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Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam

Banc Maurice Roland

Banc Maurice Roland, 28 septembre 1947.
Sculpteur et architecte inconnus.

Banc Maurice Roland – © Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam


À la Louvière, le parc communal Warocqué rassemble plusieurs monuments commémoratifs importants. Parmi ceux-ci, un banc rend hommage au chanteur wallon Maurice Roland. Il a été inauguré au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, au moment où la stèle dédiée à Léopold Dupuis a été déplacée, soit très précisément à l’occasion des Fêtes de Wallonie, le 28 septembre 1947. Les Mouchons d’aunias fêtent alors leur 35e anniversaire. Ce petit monument dédié à Maurice Roland est installé face au monument Vî-Stou. Érigé à l’initiative du groupement wallon Les scryeus du Centre, il se présente sous la forme d’un petit banc dont le nom complet est  « le banc de la chanson wallonne » et d’une stèle comportant une inscription en wallon :
 

Banc del canson walone al memwâre du fel canteû Maurice Roland.

Chansonnier wallon bien connu, Maurice Roland fait partie de la troupe de Coop Parade avec Marcel Vanbrabant et bien d'autres (Chaumont les rejoindra). À la Louvière, l’équipe du journal El Mouchon d’Aunias (né en 1912) met sur pied un cabaret wallon ; s’y produisent les Brismé, les Nopère, Isidore Collin, ainsi que Maurice Roland. Après l’interruption de la Grande Guerre, les activités reprennent.
Aussi ritualisé que le parcours namurois des plaques lors des Fêtes de Wallonie, un cortège folklorique se rend chaque année aussi, à La Louvière, à l’occasion des Fêtes de Wallonie, en différents endroits, dont le parc communal, et l’on s’arrête devant chaque monument. Des discours sont prononcés. Lors de l’inauguration du mémorial Maurice Roland, en 1947, la ville de La Louvière est remerciée pour avoir réalisé le « banc de la chanson wallonne » et pour le soutien attentif qu’elle apporte à la littérature wallonne en général.

Sources

Le Mouchon d’aunias, Revue wallonne, La Littérature patoisante. La chanson. Le folklore du Centre, octobre 1947, 35e année, p. 2-8
http://www.lalouviere.be/Front/c2-772/Promenade-au-Parc-communal.aspx (s.v. mai 2014)
Promenade au parc, La Louvière, archives de La Louvière, s.d., p. 21

Parc communal
7100 La louvière

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Paul Delforge

Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam

Buste Jean Tousseul

Buste à la mémoire de Jean Tousseul, réalisé par André Wagnies, 7 octobre 1951.
 

Né à Landenne-sur-Meuse, Olivier Degée déménage à Seilles quand il a cinq ans : c’est là qu’il accomplit ses études, c’est aussi là qu’il commence à travailler dans les carrières qui donnent au village sa couleur grise. Il partage le sort des casseurs de pierre pendant plusieurs mois, avant d’être affecté aux fours à chaux, puis dans les bureaux de l'administration de l'entreprise. C’est l’époque de la Grande Guerre, période qui affecte encore davantage l’état de santé déjà fragile du jeune Degée. C’est aussi le moment où il est saisi par le virus de l’écriture et de la politique : journaliste, militant, pacifiste, socialiste, syndicaliste tout se mêle jusqu’au moment où il trouve sa voie. Écrivain régionaliste et écrivain social tout à la fois, Jean Tousseul réussit à rendre l’atmosphère de la vie de tous ceux qui travaillent et peinent dans sa région traversée par la Meuse. Le Village gris, Le Retour, L’Éclaircie, La Rafale, Le Testament sont autant de romans – publiés entre 1927 et 1936 – formant la saga de Jean Clarembaux ; l’histoire se situe principalement durant la période 14-18 et apparaît fortement autobiographique. Elle se poursuit dans une certaine mesure avec le triptyque François Stiénon. Installé dans un village de la banlieue bruxelloise de 1927 à 1942, il reviendra habiter à Seilles, en 1943, quand l’occupant allemand lui interdit toute publication, vivant tant bien que mal de ses traductions à l’étranger. Après sa mort, en février 1944, les amis de l’écrivain se sont efforcés de faire connaître ses romans et d’honorer sa mémoire. Ils ont sollicité des communes dont cinq ont attribué le nom de plume d’Olivier Degée à leur rue ou à leur place.

Dans son village natal, le fameux Village gris, une place porte son nom (depuis 1946) et un monument y est inauguré en octobre 1951, devant un important parterre de hautes personnalités. Soutenu par les autorités locales, un Comité Jean Tousseul (présidé par R. Jassogne) s’est en effet mis en place à la fin des années 1940 et a confié à André Wagnies (1924-), « chantre des carriers et des gens de chez nous » le soin de réaliser le monument. Une sorte de petit jardin a été dessiné et aménagé selon les plans de M. Lermigneau, architecte de jardins et professeur à l’École d’Horticulture de Mariemont. Originaire de Montigny-le-Tilleul, formé à l’Académie de Bruxelles puis à l’Institut supérieur d’Anvers auprès d’I. Opsomer, le sculpteur André Wagnies est professeur de dessin à l’Athénée de Huy tout en menant sa propre carrière artistique, se rapprochant de l’expressionnisme. Membre du Cercle littéraire et artistique de Charleroi (1950), il est surtout le collègue de travail, à l’Athénée de Huy, de René Roland qui est un membre très actif du Comité Tousseul. Wagnies livre à Seilles le buste en bronze de l’écrivain Tousseul que l’on imagine en costume-cravate. Il est posé sur un socle de granit du pays, parfaitement droit et lisse, émergeant d’un bloc brut, donnant l’impression d’être à peine travaillé. L’enchevêtrement entre la pierre polie et le bloc brut est tel qu’il laisse apparaître sobrement, sous le buste, la simple mention :

« Jean
Tousseul

1890
1944
 

Sources


Atouts et références d’une région, Namur, 2005 
http://www.vitrifolk.be/VITRIVAL/temps-mort/temps-mort-136.html (s.v. juillet 2013)
Désiré DENUIT, Biographie nationale, 1971-1972, t. 37, col. 772-784
Pierre DEMEUSE, Introduction à Jean Tousseul, Bruxelles, 1942, Collection nationale
http://www.bibliotheca-andana.be/?p=77513 
http://www.namurtourisme.be/cirkwi.php?cdf_id_circuit=14987 (s.v. octobre 2013)
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. II, p. 771
La Vie wallonne, 1951, n°256, p. 290-291
Jacques VANDENBROUCKE, Olivier Degée dit Jean Tousseul (1890-1944). Le campagnard mélancolique, Namur, 2024.
 

Buste Jean Tousseul

Place Jean Tousseul
5300 Seilles

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Paul Delforge

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Statue Yolande de GUELDRE

Statue de Yolande de Gueldre, réalisée par Edmond de Valériola, septembre 1911.


Face à la gare de Binche, de style néo-gothique, construite entre 1905 et 1910, s’étend une imposante esplanade, appelée place Eugène Derbaix, au centre de laquelle a été inaugurée en 1931 une statue de l’Indépendance ; autour de ce monument central s’étendent quatre pelouses séparées par des chemins : la moitié supérieure, côté gare, est ceinturée par une balustrade en pierre bleue, sculptée, de style néo-gothique d’où émergent 8 colonnes de pierre, elles-mêmes surmontées d’une statue en bronze. Destiné à mettre la gare davantage en évidence tout en atténuant harmonieusement le dénivelé du terrain, le square a été aménagé en respectant les indications très précises de la Commission royale des Monuments qui délégua sur place, à plusieurs reprises, ses représentants pour veiller à la bonne exécution des travaux (adjugés à 60.000 francs de l’époque). Soutenu par les autorités locales, et en particulier par le bourgmestre Eugène Derbaix, le projet de square s’inspire de celui du Petit Sablon, à Bruxelles, avec ses colonnettes gothiques et ses statuettes évoquant « l’histoire nationale ». Il est inauguré en septembre 1911.


Œuvres des sculpteurs Vermeylen et Valériola, désignés en mai 1911, les 8 statues représentent « des personnages illustres qui ont joué dans l’histoire locale un rôle important et dont le souvenir mérite de vivre dans la mémoire des Binchois » (Derbaix). Quatre sont dues au ciseau de Frantz Vermeylen : Guillaume de Bavière, Marguerite d’York, Arnould de Binche et Charles-Quint (toutes les statues de droite, quand on fait face à la gare). Les quatre autres ont été réalisées par Edmond de Valériola (1877-1956) : Baudouin le Bâtisseur, Gilles Binchois (disparue en 2014), Yolande de Gueldre et Marie de Hongrie dont la statue a été volée en 1993. Dans le projet initial, présenté en octobre 1910, Yolande de Gueldre, comme d’ailleurs Gilles Binchois et Guillaume de Bavière, n’avait pas été retenue. Figuraient alors Albert, Isabelle et Jacques Du Broeucq qui, sur décision du conseil communal de Binche et d’Eugène Derbaix en particulier, furent remplacés dans la version définitive du projet, arrêtée au printemps 1911.


Formé à l’Académie des Beaux-Arts de Bruxelles (1894-1904), de Valériola est le cadet de 20 ans de Frantz Vermeylen avec lequel il travaille sur le chantier binchois. Plusieurs fois candidat au Prix de Rome, le Bruxellois s’est spécialisé dans les portraits (surtout les jeunes filles et les femmes) et les médailles. La ville d’Ostende lui a confié le monument James Ensor (1930), celle d’Etterbeek celle de Constantin Meunier (1931) et il est aussi l’auteur d’un buste en marbre de Jules Bordet (Académie royale de Médecine, 1950). Comme beaucoup de sculpteurs de son époque, il fut sollicité pour réaliser des monuments commémoratifs des événements de 14-18, puis de la Seconde Guerre. Il semble cependant que les critiques émises lors de la présentation de son lieutenant-général Bernheim (inauguré à Bruxelles, au square Marie-Louise, en 1936) aient quelque peu porté préjudice à sa réputation. Cela ne l’empêche pas de réaliser de nombreuses œuvres personnelles, l’artiste travaillant le marbre autant que le bronze suivant son inspiration qui trouva aussi à s’épanouir comme médailliste. À Binche, en 1910, ce sont cependant quatre statues qu’il réalise dont une Yolande de Gueldre, située à gauche lorsqu’on fait face à la gare et qui se trouve entre Gilles Binchois (la plus éloignée par rapport à la gare) et Baudouin le Bâtisseur qui n’est autre que son fils.


Dans l’histoire de la ville de Binche, tant Yolande que Baudouin occupent une place particulière. À la première, on attribue en effet d’avoir choisi le site d’où est née une ville neuve au début du XIIe siècle : bâtie sur un éperon rocheux, au pied de la Samme, Binche sera fortifiée par le second dans les années 1140. Veuve de Baudouin III de Hainaut (1088-1120), Yolande de Gueldre avait épousé, en 1107, le 4e héritier du comté de Hainaut depuis que Baudouin Ier avait acquis le titre en 1051. Leur fils exercera un long règne sur le Hainaut, héritant de son père en 1120 et gardant son titre jusqu’à son décès en 1171. Née dans la famille des comtes de Gueldre, Yolande de Wasseberg (1089-1140) épousera en secondes noces Geofroy, seigneur d’Ostrevant. 

 

Sources


Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse
Le Journal de Charleroi, 31 octobre 1910 et 16 mai 1911, Journal de Bruxelles, 3 octobre 1911
Eugène DERBAIX, Monuments de la Ville de Binche, Vromant & Cie, 1920, p. 38-39
Étienne PIRET, Binche, son histoire par les monuments, Binche, Libraire de la Reine, 1999
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 460

 

Statue de Yolande de Gueldre

 

Place et square Eugène Derbaix

7130 Binche

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Paul Delforge

Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam

Plaque René DETHIER

Plaque en hommage à René Dethier, réalisé par Joseph Vanhamme, décembre 1911.

Sur le court pignon du 63 de l’avenue Meurée à Marcinelle, une plaque commémorative est dédiée

A RENÉ DETHIER
DIRECTEUR DE LA « JEUNE WALLONIE »
SES CONFRÈRES
SES VRAIS AMIS RECONNAISSANTS

Sur la plaque de pierre, un médaillon rond occupe la position centrale, entouré de la mention des dates 1889-1910 qui en disent long sur le chagrin des amis qui assistent, impuissants, à la disparition d’un jeune écrivain, directeur de revues à l’avenir prometteur.

Essayiste et critique littéraire, poète, René Dethier avait fondé en 1906 une revue d’art, La Jeune Wallonie dont il était le directeur. Cette revue succédait au Sillon, autre revue carolorégienne qu’avait fondée Arille Carlier. Le projet éditorial de René Dethier ambitionnait pour la Wallonie d’être la manifestation d’un renouveau littéraire analogue à celui de la Jeune Belgique pour la génération précédente. En quelques mois, le jeune Dethier a publié une dizaine d’essais critiques sur Arthur Daxhelet (1907), Maurice Desombiaux (1907), Fernand Severin (1908), Joseph Chot (1908) notamment et collaboré, avec Joseph Chot, à l’élaboration de la volumineuse Histoire des lettres françaises de Belgique depuis le Moyen Âge jusqu’à nos jours (1910). 

Dethier collabora aussi à plusieurs autres revues dont Wallonia, Le Florilège, Le Thyrse, ou La Revue funambulesque. On trouve encore sa signature dans L’Action wallonne (1907-1908), où il tient une chronique intitulée Les livres et les revues : il rend compte des publications susceptibles de « donner aux Wallons une meilleure conscience de leur origine, de leur force, de leurs droits ». Entre l’important Congrès wallon de 1905 et la relance d’une action wallonne résolue, tant à l’initiative de la Ligue wallonne de Liège présidée par Julien Delaite qu’à celle de Jules Destrée (Exposition de Charleroi en 1911 et l’Assemblée wallonne à partir de 1912), René Dethier occupe une place toute particulière dans le pays de Charleroi, en dépit de la brièveté de son action.

Fauché dans la force de l’âge, René Dethier est honoré par ses nombreux amis wallons. Sa mémoire reste vivante en raison de son importante production littéraire et elle est entretenue par la présence d’une plaque commémorative apposée, en décembre 1911, sur la maison de ses parents, à Marcinelle. L’autorisation en avait été donnée par les autorités carolorégiennes, en juillet, en même temps qu’était approuvée la demande de « Jeune Wallonie », soutenue par Jules Destrée, de rebaptiser la rue des Glacières en rue René Dethier. 

C’est le sculpteur Jos. Vanhamme (1878- peut-être 1941) qui signe le médaillon. Formé à l’Académie de Bruxelles où il eut Van der Stappen comme maître, Van Hamme est alors un tout jeune sculpteur puisqu’il avait quitté l’Académie en 1904 et avait concouru au Prix de Rome 1906. Portraits, figures, nus, dieux de la mythologie seront les principaux thèmes de cet artiste qui réalise tant des statues que des médailles. Il met son talent au service du soutien au moral des soldats en 1914-1915 (médailles) et il figure parmi les quelques sculpteurs bruxellois qui réalisent des monuments provisoires, à Bruxelles, à peine l’Armistice signé. Intitulé À nos blessés, son œuvre ne convainc pas davantage que le monument aux morts qu’il dresse à Couvin, peu après. 

Sources 

Paul DELFORGE, Encyclopédie du Mouvement wallon, Charleroi, Institut Destrée, 2000, t. I, p. 492
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. II, p. 638
Stéphanie CLAISSE, Du Soldat inconnu aux monuments commémoratifs belges de la Guerre 14-18, Bruxelles, ARB, 2013, p. 51, 54, 58, 244

 

Plaque René Dethier (Charleroi)

63 avenue Meurée – 6000 Charleroi

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Paul Delforge

Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam

Monument FRERE-ORBAN

La dédicace figurant sur le monument Frère-Orban installé au boulevard d’Avroy est inversement proportionnelle à l’allure générale de l’œuvre réalisée par le sculpteur Paul Du Bois et l’architecte Joseph Van Neck :

A
FRERE-ORBAN
1812-1896

Le personnage honoré est-il à ce point connu qu’aucun autre commentaire n’est nécessaire ? Si tel est le cas, pourquoi a-t-il fallu attendre plus de trente ans après sa mort pour inaugurer son monument ? La posture de la statue – Frère-Orban est représenté les bras croisés sur sa poitrine – semble même illustrer une forme d’impatience. À son décès, en 1896, les éloges de circonstances n’avaient pas manqué de mettre en évidence le parcours politique remarquable du Liégeois. Avocat, il avait contribué à la rédaction de la Charte libérale en 1846 et était entré à la Chambre des représentants l’année suivante : sans interruption, il allait y siéger jusqu’en 1894. D’emblée, il s’était vu confier des responsabilités ministérielles et il avait fait partie de tous les cabinets libéraux qui avaient marqué l’histoire politique belge du XIXe siècle. En charge des Travaux publics (1847-1852), puis des Finances (1857-1867), il s’était vu confier la direction du Cabinet libéral – l’équivalent de premier ministre – de 1867 à 1870 et de 1878 à 1884. Ardent défenseur du libre-échange et de l’enseignement public, créateur de la Banque nationale, de la Caisse d’Épargne et du Crédit communal, il n’avait jamais caché ses réticences à l’égard d’un suffrage universel sans conditions. L’échec électoral de 1884 plongea cependant le parti libéral dans les affres de l’opposition et Frère-Orban devint le primus inter pares. Traversé par des courants idéologiques de plus en plus distants, son parti restera prostré dans l’opposition jusqu’à la Grande Guerre : ce climat était par conséquent peu propice à l’exaltation du dernier premier ministre libéral wallon du XIXe siècle, d’autant que le paysage politique ne paraissait pas devoir évoluer.

D’autres villes wallonnes que Liège vivaient la même atmosphère politique ; cela n’avait pas empêché Verviers d’honorer Ortmans-Hauzeur, Ohain la famille Mascart, Tournai Jules Bara sans omettre l’inauguration, en 1905, du monument Charles Rogier… dans la cité ardente à l’entrée du parc d’Avroy. Là, déjà, près de 30 ans s’était écoulé, avant que le prétexte du 75e anniversaire de la Belgique ne conduise à honorer cette autre personnalité libérale de Liège. Libéral doctrinaire, l’ancien bourgmestre Julien Warnant avait pris la tête, en 1897, du comité chargé d’ériger le monument Frère-Orban. En 1910, Paul Van Hoegaerden lui succède sans plus d’efficacité, même si le projet dessiné par Paul Du Bois paraît déjà validé. Cependant, si libéraux et socialistes forment cartel pour gagner les élections, le POB – dont le premier objectif est d’obtenir le suffrage universel pur et simple – n’oublie pas que Frère-Orban en fut un ardent opposant ; et son anticléricalisme forcené n’a pas non plus été oublié par les catholiques. Après la Grande Guerre, les autorités communales et provinciales liégeoises apportent leur soutien au comité du monument Frère-Orban désormais dirigé par Émile Digneffe. S’appuyant sur un capital important obtenu par souscription publique, le Comité peut enfin aboutir : un an après les festivités du centième anniversaire de la Belgique, le monument est inauguré le 27 septembre 1931, soit dans le cadre des Fêtes de Wallonie qui commencent progressivement à se développer dans tout le pays wallon. La famille libérale surtout s’est rassemblée pour entendre les discours de Paul Hymans et du bourgmestre Xavier Neujean. La franc-maçonnerie est aussi présente.

La lecture du monument conforte les réticences affichées par les opposants politiques. La statue de Frère-Orban illustre forcément l’homme d’État ; plutôt que l’impatience, ses bras croisés indiquent l’élan que l’orateur, le front haut et dominateur, a donné à tout un pays. En témoignent les deux allégories de la Belgique placées à la droite et à la gauche du décideur. Éplorée et assise, la femme de gauche représente l’état du pays avant que n’intervienne Frère-Orban ; son mécontentement disparaît complètement grâce aux réformes introduites par le leader libéral ; debout, admirative, l’allégorie de droite tente de rassembler sur sa seule personne toutes les facettes du contentement que peut exprimer le sculpteur. Sur la face arrière, le bas-relief illustre encore les bienfaits attribués à Frère-Orban,  le progrès social, l’abolition des octrois en 1860, la caisse d’épargne publique, etc.

Monument Frère-Orban

À l’heure où le monument est enfin inauguré, Paul Dubois (Aywaille 1859 – Uccle 1938) est un sculpteur reconnu, qui a signé une œuvre variée et abondante (près de 200 sculptures), confirmant les espoirs mis en lui par ses formateurs. En 1884, le prix Godecharle l’avait placé d’emblée parmi les sculpteurs les plus prometteurs de sa génération. C’est de cette époque que remonte cette signature – Du Bois – qui doit lui permettre de se distinguer de son parfait homonyme français, voire de Fernand Dubois. Originaire d’Aywaille, formé à l’Académie des Beaux-Arts de Bruxelles (1877-

1884), il a été l’élève de Louis François Lefèbvre, de Jean-Joseph Jaquet et d’Eugène Simonis, avant de profiter des conseils de Charles Van der Stappen. Après trois années passées à visiter les musées d’Europe, l’artiste wallon installe son propre atelier à Bruxelles, avec Guillaume Van Strydonck. Ouvert à l’avant-garde sans renier son attachement à la Renaissance, membre-fondateur du groupe bruxellois d’avant-garde le Cercle des XX, puis de la Libre Esthétique, il excelle dans les portraits quand lui parviennent les premières commandes officielles de la ville de Bruxelles. Sans abandonner des œuvres de son inspiration qui sont remarquées et primées lors de Salons et d’Expositions à l’étranger, il réalise le monument Félix de Mérode (Bruxelles, 1898) qui symbolise le début de son succès. En 1900, il est nommé professeur à l’Académie de Mons (1900-1929) et, deux plus tard, il est chargé du cours de sculpture ornementale (1902-1905), puis de sculpture d’après l’antique (1905-1910) à l’Académie de Bruxelles où il reste en fonction jusqu’en 1929. En 1910, il succède à Charles Van der Stappen à l’École des Arts décoratifs. Vice-président du jury d’admission des œuvres pour le Salon des œuvres modernes de l’Exposition internationale de Charleroi (1911), il signe plusieurs monuments commémoratifs à Bruxelles et en Wallonie (Alfred Defuisseaux à Frameries en 1905, Antoine Clesse à Mons en 1908, de la Chanson wallonne à Tournai en 1931), ainsi que des bijoux, des médailles (dont celle de l’Exposition universelle de Liège en 1905) et des sculptures allégoriques variées. Le monument Frère-Orban est une synthèse aboutie du savoir-faire du sculpteur qui a été aidé par l’architecte Van Neck pour la partie inférieure du monument. En forme d’hémicycle, le soubassement en pierre de taille est précédé d’un large parterre, tandis que des effets d’escalier sont créés latéralement.

 

 

Joseph TORDOIR, Des libéraux de pierre et de bronze. 60 monuments érigés à Bruxelles e

t en Wallonie, Bruxelles, Centre Jean Gol, 2014, p. 94-100
http://search.arch.be/BE-A0510_000280_002648_DUT.ead.pdf 
Jean-Jacques HEIRWEGH, Patrons pour l’éternité, dans Serge JAUMAIN et Kenneth BERTRAMS (dir.), Patrons, gens d’affaires et banquiers. Hommages à Ginette Kurgan-van Hentenryk, Bruxelles, Le Livre Timperman, 2004, p. 434
Charles BURY, Les Statues liégeoises, dans Si Liège m’était conté, n°35, printemps 1970, p. 11
Nicole LUBELSKI-BERNARD, dans Nouvelle Biographie nationale, 1990, t. II, p. 161-171
Jean-François POTELLE (dir.), Les Wallons à l’étranger, hier et aujourd’hui, Charleroi, Institut Destrée, 2000
Judith OGONOVSZKY, dans Jacques VAN LENNEP (dir.), La sculpture belge au 19e siècle, catalogue, t. 2, Artistes et Œuvres, Bruxelles, CGER, 1990, p. 374-378
Anne MASSAUX, dans Nouvelle Biographie nationale, t. 4, p. 142-145
Paul Du Bois 1859-1938, édition du Musée Horta, Bruxelles, 1996
Anne MASSAUX, Entre tradition et modernité, l’exemple d’un sculpteur belge : Paul Du Bois (1859-1938), dans Revue des archéologues et historiens d’art de Louvain, Louvain-la-Neuve, 1992, t. XXV, p. 107-116
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. 1, p. 517-518

Boulevard d’Avroy
4000 Liège

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Paul Delforge

Paul Delforge

Pompe-fontaine Louis HENNEPIN

Fontaine ou pompe Louis Hennepin, réalisée à l’initiative des autorités locales, 1848.

Afin de rendre hommage à un illustre habitant de la localité, la ville d’Ath a attribué le nom de Louis Hennepin à une pompe distribuant de l’eau potable, lors de son installation dans la première moitié du XIXe siècle. Comme de nombreuses autres communes de Wallonie au XIXe siècle, les autorités communales tentent de fournir de l’eau potable à leurs habitants. La référence à Hennepin est audacieuse car elle renvoie à ce père-missionnaire, né à Ath en 1626, à qui l’on attribue la découverte des chutes du Mississipi. La décision de rendre hommage à Hennepin remonte quant à elle précisément à la réunion du conseil communal d’Ath du 25 août 1848 (Ducastelle).
En fait, Antoine Hennepin (1626-1705), devenu Antoine Hennepin lorsqu’il revêtit la bure franciscaine au couvent des Récollets de Béthune (1643), avait à la fois le goût du voyage et la passion de l’écriture ; mêlant les deux, il racontera ses périlleuses aventures vécues sur le « Nouveau Continent » dès son retour en Europe : sa Description de la Louisiane, publiée à Paris en janvier 1683, va enthousiasmer un public qui découvre le « Nouveau Monde » à travers ses récits exotiques. « Auteur populaire le plus à la mode », Hennepin est le premier à décrire les grands lacs et les chutes du Niagara ; au-delà de toutes les polémiques qui ont émaillé le reste de sa vie, il faut reconnaître à Hennepin d’avoir créé un genre littéraire nouveau, celui des récits de voyage.


Ne laissant personne indifférent, Hennepin est entré dans la légende, notamment en donnant son nom à un des Géants d’Ath. Comme une invitation humoristique à retourner à la source, la pompe Hennepin contribue aussi à maintenir vivace le souvenir de cette personnalité atypique. Située à l’entrée de la rue… Hennepin, près de la place Gaillard, la pompe fait partie du patrimoine athois. Ne portant aucune signature (ni architecte, ni sculpteur, ni société), elle se compose de peu d’éléments : au centre d’une longue pierre calcaire rectangulaire une tout aussi longue plaque de bronze cache le mécanisme de la pompe et intègre le bec verseur d’où l’eau tombe dans un bac en demi-lune avec un léger effet de coquillage. Quant au fronton, il est composé de volutes formant un demi-cercle, autour d’une plaque de bronze où, au centre d’une couronne de lauriers, sont gravés les mots suivants :


« A
LOUIS HENNEPIN,
QUI DÉCOUVRIT LE
MISSISSIPI EN 1680
NÉ À ATH EN 1640 »

Pompe-fontaine Louis Hennepin




Sources


Catherine BROUÉ, Louis Hennepin (1626-1705) : missionnaire, explorateur, écrivain, dans Québec français, n°142, 2006, p. 45-48 cfr http://id.erudit.org/iderudit/49752ac (s.v. octobre 2013)
Armand LOUANT, Les cas du P. Louis Hennepin… ou Histoire d’une vengeance, Ath, 1980
Jean STENGERS, Hennepin et la découverte du Mississipi, dans Bulletin de la société royale belge de géographie d’Anvers, 1945, p. 61-82
Jean-Roch RIOUX, Dictionnaire biographique du Canada en ligne, http://www.biographi.ca/009004-119.01-f.php?&id_nbr=841 (s.v. octobre 2013)
Mémoires de Wallonie, Les rues de Louvain-la-Neuve racontent…, Luc COURTOIS (dir.), Louvain-la-Neuve, Fondation Humblet, 2011, p. 220-221
Jean-Pierre DUCASTELLE, Statuomanie athoise : l’érection de la statue d’Eugène Defacqz à Ath (1880), dans Annales du Cercle royal d'histoire et d'archéologie d'Ath et de la région et des Musées athois, 1996-1997, t. LV, p. 222-223

Rue Hennepin 1 
7800 Ath

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Paul Delforge

Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam

Monument Étienne LENOIR

Monument Étienne Lenoir,  réalisé par Paul Du Bois, 18 août 1929 puis 1961

Bien avant la commune de Mussy (1985), la ville d’Arlon a honoré un illustre inventeur originaire de la région par un monument d’envergure. C’est en effet en 1929 que les autorités locales inaugurent le mémorial Étienne Lenoir dont la réalisation a été assurée par le sculpteur Paul Dubois.
Né à Mussy-la-Ville en 1822, Lenoir est un inventeur « multirécidiviste ». Plus de cent brevets sont enregistrés à son nom. Mais c’est son brevet déposé en 1860 « Pour un moteur à air dilaté par la combustion du gaz de l’éclairage enflammé par l’électricité » qui constitue sa contribution majeure à l’évolution des sciences et des techniques. Au sein de la Société des Moteurs Lenoir-Gautier et Cie qu’il a créée à Paris, où il réside depuis 1838, il parvient à mettre au point le premier moteur à combustion interne. « Il ne manquait que la compression à ce premier moteur à gaz industriel pour réaliser le cycle universellement adopté par la suite ». 

En septembre 1863, la première automobile Lenoir équipée d’un moteur à gaz de 1,5 CV effectue 18 kilomètres en 3 heures. Les moteurs Lenoir ne cesseront d’être construits et améliorés jusqu’à la fin du siècle, sans assurer la prospérité de son inventeur qui continue à déposer des brevets dans des domaines très divers. Néanmoins, plusieurs Prix importants couronnent ses découvertes dont l’importance ne fut réellement appréciée qu’après son décès, en 1900, à Paris. La ville lumière est d’ailleurs la première à immortaliser Étienne Lenoir en lui dédiant une plaque commémorative et un médaillon de bronze au Conservatoire de Paris, en même temps qu’une plaque est apposée sur sa maison natale, à Mussy (1912). Suite à sa destruction par les Allemands en août 1914, il fut décidé d’y ériger un nouveau mémorial. Dans le même temps, Arlon inaugure, le 18 août 1929, un monument plus ambitieux, dans le parc Léopold Ier.

Créé vers 1845 sur l’emplacement de l’ancienne muraille de la ville, ce parc communal accueillait aussi un kiosque à musique et la statue du roi Albert Ier en tenue de militaire lorsqu’en 1961, il est l’objet d’une profonde transformation. Outre la destruction du kiosque et le déplacement du roi Albert devant l’Église St-Martin, il perd le monument dédié à Étienne Lenoir ; au lieu de bénéficier d’un espace fortement dégagé tout autour de lui, celui-ci est relégué hors du Parc, sur l’esplanade située en face de l’Institut Notre Dame d’Arlon (INDA), en contre-bas de la rue Lenoir, entre la rue Joseph Netzer et la rue de l’Esplanade. 

Placé néanmoins dans un cadre arboré et bien entretenu, le mémorial Lenoir est nettement moins visible, notamment parce qu’il est privé de la totalité de son socle. À l’origine, en effet, Paul Dubois avait conçu un ensemble sculptural relativement complexe : devant une haute et large colonne en forme d’obélisque à trois niveaux, dont le plus haut comporte un écusson où se trouve représenté le profil gauche du célèbre inventeur, le sculpteur a ajouté une femme qui se tient debout, et qui donne l’impression d’enlever le voile en tissu qui cachait jusqu’alors le portrait de Lenoir. La position de la dame est telle que le portrait apparaît entre ses bras tendus. 

Tout cet ensemble est encore visible à Arlon ; il manque le socle rectangulaire initial dont la hauteur représentait le quart de la taille totale du monument. De plus, comme cet ensemble était placé sur une sorte de butte entourée d’une grille en fer forgé, le mémorial Lenoir tel qu’il était présenté en 1929 surmontait nettement la taille des « spectateurs ». Cet effet de « domination » n’existe plus aujourd’hui et le panneau original qui reprenait la dédicace a disparu et laissé la place à une plaque (don du syndicat d’initiative d’Arlon) posée au pied du monument actuel. Le contenu est similaire et sans surprise :
A ÉTIENNE LENOIR
1822 – 1900
INVENTEUR DU MOTEUR A GAZ.

Concernant le sculpteur qui signe le monument Lenoir, tous les textes évoquent systématiquement « le sculpteur français Paul Dubois ». On ne peut que s’étonner de cet unanimisme à l’égard d’un artiste, certes célèbre, mais décédé depuis 1905… Ne s’agirait-il pas plutôt que sculpteur wallon Paul Du Bois, né Dubois et qui avait très tôt changé la graphie son nom (Paul Du Bois) afin d’éviter d’être confondu avec… son célèbre homonyme français ? Si l’on observe le style du monument, on est tenté de reconnaître la griffe de l’artiste wallon qui recourt volontiers à une allégorie féminine pour mettre davantage en évidence son sujet. C’est particulièrement évident dans le cas arlonais. 

Sous réserve d’éléments contraires, il semble par conséquent que, dans une production déjà abondante, il faille ajouter le monument Lenoir d’Arlon à l’œuvre de celui qui fut formé à l’Académie des Beaux-Arts de Bruxelles (1877-1884), qui fut l’élève de Louis François Lefèbvre, de Jean-Joseph Jaquet et d’Eugène Simonis, avant de profiter des conseils de Charles Van der Stappen. 

Ouvert à l’avant-garde sans renier son attachement à la Renaissance, membre-fondateur du groupe bruxellois d’avant-garde le Cercle des XX, puis de la Libre Esthétique, il excelle dans les portraits quand lui parviennent les premières commandes officielles de la ville de Bruxelles. Sans abandonner des œuvres de son inspiration qui sont remarquées et primées lors de Salons et d’Expositions à l’étranger, il réalise le monument Félix de Mérode (Bruxelles, 1898) qui symbolise le début de son succès. En 1900, il est nommé professeur à l’Académie de Mons (1900-1929) et, deux plus tard, il est chargé du cours de sculpture ornementale (1902-1905), puis de sculpture d’après l’antique (1905-1910) à l’Académie de Bruxelles où il reste en fonction jusqu’en 1929. En 1910, il succède à Charles Van der Stappen à l’École des Arts décoratifs. Vice-président du jury d’admission des œuvres pour le Salon des œuvres modernes de l’Exposition internationale de Charleroi (1911), Du Bois avait signé d’autres monuments commémoratifs avant celui d’Arlon : ainsi Alfred Defuisseaux (Frameries, 1905), Antoine Clesse (Mons, 1908). En 1931, il signe tour à tour le monument Frère-Orban (Liège) et Viehard (Tournai). On lui doit aussi des bijoux, des médailles (dont celle de l’Exposition universelle de Liège en 1905). 

Sources 

Jean-Pierre MONHONVAL, Étienne Lenoir. Un moteur en héritage, Virton, Michel frères, 1985
Jean PELSENEER, dans Biographie nationale, t. XXXIII, col. 355-364
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. II, p. 517
Jean-François POTELLE (dir.), Les Wallons à l’étranger, hier et aujourd’hui, Charleroi, Institut Destrée, 2000, p. 191
Paul Du Bois 1859-1938, édition du Musée Horta, Bruxelles, 1996
Anne MASSAUX, Entre tradition et modernité, l’exemple d’un sculpteur belge : Paul Du Bois (1859-1938), dans Revue des archéologues et historiens d’art de Louvain, Louvain-la-Neuve, 1992, t. XXV, p. 107-116
Anne MASSAUX, dans Nouvelle Biographie nationale, t. 4, p. 142-145

Monument Étienne Lenoir

Place Léopold Ier puis esplanade de la rue Étienne Lenoir
6700 Arlon

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Paul Delforge

Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Buste du professeur Parfait-Joseph Namur à Thuin

Situé à Thuin, dans la rue Crépion, juste à côté du château d’eau, un monument rend sobrement hommage à Parfait-Joseph Namur (1815-1890). Un buste est, en effet, placé au sommet d’une colonne rustique, de 2;50 mètres de haut environ, rectangulaire, construite en blocs de pierre colorée de format carré. 

Sur la face avant du socle, l’identification de la personnalité est formée par un ensemble de lettres noires incrustées sur une pierre blanche :

                                                                     PARFAIT-JH
                                                                        NAMUR
                                                                   PROFESSEUR
                                                                      DE DROIT
                                                                          AUX
                                                                  UNIVERSITES
                                                                          DE
                                                                      L’ÉTAT
                                                                  1815 – 1890

Buste du professeur Parfait-Joseph Namur

En figeant les traits de Parfait-Joseph Namur, le statuaire a pris soin de représenter ses décorations, croix et cordons, seuls éléments permettant au passant de se rendre compte du statut important du personnage. Originaire des Pays-Bas (il est né à Heerlen le 14 novembre 1852 et a été naturalisé en 1882), formé à l’Académie des Beaux-Arts de Liège, (Jean-)Guillaume Beaujean s’est spécialisé à la fois dans les statues religieuses et dans les portraits et les bustes, en particulier de professeurs d’université (par ex. Édouard Morren) ou d’hommes politiques. On lui doit aussi « Le métallurgiste », sur le fronton de l’actuel Athénée du boulevard Saucy, à Liège, ville où il est décédé durant la Grande Guerre (1916). Parmi les bustes de professeurs d’université figure celui de Parfait-Joseph Namur, sans que l’on en connaisse la date.

Natif de Thuin où il étudie au collège, Parfait-Joseph Namur entre à la toute jeune université de Bruxelles, où il suit les cours de Philosophie et de Droit, avant d’être reçu docteur en Droit devant le jury central, en 1838, avec la plus grande distinction. Cette évaluation l’accompagne dans tout ce qu’il entreprend : séjour d’études complémentaires en France et en Allemagne (au cours duquel il fait une analyse critique de l’enseignement du droit dans ces pays), thèse à Bruxelles (1842), enseignement, recherches et publications. Les universités de Bruxelles (1845), Liège (1849) et Gand se disputent ses services : spécialiste du droit civil et du droit naturel, il est nommé professeur de droit romain à l’université de Gand (1850), avant que lui soit confié l’enseignement du droit commercial (1851), de la procédure civile, puis d’organisation et attributions judiciaires (1855). Désigné à Liège en 1867, il y remplace le professeur Kuppferschlaeger et y enseigne jusqu’à la fin des années 1880. Apprécié de ses étudiants, Parfait Namur est aussi sollicité par le personnel politique ; dans les années 1870, le ministre Bara fait appel à ses connaissances lors la révision du Code de commerce. L’ouvrage qu’il publie ensuite (Le Code de commerce révisé) devient la référence du moment, en raison de la qualité de ses commentaires. Après la révision de 1886, il met rapidement son œuvre à jour en expliquant la portée de la nouvelle loi. Comme son Cours d’Institutes et d’histoire du droit romain, son Cours d’Encyclopédie du droit a fait l’objet de publications qui, elles aussi, restent fort consultées.

 

J. WILLEMS DE LADDERSOUS, Parfait Namur, dans Liber memorialis de l’Université de Liège, Liège, 1936, t. I, p. 663-665.
P. VERMEERSCH, Parfait Namur, dans Liber memorialis de l’Université de Gand, Gand, 1913, t. I, p. 368-372.
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I., p. 70.

Rue Crépion
6530 Thuin

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Paul Delforge

Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Monument Jules PITOT

La lecture des trois faces de l’étonnant monument Jules Pitot, à Quiévrain, suffit à mesurer l’importance de l’hommage rendu par la population à son bourgmestre. Sur la face avant apparaît la dédicace principale et traditionnelle :

A
JULES PITOT
BOURGMESTRE
DE
QUIEVRAIN
1881-1910
______
SES CONCITOYENS
RECONNAISSANTS

Cette reconnaissance s’explique par l’activité déployée pendant près de 30 ans par ce maïeur libéral. Ainsi que le mentionne la face de gauche, il a contribué à

ENSEIGNEMENT
EMBELLISSEMENT
DE LA
COMMUNE

ainsi que, comme l’indique la face de droite, à l’établissement d’une importante infrastructure dans cette cité wallonne placée à la frontière française :

ABATTOIR
DISTRIBUTION
D’EAU
HYGIÈNE - VOIRIE

 

Monument Jules Pitot – © Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Ce n’est pas un buste que le sculpteur Léon Gobert a ciselé, ni un médaillon, mais la synthèse des deux dans un bas-relief en bronze, présentant le visage de Jules Pitot légèrement de côté. Sur la place aménagée en 1930 pour permettre le tracé du jeu de balle, au cœur de la cité ouvrière qu’il avait contribué à construire, le monument Pitot est positionné de telle sorte qu’il soit bien visible dans l’axe de la rue (aujourd’hui appelée) reine Astrid qui donne sur les deux côtés de la place. Sa présence face à la caserne des pompiers n’est pas non plus un effet du hasard. En 1908, le maieur Pitot avait en effet décidé de doter sa commune d’une compagnie de sapeurs-pompiers autonome, composée d’hommes de la localité.

Le monument comprend deux parties : le piédestal en pierre bleue ressemble à la toiture d’une tour d’église ; ce socle de pierre à degrés est surmonté par un fût à dominante de marbre gris, arrondi en son sommet. L’influence de l’Art Déco est manifeste. En plus de la recherche d’effets de profondeur et de décoration aux angles de la colonne, un jeu de couleurs a été créé par le choix de pierres différentes : la partie principale est foncée, tandis qu’un effet de rouge est donné à la transition entre le piédestal et le fût, et sur la partie supérieure de celui-ci. Aucune autre signature que celle de Léon Gobert, sur le bas-relief, n’apparaît sur le monument.

Léon Gobert (Wasmes 1869 – Mons 1935) est un artiste en vogue, au tournant des XIXe et XXe siècles, dans le Hainaut. Élève et disciple de Charles Van Oemberg à l’Académie des Beaux-Arts de Mons, dont il deviendra lui-même professeur (1899-1934), il a également suivi des cours à l’Académie de Bruxelles, où l’enseignement de Charles Van der Stappen l’a particulièrement inspiré. Prix Godecharle 1895, il s’est spécialisé dans la réalisation de sculptures, bustes, médaillons et bas-reliefs illustrant le travail de la mine, la misère et la condition ouvrière. On lui doit des types d’ouvriers ou d’ouvrières, des portraits et des sujets d’inspiration régionale. Travaillant surtout le bronze, il pratique aussi le modelage et la taille directe. Natif de Wasmes où il a laissé plusieurs œuvres, Léon Gobert a réalisé notamment la Fontaine de L’Ropieur à Mons.

 

Boussu, Hensies et Quiévrain, Patrimoine architectural et territoires de Wallonie, Liège (Mardaga), 2004, p. 148
http://www.hetp.be/quievrain/frame.html?http://www.hetp.be/quievrain/bfp.htm (s.v. juin 2014)
Wallonia t. XII, 1904, p. 261.
Wallonia, t. XXI, 1913, p. 622.
Jacques VAN LENNEP (dir.), La sculpture belge au 19e siècle, t. 1 et 2, Bruxelles, CGER, 1990, p. 194, 598.
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 634.

 

Place du Ballodrome
7380 Quiévrain

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Paul Delforge

Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam

Monument Henri SEBALD (premier soldat français tombé en Belgique en 1914)

Monument au premier soldat français tombé en Belgique en 1914
Réalisé par le sculpteur Alex Daoust et l’architecte Paul Dislaire, juin 1984.

Dès l’annonce de l’attaque allemande, le 4 août 1914, chaque village de Wallonie est plongé en état de guerre. À Houffalize, on s’empresse d’abattre de grands arbres sur toutes les chaussées d’accès et une importante barricade est dressée sur la route de Liège. En suivant la voie du chemin de fer vicinal, les premiers soldats allemands sonnent néanmoins à la porte du bourgmestre, dès le 5 août, et le lendemain, une dizaine d’Uhlans logent à l’Hôtel du Commerce. Surpris à leur réveil par l’arrivée d’un escadron de plusieurs dizaines de Dragons français venant de Libramont, ils se réfugient dans l’écurie et les premiers coups de feu éclatent. Pour sommer les Allemands de se rendre, le brigadier de réserve Henri Sebald, relevant du régiment des XXIIIe Dragons (1er escadron, Vincennes), pénètre dans la cour de l’hôtel. En guise de réponse, il est abattu sur le perron. Il devient ainsi le premier soldat français tombé au combat en Wallonie durant la Grande Guerre. Tandis que les dragons tentent de faire exploser puis d’incendier le lieu de refuge des Allemands, ces derniers tentent de s’échapper : trois sont tués et quatre blessés. Houffalize découvre la guerre. Le 8 août, les quatre soldats tués sont enterrés ensemble dans une fosse commune. Après la guerre, les autorités locales transfèrent les restes du soldat français et lui accordent une concession à perpétuité, juste à côté du monument funéraire dédié aux Houffalois morts durant la guerre. Mort au combat à Houffalize le 7 août 1914, Henri Sebald était né à Versailles le 21 février 1889. Apprenti charcutier, il avait accompli son service militaire de 1910 à 1912 et avait été rappelé comme réserviste pour effectuer un mois d’entraînement en juin 1914. Le 1er août, il était mobilisé comme cinq de ses frères.

À l’automne 1936, dans un contexte général marqué par la montée du nazisme et par le changement de politique extérieure du gouvernement belge (politique dite d’indépendance), les « Anciens Combattants du canton de Houffalize » lancent le projet de commémorer ce fait d’armes et d’honorer le premier Français tombé en Belgique en 1914. Il doit s’agir d’un signe de l’amitié franco-belge. Selon les moyens financiers qui seraient rassemblés sous forme de souscription, le « Comité Sebald » présidé par G. De Greef (aidé par M. Goose, secrétaire-trésorier) envisage indifféremment une plaque ou un monument. L’initiative est placée sous les auspices de l’administration communale, et la présidence d’honneur est attribuée à Justin Dubru, le bourgmestre de la localité en 1914. Ayant obtenu le soutien de l’ambassade de France, les initiateurs mettent sur pied un comité d’honneur où se retrouvent l’ambassadeur de France, le consul général Fernand Sarrien, Paul Van Zeeland, Paul-Henri Spaak, le général Denis, etc.

Le 10 juillet 1938, l’inauguration se déroule en grandes pompes. Quatre jours plus tard, le catholique liégeois Octave Lohest dit toute l’émotion qui l’a gagné lors l’événement, en évoquant l’amitié aux Combattants français. « Cette amitié a reçu dimanche à Houffalize le plus éclatant témoignage. Houffalize avait à toutes ses fenêtres des drapeaux français et belges ; comme en novembre 1918 on criait « vive la France » on répondait « vive la Belgique ». J’étais fier de voir passer en tenue les beaux dragons de France (comme en août 1914). 58.000 Français sont tombés sur notre sol pour sa défense (...) Il y a des heures où le cri de vive la France devient une nécessité (...) ».

La réalisation du monument a été confiée au sculpteur Alexandre Daoust (Bioul 1886 – Champion 1947), aidé par l’architecte houffalois Paul Dislaire qui venait d’achever l’école primaire de la localité. D’une hauteur d’un mètre cinquante, un socle en pierre calcaire supporte à l’origine un imposant obélisque. Sur la face avant du piédestal, le bas-relief réalisé par Daoust montre un soldat français touché par une balle en train de s’écrouler. Le prénom et le nom de ce soldat sont indiqués en lettres grasses au-dessus du bas-relief, tandis que son identité complète est déclinée sur la partie inférieure de la stèle :

BRIGADIER DU XXIIIe DRAGONS
PREMIER SOLDAT FRANÇAIS
TOMBE EN BELGIQUE EN 1914
7 AOUT – 7H

Situé sur la place de la gare, le monument a traversé indemne la Seconde Guerre mondiale, du moins jusqu’à l’offensive Von Rundstedt. En décembre 1944, en effet, il a été fortement endommagé et, une fois la paix définitivement revenue, les autorités communales ne conservent que la partie basse qu’elles déplacent dans le parc de l’hôtel du Commerce, à l’endroit même où Sebald a été tué. Finalement, en juin 1984, le monument est une nouvelle fois démonté et rétabli place de la Gare, au croisement de la rue Moulin Lemaire et de la rue Porte à l’Eau, dans un square spécialement aménagé. L’œuvre de Daoust est ainsi respectée, hormis le fait que l’obélisque n’a jamais été reconstruit, ni les deux pans latéraux du socle où étaient incrustés deux blasons.

Monument au premier soldat français tombé en Belgique en 1914 – © Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Quand il est sollicité, en 1937, pour le monument Sebald, Daoust jouit d’une solide réputation. Dessinateur talentueux, il s’est pris de passion pour la sculpture quand il enseignait les mathématiques à l’Abbaye de Maredsous. Diplômé sur le tard pour pouvoir enseigner le dessin dans les Écoles moyennes de l’État, il accomplit toute sa carrière, comme professeur de dessin, à l’Athénée de Dinant (1920-1946). En parallèle, le co-fondateur de l’Université populaire de Dinant enseigne aussi à l’École industrielle de Dinant. Durant toute la période de l’Entre-deux-Guerres, il s’attèle à ressusciter et à rénover l’art de la dinanderie. Quant à sa propre sculpture, elle se dégage du côté « académique » de ses débuts, pour exprimer son amour de la Wallonie, de ses habitants, de son terroir et de ses traditions. Destiné à immortaliser l’assaut aussi héroïque que vain de quelques « pantalons rouges » lancés à l’attaque de la Citadelle, son remarquable monument L’Assaut, au cimetière français de Dinant, lui ouvre de nouvelles portes (1927). Continuant à sculpter des œuvres d’inspiration personnelle, Daoust répond à des demandes de particuliers et à des commandes officielles. Le bas-relief réalisé pour Houffalize synthétise à la fois ses convictions et son savoir-faire. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, il se lance dans un projet qu’il mûrit depuis longtemps : « réaliser un ensemble d’œuvres sculpturales (reliefs, statues) et fusains dont le thème serait d’essence tout à fait wallonne », qu’il intitulerait L’Âme wallonne et qui serait installée à Liège. De ce projet ambitieux, il n’aura l’occasion de réaliser que la partie centrale, « Noël de Wallonie » (1946-1947).

Archives du Consulat de France à Liège, chemise « monument à Houffalize » (1938)
Archives du Consulat de France à Liège, chemise 14 juillet, note Ambassade n°157, Europe n°142, 15 juillet 1938 (dont l’intervention d’Octave Lohest)
Fonds d’histoire du Mouvement wallon, Fonds Carlier, boite 62, Correspondance
La Vie wallonne, juin 1938, CCXIV, p. 290
La Voix du Combattant, 3 septembre 1938
Le Gaulois, 4 mars 1950, n°183, p. 6
Jean SCHMITZ, Dom Norbert NIEUWLAND, Documents pour servir à l’histoire de l’invasion allemande dans les provinces de Namur et de Luxembourg, Bruxelles, Paris, première partie, 1920, p. 56-57
Paul GEORGES, Luc NOLLOMONT, Jo VERBRUGGHEN, Fors l’oubli. Petit guide des monuments et plaques commémoratives des deux guerres 1914-1948 — 1940-1945 situés sur la commune de Houffalize, dans Bulletin du Cercle d’Histoire et d’Archéologie, Segnia, 1994, t. XIX, fascicule n°3, p. 24 et 27
Jean SERVAIS, Le sculpteur Alex Daoust, dans La Vie wallonne, 1947, n°238, p. 81-104
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 288

Place de la Gare
Au croisement de la rue Moulin Lemaire et de la rue Porte à l’Eau
6660 Houffalize

carte

Paul Delforge