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Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Buste du peintre Pierre Paulus à Châtelet

C’est en 1998, année de la rétrospective Magritte à Châtelet, que les autorités locales ont décidé de l’aménagement d’une « Promenade Magritte », dans le centre de la ville. À ce parcours consacré au peintre surréaliste se sont ajoutées, par la suite, d’autres références à d’illustres personnalités de Châtelet. 

C’est ainsi qu’en 2000, a été inclus un monument dédié au peintre Pierre Paulus. Situé place d’Outre Biesme, devant l’ancien magasin de meubles « La Fiancée », en plein cœur de la cité, le monument restitue Pierre Paulus à son village natal et rend un hommage tout particulier à celui qui a dessiné le drapeau wallon. Avec l’adoption par le Parlement wallon du décret, le 23 juillet 1998, qui retient le coq rouge sur fond jaune imaginé par Paulus comme drapeau officiel, il devenait urgent pour Châtelet d’honorer le créateur de l’emblème wallon.

Statue à la mémoire de Pierre Paulus

Dessiné par le peintre Léon Moisse, le piédestal qui soutient le buste de Paulus est, en effet, précédé d’une autre pierre brute, où est incrustée une plaque présentant le coq rouge sur fond jaune du drapeau officiel de la Wallonie. Deux céramiques du maître-potier Clovis Lambert, de la poterie Willy Biron, sont incrustées dans la pierre de granit qui rappelle les rochers de la peinture « Le sens des réalités » de Magritte. L’une des deux céramiques représente le blason et la devise du baron Paulus ; l’autre reproduit son écriture et sa signature :

« Fait pour l’Assemblée wallonne
En 1912
Pierre Paulus »
 

Le peintre Paulus

Au-delà du drapeau wallon, le peintre Pierre Paulus de Châtelet (1881-1959) est apprécié pour son impressionnante production picturale où Charleroi, la Sambre, ses habitants et son industrie constituent ses sujets principaux. 

Engagé dans des études qui devaient le conduire à devenir architecte, Pierre Paulus a croisé la route de Constant Montald à l’académie des Beaux-Arts de Bruxelles, et il s’est alors résolument tourné vers la peinture. Dès les premières années du XXe siècle, il s’affirme comme le peintre des charbonnages et des usines, des mineurs et des métallurgistes, des terrils, des hauts fourneaux, des lourdes péniches chargées de charbon, des paysages industriels, sous un ciel clair ou sous un ciel de pluie, couverts de neige ou illuminés par les lueurs rouges des forges. Rapidement étiqueté comme le continuateur de Constantin Meunier, Paulus devient le chantre du Pays noir. 

Exposées en Europe comme aux États-Unis, ses œuvres ne se limitent pas au caractère social ; il lui arrive de traiter des animaux, des fleurs délicates ou des natures mortes ; il accepte d’ailleurs d’être professeur d’art animalier à l’Académie d’Anvers de 1929 à 1953, mais c’est l’aspect réaliste et anecdotique de même que les couleurs sombres qui caractérisent alors ses peintures.

Le sculpteur Alphonse Darville

Le buste original est l’œuvre d’Alphonse Darville (1910-1990). Celui qui est exposé à Châtelet est une copie de celui qui a été inauguré en 1930 dans le parc Astrid de la ville de Charleroi. 

Né à Mont-sur-Marchienne en 1910, le jeune Darville étudiait encore à l’Académie des Beaux-Arts de Bruxelles. À 20 ans, il était encore fort peu connu quand il s’est vu confier la responsabilité d’inscrire son illustre contemporain dans le bronze pour l’éternité. 

Ce n’est que l’année suivante que Darville recevra le Prix Godecharle puis, en 1935, le Premier Grand Prix de Rome. Co-fondateur de L’Art vivant au pays de Charleroi (1933), attaché à la promotion de la création artistique en Wallonie, co-fondateurs de la section de Charleroi de l’Association pour le Progrès intellectuel et artistique de la Wallonie (1945), Darville contribue aussi à la création de l’Académie des Beaux-Arts de Charleroi, qu’il dirige de 1946 à 1972.

 



Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse
Renseignements communiqués par Claude Coisman de l’asbl Le Vieux Châtelet (mai et juin 2014)
Châtelet, Mémoire en Images, asbl Le Vieux Châtelet, 2003.
Laurent LÉVÊQUE, Alain COLIGNON, Pierre Paulus, dans Encyclopédie du Mouvement wallon, Charleroi, Institut Destrée, 2001, t. III, p. 1244-1245.
Chantal LEMAL-MENGEOT, Pierre Paulus, dans Nouvelle Biographie nationale, t. IV, p. 288-290.
Pierre Paulus (1881-1959). Les couleurs de l’humanisme, Musée des Beaux-Arts, 1998.
Geneviève ROUSSEAUX, Alphonse Darville sculpteur, Charleroi, Institut Jules Destrée, 1982, coll. « Figures de Wallonie ».
Alphonse Darville : 60 [soixante] années de sculpture, catalogue d’exposition, 20 novembre 1982 - 16 janvier 1983, Jean-Pol DEMACQ [préface],  Charleroi, Musée des Beaux-Arts, 1982.
Alphonse Darville 1977, Charleroi, Impaco, 1977.
Paul DELFORGE, Essai d’inventaire des lieux de mémoire liés au Mouvement wallon (1940-1997), dans Entre toponymie et utopie. Les lieux de la mémoire wallonne, (actes du colloque), sous la direction de Luc COURTOIS et Jean PIROTTE, Louvain-la-Neuve, Fondation Humblet, 1999, p. 285-300.
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 290 ; t. II, p. 190.

Place d’Outre Biesme
6200 Châtelet

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Paul Delforge

Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam

Stèle Jean REY

Stèle à la mémoire de Jean Rey, réalisée à l’initiative des autorités communales, 17 mai 1996.
 

Stèle Jean Rey

Né à Liège en 1902, dont il fut conseiller communal de Liège (1935-1958) et député (1939-1958), ministre belge à deux reprises (1949-1950, 1954-1958), membre (1958-1970) puis premier président de la Commission économique européenne de 1967 à 1970, ministre d'État (1972), député européen (1979-1980), c’est finalement d’Esneux, dont il était devenu conseiller communal après la fusion des communes en 1976, que Jean Rey a reçu la première manifestation de reconnaissance posthume par l’élév

ation d’une stèle à sa mémoire. Depuis plusieurs années, en effet, il avait choisi de vivre dans le hameau de Cortil et il avait accepté, en octobre 1976, de participer au scrutin communal du « grand Esneux ». Sans surprise, il avait été élu en même temps qu’une jeune candidate socialiste, Jenny Levêque, qui allait devenir par la suite la bourgmestre de la localité, de 1995 à 1998 et de 2001 à 2006.
C’est sous sa présidence qu’une cérémonie inaugurale eut lieu le 17 mai 1996, en présence de la famille de Jean Rey, du président du parti libéral, Louis Michel, et d’un représentant du bourgmestre de Liège. Autour de la stèle commémorative, l’ensemble des convictions libérales, démocratiques, protestantes, wallonnes, fédéralistes et européennes de Jean Rey ont été rappelées. Premier président de la Commission européenne unifiée, Jean Rey avait aussi figuré parmi les tout premiers députés européens élus au suffrage universel (1979), même s’il fut forcé par la suite de céder son siège à Luc Beyer.

Sur une pierre calcaire relativement brute, une plaque métallique carrée est apposée de manière centrale. Entouré de douze étoiles, un cercle foncé laisse apparaître la tête de Jean Rey, légèrement tournée vers la droite. Sous ce portrait, sont mentionnées trois références à ses multiples engagements :

« Jean Rey
1902-1983
Ministre d’État
Conseiller communal d’Esneux
Président de la Commission
des Communautés européennes
1967-1970 ».

Un parterre de fleurs entoure l’avant de la stèle, tandis qu’un arbre a été planté à l’arrière, destiné à abriter le monument d’ici quelques années.

Sources

Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse, dont Le Soir, 18-19 mai 1996
Francis BALACE, Willy DE CLERCQ, Robert PLANCHAR, Jean Rey, liégeois, européen, homme politique, Éditions de l’Université de Liège, Liège, 2002
Paul DELFORGE, Jean Rey, dans Encyclopédie du Mouvement wallon, Charleroi, Institut Destrée, 2001, t. III, p. 1424-1427
Demain, Études et Expansion, Numéro spécial à la Mémoire de Jean Rey, 1983, n° 295
Robert FENAUX, Jean Rey, Enfant et artisan de l’Europe, Éditions Labor, Bruxelles, 1972

 

Parc du château Brunsrode, dit château Lieutenant 
4130 Tilff (Esneux)

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Paul Delforge

Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam

Buste Vincent Van Gogh

Buste Vincent Van Gogh, 22 mars 1958.
Réalisé par Ossip Zadkine.

Situé au cœur d’un rond-point aménagé et arboré, près de la place Saint-Pierre, à Wasmes, un buste de Vincent Van Gogh rappelle que le célèbre artiste résida pendant quelques mois dans le Borinage. Le buste est posé sur une stèle en marbre noir ; une inscription en lettres blanches indique simplement :

VAN GOGH
1853 – 1890

Afin de faire face au vandalisme, l’œuvre exposée est une copie de l’originale réalisée par Ossip Zadkine et conservée dans le hall d’entrée de la maison communale de Colfontaine. Une niche vitrée protège en effet le bronze que l’artiste avait légendé : 

« D’ici partit Vincent Van Gogh à la recherche du soleil et de soi-même. Année 1880 ».

En effet, de 1878 à 1879, Van Gogh réside tour à tour à Pâturages (rue de l’Église) et à Wasmes (actuelle rue Wilson). Il partage sa foi évangélique avec les fidèles du Salon de Bébé, le premier foyer protestant de la localité.
Né à Zundert, aux Pays-Bas, en 1853, Vincent Van Gogh a connu une scolarité difficile et ses premiers pas dans la vie professionnelle, d’abord fort heureux, se transforment en un échec. En 1876, il est licencié par l’important marchand d’art Goupil et Cie dont il ne partage pas le côté mercantile. Se sentant attiré par une vocation religieuse, il passe son temps à dessiner et à lire la Bible, mais échoue aux examens de théologie de l’Université d’Amsterdam, ainsi qu’à l’école protestante de Bruxelles (1877-1878). C’est alors qu’il devient prédicateur laïc et obtient une mission d’évangéliste dans le Borinage.

Ayant choisi de partager entièrement le sort des ouvriers, Van Gogh descend dans la fosse au charbonnage de Marcasse. Mais l’évangéliste qui se montre particulièrement solidaire des luttes ouvrières est rappelé à l’ordre et doit affronter les protestations de l’Église réformée ; il déménage de Wasmes pour s’installer à Cuesmes (rue du Pavillon) où il réside un an (août 1879-octobre 1880). Durant cette période d’errance, il est en profond conflit avec sa famille. Finalement, les cours qu’il suit à l’Académie des Beaux-Arts de Bruxelles (1880-1881) lui apportent une perspective nouvelle. Il a quitté définitivement le Borinage auquel il restera manifestement encore attaché. Comme l’a observé Ossip Zadkine, c’est une autre lumière qui attire alors le peintre. Sans jamais parvenir à trouver la paix intérieure, Van Gogh devient le peintre maudit, produisant plus de 2.000 toiles et dessins en dix années, jusqu’à ce moment de 1890 où il commet l’acte fatal (Auvers-sur-Oise, 29 juillet).

La complexité de Van Gogh n’a pas échappé à Ossip Zadkine, sculpteur né à Vitebsk, en Biélorussie, le 14 juillet 1890, quasiment au moment où Van Gogh mettait fin à ses jours. Établi en France vers 1910, Zadkine y accomplit l’essentiel de sa carrière. Sa maison, rue d’Assas, deviendra plus tard un musée dédié à l’œuvre de celui qui est considéré comme l’un des grands maîtres de la sculpture cubiste. Celui qui est aussi dessinateur, illustrateur, aquarelliste et graveur est l’auteur de plus de 400 sculptures. Sa renommée est internationale quand il consacre son temps, entre 1955 et 1960, à la réalisation d’œuvres sur Vincent Van Gogh. En 1961, Auvers-sur-Oise inaugure son Monument à Van Gogh, puis c’est Zundert qui accueille l’étonnante statue de Zadkine intitulée Les deux frères Van Gogh (28 mai 1964). Depuis le 22 mars 1958, jour de l’inauguration officielle, Wasmes dispose elle aussi d’un buste Van Gogh signé Zadkine. Celui-ci avait été fort impressionné par l’artiste maudit lors d’un voyage qu’il effectua dans les années 1920 sur les lieux où Van Gogh avait travaillé et évangélisé.

Sources

http://vangoghborinage.canalblog.com/ (s.v. juin 2014)
Catherine DHÉRENT, Vincent Van Gogh au Borinage, 2010 sur http://mistraletnoroit.free.fr/IMG/pdf/Vincent_Van_Gogh_au_Borinage_Belgique_.pdf (s.v. juin 2014)
Freddy GODART, Sur les pas de Vincent Van Gogh dans le Borinage, Colfontaine, 2011
Louis PIÉRARD, La vie tragique de Vincent Van Gogh, Bruxelles, Labor, 1946
Pierre STÉPHANY, La Belgique en cent coups d’œil, Bruxelles, Racine, 2006, p. 123
O. Zadkine, Paris, Hachette, 1969, coll. Chefs-d’œuvre de l’art – Grands Sculpteurs n°142 
Ossip ZADKINE, Le maillet et le ciseau : souvenirs de ma vie, Paris, Albin Michel, 1968

Buste Vincent Van Gogh – © Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Près de la place Saint-Pierre
Rue Tierne Carion
7340 Wasmes

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Paul Delforge

Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Statue Albert de CUYCK

Statue d’Albert de Cuyck, réalisée par Alphonse de Tombay, entre 1881 et 1884.

Au milieu du XIXe siècle, afin de doter l’institution provinciale de Liège de bâtiments dignes de ce niveau de pouvoir, d’importants travaux sont entrepris autour de l’ancien palais des princes-évêques. Propriétaire des lieux (1844), l’État belge retient le projet du jeune architecte Jean-Charles Delsaux (1850) et lui confie la mission de réaliser la toute nouvelle aile, en style néo-gothique, sur le côté occidental du Palais. Face à la place Notger, Delsaux (1821-1893) achève l’essentiel du chantier en 1853, mais des raisons financières l’empêchent de réaliser la décoration historiée qu’il a prévue pour la façade du nouveau palais provincial. Vingt-cinq ans plus tard, le gouverneur Jean-Charles de Luesemans prend l’avis d’une commission pour déterminer les sujets et les personnes les plus dignes d’illustrer le passé de « la Nation liégeoise ». Placés sous la responsabilité de l’architecte Lambert Noppius (1827-1889), une douzaine de sculpteurs vont travailler d’arrache-pied, de 1877 à 1884, pour réaliser 42 statues et 79 bas-reliefs.


Parmi les personnalités retenues figure en très bonne place le prince-évêque Albert de Cuyck. Sa statue est située en plein centre du péristyle, témoignant de l’importance du personnage dans la manière de retracer l’histoire liégeoise au milieu du XIXe siècle. Il est entouré par Henri de Dinant et Erard de la Marck. Dans des habits évoquant le statut de prince-évêque, il tient ostensiblement en mains un document qui symbolise la charte dite « Charte de Cuyck ». Pourtant, dans le tome 4 de la Biographie nationale paru en 1873, seulement treize lignes d’une étroite colonne sont consacrées à ce personnage illustre ! Il est alors considéré comme l’évêque de Liège (1194-1200) qui a accordé aux Liégeois leurs libertés et privilèges, mais déjà un doute est émis : « il est plus que probable qu’il confirma, à prix d’argent, les franchises que [les Liégeois] possédaient déjà ». 

Cinquante ans plus tard, Félix Magnette, notamment, précisera, à la suite de Godefroid Kurth, que la charte de Brusthem de 1175 préludait certainement « l’admirable charte d’Albert de Cuyck », texte clair et précis des libertés civiles du peuple liégeois. Élu en 1194 dans des circonstances particulièrement tendues, Albert de Cuyck avait dû se rendre à Rome pour faire annuler l’élection de son concurrent (Simon de Limbourg). Le décès de ce dernier (1195) favorisa le dessein d’Albert de Cuyck qui, malgré la « bénédiction papale », semble avoir dû accepter de fortes concessions pour se rallier les bourgeois de Liège. Habileté diplomatique ou rapport de force, toujours est-il que, entre 1196 et 1198, une charte est rédigée qui devient la première véritable constitution de la cité. Surnommée la « Charte d’Albert de Cuyck », elle ne va jamais cesser d’être citée en exemple et en référence, et d’être confirmée par les souverains successifs. Décédé en 1200, le prince-évêque n’aura guère l’occasion de constater toutes les conséquences d’une signature qui, à elle seule, lui vaut d’entrer dans l’histoire. On accorde moins de prix à son autorisation d’élargir l’enceinte fortifiée de la cité de Liège ou au fait que c’est sous son court règne que la houille fut découverte.


Pour figer dans la pierre ce célèbre prince-évêque, il a été fait appel à Alphonse de Tombay (1843-1918), fils et petit-fils de sculpteurs liégeois. En plus de son apprentissage dans l’atelier paternel, de Tombay fréquente l’Académie de Liège où il bénéficie notamment des conseils de Prosper Drion. Ami de Léon Mignon, il a bénéficié comme lui d’une bourse de la Fondation Darchis et a séjourné plusieurs mois à Rome (1874-1878) quand il revient à Liège, au moment où s’ouvre le chantier de décoration du Palais provincial. Répondant à plusieurs commandes officielles dont un buste de Charles Rogier (1880) à Bruxelles qui aura beaucoup de succès, de Tombay signe à Liège six statues et trois bas-reliefs évoquant des scènes historiques (L'exécution de Guillaume de la Marck, La mort de Louis de Bourbon, L'octroi de la Paix de Fexhe). Exposant ses propres œuvres tout en répondant à de nombreuses commandes officielles à Bruxelles (Jardin botanique, Parc du Cinquantenaire) comme à Paris (Arc de Triomphe), il devient professeur à l’Académie de Saint-Gilles, avant d’en assurer la direction (1902).


Sources


Hugo LETTENS, dans Jacques VAN LENNEP (dir.), La sculpture belge au 19e siècle, catalogue, t. 2, Artistes et Œuvres, Bruxelles, CGER, 1990, p. 350-351
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 457-458
Félix MAGNETTE, Précis d’histoire liégeoise à l’usage de l’enseignement moyen, Liège, 1929, 3e éd., p. 67, 80-88 et ssv.
Émile VARENBERGH, dans Biographie nationale, t. 4, col. 597
BECDELIÈVRE, dans Biographie liégeoise, t. 1, p. 81
Julie GODINAS, Le palais de Liège, Namur, Institut du Patrimoine wallon, 2008, p. 81-82
http://www.chokier.com/FILES/PALAIS/PalaisDeLiege-Masy.html (s.v. juillet 2013)
Serge ALEXANDRE, Musée en plein air du Sart Tilman, Art&Fact asbl, Parcours d’art public. Ville de Liège, Liège, échevinat de l’Environnement et Musée en plein air du Sart Tilman, 1996

 

 

Statue d’Albert de Cuyck

 

Façade du Palais provincial, face à la place Notger

4000 Liège

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Paul Delforge

Monument Maurice Des Ombiaux – Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam

Monument Maurice DES OMBIAUX

Monument Maurice Des Ombiaux, réalisé par Charles Piot, 8 mai 1938.

Dès sa prime jeunesse, en raison d’un père employé de l’État qui l’affecte en différents endroits, Maurice Desombiaux (1868-1943) est un voyageur infatigable qui multiplie les rencontres et les amitiés. Né à Beauraing, il fait ses études à Charleroi où il rencontre le jeune Georges Destrée, le frère du futur ministre ; ensuite, c’est à Thuin qu’il achève ses humanités (1884). Sa curiosité a été attisée par ses changements de lieux et, alors qu’il s’engage sur la voie paternelle dans l’administration des Enregistrements et Domaines, il laisse son inspiration prendre la forme de contes, de drames, de romans, de nouvelles… S’inspirant des vieilles légendes locales qui lui ont été racontées dans sa prime jeunesse, il atteint aux sommets du roman naturaliste : Mihien d’Avène et surtout Le Maugré sont considérés par Lemonnier et Maeterlinck comme des chefs-d’œuvre. Auteur très fécond, critique d’art, défenseur des artistes wallons, fondateurs des Amitiés françaises, il se retrouve dans le Cabinet du « premier ministre » de Broqueville, en charge de la propagande durant la Grande Guerre. 

Installé à Paris en 1921, il se passionne pour la critique gastronomique. Tout en affirmant son identité wallonne, il s’impose dans les milieux français où ses nombreux guides et articles lui valent le titre de « Cardinal du Bien manger ». Disposant d’un impressionnant réseau de relations, celui qui obtient en 1936 que son pseudonyme (des Ombiaux) soit reconnu comme patronyme fait l’objet de nombreux hommages qui sont autant d’occasion de faire la fête.
Ainsi, dans les années 1930, la ville de Thuin ne manque pas d’honorer l’un de ses plus célèbres concitoyens. En 1931, dans la ville-basse, l’ancienne rue de la Montagne reçoit son nom ; en mai 1938, près de l’église Notre-Dame, un monument est inauguré en présence du jubilaire. C’est l’occasion d’un banquet et de discours en l’honneur de l’écrivain, événement jumelé à l’anniversaire du Collège de Thuin. Sur le square du Moustier, devant une foule importante, est ainsi honoré

« Maurice des Ombiaux / prince des conteurs wallons ». 

Cette longue mention est gravée dans l’épaisseur de la pierre bleue qui délimite l’espace circulaire dédié à l’écrivain. Les mots se lisent encore aujourd’hui sur ce monument en parfait été d’entretien. L’initiative originelle en revient aux autorités locales, soutenues par l’association des Amis de Maurice Des Ombiaux créée en 1931. Dès la fin de l’année 1933, un comité s’était mis en place et avait alors envisagé de confier la réalisation du monument à Angelo Hecq. Finalement c’est aussi un ami de l’écrivain, Charles Piot (1886-1972), qui sculpte le médaillon qui apparaît sur la pierre bleue rectangulaire et verticale qui coupe le demi-cercle. Le bronze a été fondu chez Jules Cognioul, maître fondeur à Marcinelle, chanteur philanthrope et autre ami de Maurice des Ombiaux. Ainsi conçu, l’espace « des Ombiaux » permet de s’asseoir dans un espace arboré.

Charles Piot est sans aucun doute l’artiste qui a reproduit le plus souvent les traits de Maurice des Ombiaux. Pourtant, il est plutôt reconnu comme peintre et sculpteur animalier, ainsi que comme aquarelliste et médailleur. Volontaire de guerre, militaire engagé dans l’armée belge sur le front de l’Yser durant la Première Guerre mondiale, Piot expose, en 1917, au salon organisé par L’Étendard belge et peint des scènes avec des personnages ou des animaux. Né à Bruxelles d’un père français et d’une mère belge, le sculpteur qui vécut tantôt du côté de Paris, tantôt du côté de Bruxelles,  avait une admiration sans borne pour Des Ombiaux. Il fit le déplacement à Thuin, en 1968, lors des cérémonies en l’honneur de l’écrivain et gastronome, qu’il avait convaincu d’être, dans l’Entre-deux-Guerres, le président d’honneur de « l’Amicale des volontaires belges de France ». On doit aussi à Piot le monument commémoratif des soldats belges érigé au Père Lachaise, ainsi que de nombreux dessins d’animaux. Artiste modeste, il survécut grâce aux commandes d’un fabricant de voilages et de tapis. 

Source

Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse
Paul DELFORGE, dans Encyclopédie du Mouvement wallon, Charleroi, Institut Destrée, 2000, t. I, p. 478-479
Jean-Marie HOREMANS, Biographie nationale, 1973-1974, t. 38, col. 640-651, en particulier col. 649
Jean-Marie HOREMANS, Maurice Des Ombiaux. Prince des conteurs wallons, Charleroi, Institut Jules Destrée, 1968, coll. Figures de Wallonie
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. II, p. 295
La Wallonie nouvelle, n°20, 15 mai 1938, p. 4
La Défense wallonne, n°5, 15 mai 1938, p. 3
Bulletin de l’Association pour la Défense de l’Ourthe, n°55, janvier 1934, p. 16
Wallonie libre, juin 1972

Square du Moustier 
6530 Thuin

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Paul Delforge

Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam

Plaque César FRANCK

Que César Franck (Liège 1822 – Paris 1890) soit un virtuose exceptionnel et l’un des plus grands compositeurs de son temps, nul ne le conteste. Lors de ses obsèques, grandioses, en 1890 à Paris, les plus grands éloges sont adressés à celui qui s’est formé à Liège, a maîtrisé très vite le piano, avant d’être guidé vers Paris où il s’installe. Le musicien wallon y étudie au Conservatoire et remporte tous les prix. Il joue alors sur les plus prestigieuses scènes d’Europe, avant de rompre avec son impresario de père (1845). En plus d’exceller au piano, à l’orgue, au contrepoint et à la fugue, César Franck se révèle un brillant compositeur. Il faudra quelques années avant que cet autre talent ne soit perçu par ses contemporains. Pour être nommé professeur d’orgue au Conservatoire de Paris (1872), César Franck prend la nationalité française ; il ne le regrette pas : sa classe devient un foyer de création extrêmement actif. Quant à ses Béatitudes et à son Quintette, ce sont des œuvres qui l’imposent comme une figure maîtresse de la fin du siècle. Honoré de son vivant (Légion d’honneur en 1885, présidence de la Société nationale de musique en 1886), César Franck ne pouvait tomber dans l’oubli.

Déjà manifeste de son vivant, la compétition entre Paris et Liège se poursuit après sa mort. Dès 1894, un comité se constitue à Liège pour élever un monument à César Franck dans sa ville natale, mais c’est à Paris, en 1904, qu’une statue est inaugurée à sa mémoire, le 13 (ou 22) octobre, sur le square actuellement appelé Samuel Rousseau, devant la basilique Sainte-Clotilde où l’artiste jouait de l’orgue. Un comité parisien y travaillait depuis 1896. Établi dans la capitale française, Albert Mockel a alerté les Liégeois ; il a même défendu la candidature de Joseph Rulot, mais le projet du sculpteur wallon inspiré de l’oratorio des Béatitudes n’est pas choisi, le comité parisien lui préférant le projet d’Alfred Lenoir. En novembre 1904, l’ambitieux projet de Rulot est présenté à Liège. En l’absence de moyens financiers et en raison aussi de la personnalité de Rulot, ce projet en est encore au stade de l’ébauche quand éclate la Grande Guerre ; l’association des Amis de l’Art wallon, cercle constitué au lendemain des Salons artistiques de l’Exposition internationale de Charleroi, n’a pourtant pas ménagé ses efforts pour qu’un mémorial César Franck soit inauguré en Wallonie. À défaut ou dans l’attente d’une statue ou d’une œuvre spectaculaire, l’association les Amis de l’Art wallon pose un premier geste en apposant une plaque commémorative sur la maison natale de César Franck, rue Saint-Pierre. 


DANS CETTE MAISON EST NE
LE 10 – XII – 1822
CÉSAR AUGUSTE FRANCK
MORT A PARIS LE 9 – XI – 1890
LE PLUS GRAND MUSICIEN
DE LA FIN DU XIXe SIÈCLE
-----
HOMMAGE DE LA WALLONIE
A SON ILLUSTRE FILS
15 – III – 1914

 

Sources

Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse 
Sylvain DUPUIS, Charles DELCHEVALERIE, César Franck : la leçon d’une œuvre et d’une vie : commémoration du centenaire de la naissance de César Franck né à Liège le 10 décembre 1822 mort à Paris le 9 novembre 1890, Liège, 1922
Serge ALEXANDRE, Joseph Rulot et Jules Brouns. Deux Sculpteurs à Herstal, dans Art & Fact. Revue des Historiens d'Art, des Archéologues, des Musicologues et des Orientalistes de l'Université de l'Etat à Liège, (1993), vol. 12, p. 128-129
Alexia CREUSEN, sur http://www.wittert.ulg.ac.be/expo/19e/album/584_franck.html (s.v. mai 2014)
Norbert DUFOURCQ, dans Biographie nationale, Bruxelles, t. 33, col. 322-335
Maurice EMMANUEL, César Franck, Paris, 1930. Coll. Les musiciens célèbres
César Franck. Correspondance réunie, annotée et présentée par Joël-Marie Fauquet, Sprimont, Mardaga, Conseil de la Musique de la Communauté française, 1999, coll. « Musique-Musicologie »
Musée des Beaux-Arts, Exposition Le romantisme au pays de Liège, Liège, 10 septembre-31 octobre 1955, Liège (G. Thone), s.d., p. 189
La Vie wallonne, 15 septembre 1920, I, p. 8-11, 38
La Vie wallonne, 15 août 1921, XII, p. 573 et ssv
La Vie wallonne, 15 octobre 1921, XIV, p. 93
La Vie wallonne, 15 mars 1922, XIX, p. 333
La Vie wallonne, 15 décembre 1922, XXVIII, p. 155-163 et 163-178
La Vie wallonne, 15 janvier 1923, 3e année, XXIX, p. 227-230
La Vie wallonne, IV, n°260, 1952, p. 305
La Vie wallonne, 1972, n°340, p. 338-339

Plaque commémorative sur la maison natale de César Franck

Rue Saint-Pierre
4000 Liège

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Paul Delforge

Paul Delforge

Monument Docteur HAQUIN

Monument au docteur Haquin, réalisé par Gustave Jacobs, 30 août 1936.

Surnommé le « médecin des pauvres », le docteur Ulysse Haquin était un médecin généraliste, originaire de Gilly où il était né en 1865, qui s’était installé dans la commune de Quaregnon, en 1889. Au cœur du bassin minier et industriel, il porte une attention particulière à la classe ouvrière ; on le sait disponible et il n’hésite pas à soigner gracieusement. Après la Grande Guerre, il crée la « Consultation des Nourrissons » de Quaregnon. Après son décès en 1933, l’initiative est prise de lui élever un monument. Les autorités locales confient sa réalisation à Gustave Jacobs (1891-1986). Davantage qu’un buste ou une simple plaque commémorative, l’artiste réalise un monument caractéristique de cette époque. Il place en effet une statue en bronze d’une femme tenant son enfant dans les bras devant une haute stèle en pierre, de forme rectangulaire, et fait apparaître dans la partie supérieure un médaillon ; il y représente le profil gauche du docteur Haquin. La superposition du médaillon par rapport à la statue donne l’impression que le médecin continue à veiller sur ses patients. Sur la stèle verticale apparaît la dédicace gravée dans la pierre :


AU
DOCTEUR
HAQUIN


Sur le socle portant l’ensemble, sous la statue de bronze, a été gravée la mention :


LA COMMUNE RECONNAISSANTE

Monument au docteur Haquin


Situé à l’extrémité de la place Nicolas Jenart, dans un cadre fort arboré, l’ensemble monumental se trouve actuellement juste devant le CPAS de la localité. Il porte la signature du sculpteur montois Gustave Jacobs à qui l’on lui doit de nombreux bas-reliefs et monuments à Mons, que ce soit à l’hôtel de ville, au gouvernement provincial, ou dans les rues de la ville. Ami d’Anto Carte qui lui avait dressé le portrait, formé aux Académies de Mons et de Bruxelles, Jacobs a donné son nom à un jardin de Mons, au bas de la rue d’Havré. En dehors de Mons, le sculpteur – influencé par l’Art déco – signe plusieurs monuments (parfois aux morts de la Grande Guerre) dans l’espace public wallon, essentiellement dans le Hainaut ou le Namurois (Wasmes, Gembloux… ou ici à Quaregnon), ainsi qu’à Bruxelles. Professeur de sculpture et directeur de l’École des Arts et du Dessin de Saint-Josse-ten-Noode, il livre des bustes et expose, à partir de 1925, avec le Cercle « Bon Vouloir » à Mons. Sculpteur apprécié, il a déjà obtenu le Prix du Hainaut lorsqu’il termine le monument du docteur Haquin, inauguré le 30 août 1936.

 



 

Jurbise, Lens, Quaregnon et Saint-Ghislain, Patrimoine architectural et territoires de Wallonie, Liège (Mardaga), 2007, p. 172
http://www.vanderkrogt.net/statues/land.php?land=BE&webpage=ST&page=5 (s.v. août 2013)
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 746
Le Thyrse, 1er septembre 1936, n°9, p. 267-276
 

place Nicolas Jenart – 7390 Quaregnon

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Paul Delforge

Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam

Pierre commémorative Pierre LEFEUVRE

Pierre commémorative Pierre Lefeuvre sur le monument aux soldats français tombés en août 1914. Réalisée par Allard et Eugène Miche-Delfosse.


Sur le haut de la rue des Français, à Tamines, un monument rend « hommage de reconnaissance et d’admiration aux glorieux soldats français tombés en août 1914 ». 

Cette dédicace est inscrite sur une des faces du monument collectif érigé à l’initiative du cercle « Les Amitiés françaises » de Tamines ; mais il comporte aussi un volet individualisé destiné à saluer l’exploit du caporal Pierre Lefeuvre, du 70e d’infanterie. 

La statue du soldat placée au haut de l’imposant mur construit en pierre d’Écaussinnes symbolise l’ensemble des soldats français venus combattre en Wallonie contre l’envahisseur allemand et en particulier Pierre Lefeuvre qui bénéficie ainsi d’un traitement particulier sur un monument collectif, ainsi que l’atteste la présence d’une autre pierre commémorative qui stipule que :

C’EST ICI QUE LE SOLDAT PIERRE LEFEUVRE DU 70ME REGIMENT
D’INFANTERIE S’EST HEROIQUEMENT SACRIFIE

Inauguré le 29 juillet 1923, ce monument des « Amitiés françaises » a, semble-t-il, été détruit par les Allemands en 1940. Relevé après la Libération, il s’est abimé avec le temps et, à l’entame des années 1970, les autorités locales de Tamines ont pris l’initiative de le reconstruire, de manière différente, avec une partie des matériaux du monument original, en l’installant à quelques mètres de l’emplacement initial. L’ensemble monumental actuel est construit de manière telle qu’il rend compte du caractère à la fois collectif et individuel de l’hommage. Donnant accès au monument, un large escalier de 3 marches est centré par rapport à la partie du « monument collectif », en particulier vis-à-vis de la statue du soldat français, tandis que la partie du mur qui rend hommage à Lefeuvre donne l’impression d’une excroissance, par son volume et son caractère décentré.


Le monument actuel est bien différent de celui érigé en 1923. À ce moment, la même statue du soldat culmine au sommet d’un mur beaucoup plus haut et imposant que celui reconstruit en 1974. Dans un large cercle central sont incrustées les pierres commémoratives (trois), tandis que de part et d’autre du cercle se dressent des contreforts surmontés de chapiteaux arrondis en pierre bleue. En donnant un aspect massif au mur du monument, le sculpteur semble avoir voulu dresser un rempart permanent « face à l’ennemi » ; synthèse symbolique de l’individu et du groupe, le soldat n’est pas représenté dans la position d’un tireur, mais son attitude est ferme et résolue, un drapeau dépassant dans son dos, et son regard est tourné vers Velaine, d’où venait l’ennemi.


Soldat français, d’origine bretonne, Lefeuvre (Bédée 1891 – Tamines 1914) a quitté les campagnes de la région où ses parents sont agriculteurs depuis plusieurs générations pour se retrouver sur des champs de bataille. Né en 1891, il a incorporé l’armée française depuis peu quand éclate la Grande Guerre. Son régiment, le 70e d’infanterie, est l’un des premiers à être envoyé au front, en août 1914. Le jeune caporal se retrouve ainsi à hauteur de Tamines où, le 21 août, les forces allemandes d’invasion se sont livrées à un massacre de civils qui ne peut trouver aucune justification, pas même le prétexte d’une vive et solide résistance de la part de l’armée française. En effet, la veille du massacre des civils, les Uhlans qui pensaient traverser la Wallonie sans encombre ont été refoulés par des soldats de l’armée française, inférieurs en nombre, mais aidés par la population locale. Néanmoins, le 21 août, lors d’une manœuvre de repli, l’armée française protège ses arrières et se doit de retarder le passage des Allemands à hauteur du pont de Tamines. 

Pierre commémorative Pierre Lefeuvre sur le monument aux soldats français tombés en août 1914

Tireur patenté, Lefeuvre est posté de manière telle qu’il parvient à toucher quiconque se présente à l’entrée du pont. Pendant plusieurs heures, il parvient ainsi à tenir tête à un ennemi supérieur en nombre. Empruntant un autre chemin, l’armée allemande parvient à contourner le tireur et à le prendre à revers. Sommé de se rendre, le caporal refuse et perd la vie après avoir accompli un acte jugé héroïque. Pour galvaniser le moral des troupes, la bravoure de Pierre Lefeuvre est rapportée, avec force détails. Dans cet épisode de la bataille de Charleroi, il aurait tué plus de 50 soldats de la Garde impériale allemande ; les blessés dans les rangs de l’ennemi sont innombrables ; le nombre de douilles vides retrouvées à côté de Lefeuvre achèvent de convaincre de la vivacité et de la bravoure du Breton. Dix ans après le monument de Tamines, une autre pierre est élevée dans le village natal du caporal Lefeuvre, en Bretagne, et une rue porte aussi son nom.


Les initiateurs du monument de Tamines sont groupés au sein des Amitiés françaises, groupement où l’on retrouve des notables de la région, dont Émile Duculot qui fut propulsé bourgmestre sous l’occupation allemande et tint cette fonction jusqu’en 1921. Le projet de monument remonte au début des années vingt et une souscription publique permet de rassembler les fonds nécessaires, grâce notamment à sept entreprises de la région (dont des charbonnages). La statue originale du soldat a été réalisée par Eugène Miche-Delfosse, artisan local spécialisé dans les monuments funéraires. Le sculpteur Allard a également travaillé sur le monument. 

 

 


Simon ALEXANDRE, Étude des monuments aux morts de la Grande Guerre à Tamines

Daniel CONRAADS et Dominique NAHOÉ, Sur les traces de 14-18 en Wallonie, Namur, IPW, 2013, p. 119

Au lieu-dit Tienne d’Amion

Rue de Falisolle, puis avenue des Français, à hauteur de la rue du Triage 

5060 Tamines

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Paul Delforge

Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Médaillon MOLIÈRE

Médaillon Molière (Mons)C’est au début des années 1840 que la ville de Mons accueille un nouveau théâtre : sur les plans de l’architecte montois Charles Sury (1814-1865), un bâtiment néo-classique s’élève à l’angle de la rue Neuve et de la Grand Place. Le porche d’entrée, avec ses colonnes ioniques, est fermé par trois massives grilles en fonte, réalisées par le ferronnier Ph-J. Hoyois et ornées par le sculpteur Émile Hoyaux qui signent les quatre médaillons représentant Molière, Racine, Grétry et de Lassus, ainsi que les attributs des arts scénique et musical sur un fronton triangulaire.   

L’inauguration se déroule le 18 octobre 1843, offrant à la ville de Mons un théâtre moderne en plein centre-ville. Devenu vétuste, voire dangereux, le premier théâtre sera démoli au milieu du XXe siècle et laissera place à un « Grand Théâtre » tout neuf, inauguré en 1948, où l’on a conservé les grilles d’origine, leur hauteur étant quelque peu réduite. Quant aux quatre médaillons d’E-J. Hoyaux qui continuent d’y briller de mille feux, ils datent de 1846.   

Formé au collège de sa ville natale, le Montois Sury avait été nommé conducteur des travaux de la cité du Doudou en 1837, avant d’être désigné comme architecte principal en 1844. Mons lui doit plusieurs édifices comme le théâtre déjà cité (1843), mais aussi l’arsenal (1848), l’abattoir (1853), le manège (1854) et une école. Professeur à l’Académie des Beaux-Arts, Sury a aussi contribué à la restauration du beffroi et de Sainte-Waudru, et a pris part aux projets d’agrandissement de la ville après la démolition des fortifications. Sury était plus âgé que Hoyaux.   

Formé à l’Académie de sa ville natale, où il reçoit les conseils d’Antoine Van Ysendyck, le Montois Émile-Joseph Hoyaux  (14 juin 1823 - date de décès inconnue) avait exposé dès 1842 un bas-relief et un buste de Voltaire qui furent immédiatement remarqués. C’est par conséquent à un sculpteur de vingt ans qu’est confiée la réalisation des médaillons des grilles du théâtre (achevés en 1846), avant d’être sollicité pour d’autres réalisations diverses. Outre de nombreux bustes et portraits, Hoyaux réalise une statue de la Vierge pour la chapelle du saint-Sacrement à Sainte-Waudru et s’occupe de la restauration des gargouilles de la même Saint-Waudru ; il signe aussi le bas-relief du fronton du théâtre de Mons, ainsi qu’un bas-relief sur le mausolée de la famille Duvivier (1855). Issu d’une famille de tailleurs de pierre, Émile-Joseph Hoyaux semble être le père d’Émile-Aimé Hoyaux, ingénieur et entrepreneur, pionnier en de nombreux domaines, dans le dernier quart du XIXe siècle, et notamment qui fut à l’initiative de la Cité ouvrière de Cuesmes (la Cité Hoyaux). Quant à Molière, né Jean-Baptiste Poquelin (1622-1673), plusieurs pièces de son œuvre sont jouées par le théâtre montois qui témoigne ainsi son attachement au théâtre français.   

Sources

- Ernest MATTHIEU, Sury, dans Biographie nationale, t. 24, col. 277-279  
- Le passé artistique de la ville de Mons, dans Annales du Cercle archéologique de Mons, vol. 16, 1880, p. 360  
- Christiane PIÉRARD, Les logements sociaux à la fin du XIXe siècle et la Cité Hoyaux à Mons (Cuesmes), dans Revue belge d’histoire contemporaine, 1977, n°3-4, p. 539-567  
- Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 728  

Grand-Place 
7000 Mons

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Paul Delforge

Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Monument Nicolas PIETKIN

À l’annonce du décès de l’abbé Pietkin, en janvier 1921, un important mouvement de sympathies et d’hommages s’est manifesté à l’égard du défenseur acharné de la Wallonie malmédienne. Il est vrai que son décès survenait au moment de l’annexion des communes malmédiennes à la Belgique. Haut-Commissaire royal, chargé en 1920 de la supervision du « plébiscite populaire » destiné à valider les décisions du premier traité de Versailles (28 juin 1919), le général Baltia en personne accompagne le cortège funèbre, représentant ainsi l’ensemble des autorités du pays. Dès ce moment, le bureau permanent de l’Assemblée wallonne annonce son intention d’élever un monument en l’honneur du héros de l’irrédentisme malmédien, du « champion de la culture latine dans les cantons naguère rattachés à l’Allemagne ». Une souscription publique est lancée. Elle connaît un vrai succès – 13 villes wallonnes et de nombreux particuliers – tant l’engagement de l’abbé Pietkin est devenu emblématique.

L’abbé Pietkin

Né à Malmedy en 1849, le jeune Nicolas Pietkin relève alors de la Prusse, puisque les Traités de Vienne de 1815 ont rattaché les Wallons de Malmedy à ce royaume, en se référant aux anciennes limites des diocèses de Cologne et de Liège. Stavelot et Malmedy sont donc séparés, mais les habitants de cette dernière jouissent d’un réel régime de liberté religieuse et linguistique jusqu’au moment où la politique bismarckienne de germanisation fait sentir ses premiers effets (dernier quart du XIXe siècle). Le jeune Pietkin a fait ses études aux Collèges de Malmedy et de Neuss, avant de les poursuivre à l’Université de Bonn où il est diplômé en Philosophie et en Théologie. Ordonné prêtre à Cologne le 24 août 1875, il s’exile pour éviter les excès du Kulturkampf, travaille comme précepteur dans diverses familles, en France et en Belgique, avant de rentrer chez lui, en 1879, bien décidé à tout faire pour préserver la langue française des attaques de la politique officielle allemande. Avec d’autres prêtres des paroisses avoisinantes, l’abbé multiplie les actes de résistance pour défendre l’emploi du français en Wallonie prussienne. Surnommé par les Allemands le Loup des Ardennes, fondateur, avec son neveu l’écrivain Henri Bragard, du Club wallon de Malmedy, membre de la Société de Littérature wallonne où il représente la Wallonie malmédienne, l’abbé Pietkin est arrêté au tout début de la Première Guerre mondiale. Il ne survivra que trois années à l’Armistice et aura juste le temps d’assister au redressement des frontières consécutif au 1er traité de Versailles.

Monument Nicolas Pietkin

Sa disparition en janvier 1921 est l’occasion d’une mobilisation publique importante. Trois ans après la fin de la guerre, de nombreuses sociétés wallonnes et ligues de défense de la langue française ouvrent des listes de souscription. De commune entente avec l’Assemblée wallonne et l’Union nationale wallonne, Malmedy érigera le monument, sous le patronage du lieutenant général Baltia. 

Œuvre du sculpteur Georges Petit (1879-1958), la stèle quadrangulaire, en pierre bleue, haute de sept mètres, accueille à son sommet un groupe en bronze vert représentant la Louve romaine, symbole de la culture latine ; sur la partie inférieure, orné d’une croix et entouré d’une couronne de chêne et de laurier, un médaillon de bronze d’un mètre vingt reproduit les traits de l’abbé Pietkin. 

L’inscription principale indique :

Au patriote malmédien
Nicolas Pietkin
Curé de Sourbrodt
Défenseur de la civilisation latine
La Wallonie reconnaissante
1849-1921

Monument érigé par souscription publique,
à l’initiative de l’Assemblée wallonne sous le
patronage du général baron Baltia, haut com-
missaire du Roi et des villes de Charleroi,
Huy, Ixelles, Liège, Mons, Namur, Nivelles,
Pepinster, Spa, Stavelot, Tournai et Verviers.

Sur les faces latérales, en relief, apparaissent deux citations empruntées à l’abbé Pietkin, dans son chant Todis Walons ! écrit en 1898 :
Efants d’ Mâm’dî, nos-autes nos èstans fîrs,
Come nos vîs péres, d’èsse co todis Walons !

Nihil Walloniae a me alienum puto

Le sculpteur Georges Petit

Né à Lille, de parents liégeois, le sculpteur Georges Petit a grandi à Liège où il a reçu une formation artistique à l’Académie des Beaux-Arts. Élève de Prosper Drion, Jean Herman et Frans Vermeylen, il deviendra plus tard professeur de cette Académie. Très tôt, la maîtrise dont fait preuve le sculpteur lui vaut de nombreuses commandes officielles. Marqué par la Grande Guerre, l’artiste y puise une force qui se retrouve dans ses réalisations des années 1917 à 1927, période où s’inscrit le monument Pietkin. Ensuite, comme épuisé par tant de souffrances, il choisit la peinture de chevalet et devient plus léger, sans tomber dans la facilité. Les visages humains tendent à disparaître et tant les paysages que les traditions wallonnes l’inspirent : en peinture, comme dans ses médailles (qui sont très nombreuses et d’excellente facture), voire dans les quelques sculptures qu’il exécute encore, comme la Tradition commandée par le Musée de la Vie wallonne. Parmi toutes les œuvres de Georges Petit, le monument Pietkin (le médaillon était achevé dès 1925) est certainement celui dont l’existence est la plus chahutée.

La stèle est en effet inaugurée le 3 octobre 1926 dans un climat passionné. Une partie du clergé local a en effet protesté contre l’architecture générale du monument et son caractère païen. À l’initiative de l’abbé Toussaint, curé de Waimes, relayé dans un premier temps par La Libre Belgique et la Gazette de Liège, une campagne d’opposition aux « deux Romains tétant la Louve » a mobilisé l’opinion : immorale, indécente, païenne, les qualificatifs employés pour désigner la stèle cachent pourtant mal la germanophilie de l’abbé Toussaint. Quand celle-ci est dénoncée, plusieurs signataires de la protestation du clergé malmédien se rétractent. La journée d’inauguration sera dès lors consensuelle, sous les auspices de l’Assemblée wallonne et de son secrétaire général, Joseph-Maurice Remouchamps. Parmi les personnalités qui ont fait le déplacement figurent un représentant officiel du gouvernement belge, les consuls de France et d’Italie, des parlementaires wallons, ainsi que les bourgmestres de Liège et Verviers et un représentant officiel de la ville de Namur, notamment. Le général Baltia s’était fait excuser. L’inauguration est mise à profit pour rééditer le chant Todis Walons écrit par Pietkin en collaboration avec Guillaume Bodet (10 septembre 1898) et pour rappeler la mémoire d’autres défenseurs de la culture française : les curés Joseph Dethier, Henri Herbrand, Henri Robert, les instituteurs Jules Koch, Louis Thunus, François Dethier, Martin Bodarwé et Joseph Serexhe, ainsi qu’Olivier Lebierre et le papetier Steinbach. Les autorités de Sourbrodt ont mobilisé la population ; les drapeaux sont nombreux, aux couleurs belges, wallonnes, malmédiennes, françaises et italiennes. L’histoire du monument ne s’arrête cependant pas là.

Durant l’hiver 1940, des habitants de la région témoignent de leurs sympathies nazies en endommageant le monument Pietkin. La louve romaine est abattue et les traits de Pietkin sont burinés. Généralement, on attribue aux soldats allemands la détérioration du monument en juin 1940, mais, après la guerre, les auteurs sont clairement identifiés et condamnés par la Cour d’Appel de Liège (16 mai 1952) à payer des dommages et intérêts. Influencées par l’opinion publique et quelques articles de journaux surtout wallons, les autorités locales vont jusqu’au bout de la procédure judiciaire et entament les travaux de restauration du monument Pietkin au milieu des années 1950. Se gardant d’inviter officiellement les milieux wallons qui ont maintes fois plaidé en faveur de la restauration du monument, l’administration communale de Robertville inaugure, le 2 juin 1957, la haute colonne de pierres surmontée de la louve romaine, symbole de la latinité, et portant en médaillon l’effigie de l’abbé Pietkin. Des manifestations à portée symbolique différente se déroulent épisodiquement au pied de ce monument situé sur la route de Botrange.

Sur le bas du monument actuel, on retrouve les inscriptions similaires à celles de 1926, à savoir :

Monument érigé par souscription publique à
l’initiative de l’Assemblée wallonne sous le
patronage du lieutenant général baron Baltia
haut commissaire royal et des villes de 
Charleroi, Dinant, Huy, Ixelles, Liège, Mons, Namur, 
Nivelles, Pepinster, Spa, Stavelot, Tournai et Verviers.
MCMXXVI

L’inscription suivante résume la restauration de la manière suivante :


Détruit en 1940
a été reconstruit en 1956 à l’initiative
de l’administration communale
de Robertville




La Vie wallonne, 1ère année, n°6, 15 février 1921, p. 282-282
La Terre wallonne, 1924, t. 10, n°56, p.121
La Vie wallonne, septembre 1926, LXXIII, p. 31-51, 52-54
La Terre wallonne, 1927, t. 16, n°95-96, p. 365
Le Gaulois, 4 mars 1950, n°183, p. 4
La Wallonie nouvelle, 1938, n°28, p. 2
La Vie wallonne, II, 1957, n°278, p. 134-139

 

Rue de Botrange
4950 Sourbrodt (Waismes)

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Paul Delforge