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Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam

Monument WINCQZ

Monument Wincqz ; 18 septembre 1881. 
Réalisé par Albert Hambresin.


Au cœur de Soignies, dans une rue qui porte son nom, un imposant monument honore Pierre-Joseph Wincqz (1811-1877) qui marqua l’histoire de sa région au milieu du XIXe siècle par ses activités industrielles et politiques. Confiée au sculpteur Albert Hambresin (Willebroek 1850 – Genval 1937), sa statue a été inaugurée en 1880 sur la place du Millénaire, face à l’hôtel de ville qu’il avait contribué à construire.

Le travail dans les carrières est un secteur d’activités important dans la région de Soignies. La famille Wincqz y est active depuis plusieurs générations quand Pierre-Joseph Wincqz devient le seul héritier. Formé au métier et à la gestion de l’entreprise pendant dix ans aux côtés de son père, il poursuit la modernisation de sa société, en inventant un appareil qu’il fait breveter ou en investissant dans de nouvelles machines. En plus des qualités intrinsèques de la pierre bleue de Soignies, le sens de la communication et de la publicité donne aux carrières Wincqz une renommée européenne. Propriétaire-exploitant (1852-1877) de plusieurs sites carriers dotés de moyens modernes d’exploitation, Wincqz emploie plusieurs centaines de personnes. Membre de la Caisse de Prévoyance pour les Ouvriers carriers de Soignies (1863), il s’impose comme un important notable, actif en politique et dans de nombreuses associations professionnelles. Ardent défenseur des idées libérales, échevin (1843-1845, 1851), il exerce le maïorat de Soignies sans interruption pendant un quart de siècle (1852-1877). Conseiller provincial du Hainaut (1848-1857), il grimpe d’un échelon quand il est appelé à remplacer A. Daminet au Sénat : représentant direct de Soignies pendant vingt ans (1857-1877), membre de la commission des Travaux publics, il se révèle un défenseur du développement du rail (à l’origine de la prospérité de son industrie) et de l’obligation scolaire.
Dans les années 1840, à titre personnel, Wincqz fait construire une importante demeure de style néoclassique, dénommée le château Wincqz avant de passer dans le patrimoine des Paternoster ; acquise par les autorités communales au milieu du XXe siècle, la demeure est occupée par la Maison de la Laïcité. La rue qui descend du château vers le centre-ville fut d’abord un chemin privé avant de devenir la rue Wincqz : fort logiquement, c’est là qu’est transféré son monument, en 1956, après l’explosion de gaz qui endommage fortement « l’ancien » hôtel de ville devant lequel le monument de l’homme d’affaires et l’homme politique avait été inauguré en 1880.

À la mort de P-J. Wincqz, Soignies ne dispose pas encore d’un monument exaltant une quelconque personnalité historique. Nul n’ignore cependant que, dans les « grandes villes » de Belgique, la statuomanie sévit depuis quelques années, à l’initiative surtout des milieux libéraux qui veulent, de la sorte, renforcer la légitimité de la nation belge. Soignies décide dès lors de participer à cet élan en honorant P-J. Wincqz. Une souscription publique est lancée dès 1878 et le projet est confié à Albert Hambresin, sculpteur alors peu connu.

Inscrit à l’Académie de Bruxelles auprès du Liégeois Simonis dès les années 1860, Hambresin s’y distingue en remportant concours et mention, avis favorables confirmés lors d’exposition de ses premiers plâtres aux Salons de Bruxelles et de Gand (années 1870). Engagé sur le chantier de décoration de l’hôtel de ville de Bruxelles, il achève en 1880 sa première grande statue publique, celle de P-J. Wincq inaugurée en 1881 à Soignies, en même temps que les trois allégories destinées à Bruxelles. Il recourt alors à un nouveau procédé de fonte à la cire perdue. Membre du groupe l’Essor (1883), Hambresin apporte aussi sa contribution à la réalisation des statuettes en bronze des métiers pour le Petit Sablon à Bruxelles (1879-1882). Le succès de l’artiste n’allait plus se démentir, étant sollicité par des commandes pour la Belgique comme pour l’étranger, tout en réalisant des statues de sa propre inspiration : le groupe en plâtre La famille (1888) – conservé au Musée des Beaux-Arts de Bruxelles – est considéré comme son œuvre maîtresse. Il se laisse aussi inspirer par des sujets à caractère historique et s’adonne aussi à des thématiques liées au travail. Auteur de nombreux bustes pour les Académies, Hambresin se fait plus rare au début du XXe siècle et vit retiré à Genval.
Fondue par la Compagnie des Bronzes de Bruxelles, la statue de Wincqz que Hambresin avait achevée en 1880 dut attendre l’achèvement du socle qu’avait dessiné l’architecte Henri Beyaert, celui-là même qui avait conçu les plans de l’école primaire voulue par Wincqz. Ce piédestal en pierre bleue de Soignies se devait d’être particulièrement soigné. Outre les associations libérales, de nombreux carriers avaient participé à la souscription pour le monument. Tous étaient présents lors de l’inauguration organisée en septembre 1881 pour honorer l’industriel et le libéral. Représenté débout, la jambe gauche légèrement vers l’avant, Wincqz porte son écharpe maïorale à la ceinture et tient dans la main droite une feuille de papier où apparaît le mot INDUSTRIE. Cette feuille déroulée symbolise aussi le plan que les carriers devaient suivre lors de la découpe des pierres. À ses pieds, à l’arrière, le sculpteur a représenté une série d’outils (maillet, ciseaux, équerre, compas) utilisés par les carriers que, de loin, certains pourraient confondre avec des symboles maçonniques. Comme l’explique Jean-Louis Van Belle le fait de mettre en évidence le plan déroulé et à l’arrière-plan les outils du carrier témoigne de l’opulence atteinte par le patron-exploitant de carrière, autrefois (par ses ancêtres) tailleur de pierre.
Dans la pierre ont été gravés successivement :

sur la face avant :
A
PIERRE-JOSEPH WINCQZ
BOURGMESTRE
1852-1877
LA VILLE DE SOIGNIES

À gauche :
MEMBRE DU CONSEIL COMMUNAL
1841-1877
CONSEIL PROVINCIAL
1848-1857
SENATEUR
1857-1877

À droite :
NE A SOIGNIES
LE 24 OCTOBRE 1811
DECEDE
LE 3 AVRIL 1877

Sources

Joseph TORDOIR, Des libéraux de pierre et de bronze. 60 monuments érigés à Bruxelles et en Wallonie, Bruxelles, Centre Jean Gol, 2014, p. 73-78
Jean-Jacques HEIRWEGH, Patrons pour l’éternité, dans Serge JAUMAIN et Kenneth BERTRAMS (dir.), Patrons, gens d’affaires et banquiers. Hommages à Ginette Kurgan-van Hentenryk, Bruxelles, Le Livre Timperman, 2004, p. 433
J-L. VAN BELLE, Une dynastie de bâtisseurs. Les Wincqz, Feluy-Soignies (XVIe – XXe siècles), Louvain-la-Neuve, 1990, en particulier p. 56, 69-80
Gérard BAVAY, La grande Carrière P.-J. Wincqz à Soignies, Namur, Institut du Patrimoine wallon, 1994, Les carnets du patrimoine no 3
Jean-Luc DE PAEPE, Christiane RAINDORF-GÉRARD (dir.), Le Parlement belge 1831-1894. Données biographiques, Bruxelles, 1996, p. 624-625
Jacques VAN LENNEP (dir.), La sculpture belge au 19e siècle, catalogue, t. 2, Artistes et Œuvres, Bruxelles, CGER, 1990, p. 441-443 (t. I, p. 103, 105, 237, 252, 253
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 677
 

Monument Wincqz – © Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Rue P-J. Wincqz à hauteur de l’intersection avec la rue de Billaumont
7060 Soignies

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Paul Delforge

Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Mémorial Frédéric-Guillaume DE BRUNSWICK-WOLFENBÜTTEL

Mémorial Brunswick (aussi appelé monument des Quatre-Bras), réalisé par une société allemande de Basse-Saxe, 16 juin 1890.


Autour du site de la bataille dite de Waterloo, les monuments sont nombreux à célébrer tantôt un régiment, tantôt un fait d’armes, tantôt une personnalité. Le long de la chaussée de Namur, à hauteur de Genappe, un imposant ensemble rend hommage à Frédéric-Guillaume de Brunswick-Wolfenbüttel, décédé le 16 juin 1815 au cours d’un fait d’armes, juste avant la bataille finale.


Le monument est constitué d'un socle à degrés et d'un piédestal en pierre bleue portant la statue d'un lion regardant en direction de la France, la patte posée sur un bouclier. Le piédestal est orné d'un médaillon en bronze, entouré de feuilles de laurier. Au centre apparaît le portrait du duc de Brunswick vu selon son profil droit. On trouve aussi un écusson aux armes de Brunswick. La base du piédestal porte l’inscription suivante :

« Friedrich Wilhelm
Herzog Zum Braunschweig Und Luneburg
Kämpfte Und Fiel Unweit Dieser Stätte
An Der Spitze Seiner Truppen
Am XVI Juni MDCCCXV »

Originaire de Brunswick où il est né en 1771, le quatrième fils du duc Charles-Ferdinand s’est engagé très tôt dans l’armée prussienne. Jeune capitaine (1789), il prend part aux différents combats menés contre la France républicaine. Ayant déjà hérité du duché de Brunswick-Oels au décès de l’un de ses oncles (1805), il aurait dû recevoir la direction du duché de Brunswick-Lunebourg, partie de Wolfenbüttel quand son père (déjà vaincu à Valmy) décède des suites d’une blessure reçue lors de la bataille d’Iéna (1806). Mais la victoire de Napoléon transforme le Wolfenbüttel en simple département du royaume de Westphalie (traité de Tilsit). Contraint à l’exil, le jeune Frédéric-Guillaume redouble d’ardeur dans son hostilité aux Français. Il se constitue une armée privée. Ses hommes armés sont totalement revêtus de noir. 

Quand l’Autriche affronte les troupes napoléoniennes (1809), le duc déchu se présente à la tête de la Schwarze Schar. Il parvient à reprendre temporairement la ville de Brunswick (août 1809), mais la défaite de Wagram scelle le sort de l’Autriche. D’autres actions d’éclat renforcent la notoriété de Frédéric-Guillaume et contribuent à l’intégration de son « régiment » au sein de l’armée britannique. Après avoir combattu en Espagne aux côtés de Wellington, le « Duc noir » s’apprête à livrer une nouvelle bataille dans le pays wallon en juin 1815. Il est cependant tué à la tête de ses troupes lors de la bataille des Quatre-Bras, le 16 juin. Son corps est transféré et inhumé dans son État de Brunswick, où le duc est considéré comme un véritable héros.


Plusieurs monuments seront élevés à sa mémoire dans plusieurs villes de Basse-Saxe, à ou proches de Brunswick. C’est d’ailleurs l’État de Braunschweig qui a décidé de commémorer le 75e anniversaire de la disparition de Frédéric-Guillaume de Brunswick-Wolfenbüttel et obtenu l’autorisation de construire un mémorial Brunswick non loin des Quatre-Bras. Une souscription publique a recueilli les fonds en Basse-Saxe, le bronze a été coulé dans les fonderies de la société allemande Wilhelm à Bornum dans l’Ambergau près de Bockenem et le monument a été inauguré le 16 juin 1890, en présence des autorités communales de Genappe et de Baisy-Thy.


En 2012-2013, un groupe de reconstitution historique, la Braunschweig Gelernte Jäger Kompanie-Belgium, s’est constitué pour assurer la restauration et la préservation du monument dans le cadre d’un projet Genappe-2015.
 


Sources

Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse
Louis NAVEZ, La campagne de 1815 : Les Quatre-Bras, Ligny, Waterloo et Wavre, Bruxelles, 1910, t. II, p. 56

 

Mémorial Brunswick (aussi appelé monument des Quatre-Bras)

Chaussée de Namur

Genappe 1470

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Paul Delforge

Portrait de Jean-Charles Delsaux – Diffusion Institut Destrée - Sofam

Portrait de Jean-Charles DELSAUX

Portrait de Jean-Charles Delsaux incrusté dans un chapiteau, réalisé par Léopold Noppius ( ?), entre 1877 et 1884.

Au milieu du XIXe siècle, afin de doter l’institution provinciale de Liège de bâtiments dignes de ce niveau de pouvoir, d’importants travaux sont entrepris autour de l’ancien palais des princes-évêques. Propriétaire des lieux (1844), l’État belge retient le projet du jeune architecte Jean-Charles Delsaux (1850) et lui confie la mission de réaliser une toute nouvelle aile, en style néo-gothique, sur le côté occidental du Palais. Face à la place Notger, Delsaux (1821-1893) achève l’essentiel du chantier en 1853, mais des raisons financières l’empêchent de réaliser la décoration historiée qu’il a prévue pour la façade du nouveau palais provincial. Vers 1865, il se retire du chantier et est remplacé par Jean-Godefroid Umé.

Formé à l’Académie de Liège, nommé architecte officiel de la province de Liège en 1845, J-Ch. Delsaux est surtout reconnu pour ce qui était son tout premier gros chantier. Par la suite, il signe les plans de quelques églises en régions liégeoise et verviétoise, et s’occupe surtout de restauration d’édifices religieux. Il contribue à l’introduction du style néo-gothique dans l’est de la Wallonie. 

Le portrait de l’architecte apparaît dans son œuvre principale : son visage, de face, a été en effet sculpté dans un des chapiteaux et est visible – si l’on fait un important effort pour le retrouver – sur la face orientale de la 9e colonne de l’aile occidentale de la première cour du Palais provincial. Ce clin d’œil amical au maître d’œuvre n’est ni daté ni signé. Il remonte probablement à la phase des travaux de décoration entreprise entre 1877 et 1884 et menée sous la direction de l’architecte Lambert Noppius (1827-1889). C’est en effet vingt-cinq ans après la fin du gros œuvre que le gouverneur Jean-Charles de Luesemans entreprend de réaliser la décoration qu’avait prévue Delsaux. L’avis d’une nouvelle commission de spécialistes détermine les sujets et les personnes les plus dignes d’illustrer le passé de « la Nation liégeoise ». Par la présence de son portrait sur une des colonnes, Delsaux participe à cet hommage collectif. 

On attribue cette sorte de clin d’œil à Léopold Noppius (1834-1906), le frère du maître d’œuvre. Avant ce chantier de décoration, Noppius dont l’atelier accueillait le tout jeune Léon Mignon avait déjà signé quelques bas-reliefs, médaillons et bustes en région de Liège, comme sur le fronton du portique d’accès à l’Institut de Zoologie de l’Université de Liège. Réalisant des statues s’inspirant de sujets religieux (Vierge, Saint-Sébastien, etc.) qui ornent les églises, il rédige un Projet de cortège historique pour Liège en 1887

Source

Flavio DI CAMPLI, Jean-Charles Delsaux (1821-1893), le « Viollet-le-Duc » liégeois, dans Les Cahiers nouveaux, Namur, septembre 2012, p. 80-81
Julie GODINAS, Le palais de Liège, Namur, Institut du Patrimoine wallon, 2008, p. 76
Flavio DI CAMPLI, Jean-Charles Delsaux (1821-1893). Architecte provincial, Herstal, Musée de Herstal, 1998
http://www.chokier.com/FILES/PALAIS/PalaisDeLiege-Masy.html
Anne-Françoise GOFFAUX, Bernard WODON, Répertoire des architectes wallons du XIIIe au XXe siècle, Namur, 1999, Etudes et documents, série Aménagement et Urbanisme n°4, p. 43

 

Façade du Palais provincial
Face à la place Notger
4000 Liège

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Paul Delforge

Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam

Bas-relief Henri-Joseph Forir

En confiant à Jules Brouns la mission de représenter, en bas-relief, la « Poésie tenant un livre » ainsi qu’une couronne de laurier, les amis du poète wallon Henri Forir entendaient lui rendre hommage là où il était né, en 1784. Telle est la mention gravée sous le travail artistique de Brouns :


ICI NAQUIT EN 1784
HENRI FORIR
POETE WALLON


La plaque apposée sur la façade du 12 de la place Coronmeuse à Herstal – anciennement en Coronmeuse – évoque en effet les origines « liégeoises » de ce fils de cordonnier pas très riche, qui sera l’un « des artisans majeurs de la renaissance dialectale wallonne du XIXe siècle » (selon Dehin cité par Droixhe). La vraie maison natale était une masure au toit de chaume, occupée par les Forir jusqu’en 1790.

A priori davantage occupé par les chiffres que par les lettres, Henri Forir (1784-1862) s’est mis sur le tard à la défense du wallon. Après avoir appris à compter dans l’atelier paternel, le jeune garçon a la chance d’entrer à l’École centrale du tout récent Département de l’Ourthe (1798). Mathématique, histoire et dessin le passionnent. Jeune diplômé (1799-1802), il est d’abord occupé d’abord au Cadastre (1805-1808) ; il est ensuite professeur de mathématiques dans divers collèges et athénées (Verviers et Eupen), avant d’être nommé « principal » au collège de Hasselt sous le régime « hollandais » (1813), puis d’être appelé au Collège (1817), puis à l’Athénée de Liège (1851) mis en place sous le régime belge ; le « géomètre » publie alors plusieurs manuels pour faciliter l’apprentissage des maths. Parmi ses élèves, Daniel Droixhe relève les noms d’Eugène Bidaut, de Joseph Demarteau et de Nicolas Defrecheux.

Séduit par la pratique orale du wallon, qu’il entend autour de lui au quotidien, Forir s’applique à l’écrire et même à en faire un Dictionnaire liégeois-français. Il en rassemble en tout cas nombre de matériaux et c’est à titre posthume que paraîtront deux fort volumes en 1866 et 1874. Avant cette entreprise philologique, Forir avait relancé une production littéraire quelque peu éteinte en remportant un vif succès avec Li k'tapé manèdje, satire truculente renouant avec les paskèye traditionnelles (1836). Avec les Blouwètes lîdjwèses (1845) – un recueil de chansons – et son Suplumint (1853), Henri Forir fait figure de pionnier au moment de la renaissance des lettres wallonnes au pays de Liège. En quête d’une littérature de qualité, notamment pour élever l’esprit du plus grand nombre, Forir est par ailleurs secrétaire de l’Institut des Sourds-Muets et Aveugles (à partir de 1822) et certains de ses écrits sont publiés au bénéfice de cet établissement.

Tout naturellement, Forir se retrouve parmi les fondateurs de la Société liégeoise de littérature wallonne (1856) qu’il accepte de présider avant de démissionner rapidement, en raison d’un désaccord sur un point essentiel : farouche partisan d’une orthographe phonétique, il exprime un point de vue minoritaire au sein de la nouvelle Société. Cela n’enlève rien à son rôle dans la relance des lettres wallonnes ; en 1926, en ravive le souvenir le bas-relief réalisé par Jules Brouns. 

Sculpteur surtout actif en région liégeoise, Jules Brouns (Ivoz-Ramet 1885 - Herstal 1971) a été formé à l’Académie des Beaux-Arts de Liège où Joseph Rulot a été l’un de ses principaux professeurs. Récompensé par plusieurs prix, le jeune Brouns est d’abord tailleur de pierre dans l’entreprise paternelle, avant de devenir professeur de modelage et de dessin à l’École technique de Huy, ensuite à Seraing. Après la Grande Guerre, il reprend l’atelier de Rulot dont il est le légataire universel. Au-delà de l’entretien de la mémoire de son maître, Brouns réalise essentiellement des monuments aux victimes de la guerre, principalement en région liégeoise, dans des cimetières comme sur les places publiques. Il signe notamment, en 1952, la statue du mémorial Walthère Dewé. Son style est souvent reconnaissable par le recours à une allégorie féminine, debout regardant vers le ciel et de grande dimension. En l’occurrence, elle est présente sur le bas-relief dédié à Forir, même si son regard se tourne ici vers le bas, en particulier vers le nom du poète.

Sources

[Daniel DROIXHE], Quatre poètes wallons de Herstal, Littérature et monde du travail, Herstal, Musée communal, 1975
Serge ALEXANDRE, dans Musée en plein air du Sart Tilman, Art&Fact asbl, Parcours d’art public. Ville de Liège, Liège, échevinat de l’Environnement et Musée en plein air du Sart Tilman, 1996, p. 142
Serge ALEXANDRE, Joseph Rulot et Jules Brouns. Deux Sculpteurs à Herstal, dans Art & Fact. Revue des Historiens d'Art, des Archéologues, des Musicologues et des Orientalistes de l'Université de l'Etat à Liège, (1993), vol. 12, p. 124-148
La Vie wallonne, septembre 1926, LXXIII, p. 12-16
La Vie wallonne, novembre 1926, LXXV, p. 172-174 
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 157
Albert MAQUET, dans La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Lettres - arts - culture, t. II, p. 467 ; t. III, p. 239
Histoire de la Wallonie (L. GENICOT dir.), Toulouse, 1973, p. 403
Maurice PIRON, Anthologie de la littérature dialectale de Wallonie, poètes et prosateurs, Liège (Mardaga), 1979, p. 103
Musée des Beaux-Arts, Exposition Le romantisme au pays de Liège, Liège, 10 septembre-31 octobre 1955, Liège (G. Thone), s.d., p. 67-69
Antoine-Gabriel BECDELIÈVRE, Biographie liégeoise…, t. II, p. 808
Charles DEFRECHEUX, Joseph DEFRECHEUX, Charles GOTHIER, Anthologie des poètes wallons (…), Liège, Gothier, 1895, p. 17-19

 

Bas-relief Henri-Joseph Forir (Herstal)

Place Coronmeuse 12
4040 Herstal

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Paul Delforge

Paul Delforge

Monument Théophile GUIBAL

Monument « Devillez-Guibal », réalisé par (Louis-)Henri Devillez, 7 juillet 1902.

En 1836, à l’initiative documentée du gouverneur de la province de Hainaut, Jean-Baptiste Thorn, le Conseil provincial retient l’idée de créer une « École provinciale des Mines du Hainaut ». Dans un bâtiment acquis par la ville de Mons – un petit hôtel de maître de la rue des Ursulines –, l’établissement prend ses quartiers à partir de l’année scolaire 1837. Tant les autorités municipales que provinciales sont sensibles à l’enjeu d’un tel projet : former des ingénieurs capables de répondre aux besoins d’une industrie en plein essor, qu’il s’agisse des mines ou de la métallurgie. Dans un premier temps, seuls les « Montois » sont acceptés, dans la mesure où ils fournissent la preuve d’une connaissance des bases mathématiques nécessaires pour suivre la formation, et moyennant un minerval de 60 francs (l’équivalent de 40 journées de travail pour un ouvrier qualifié). La première année, 35 étudiants sont inscrits aux cours délivrés par cinq professeurs : Huet pour le dessin linéaire, Victor Vanden Broeck pour la chimie et la métallurgie, Germain Raingo pour la physique, la minéralogie et la géologie, Adolphe Devillez pour la mécanique, la mécanique appliquée et les constructions civiles, et Théophile Guibal pour la géométrie descriptive appliquée, l’exploitation des mines et la construction des machines. Pendant quarante ans, Guibal va contribuer au développement de l’École des Mines et lui donner ses lettres de noblesse, à l’instar de son homologue Devillez : de nature assez dissemblable, les deux hommes se complétèrent de façon heureuse pour le plus grand bien de leur École. Honoré par ses anciens étudiants de son vivant, Guibal est considéré, à l’égal d’Adolphe Devillez avec lequel il a fait ses études à Paris, comme le fondateur de la Faculté polytechnique de Mons.


Depuis juillet 1902, le monument installé dans la cour d’honneur des nouveaux locaux de la rue de Houdain en témoigne. Les deux hommes sont représentés côte à côte, identifiés par l’inscription suivante :


Adolphe-Barthelemy DEVILLEZ                                      Theophile GUIBAL
                1815 – 1891                                                            1814 – 1888
      Ingenieurs de l’Ecole Centrale des Arts et Manufactures de Paris
                                              FONDATEURS EN 1837
                                 de la Faculté Polytechnique de Mons


Originaire de Toulouse, Théophile Guibal (Toulouse 1814 – Mons 1888) a gagné Paris à la veille de ses 20 ans pour étudier à l’École centrale des Arts et des Manufactures. En 1836, au terme du cycle imposé de trois années, il défend un mémoire qui s’intéresse à l’extraction massive des houilles de puits très profonds et obtient le diplôme d’ingénieur-mécanicien. Engagé comme expert pour l’amélioration d’usines, il répond à l’appel à candidature lancé par la province de Hainaut et est immédiatement recruté. Adaptant les leçons suivies à Paris aux situations rencontrées dans le Hainaut, il visite nombre de sites industriels afin que son enseignement corresponde au mieux aux besoins des directeurs et patrons des exploitations du bassin montois. Parallèlement à ses activités d’enseignant, Guibal mènera aussi des expériences scientifiques afin de distiller les houilles fines d’une part, et de faciliter la ventilation des lieux où les travailleurs sont rassemblés d’autre part. Il dépose plusieurs brevets, dont celui du fameux « ventilateur Guibal ». Son Traité sur la ventilation des mines fera longtemps référence. Il préside aussi le Conseil d’administration de la Société de Baume et Marpent.


En 1877, lorsqu’il est admis à l’éméritat, Guibal quitte un établissement qui porte désormais le nom d’« École provinciale d’Industrie et des Mines du Hainaut établie à Mons ». En 1879, l’École déménage dans ses nouveaux locaux de la rue de Houdain. Elle occupe une place certaine dans la formation de ceux qui contribuent à la Révolution industrielle et au développement économique de la Wallonie. En 1880, l’Association des anciens (dont il est devenu le président) lui offre son buste. Alors que l’École venait de fêter ses 50 années d’existence (octobre 1887), Guibal décède, à Mons le 16 septembre 1888. Sous la conduite d’Auguste Macquet, l’École provinciale d’Industrie et des Mines du Hainaut étend encore ses activités au début du XXe siècle, en même temps que son statut évolue. En juillet 1905, dans le cadre du 75e anniversaire de l’Indépendance belge, l’École devient la Faculté polytechnique du Hainaut. Le 1er juillet 1906, les nouveaux locaux de l’École des mines du Hainaut sont définitivement inaugurés. Tant l’inauguration du monument Devillez-Guibal en 1902 que les anniversaires ou l’organisation, en septembre 1905, d’un Congrès sur l’expansion économique mondiale sont autant d’occasions d’affirmer le rôle et la place de la Faculté polytechnique au sein de la province wallonne, de saluer le rôle majeur joué par la province dans le développement de l’École (surtout son financement) et, pour les industriels (charbonniers et métallurgiques) d’insister sur son rôle bénéfique dans l’économie régionale.


Initiative de l’Association des anciens élèves de l’École des Mines de Mons, le monument Guibal-Devillez est inauguré le 7 juillet 1902 lors de la première visite officielle du prince Albert et de la princesse à Mons. Le dévoilement du monument n’est qu’une étape de la visite princière auprès des autorités hennuyères, mais elle est l’occasion de discours prononcés tant par le responsable de l’Association que par des industriels, présidents d’associations charbonnières. En novembre 1902, la province apportera son soutien (3.000 fr.) à une initiative qui a rassemblé plusieurs centaines de personnes venues assister au dévoilement de la statue en bronze réalisée par Louis(-Henri) Devillez (1855-1941), le fils d’Alphonse, et offerte par l’École et l’Association à la ville de Mons.


Sculpteur, dessinateur et créateur de médaille, le montois Louis-Henri Devillez (1855-1941) a bénéficié très tôt de l’aisance matérielle familiale pour se consacrer aux beaux-arts ; élève libre auprès des Danse, Brunin et Van Oemberg à l’Académie de Mons, il se perfectionne à l’École des Beaux-Arts de Paris, auprès de P-J. Cavelier, et se spécialise définitivement dans le portrait. Commissaire dans plusieurs charbonnages du Couchant, L-H. Devillez n’a guère de souci de fortune et il parcourt régulièrement l’Europe pour son plaisir ; les lettres qu’il adresse alors à sa mère sont truffées de descriptions instructives sur son époque. Régulièrement le crayon à la main, ce sont surtout ses amis, ses parents et ses rencontres qu’il représente. Ses sculptures comme ses médailles sont fort appréciées et reçoivent plusieurs prix ; il travaille aussi bien le marbre, que la terre, le plâtre ou le marbre ; cependant, l’artiste produit peu et a une propension à ne pas achever ses entreprises. Mons eut néanmoins la chance de disposer du monument Guibal-Devillez, des bas-reliefs aux élèves de l’École des Mines morts pendant la Grande Guerre, du monument Sainctelette, de diverses médailles, voire d’un Saint-Georges terrassant le dragon (œuvre en plâtre qui fut détruite pendant la Seconde Guerre mondiale). Disposant d’un atelier à Paris, où il séjourne annuellement plusieurs mois, Devillez se fait aussi mécène et collectionneur de tableaux. Encourageant les jeunes artistes, il possédait des dizaines de toiles, dont des Gauguin, Manet, Navez, Monet… ; à Mons, sa galerie d’art de la rue des Compagnons, construite selon ses instructions, était bien connue. Devillez possédait aussi de nombreuses œuvres du peintre Eugène Carrière, avec lequel il s’était lié d’amitié. Le sculpteur signa le buste du peintre français au Père Lachaise, tandis qu’un portrait de Devillez en pied, peint par Eugène Carrière en 1887, se trouve dans les collections du Louvre, à Paris.


 

Monument « Devillez-Guibal » (Mons)

 

Sources 


Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse
Indépendance belge, 8 juillet 1902
Willy STAQUET, Un fleuron intellectuel du Hainaut : la faculté polytechnique de Mons, Mons, 1990
Christiane PIÉRARD, dans Biographie nationale, t. 31, col. 252-259
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 463

Rue de Houdain 7
7000 Mons

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Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam

Stèle et médaillon Paul LEDUC

Stèle et médaillon à la mémoire de Paul Leduc, 25 septembre 1947.


Originaire de La Louvière, Paul Leduc est considéré comme un peintre davantage luministe qu’impressionniste, principalement inspiré par les paysages, même s’il réalisa aussi des portraits, des tableaux de genre et des natures mortes. 

S’initiant à l’art à Tervuren, il est formé à l’Académie de Mons d’abord (1891-1896), où il reçoit notamment les conseils d’Antoine Bourlard. Il se rend ensuite à l’Académie puis à l’Institut supérieur des Beaux-Arts d’Anvers (1896-1899), auprès d’Albert Baertsoen. 

Achevant ses études au tournant des XIXe et XXe siècles, le jeune peintre est résolument attiré par la lumière. Il la recherche dans les paysages proches, urbains et industriels, dans un premier temps (terrils, usines). Il va la capturer dans les régions du sud dans un second temps : attiré comme un aimant par la Méditerranée, il explore pendant deux ans la Provence depuis Martigues et Marseille, ainsi que la Vénétie. 

Après les paysages de Hainaut, de Brabant, de Flandre et de Hollande, où il cherche les jeux de la lumière le long des rivières et des canaux, dans les effets de la neige et des fumées, il fait de très fréquents séjours dans le Midi, en quête d’une vraie clarté. 

Loin du farniente, il s’avère un grand travailleur et développe une technique personnelle caractéristique qui le range d’abord parmi les impressionnistes de son temps, avant de devenir un représentant du « luminisme ». 

En 1936, dans une de ses chroniques au Soir, Richard Dupierreux n’avait pas manqué de relever chez lui une truculence, de souligner l’emploi d’une pâte abondante et grasse, et sa capacité à « recomposer sur la rétine tout le prisme de la lumière décomposée ». 

Saluée par la critique et recherchée par de nombreux collectionneurs, son œuvre est aussi entrée dans de plusieurs musées, quelques-uns à l’étranger, davantage en Belgique. Artiste à succès dans l’Entre-deux-Guerres, la notoriété de Leduc s’estompe suite à sa disparition durant la Seconde Guerre mondiale, dans sa maison de Schaerbeek où il avait établi son atelier.


Afin d’honorer l’artiste louviérois, les autorités de sa ville natale décident de lui consacrer une place particulière dans l’espace public. Une stèle est en effet élevée dans le parc communal Warocqué au lendemain de la Libération. Incrusté sur la partie supérieure de la pierre laissée brute, un médaillon le représente légèrement de profil. Au bord du médaillon, de part et d’autre à droite et à gauche apparaissent les indications traditionnelles « PAUL LEDUC » et « 1876 – 1943 » ; sur la partie inférieure, il est précisé qu’il s’agit d’un « PEINTRE LOUVIEROIS ». On cherche en vain une signature et une date rappelant l’inauguration du monument.

 

Sources

Marcel HUWÉ, Fidèle MENGAL, Fernand LIÉNAUX, Histoire et petite histoire de La Louvière, La Louvière, 1959, p. 472
Arthur DE RUDDER, Paul Leduc, Bruxelles, 1922, coll. Savoir et Beauté
Patrick et Viviane BERKO, Stéphane REY, Paul Leduc 1876-1943, Knokke, coll. Berko, 1990
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. II, p. 44
http://www.goens-pourbaix.be/multima-pourbaix/leduc/leduc.htm

Stèle et médaillon Paul Leduc (La Louvière)

Rue Warocqué

Parc communal 

7100 La Louvière

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Paul Delforge

 Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Buste MEYERBEER Giacomo

Célèbre compositeur d’opéras du XIXe siècle, le Prussien Giacomo Meyerbeer (1791-1864) avait l’habitude de séjourner à Spa, cité thermale dont la réputation avait depuis longtemps traversé les frontières. Auteur à succès, il avait pris ses habitudes à Spa ; il en appréciait particulièrement les eaux et les Spadois étaient particulièrement honorés de compter parmi leurs hôtes réguliers une personnalité aussi renommée que fortunée. 

Durant l’été 1860, les autorités locales décident de lui dédier une promenade dans les bois de Creppe : elle existe toujours entre Géronstère et Barisart ; d’autres traces témoignent de la présence de Meyerbeer à Spa : plaque sur la façade de l’hôtel du Mouton blanc, nom donné à des maisons – Le Prophète, L’Etoile du Nord – inspiré de ses opéras, mais aussi à une villa qui est un lieu de vacances ; enfin, dans le parc communal, un imposant monument a été érigé en 1912, avec le buste de Meyerbeer.

Né Jacob Liebmann Meyer Beer, ce Berlinois s’avère un pianiste talentueux, mais très vite il est attiré par la composition. Ayant opté pour le nom d’artiste Meyer-Beer en 1812, il ne parvient pas à percer dans l’ancien empire germanique désormais soumis à Napoléon ; après avoir découvert Paris et avoir parcouru l’Italie, il parvient à séduire le public italien par ses opéras de style « rossinien ».

Italianisant son prénom – Giacomo – en guise de remerciement, Meyerbeer est joué dans les principales capitales d’Europe dès le milieu des années 1820. C’est à Paris qu’il va triompher, grâce principalement à trois opéras : Robert le Diable (1831), Les Huguenots (1836) et Le Prophète (1849). Avec L’Africaine (œuvre posthume, 1865), il a défini le cadre du « Grand Opéra » par la synthèse qu’il réussit à réaliser entre la technique orchestrale germanique, le bel canto italien et la déclamation française. Offrant à son époque, une musique que chacun pouvait et voulait entendre, Meyerbeer s’impose comme le plus joué des compositeurs du XIXe siècle, avant que son œuvre ne soit rangée au purgatoire. 

Bénéficiant des mesures nouvelles du jeune roi Frédéric-Guillaume IV à l’égard des juifs, Meyerbeer était devenu le directeur général de la musique de l’Opéra royal de Prusse (1842-1846) et maître de la chapelle musicale du roi ; c’est là l’une des nombreuses reconnaissances attribuées à un Meyerbeer particulièrement attentif à la défense de son œuvre. 

Néanmoins, les critiques ne sont pas unanimes. Adoré de son vivant, Meyerbeer sera vilipendé après sa mort à Paris en 1864 ; et les attaques ne portent pas sur le seul plan de sa musique : certains aspects de sa personnalité, mais surtout ses origines juives alimentèrent des commentaires peu amènes. Ainsi, par exemple, comme le constatent certains de ses biographes, Meyerbeer est honoré d’une statue à Spa, alors que Berlin ne lui a réservé aucune attention particulière dans l’espace public. 

Le bourgmestre Joseph de Crawhez est à l’initiative de ce monument dont la réalisation a été confiée au sculpteur Charles Gir ; le baron de Crawhez l’a d’ailleurs offert à la ville de Spa et l’inauguration, en août 1912, est marquée par d’importantes manifestations placées sous le haut patronage de la reine Elisabeth : illuminations, retraite aux flambeaux, concerts et soirée musicale de gala, sous la direction de Sylvain Dupuis et en présence notamment de Jean Noté, sont interprétés des extraits de quatre opéras de Meyerbeer. À l’origine, le monument est placé dans les jardins du Casino ; il prendra ensuite place dans le parc des Sept Heures à quelques mètres du parcours du mini-golf. 

Très en vogue jusqu’au début des années 1930, le Français Charles-Félix Girard (Tours 1883-Bordeaux 1941), mieux connu sous le pseudonyme de Charles Gir, voir Ch. Gir, est à la fois dessinateur, affichiste, caricaturiste, peintre et sculpteur. Si sa signature apparaît régulièrement dans L’Assiette au beurre et d’autres titres de presse, il est aussi apprécié pour ses croquis et pastels de danseurs de l’Opéra de Paris, pour ses affiches destinées au théâtre, et pour ses illustrations d’ouvrages littéraires. Après avoir croqué de nombreuses scènes de la Grande Guerre et de ses poilus dont il était, il signera le portrait de plusieurs personnalités de l’Entre-deux-Guerres. Une ultime sculpture – un monumental Don Quichotte – évoque une facette moins connue de l’activité d’un artiste qui cultivait depuis son plus jeune âge un goût prononcé pour l’opéra. Sans doute est-ce là qu’il faut chercher le lien qui unit Gir, Meyerbeer et Spa. 

Buste Giacomo Meyerbeer (Spa – parc des Sept Heures)Le buste en bronze de Meyerbeer culmine au sommet d’un imposant socle de forme rectangulaire ; sur la face avant, sous l’inscription : MEYERBEER 
1791 - 1864; un bas-relief illustre une anecdote locale selon laquelle Meyerbeer avait l’habitude de se rendre dans les bois de Spa installé sur le dos d’un âne. À l’avant du monument, une jeune femme tend la tête vers le haut pour apercevoir le compositeur prussien, tout en lui tendant un présent. Sur le côté droit, un autre bas-relief illustre une scène de l’opéra Les Huguenots. En dessous, gravée dans la pierre, une mention rappelle que le monument a été : OFFERT A LA VILLE DE SPA PAR  SON BOURGMESTRE BARON JPH DE CRAWHEZ

Sources

- Malou HAINE, 400 lettres de musiciens : au Musée royal de Mariemont, Liège, Mardaga, 1995, coll. Musique, p. 512-535 
- https://fr.wikipedia.org/wiki/Giacomo_Meyerbeer 
- http://www.jesuismort.com/biographie_celebrite_chercher/biographie-giacomo_meyerbeer-18501.php  
- http://www.sparealites.be/les-noms-des-ponts-de-la-promenade-meyerbeer (s.v. juin 2015) 
- http://www.dailymotion.com/video/xj1ozz_exposition-consacree-a-charles-gir-grisy-les-platres_creation  

Parc des Sept Heures 
4900 Spa

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Paul Delforge

Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Monument Hubert PIERLOT

 

Monument Hubert Pierlot (Cugnon)

Issu d’une famille exploitant les ardoises dans le Luxembourg, Hubert Pierlot (Cugnon 1883 – Uccle 1963) étudie le droit à l’Université catholique de Louvain dont il sort docteur. Avocat, il est volontaire de guerre au 20e de ligne durant la Grande Guerre. Élu député catholique de l’arrondissement de Neufchâteau en 1925, sénateur provincial (1926-1946), Hubert Pierlot a joué un rôle important dans la vie politique belge, avant, pendant et juste après la Seconde Guerre mondiale. Homme rigoureux, intègre, appréciant l’ordre dans le respect des prescrits constitutionnels, il devient ministre de l’Intérieur (1934-1935) et, à ce titre, fait interdire les milices privées. Ministre de l’Agriculture (1935-1939), mais surtout président de l’Union catholique belge (1935-1936), il refoule la tentation rexiste. Défenseur de la politique dite de neutralité présentée en 1936 par Léopold III et P-H. Spaak, il hérite du poste de Premier Ministre en 1939 et devient ainsi l’un des rares Wallons qui accèdent à cette fonction au XXe siècle (quatre catholiques et un socialiste). Chef du gouvernement belge à Londres, en totale opposition avec Léopold III, il reste Premier Ministre jusqu’en janvier 1945. Nommé Ministre d’État en 1945, il réussit à rassembler tous les piliers catholiques autour d’un programme politique commun au nouveau PSC-CVP. Mais quand il veut se présenter au Sénat, début 1946, les pressions internes à sa famille politique sont telles qu’il préfère se retirer de la vie politique. La charge polémique de la Question royale contribuera à maintenir Hubert Pierlot dans l’ombre qu’il avait choisie, ne rompant le silence qu’une seule fois dans une série d’articles parus dans Le Soir en juillet 1947.

Aucune autorité publique ne prendra dès lors la responsabilité de commémorer son souvenir. En 1966, trois ans après son décès, une Fondation voit le jour, mais les premières biographies scientifiques sur Pierlot ne paraîtront qu’au XXIe siècle. Quant au monument élevé à Cugnon, le village natal d’Hubert Pierlot, il est dû à l’initiative de la Fondation qui porte son nom. Celle-ci a obtenu le patronage du gouverneur de la province de Luxembourg, Jacques Planchard, et du collège des bourgmestre et échevins de Bertrix, mais aucune personnalité ne représente officiellement les autorités belges, le 5 mai 1990 pour la cérémonie d’hommage et l’inauguration du monument à l’ancien Premier Ministre. Parmi l’assistance, on reconnaît notamment deux parlementaires de la province (Joseph Michel et Jacques Santkin), d’anciens militaires, des résistants, des représentants d’associations patriotiques, des amis de la famille et les membres de celle-ci. Après une cérémonie dans l’église de Cugnon, l’hommage se poursuit sur la place, juste à côté, en présence des Chasseurs ardennais, avec le dévoilement du monument commémoratif composé de deux plaques de schiste scellées dans un impressionnant mur de pierres du pays. Sobre voire austère, le monument ne donne à voir aucune représentation de Hubert Pierlot (ni buste, ni bas-relief, ni médaillon), se contentant de faire apparaître en lettres rouges sur la plaque principale, l’inscription suivante :


A  LA  MÉMOIRE
DE        HUBERT
MARIE-EUGÈNE
COMTE PIERLOT
ENFANT DU PAYS
PREMIER MINISTRE
DE   1939  À  1945


Quant à la seconde plaque, verticale, côté rue, elle reprend la devise de l’homme politique : Pro Patria Semper.
Les discours prononcés en mai 1990 témoignent que les controverses et les polémiques du passé ne sont pas effacées, en dépit des appels à la réconciliation. Si l’inauguration se déroule symboliquement en mai 1990, cinquante ans après le début de la Seconde Guerre mondiale, cela résulte davantage du hasard que de l’intention, selon les organisateurs qui n’évitent pas une autre coïncidence : l’inauguration du monument Pierlot se tient très peu de temps après la crise constitutionnelle déclenchée par le roi Baudouin, suite à son refus de contresigner la loi dépénalisant partiellement l’avortement. À cinquante ans de distance, se posait ainsi, nolens volens, la même question sur l’impossibilité de régner.

 


Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse
Pierre VAN DEN DUNGEN, Hubert Pierlot (1883-1963), La Loi, le Roi, la Liberté, Bruxelles, Le Cri, 2010 (Prix Stengers 2011)
Thierry GROSBOIS, Pierlot 1930-1950, Éditions Racine, Bruxelles, 2007
William UGEUX, dans Biographie nationale, t. 40, col. 704-715
Cérémonie d'hommage au comte Hubert Pierlot, Premier ministre de 1939 à 1945. Inauguration d'un monument commémoratif, le 5 mai 1990 à Cugnon, Bruxelles, Fondation Pierlot, 1991

Rue Jules Pierlot 1
6880 Cugnon (Bertrix)

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Paul Delforge

Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam

Plaque Simon SAUVEUR

Plaque commémorative Simon Sauveur, 8 juillet 1964 ( ?). 
Réalisé à l’initiative des autorités communales.

Dans la cité thermale de Chaudfontaine, un hommage particulier est rendu à Simon Sauveur dont le nom est associé à un parc public, à une avenue, à une « maison », tandis qu’une plaque commémorative, placée au pied de la maison en question, présente la dédicace suivante :

A
SIMON SAUVEUR
FONDATEUR DES BAINS
DE
CHAUDFONTAINE
1676

Située au fond du parc, la maison est accessible par la petite rue Au Gadot.

Pour retrouver la trace de Simon Sauveur, il convient de consulter une Histoire de Spa publiée en 1803 sous la plume de Hilarion Noël de Villenfagne d’Ingihoul. S’éloignant de la cité spadoise, cet auteur produit une note historique sur les bains de Chaud-Fontaine où il fait remonter la première trace écrite de l’existence d’eaux thermales à cet endroit au XIIIe siècle, mais en s’empressant d’ajouter que les qualités des eaux sont restées très longtemps négligées, voire inconnues. Il nomme explicitement Simon Sauveur comme le premier à avoir tiré parti du cadeau offert par la nature. En 1676, écrit toujours le mémorialiste, le « major de Chaud-Fontaine » autorise Sauveur, son beau-frère, à construire un bâtiment sur son terrain agricole et à y installer des bains. Ayant sollicité avec insistance le docteur W. Chrouet pour qu’il les analyse, Sauveur est arrivé à la conclusion que les eaux thermales de cet endroit ont « le pouvoir de prolonger la vie des hommes ». Elles sont bonnes pour s’y baigner, mais aussi à la consommation, estiment les deux hommes qui ne rencontrent cependant personne désireux d’expérimenter leur découverte. N’ayant plus aucun remède à proposer à une de ses malades, Chrouet l’a convainc d’avoir recours aux eaux de Chaudfontaine et, rapidement, la dame s’en porte nettement mieux. La valeur d’exemple s’étendit au voisinage immédiat, puis à des malades venant de plus en plus nombreux de la cité de Liège toute proche, avant que « de plus hautes personnalités » n’expérimentent à leur tour les vertus calidifontaines.

Cependant, l’investissement de Sauveur restait rudimentaire. Les sources chaudes sourdant d’une prairie étaient simplement dirigées vers un même endroit où deux ou trois bains mal propres étaient abrités sous une mauvaise hutte d’argile. Concédés dans des conditions imprécises à un moment où nul ne s’y intéresse, les bains attirent la convoitise à l’heure du succès. Malgré des tentatives pour se prémunir de toutes contestations, Sauveur voit s’abattre sur sa tête toutes les juridictions du pays de Liège sollicitées par les enfants de son beau-frère décédé. Finalement, en 1713, il est expulsé sous de mauvais prétextes et le lieu est rapidement aménagé avec des moyens modernes, rationnels et pour le plus grand profit de ses nouveaux propriétaires et de l’État principautaire. La visite d’un collège des Médecins de Liège (1717) finit d’attribuer aux sources thermales de Chaudfontaine une réputation sans faille. Né à Liège en 1631, Sauveur perd tout son patrimoine et disparaît sans que l’on sache même l’année de son décès. de Villenfagne qui écrit en 1808 n’y fait pas allusion, pas davantage que d’autres chroniqueurs ou médecins de son temps.

Le souvenir de Sauveur revient au XXe siècle et, en même temps, l’idée d’honorer le « fondateur des bains ». En 1964, le conseil communal de Chaudfontaine décide d’attribuer son nom à une « avenue » ; elle est située à 500 mètres de la maison dite Sauveur où se trouve la plaque commémorative. Les historiens s’accordent cependant à considérer que la dite maison, assez caractéristique par son architecture, a été surnommée « Maison Sauveur » sur base d’une croyance populaire, ne reposant sur aucune réalité. Rien ne conforte en effet cette tradition locale, le propriétaire initial de la maison n’étant pas Sauveur et aucun bain chaud n’y a jamais été donné.


Sources

Fernand MICHEL, Rues d’hier et d’aujourd’hui de la Commune de Chaudfontaine. Histoire et Toponymie, Chaudfontaine, syndicat d’initiative, 2005, p. 168
Hilarion Noël DE VILLENFAGNE D’INGIHOUL, Histoire de Spa, Liège, an XI (1803), vol. 2, p. 24-38
Jean François BRESMAL, Parallèle des eaux minérales actuellement chaudes et actuellement froides du diocèse et pays de Liège, divisé en deux parties, avec un avis au public pour le préserver de la peste…, Liège, 1721, vol. 1, p. 48-57
Jean Baptiste LECLERCQ, Abrégé de l’histoire de Spa, ou mémoire historique et critique sur les eaux minérales et thermales de la province de Liège, et spécialement sur celles de Tongres, Spa et Chaudfontaine…, Liège, 1818, p. 163-174

 

Plaque commémorative Simon Sauveur – © Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Parc Sauveur
Au bout de la rue Au Gadot
4050 Chaudfontaine

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Paul Delforge

Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam

Monument VAN DEN BERG

Monument van den Berg, auteur inconnu, 27 août 1960.

Le long de la route des Fawes, à Banneux, un mémorial Albert Van den Berg (1890-1945) a été aménagé dans la clôture d’enceinte de la Résidence Vierge des Pauvres, à quelques mètres à gauche du porche d’entrée, près du carrefour avec l’avenue Nusbaum. Rompant avec l’alignement des barrières en fer forgé blanches, un mur en moellons accueille un médaillon en bronze ainsi que deux plaques rendant hommage à cet avocat liégeois dont la vie fut enlevée, durant la Seconde Guerre mondiale, parce qu’il était juif.

Docteur en Droit de l’Université de Liège, invalide de la Grande Guerre et décoré de la Croix de feu, Albert van den Berg va se mobiliser pour sauver des vies, certes la sienne et celle de ses proches, mais surtout celle de nombreux enfants et adultes juifs persécutés par l’occupant. Avec l’aide de milieux catholiques (l’évêque de Liège, les sœurs franciscaines et celles de Saint-Vincent-de-Paul), il parvient à mettre en place un réseau qui procure de faux papiers d’identité et cache des enfants juifs dans deux homes de Banneux. Dénoncé en 1943, Albert van den Berg est envoyé en Allemagne dont il ne devait jamais revenir. En 1995, il a reçu le titre de Juste parmi les nations de l’Institut Yad Vashem.

C’est pour honorer sa mémoire, celle des millions de juifs victimes de la shoah et la bonne entente entre l’église catholique et la communauté israélite que l’initiative est prise à la fin des années 1950 d’ériger un mémorial à Banneux. Elle émane de la communauté juive de Belgique, à l’invitation de l’évêque de Liège Louis-Joseph Kerkhofs. Ce dernier avait contribué personnellement à la mise en place et à la réussite du réseau van den Berg de 1942 à 1944. L’inauguration s’est déroulée le 27 août 1960 en présence de représentants de toutes les autorités civiles et religieuses du pays de Liège.

Le médaillon en bronze présente van den Berg de face ; son nom est inscrit sur la partie supérieure, tandis que deux panneaux, l’un en hébreu, l’autre en français, précisent que le mémorial est destinée à celui :

« qui donna sa vie
pour les persécutés
du nazisme
juifs et chrétiens ».

Il s’agit du deuxième « mémorial juif » inauguré en extérieur en Wallonie, depuis la Seconde Guerre mondiale. Un premier l’avait été à Arlon en 1959.

Sources

Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse
Léon PAPELEUX, Un Liégeois qui sauva des centaines de juifs (1940-1944), dans La Vie Wallonne, 1980, t. LIV, p. 280-290 ; 1981, t. LV, p. 129-208
Une certaine idée de la Wallonie. 75 ans de Vie wallonne, Liège, 1995, numéro spécial de La Vie wallonne, t. LXIX, p. 252-253
Daniel Dratwa, Un aspect de la mémoire de la Seconde Guerre mondiale en Belgique : les monuments juifs, dans Rudi VAN DOORSLAER (dir.), Les Juifs de Belgique de l’immigration au génocide. 1925-1945, Bruxelles, CERHSGM, 1994, p. 209-222

Monument van den Berg

Rue des Fawes 58-62
4140 Banneux

carte

Paul Delforge