dès lors, le monument Montefiore-Levi créé par Oscar Berchmans et qui a été inauguré à Esneux le 19 juillet 1908 peut être considéré comme un rare modèle. Ce n’est ni un exploit, ni une découverte ni un acte de résistance qui est mis ici en évidence, mais l’action bienfaitrice et constante d’une grande bourgeoise vivant dans la périphérie liégeoise. 

Fille du banquier J-R. Bischoffsheim (1808-1883), né en Allemagne, naturalisé Belge et actif dans les milieux financiers bruxellois où il oriente la politique monétaire et financière du jeune État belge, Hortense (1843-1901) épouse en 1866 l’ingénieur Georges Montefiore-Levi (1832-1906), industriel né en Angleterre, naturalisé belge quand il s’installe durablement à Liège, arrondissement dont il sera l’un des représentants directs au Sénat, de 1882 à 1901, au nom du parti libéral. 

Le couple acquiert en 1882 le château du Rond-Chêne à Esneux. Souffrant d’un lourd handicap aux jambes depuis sa plus tendre enfance, Hortense Montefiore-Bischoffsheim poursuit une tradition familiale faite de mécénat et de philanthropie. Protectrice de plusieurs œuvres en faveur de la communauté juive de Liège, elle est à l’origine de la construction d’un asile à Esneux destiné à la revalidation et à la convalescence (en milieu rural) de jeunes enfants de Liège, sur base d’un avis médical ; l’œuvre est neutre philosophiquement, et pratique la mixité des jeunes garçons et des jeunes filles. Par ailleurs, à la fin du XIXe siècle, le couple Montefiore fait don à la ville de Liège d’une série de fontaines artistement réalisées et destinées à fournir de l’eau potable aux passants dans les rues de Liège. À sa mort, Hortense Montefiore lègue une partie de sa fortune pour la création d’un hôpital moderne dans la région d’Esneux. 

 

Statue dite Montefiore

Afin d’honorer cette bienfaitrice, la commune d’Esneux prend l’initiative d’élever un monument. Sa réalisation est confiée au sculpteur liégeois Oscar 

Berchmans (1869-1950). Ayant grandi dans un milieu tourné vers la peinture, Oscar opte pour la sculpture lorsqu’il suit les cours de l’Académie des Beaux-Arts de Liège auprès de Prosper Drion et d’Adrien de Witte (1884) ; il fréquente aussi l’atelier de Léon Mignon et de Paul de Vigne auprès desquels il apprend son métier.  

Au-delà de commandes pour les particuliers, Berchmans sera souvent sollicité par les autorités liégeoises qui lui confient la réalisation de bas-reliefs pour le Palais des Beaux-Arts de l’exposition de 1905, le mémorial Mignon (1906), des bustes et des monuments comme ceux dédiés à Montefiore-Levi (1911) ou à Hubert Goffin à Ans (1912). Le monument qu’il réalise en 1908 pour le compte de la commune d’Esneux peut donc être rangé parmi les premiers de celui qui deviendra bien plus tard professeur à l’Académie de Liège. 
Tenant compte de l’infirmité de son modèle, l’artiste la représente assise, portant dans ses bras trois très jeunes enfants d’allure chétive ; le groupe est en bronze. Le socle du monument qui est en pierre fait office de siège, et l’ensemble présente un caractère assez massif qu’atténuent à peine les rondeurs voulues par Berchmans. Sur la partie inférieure du siège, de face, apparaît en très grand le mot CHARITE gravé dans la pierre. Vient ensuite l’hommage : « A Mme Montefiore-Levi La commune d’Esneux reconnaissante 1908 ». 
 

 

- François STOCKMANS, Georges Montefiore-Levi, dans Biographie nationale, t. 38, col. 596-616 
- http://www.esneux.be/site/loisirs_et_dec/histoire/index.php?ref_annu=1217&ref_annu_page=942 (sv. février 2014) 
- Marie-Sylvie DUPONT-BOUCHAT, dans Dictionnaire des femmes belges, Bruxelles, Racine, 2006, p. 59 
- Ginette KURGAN, Serge JAUMAIN, Valérie MONTENS, Dictionnaire des patrons en Belgique, Bruxelles, 1996, p. 53-55 
- A. PRICK-SCHAUS, N. MALMENDIER et M. DE SELLIERS, « Arts et Nature – temps et espace – Esneux », 2005 

Avenue Montefiore 23 
4130 Esneux

carte

Paul Delforge