Photo

Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Statue Charles de MÉAN

Statue dédiée au jurisconsulte Charles de Méan, réalisée par Guillaume Geefs, 1853.


Dans l’expansion urbanistique exceptionnelle de la ville de Verviers au XIXe siècle, la construction du Palais de Justice constitue l’une des toutes premières étapes. Sur les plans de l’architecte Joseph Dumont, l’édifice voit le jour entre 1850 et 1853 ; il sera agrandi après 1896. Sur la façade, un hommage est rendu à quatre jurisconsultes « liégeois » de l’Ancien Régime : Toussaint Dandrimont, Olivier Leclercq, Mathias-Guillaume de Louvrex et Charles de Méan. 

Surnommé « le Papinien liégeois », de Méan (1604-1674) a également accédé à la fonction de bourgmestre de Liège, en 1641, en tant que représentant des Chiroux. Réélu en juillet 1646, il préfère démissionner lorsqu’éclatent de violents incidents entre Grignoux et Chiroux (26 juillet : la « Saint Grignou »). Il est remplacé par Renard Jaymaert du parti des Grignoux. Ce n’est pas cet événement qui motive le choix d’une représentation dans la pierre de Charles de Méan, sur la façade du Palais de Justice de Verviers. Ayant étudié en profondeur le droit romain comme le droit liégeois, Charles de Méan avait rédigé un code qui fera référence après sa mort. Pendant un siècle, chaque nouveau magistrat liégeois recevait en effet « le code de Méan » lorsqu’il entrait en charge.


C’est à ce titre que le jurisconsulte est statufié : de grande taille, sa statue en pierre de sable est logée dans une niche située au premier étage de la façade en calcaire du Palais de style néo-classique. Sans doute serait-elle tombée dans l’oubli, voire en poussière, si l’on avait procédé en 1978 à son enlèvement et à son remplacement. Comme celle de ses trois confrères, la statue de Ch. de Méan devait être mise au vert dans le parc de Séroule et laisser la place à des œuvres contemporaines, en aluminium, réalisées par l’artiste Serge Gangolf. Le tollé provoqué par les « nouveautés » engendra une « guerre des statues » qui divisa tout Verviers pendant des mois. Finalement, les « Gangolf » sont déplacées pour trouver place sur la nouvelle aile (plus moderne) du Palais de Justice (1994-1995), tandis que la vétusté des quatre statues originales des jurisconsultes empêche de les remettre en place : ce sont dès lors des copies à l'identique qui occupent les quatre niches. Réalisées dans un mélange de pierre et de résine par Jacqueline Hanauer et André Bernard, elles sont réapparues en 1986.


En juste au corps, se tenant debout et coiffé d’une perruque, de Méan a été immortalisé par le sculpteur anversois Guillaume Geefs (1805-1883) qui signe aussi le symbole de Thémis sur l’édifice verviétois. Formé à l’Académie d’Anvers, le jeune Geefs est très rapidement repéré par ses professeurs ; une bourse lui permet de parfaire sa formation à Paris et, à son retour, il est nommé professeur de sculpture de l’Académie d’Anvers (1833-1840). Présent dans différents salons, il s’impose avec le modèle de la statue du Général Belliard et le monument funéraire du comte Frédéric de Mérode. Le jeune royaume de Belgique venait de trouver l’un de ses sculpteurs capables de figer dans la pierre les personnes et les événements les plus illustres du pays. Statuaire du roi, Geefs s’installe à Bruxelles où son atelier répond aux multiples commandes destinées à orner les églises, les places, les édifices, les cimetières ou les salons de toute la Belgique. Ses statues de Léopold Ier se déclinent en diverses versions, dont l’une sur la colonne du Congrès, à Bruxelles. À Anvers, il livre une statue de Rubens (1840) ; à Liège, celle de Grétry (1842) ; à Huy, celle de Lebeau (1868). Membre de la classe des Lettres de l’Académie dès 1845, il la préside de 1858 à 1883. Il était membre de l’Institut de France.

 

Sources


Catherine BAUWENS, dans Freddy JORIS (dir.), Le XIXe siècle verviétois, Verviers, CTLM, 2002, p. 98
Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse
Paul BERTHOLET, Verviers et sa région en gravures, Verviers, éd. Desoer, 1981, p. 62-63
Sybille VALCKE, dans Jacques VAN LENNEP, La sculpture belge au 19e siècle, catalogue, t. 2, Artistes et Œuvres, Bruxelles, CGER, 1990, p. 415-417

Statue Charles de Méan

Façade du Palais de Justice

4800 Verviers

carte

Paul Delforge

Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée 

Médaillon Jean d'ARDENNE

Médaillon Jean d’Ardenne, réalisé par Marnix d’Haveloose (ou Max d’Havelouse), 9 septembre 1920.

C'est en 1758 que le Parc de Sept Heures est aménagé en promenade publique. Au cours du XXe siècle, il accueille de nombreux monuments dont celui dédié à Léon Dommartin (1839-1919). Il se présente sous la forme d’un portrait réalisé dans le bronze et incrusté dans une pierre du parc, le long de la promenade. Le bronze est signé Marnix d’Haveloose (1885-1973, ou 1882-1975). L’initiative du monument en revient au Comité de Spa-Attractions. En présence de membres de sa famille, d’amis et des autorités locales, l’inauguration s’est déroulée le 9 septembre 1920, soit l’année qui a suivi la disparition de Léon Dommartin, mieux connu sous son nom de plume « Jean d’Ardenne » (parfois écrit Dardenne). Il ne s’agissait pas là de la première démarche des « autorités » spadoises à l’égard de l’enfant du pays. En 1904, une promenade lui était dédiée (la Feuillée Jean d’Ardenne) et, le 24 septembre 1905, le Comité Spa Attractions avait organisé une journée de l’Arbre, en présence du Président de la Ligue des Amis des Arbres.

Durant ses études au Collège de Herve (1852-1858), Léon Dommartin développe déjà à la fois le goût de l’écriture et de la nature. Devenu libraire à Spa, sa ville natale, il s’oriente ensuite vers le journalisme. Il fonde un journal satirique, Le Bilboquet qui ne vit que quelques mois (1864-1865), et est marqué durablement par la nature qui l’entoure. Par la suite, il prend ses quartiers à Paris où il commence sa carrière dans un petit journal intitulé Gazette des étrangers. Avec le marquis Auguste de Villiers de l’Isle-Adam, il fonde en 1867 une publication hebdomadaire, La Reine des Lettres et des Arts à l’existence éphémère. En 1868, il entre au Gaulois. C’est pour ce journal qu’il suit avec attention la Guerre franco-prussienne de 1870. Il accompagne l’armée de Mac Mahon jusqu’à la débâcle de Sedan et ses reportages en font l’un des tout premiers correspondants de guerre de l’histoire. Critique littéraire de Paris-Journal entre 1871 et 1874, il prend ensuite la direction de Bruxelles, s’installe à Ixelles et entre à la rédaction de la Chronique : il y devient rédacteur en chef en 1896. C’est après sa période parisienne qu’il prend le nom de plume Jean d’Ardenne qui lui survivra. Il sera aussi nommé bibliothécaire à l’Académie des Beaux-Arts de Bruxelles.

Médaillon Jean d’Ardenne

Amateur de voyages, il parcourt la Flandre, le nord de la France et le nord-ouest de l’Afrique, mais c’est l’Ardenne qui le marque le plus. En 1881, il publie un guide touristique, L’Ardenne, qui fera date et connaîtra plusieurs éditions. Six ans plus tard, ses Notes d’un vagabond (1887) sont également fort appréciées. Le regard qu’il pose sur « son » Ardenne l’entraîne à prendre fait et cause pour sa préservation, plus particulièrement à s’investir dans la défense des arbres, des sites et des maisons présentant un intérêt patrimonial. Face au développement prodigieux de l’industrie en pays wallon au XIXe siècle, il est l’un des premiers à attirer l’attention sur la nécessité de préserver la qualité des paysages et peut être qualifié de pionnier de l’écologie. En décembre 1891, il fonde la Société nationale pour la Protection des Sites et des Monuments en Belgique. En 1895, Léon Dommartin est encore parmi les fondateurs du Touring Club de Belgique. 

Après sa mort survenue au lendemain de la Grande Guerre, Dommartin inspirera la création de nombreux cercles et associations de défense de la nature, comme l’Association pour la défense de l’Ourthe, Les Amis de l’Ardenne, le Comité de Défense de la Nature, etc. En 1905, il était lui-même membre de la Ligue des Amis des Arbres dont la présidence lui est confiée (juillet) et avait contribué à organiser la première « Fête des Arbres » en Wallonie, avec Léon Souguenet ; elle avait eu lieu à Esneux le 21 mai 1905.Encourageant les autorités publiques à installer des bancs rustiques le long des promenades comme dans les parcs publics des villes, il sera entendu dans l’Entre-deux-Guerres, certains bancs prenant une forme plus artistique en étant dédié à Dommartin lui-même.

C’est le jeune le sculpteur d’Haveloose qui réalise le médaillon. Gendre de l’aquarelliste anversois H. Cassiers, d’Haveloose a fait ses premiers pas à Bruges, dans l’atelier de D’Hondt, avant de parfaire sa formation à l’Académie de Bruxelles avant la Grande Guerre. Prix Goderlache de sculpture en 1910, se réfugie en Angleterre pendant la guerre, puis il s’établit à Bruxelles où il accomplit toute sa carrière. Professeur à l’Académie de Bruxelles (1935-1955), il en assure la direction entre 1951 et 1955. Ne se contentant pas de bustes et de nus (comme La Toilette au cœur des Jardins du parc de la Boverie à Liège), il s’est lancé dans la peinture dès les années 1930. C’est donc à un jeune artiste prometteur que Spa-Attractions a confié la tâche de réaliser l’hommage à Dommartin. On dispose d’une photo du médaillon datant de 1920 ; il présente des différences par rapport à celui que l’on connaît aujourd’hui.
L’original mentionne en grandes lettres



A JEAN D’ARDENNE AMI DES ARBRES

tandis que l’actuel mentionne en tout petit

« A JEAN D’ARDENNE
(LÉON DOMMARTIN)
HOMME DE LETTRES
NE A SPA
SPA-ATTRACTIONS » 

Source

Léon MARQUET, sur http://www.sparealites.be/jean-dardenne-1839-1919 (s.v. avril 2014)
La Vie wallonne, 15 octobre 1920, n°2, p. 86-88
La Vie wallonne, mars 1935, n°175, p. 179-185
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 486
Benjamin STASSEN, La Fête des Arbres - 100 ans de protection des arbres et des paysages à Esneux et en Wallonie (1905-2005), Liège, éd. Antoine Degive, 2005, p. 38

 

Parc des Sept Heures
4900 Spa

carte

Paul Delforge

Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam

Statue Gertrude de MOHA

Au milieu du XIXe siècle, afin de doter l’institution provinciale de Liège d’un bâtiment digne de ce niveau de pouvoir, d’importants travaux sont entrepris autour de l’ancien palais des princes-évêques. Propriétaire des lieux (1844), l’État belge retient le projet du jeune architecte Jean-Charles Delsaux (1850) et lui confie la mission de réaliser la toute nouvelle aile, en style néo-gothique, sur le côté occidental du Palais. Face à la place Notger, Delsaux (1821-1893) achève l’essentiel du chantier en 1853, mais des raisons financières l’empêchent de réaliser la décoration historiée qu’il a prévue pour la façade du nouveau palais provincial. Vingt-cinq ans plus tard, le gouverneur Jean-Charles de Luesemans prend l’avis d’une commission pour déterminer les sujets et les personnes les plus dignes d’illustrer le passé de « la Nation liégeoise ». Placés sous la responsabilité de l’architecte Lambert Noppius (1827-1889), une douzaine de sculpteurs vont travailler d’arrache-pied, de 1877 à 1884, pour réaliser 42 statues et 79 bas-reliefs. Dès la mi-octobre 1880, 27 des 42 statues sont achevées, validées par la Commission et mises à leur emplacement respectif. Celle de Gertrude de Moha est parmi celles-ci.

Membre de cette équipe, Jean-André Laumans (Heist-op-den-Berg 1823 – Laeken 1902) va réaliser deux des 42 statues et représenter une scène historique (L’érection du palais par Erard de la Marck). Retenu parmi les derniers candidats au Prix de Rome 1851, cet élève de Guillaume Geefs à l’Académie d’Anvers (1841) puis d’Eugène Simonis à l’Académie de Bruxelles (1842-1846) est régulièrement sollicité par des commandes officielles à Bruxelles, ainsi que pour la réalisation de décorations d’églises, essentiellement en pays flamand. Dans les années 1880, il réalise deux des 48 métiers sur la place du Petit Sablon (Les marchands de poissons et les Savetiers), deux œuvres certes intéressantes mais qui ne symbolisent guère son œuvre. Oscillant entre un style académique et ouverture à un nouveau style, il réalise des œuvres d’inspiration dont, parfois, seul le titre permet la compréhension. Professeur à l’Académie de Maastricht, Laumans a surtout marqué la décoration de l’hôtel de ville de Furnes, quand il est engagé sur le chantier du palais provincial de Liège. Alors que Léon Mignon réalise la statue de Berthe, la mère de Charlemagne, Laumans reçoit mission de réaliser la seconde statue féminine du chantier.

Sa statue de Gertrude de Moha est placée sur la partie supérieure, à l’extrême gauche du péristyle. Elle est la deuxième en commençant par la gauche, placée entre Pierre l’Ermite et Ambiorix. La chronologie n’est pas le critère de positionnement des statues, puisque l’héritière du comté de Moha a vécu au XIIIe siècle (c. 1204 – 1225), alors que Pierre l’Ermite est un prédicateur de la fin du XIe siècle et Ambiorix le contemporain de Jules César… Fille du comte de Looz, Gertrude avait été donnée en épouse à Albert, comte de Moha, l’objectif « politique » de cette union matrimoniale étant que leur descendance rassemble sous son nom les deux territoires. Les deux garçons sur lesquels reposaient les espoirs trouvèrent une fin tragique dans leur adolescence. L’espoir d’une naissance s’amenuisant avec le temps, les époux font don du comté de Moha à l’église de Liège, sous réserve d’une postérité toujours possible (1204). À peine l’allégeance est-elle signée qu’une fille vient au monde et prend le prénom de sa mère : Gertrude ; c’est elle que le sculpteur a représentée. Seule héritière à l’âge de 8 ans, Gertrude se voit confiée au duc de Lorraine, son tuteur, tandis que la succession de Moha vient s’ajouter aux différends qui opposent déjà Brabançons et Liégeois. Leur dispute dans la question de la succession impériale est attisée par le devenir du comté de Moha dont la situation géographique est de haute importance stratégique.

En mai 1212, la ville de Liège est-elle mise à sac par les Brabançons, tandis que Hugues de Pierrepont, contraint de trouver refuge à Huy, excommunie Henri Ier, duc de Brabant. Le château de Moha ne s’est pas rendu et le conflit se poursuit, meurtrier, jusqu’au succès des Liégeois, le 13 octobre 1213 (bataille de Steppes). Après avoir séjourné à Metz où elle a épousé son tuteur (Thibaut/Théobald), la duchesse Gertrude, devenue veuve, revient vivre dans son comté de Moha « pacifié ». Mariée en secondes noces au comte de Champagne, elle s’en délie et décède, à 21 ans, sans descendance. La barrière de sécurité de Moha face aux Brabançons reste dans l’orbite de la principauté de Liège. Dernière héritière du comté de Moha, Gertrude participe ainsi de l’histoire liégeoise, ce qui explique sa présence sur la façade historiée du Palais provincial.

 

Sources

Julie GODINAS, Le palais de Liège, Namur, Institut du Patrimoine wallon, 2008, p. 88
http://www.chokier.com/FILES/PALAIS/PalaisDeLiege-Masy.html
Jean-Pierre BOVY, Promenades historiques dans le pays de Liège, Liège, 1838, t. I, p. 198-242
Jacques VAN LENNEP (dir.), La sculpture belge au 19e siècle, Bruxelles, CGER, 1990, p. 93, 267, 269
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. II, p. 31
Musée en plein air du Sart Tilman, Art&Fact asbl, Parcours d’art public. Ville de Liège, Liège, échevinat de l’Environnement et Musée en plein air du Sart Tilman, 1996
La Meuse, 2 octobre 1880
 

Statue de Gertrude de Moha

Palais provincial (façade)
4000 Liège

carte

Paul Delforge

Paul Delforge

Plaque Milo HUEMPFNER

Plaque commémorative dédiée à Milo Huempfner, réalisée à l’initiative du CRIBA, 3 février 2002
 
Sur le mur extérieur du cimetière de Leignon, une plaque métallique rend hommage à Milo Huempfner (1901-1965), soldat américain du 551e Parachute Infantry Battalion lors de la Seconde Guerre mondiale, précisément les 22, 23 et 24 décembre 1944. Ses faits d’arme lui ont valu la Distinguished Service Cross des États-Unis. La plaque d’hommage à Huempfer a été inaugurée le 3 février 2002, à l’initiative du Centre de recherches et d’informations sur la Bataille des Ardennes, en collaboration avec les autorités communales de Ciney. La plaque relate les exploits du soldat américain.

Depuis le débarquement en Normandie, le soldat Milo Huempfner participe à des opérations en France destinée à repousser l’occupant allemand et à rétablir l’ordre (septembre-novembre 1944). Suite à l’offensive Von Rundstedt visant notamment les ponts de la Meuse et le port d’Anvers, le 551e BIP américain est appelé à faire mouvement vers la forêt ardennaise (16 décembre). Alors que l’hiver n’épargne pas les belligérants, le camion conduit par Milo Huempfner tombe en panne à proximité du passage à niveau de Leignon (22 décembre). Laissé seul par son bataillon qui poursuit sa route, il perd le contact radio et est hébergé chez des habitants en attendant la venue de la dépanneuse. Au lieu d’un secours, c’est l’ennemi qui se présente le 23 décembre. Face aux éléments de la 2e Panzer Division, le soldat américain incendie son véhicule et, le soir, parvient à mettre hors de combat deux véhicules blindés ennemis, à neutraliser un nid de mitrailleuses et à tuer trois soldats allemands ; il parvient aussi à alerter des convois alliés de la présence de troupes allemandes à Leignon ; son action de guérilla contribue à ralentir l’avancée allemande et permet d’éviter des pertes importantes dans les rangs alliés. À l’arrivée de ceux-ci, Huempfner faillit être pris pour un espion allemand, personne ne parvenant à croire qu’un homme seul était parvenu à contrer autant d’Allemands. Surnommé le « One Man Army » lorsque son exploit fut connu aux États-Unis, Milo Huempfner a reçu la Distinguished Service Cross le 9 juin 1945 et fait l’objet d’hommages appuyés lorsqu’il est retourné vivre dans le Wisconsin.

En plus de relater les actes de bravoure de Huempfner, la plaque commémorative de Leignon rappelle indirectement que c’est à cette occasion que fut arrêté le premier char allemand de l’offensive Von Rundstedt. Cette évocation fait l’objet d’une initiative plus ancienne du Touring Club de Belgique qui avait décidé l’installation de 26 bornes afin de marquer la ligne d’avance extrême de l’offensive Von Rundstedt menée durant l’hiver 1944-1945. À chaque halte, on peut lire :


« Ici fut arrêté l’envahisseur hiver 1944-45 ».

Mur extérieur du cimetière
5590 Leignon

carte

Paul Delforge

Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Buste de René Lyr

Buste à la mémoire de René Lyr, réalisé dans un premier temps par Auguste Puttemans ; dans un second temps, par Léandre Grandmoulin, 19 juin 1960 et 18 juin 1967.

C’est dans la botte de Chimay que se forge la personnalité du jeune René Vanderhaegen, à cheval sur les XIXe et XXe siècles. Attiré vers la littérature et la musique ainsi que par les idées socialistes, voire anarchistes, en dépit des espérances familiales, l’adolescent s’émancipe dès 1905, au moment où il s’établit à Bruxelles. Si les idéaux politiques s’effritent avec le temps, il se consacre résolument à l’écriture au détriment de ses études ; il préfère donner des cours de français aux étudiants étrangers qui fréquentent l’Université libre de Bruxelles et taquiner la muse. Au contact des écrivains de son temps, il s’adonne à la poésie, se passionne pour la musique et se forge un nom sous le pseudonyme de René Lyr. Intéressé par l’activité des artistes wallons, en particulier des musiciens, il se penche sur leur histoire et contribue à leur promotion, écrivant des articles et des livres, tout en étant notamment actif au sein de la Société des Amis de l’Art wallon, et à la Fédération des Artistes wallons. Enseignant avant-guerre et pendant celle-ci (il enseigne en Gironde de 1914 à 1918), il devient après l’Armistice à la fois musicologue, critique d’art, journaliste, puis directeur des services d'information et de propagande des Expositions universelles de Bruxelles (1935), Paris (1937), Liège (1939) et New York (1939, pavillon belge). Après la Libération, il est nommé conservateur du Musée instrumental de Bruxelles (1946-1957). 


Représentant de l’arrondissement de Bruxelles à l’Assemblée wallonne de 1919 à 1940, il contribue à l’organisation de secours durant la Grande Guerre et est résistant par la plume durant la Seconde. Secrétaire national du Front de l’Indépendance pendant quatre années, président de Wallonie indépendante en 1944, défenseur de la thèse fédéraliste au Congrès national wallon de Liège, en octobre 1945, membre du Comité permanent du Congrès national wallon (1947-1957), René Lyr était aussi parmi les fondateurs de L’Alliance française en Belgique, dont il est élu président fondateur en 1945 et un des membres du conseil général à Paris. À travers ses très nombreux écrits, il laisse régulièrement filtrer des informations sur sa propre existence, tout en consacrant de nombreuses biographies à ses amis artistes. Le Prix Verlaine de l’Académie lui fut décerné en 1957, quelque temps avant son dernier voyage.


Rapidement, après son décès, la décision est prise d’élever un monument dans sa ville natale. Pour le buste de René Lyr, l’œuvre d’Auguste Puttemans (1866-1922) s’impose d’elle-même. Une réelle amitié avait uni les deux hommes avant la Grande Guerre et le sculpteur bruxellois avait signé un buste en bronze qui fait l’unanimité. Placé au sommet d’un socle en moellons, il est inauguré le 19 juin 1960. Élève de Charles Van der Stappen à l’Académie de Bruxelles, condisciple de Victor Rousseau, Auguste Puttemans est surtout célèbre pour sa statue d’Isis, offerte après la Grande Guerre, par un comité belge, au président Herbert Hoover, ainsi que pour une statue à Francisco Ferrer. À Nismes-lez-Couvin, Puttemans est aussi l’auteur d’une victoire ailée.


Le bronze de Puttemans ne résiste cependant pas à la convoitise de vandales qui s’en emparent définitivement en 1964. Pour remplacer ce buste, les autorités locales se tournent vers une œuvre réalisée en son temps par Léandre Grandmoulin (1873-1957), autre ami de René Lyr qui, comme lui, résidait à Uccle. Comme Puttemans, Léandre Grandmoulin avait été formé à l’Académie de Bruxelles, avait été l’élève de Van der Stappen et connaissait Victor Rousseau : Grandmoulin exécute en effet plusieurs préparations pour ce dernier, comme d’ailleurs pour Meunier et Rombaux. Deuxième du Prix de Rome 1900, ce portraitiste réaliste avait enseigné à l’Académie Saint-Gilles de 1922 à 1933. Ce « nouveau » monument est inauguré le 18 juin 1967.
 

Buste René Lyr (Couvin)

Sources


Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse
Paul DELFORGE, Encyclopédie du Mouvement wallon, Charleroi, Institut Destrée, 2001, t. II, p. 1051-1052
André LÉPINE, 80 monuments insolites d'Entre-Sambre-et-Meuse, Cerfontaine, 1989, p. 77
Paul DELFORGE, Essai d’inventaire des lieux de mémoire liés au Mouvement wallon (1940-1997), dans Entre toponymie et utopie. Les lieux de la mémoire wallonne, (actes du colloque), sous la direction de Luc COURTOIS et Jean PIROTTE, Louvain-la-Neuve, Fondation Humblet, 1999, p. 285-300
Robert FRICKS et Raymond TROUSSON, Lettres françaises de Belgique. Dictionnaire des œuvres, 2, La Poésie, Gembloux, 1988, p. 71-72, 111, 143, 484-485 
Robert O.J. VAN NUFFEL, dans Nouvelle Biographie nationale, t. IV, p. 263-267
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 655 et t. II, p. 324

Les Allées
5660 Couvin

carte

Paul Delforge

Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Monument Édouard ORBAN de XIVRY

Dans l’histoire politique de la Wallonie, les mandataires assassinés dans leurs fonctions ne sont – fort heureusement – pas très nombreux. La toute première victime du XXe siècle a été le gouverneur de la province de Luxembourg, assassiné dans son bureau, le 26 janvier 1901, juste avant que son meurtrier ne retourne l’arme contre lui. Le responsable de cet acte, qui suscita l’émoi dans tout le pays, était un fonctionnaire provincial, Jean Schneider, qui souhaitait remettre sa lettre démission ; son geste a toujours été expliqué comme celui d’un désespéré. 

Frappé en pleine poitrine par une balle tirée à bout portant, le gouverneur Édouard Orban de Xivry n’avait aucune chance de survivre. Dès le jour de ses funérailles, le projet de lui élever un monument fut lancé. Rapidement organisée, une souscription publique rassembla, en peu de jours, des moyens importants. En juin 1902, il y avait accord sur le projet. L’architecte Louis Van de Wyngaert en dressa le plan, tandis que le sculpteur Franz Vermeylen était sollicité pour la réalisation des bronzes. Le choix se porta sur la ville d'Arlon, privilégiée à La Roche, lieu de naissance d’Édouard Orban et de ses ancêtres.

Le monument

La structure du monument est à ce point complexe que la description précise qu’en fait Tandel, en 1903, paraît bien convaincante : « Au centre d’un hémicycle de neuf mètres d’intérieur, dont le sol haussé est recouvert d’une belle mosaïque, se dresse un piédestal surmonté d’une stèle-pyramide, genre obélisque (dont le sommet est à huit mètres de la rue) sur le haut de laquelle se détache, de forme ovale et en marbre blanc, un médaillon représentant le profil du gouverneur.
Au-devant de la stèle – celle-ci en retrait du piédestal – surgit un rocher d’allure pittoresque, servant de base au groupe principal : une femme du peuple amenant son fils devant le médaillon qu’elle lui montre de la main droite tandis qu’elle lui rappelle les nombreux bienfaits dont le gouverneur marqua son passage ; l’enfant témoigne sa naïve reconnaissance par l’offrande de quelques fleurs de bruyère, la fleur des Ardennes, qu’il élève vers l’image du bienfaiteur.
Un peu plus bas, sur la gauche, couché sur le rocher dans une attitude de tristesse, le lion luxembourgeois garde l’écusson de la province adossé à la stèle.
Une palme de bronze jetée sur la pierre, par sa teinte verdâtre, sert de transition du gris-bleu du rocher au jaune-rouge de la pyramide. Une inscription, en caractères dorés creusés dans la stèle, relate en peu de mots le triste événement qu’on commémore et porte :


AU BARON ORBAN DE XIVRY,
GOUVERNEUR DU LUXEMBOURG
NÉ À LAROCHE, LE 28 SEPTEMBRE 1858
MORTELLEMENT FRAPPE DANS L’ACCOMPLISSEMENT DE SON DEVOIR
EN L’HÔTEL PROVINCIAL D’ARLON
LE 26 JANVIER 1901
Le piédestal et le rocher sont en petit granit ; la stèle-pyramide en granit de l’ouest (Bretagne) ; le groupe, le lion, les palmes et l’écusson, en bronze ; le médaillon en marbre blanc. Les mots : Elevé par souscription publique, ornent la face antérieure du piédestal.
L’hémicycle servant de cadre au motif central est de forme elliptique et constitue un ensemble architectural. Il se compose d’une base et d’un entablement en petit granit entre lesquels se découpe une rangée de petits pilastres en pierre jaune. L’ensemble forme une emprise sur le jardin de l’hôtel provincial et se détache admirablement sur un magnifique fond de verdure. L’hémicycle se termine par deux pylônes de petit granit surmontés chacun d’un motif ornemental en pierre de Jaumont sur lesquels sont sculptés les écussons de La Roche et d’Arlon, lieux de naissance et de décès du gouverneur. Des palmes en bronze décorent la face antérieure des pylônes et un grillage en fer forgé clôture l’hémicycle ».
Et Tandel de préciser encore que les noms de l’architecte et du sculpteur ont été inscrits sur la plinthe du socle, de même que, du côté gauche de l’hémicycle, apparaissent les remerciements aux souscripteurs ainsi que la date de l’inauguration ; et du côté droit, une vingtaine de noms des membres du Comité exécutif et du Comité d’honneur du monument, avec leur statut et qualité ! 
 

Monument Gouverneur Baron Édouard Orban de Xivry

Le jour de l’inauguration, toutes les forces vives du Luxembourg sont présentes, ainsi que des représentants du sommet de l’État belge et luxembourgeois. À travers le gouverneur décédé, c’est toute une province qui se retrouve autour d’un représentant martyr d’une famille implantée depuis plusieurs générations en Ardenne. 

Conseiller communal du Luxembourg, élu par le canton de La Roche en 1886, Édouard Orban (La Roche 1858 – Arlon 1901) a rapidement fait partie du bureau du Conseil provincial, puis il a été choisi comme député permanent. Catholique affirmé, il n’exerçait que depuis peu de temps ses fonctions à l’exécutif provincial quand le décès de Paul de Gerlache laisse vacant le poste de gouverneur. À 32 ans, Édouard Orban de Xivry accède à cette fonction qu’il va exercer dix ans, se préoccupant notamment du développement de l’agriculture, des facilités de transport et de la question sociale.

Son monument est aussi l’un des tout premiers élevés à une personnalité catholique dans l’espace public de Wallonie. Alors qu’une dizaine de libéraux ont déjà été statufiés, seul Dumortier a eu cet honneur, dans la famille catholique (Tournai 1883). L’ampleur du monument répare tous « les retards ». L’architecte arlonais n’a pas lésiné avec les effets architecturaux, et le brabançon Frantz Vermeylen l’a accompagné. 

Les artistes

Natif de Louvain, où son père (Jan Frans) exerçait déjà le métier, Frantz Vermeylen (1857-1922) a appris la sculpture dans l’atelier familial, avant de suivre les cours de l’Académie des Beaux-Arts de Louvain (1869-1878) où son père enseigne, et de se perfectionner à Paris (chez A.-A. Dumont). Ayant certainement travaillé sur les chantiers de décoration de l’hôtel de ville de Louvain, de la gare d’Amsterdam et au Rijksmuseum dans les années 1880, il devient l’expert attitré des autorités louvanistes, avant de répondre aussi à des commandes de décoration pour la ville d’Audenarde, l’abbaye Saint-Gertrude, la Volksbank, etc. 

Spécialisé dans les intérieurs d’église (par exemple, Saint-Martin à Sambreville), il reste un artiste demandé tant pour ses médailles que pour ses bustes et ses statues, comme celle du gouverneur Orban de Givry à Arlon (1903). C’est aussi lui qui signe quatre des huit statues du square Derbaix, à Binche.

Quant à l’architecte du monument Orban de Xivry, les sources citent généralement Louis Van de Wyngaert, fils de Jean-Louis. Les deux étaient architectes ; il est probable qu’ensemble ils aient travaillé sur le projet. Le père était originaire de la province d’Anvers (Lierre 1828 – Arlon avril 1907) et a fait sa carrière dans la province luxembourgeoise ; il est devenu l’architecte attitré de la province et a dirigé l’Académie des Beaux-Arts, ainsi que l’École industrielle d’Arlon. Son fils, Louis (Arlon 1852 – Arlon juillet 1907), est aussi devenu architecte provincial, tout en étant l’architecte de la ville d’Arlon. Membre correspondant de la Commission des Monuments (comme son père), il est principalement l’auteur des plans de la gare d’Arlon.



Ludo BETTENS, dans Jacques VAN LENNEP (dir.), La sculpture belge au 19e siècle, catalogue, t. 2, Artistes et Œuvres, Bruxelles, CGER, 1990, p. 602-604.
Émile TANDEL, Le monument élevé à la mémoire du baron Édouard Orban de Xivry, dans Annales de l'Institut archéologique du Luxembourg, Arlon, 1903, t. 38, p. 199-220.
Nécrologe, dans Annales de l'Institut archéologique du Luxembourg, Arlon, 1907, t. 42, p. VII.
Oscar LAMBOT, In memoriam, ibidem, p. 220-221.
Nicolas SCHWARTZ, 19 juillet 1903, ibidem, p. 220-221.
Bulletin des commissions royales d'art et d'archéologie, Bruxelles, 1903, t. 42, p. 20 et 332.
J-P. CHAMPAGNE, À travers Arlon, 1980, p. 7.
Victor DE MUNTER, Frantz Vermeylen et son œuvre, dans Revue belge de numismatique et de sigillographie, Bruxelles, Société royale de Numismatique, 1925, n°1, p. 61.
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. II, p. 739.

place Orban, au carrefour de l’avenue Nothomb et des rues Joseph Netzer et Général Molitor
6700 Arlon

carte

Paul Delforge

Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam

Buste Louis Rademecker

Buste à la mémoire du commissaire et résistant Louis Rademecker, réalisé par Marceau Gillard, 26 janvier 1974. 

Sur la façade du commissariat de police situé rue Hullos, à Liège, émerge un monument dédié à Louis Rademecker. Il s’agit d’un buste sculpté par Marceau Gillard, posé sur une longue pierre bleue rectangulaire et placé dans un aménagement spécifique de la façade ; sur le socle, une petite plaque en bronze indique :

LOUIS RADEMECKER
COMMISSAIRE DE POLICE
MORT EN HÉROS À LA CITADELLE DE LIÈGE
LE 14 MARS 1943

En dessous, sur le socle, les mots suivants sont gravés en relief dans le marbre noir :

MIEUX VAUT MOURIR
DEBOUT
QUE VIVRE A
GENOUX


Cette inscription a été gravée par le maître marbrier Delferrière.

Au sortir de la Grande Guerre, Louis Rademecker (Liège 1895–1943) était entré au service de la Sûreté de l’État ; envoyé en Allemagne, il a fait partie de l’armée belge d’occupation en tant qu’officier de la police judiciaire (1919-1925). Agent de liaison entre services secrets belge et français à Düsseldorf, il perd son emploi lorsque la Sûreté réduit ses cadres. Entré à la police de Liège en juillet 1926, l’agent de 3e classe est promu commissaire-adjoint de 2e classe (1927) et de 1ère classe en 1933. Secrétaire du Commissaire en chef (1931), il est une personnalité respectée sur la place de Liège, comme en témoigne sa désignation en tant que Directeur de l’École de police (1937). Renouant avec ses activités de renseignements lorsque la menace de guerre se précise, Rademecker crée l’Épingle noire, au service de la France. Tentant de contribuer à l’effort de résistance à l’invasion allemande (mai-juin 1940), il revient à Liège durant l’été et est attaché au Parquet de police, tout en étant le chef du secteur Liège-Limbourg du réseau Francis-Daniels. Sa désignation comme Commissaire de police de la 4e division par Joseph Bologne (1941) est rejetée par les autorités d’occupation : la police allemande a d’ailleurs déjà arrêté le policier liégeois pendant quelques jours en octobre 1940. Néanmoins, faisant fonction de commissaire, il dirige le bureau de la rue Hullos quand la Geheime Feldpolizei procède à nouveau à son arrestation. Cette fois, cependant, il est enfermé au secret, dans une cellule de la Citadelle. Il y est torturé et c’est plus que vraisemblablement des suites des sévices endurés qu’il décède le 14 mars 1943. Les Allemands affirmeront qu’il s’est pendu… Des photos souvenirs imprimées à l’époque indiquent qu’il fut abattu par la Gestapo. Les soupçons allemands portent sur les activités clandestines de Louis Rademecker, accusé d’espionnage. Ancien agent du Cinquième bureau français, il était resté en contact avec des officiers français au début de la Seconde Guerre mondiale et le réseau d’évasion qu’il a mis en place vers la France a permis le rapatriement de plusieurs dizaines de prisonniers de guerre français évadés, ainsi que des aviateurs anglais ; il travaillait aussi pour Luc-Marc. Par ailleurs, dès 1941, il avait contribué à la création d’une association d’aide et de solidarité à l’égard des familles des policiers ; à l’origine, il s’agissait d’aider les proches des policiers prisonniers, en fuite ou déportés ; elle étendra ses activités à d’autres catégories de patriotes résistants et les maintiendra en les diversifiant après la Libération.

En 1991, « L’œuvre Louis Rademecker » fêtait ses 50 années d’existence avec faste et elle reste active à l’approche de ses 75 ans. Chaque année, le monument Rademecker est fleuri à l’occasion de la journée commémorative organisée par les associations patriotiques et par le Comité des Fastes de la Police liégeoise.

Après la Libération, Louis Rademecker a droit à des funérailles officielles grandioses (19 juillet 1945). L’œuvre qui porte son nom inaugure un monument en 1946 en l’honneur des policiers liégeois décédés, mais il faut attendre janvier 1974 pour qu’un monument soit exclusivement consacré à Louis Rademecker ; il est l’œuvre de Marceau Gillard.

Né en France de parents wallons (Louvroil 1904 – Liège 1987), Marceau Gillard arrive à Liège avec sa famille en 1914. Au sortir de la Grande Guerre, il suit les cours de dessin à l’Académie de Liège avant d’opter aussi pour la sculpture, où il devient l’élève d’Oscar Berchmans. Il se distingue par plusieurs prix durant sa formation (1918-1928). Restaurateur de tableaux (dans les années 20), décorateur de théâtre, il devient professeur dans le réseau provincial liégeois (1931-1949) à Seraing, puis à Huy ; après la Seconde Guerre mondiale, il succède à Oscar Berchmans quand il devient professeur de sculpture à l’Académie de Liège (1949-1970). Membre de l’Association pour le Progrès intellectuel et artistique de la Wallonie, Gillard fait partie du groupe « Pointes et Bosses », sous-section figurative de l’association présidée par Marcel Florkin. Aspirant à la réalisation de grands formats, il répond à des commandes officielles et privées, émanant principalement de la région liégeoise. Associé notamment à la décoration du Pont des Arches (« Naissance de Liège » – 6 mètres) et du Pont Albert Ier, il signe l’imposant monument d’hommage aux victimes de Grâce-Berleur, tuées lors des événements de la Question Royale. À Huy, il signe le monument aux prisonniers politiques de la Seconde Guerre mondiale.

Sources

Emmanuel DEBRUYNE, La guerre secrète des espions belges 1940-1944, Bruxelles, Racine, 2008, p. 24
Coeurs belges, avril 1951, n°4, p. 3-4 (reproduisant un article du 3 mai 1944)
http://www.bel-memorial.org/cities/liege/liege/liege_stele_rademecker.htm 
Cédric VRANKEN, La police communale de Liège pendant la Seconde Guerre mondiale, Université de Liège, département des sciences historiques, année académique 2013-2014, inédit, p. 179-193, 332-333
Jean-Patrick DUCHESNE, Musée en plein air du Sart Tilman, Art&Fact asbl, Parcours d’art public. Ville de Liège, Liège, échevinat de l’Environnement et Musée en plein air du Sart Tilman, 1996
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 626-627
Joseph PHILIPPE, Marceau Gillard dans l’École liégeoise de sculpture, Liège, 1991
Jean BROSE, Dictionnaire des rues de Liège, Liège, Vaillant-Carmanne, 1977, p. 94-95

 

Buste Louis Rademecker (Liège)


 

 

Rue Saint-Laurent 79
4000 Liège

carte

Paul Delforge

Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam

Monument Henri SIMON

Monument Henri Simon, réalisé par Maurice Bar, 30 juillet 1939.


La disparition, à Liège, le 11 mars 1939, de Henri Simon, à l’âge de 83 ans a laissé orphelin les amoureux de la langue wallonne. Poète, écrivain, auteur dramatique, auteur de comédies, il avait contribué à la renaissance des lettres wallonnes au tournant des XIXe et XXe siècles et, avec lui, disparaissait le Mistral du pays de la Meuse. Avec Li Mwért di l’abe (La mort de l’arbre) (1909) et Li pan dè bon Dieu (Le pain du bon Dieu) (1914), œuvres majeures ressortant d’une rare production, il avait signé des pièces de théâtre et des poèmes qui le plaçaient au premier rang des écrivains dialectaux. 

Après avoir cherché sa voie du côté de la musique, voire de la peinture, celui qui avait été boursier de la Fondation Darchis (1883) et avait bénéficié des conseils d’Adrien de Witte à Rome, s’installe loin de la ville, quand il revient à Liège. Il trouve le calme dans une maison de Sprimont-Lincé, où il va se consacrer entièrement aux lettres wallonnes. Adversaire des « Romantiques », hostile à La Wallonie d’Albert Mockel parce que le symbolisme lui paraît une esthétique ‘étrangère’, il apporte aux lettres wallonnes les qualités qui lui manquaient. Évoquant « le plus grand de tous », Albert Maquet parle d’une production rare, d’une rare tenue. Ses écrits « font de lui le maître incontesté du classicisme et, nouveau mistral, le sourcier des trésors de la langue ». Co-fondateur du Musée de la Vie wallonne (1913), Henri Simon en est le conservateur pendant ses premières années (1915-1922). Membre de la Société de Littérature wallonne et de l’Académie de Langue et de Littérature françaises, dite Académie Destrée dès sa création (1921), il ne prendra jamais place dans le fauteuil qui lui était réservé. La quiétude de sa maison de Sprimont-Lincé lui suffisait ; ses amis lui rendaient régulièrement visite. Fêté de son vivant (1934), Henri Simon ne pouvait être oublié, même si ses obsèques furent à l’image du personnage, à savoir discrètes et intimes. Discrétion ne rimant pas avec oubli, l’auteur du pan dè bon Dieu – ce monument de la littérature wallonne – se devait d’être honoré d’un lieu de mémoire à son mesure. Et ses amis ne tardèrent pas, puisque l’inauguration eut lieu le 30 juillet 1939.
Dans la rue Henri Simon, dans le grand virage, à droite en montant, juste après le n°13, un monument imposant épouse l’angle du tournant : un long mur de pierres définit un espace où des abreuvoirs sont régulièrement fleuris. Une colonne rectangulaire émerge, surmontée d’un épi de faîtage de forme ovale. Sur la face avant, ont été gravés dans la pierre les mots suivants :


A NOSS’ GRAND
SCRIYEU WALLON
HENRI SIMON
1856 – 1939


Quelques centimètres plus haut, apparaît un bas-relief représentant le visage de Henri Simon dans un léger profil, avec la barbe, la moustache et le chapeau caractéristiques du personnage. Il est signé par le sculpteur sprimontois Maurice Bar. Bien connu dans le pays de la pierre, sculpteur et entrepreneur, Maurice Bar avait suivi des cours à l’Académie de Liège et était régulièrement sollicité par les autorités communales pour réaliser des monuments aux victimes deux guerres (comme à Xhendremael), ou bien pour réaliser des bustes (comme celui en pierre du roi Albert, à Esneux), voire le monument O’Kelly, à Jemeppe-sur-Meuse.
 

Informations obtenues grâce à l’amabilité de Mme Ahn et de M. Pierre Toussaint
Maurice PIRON, Anthologie de la littérature wallonne, Liège, Mardaga, 1979, p. 259
La Wallonie. Le Pays et les hommes (Arts, Lettres, Cultures), Bruxelles, t. II, p. 473-479 ; t. IV, p. 383-385
Les Lettres wallonnes contemporaines, 2e éd., Tournai-Paris, Casterman, 1944
Albert MAQUET, Création, à Liège, du ‘Djan ‘nèsse’ de Henri Simon, dans La Vie wallonne, XLVIII, n° 348, 4e trimestre 1974
Paul DELFORGE, Encyclopédie du Mouvement wallon, Charleroi, Institut Destrée, 2001, t. III, p. 1480
Rita LEJEUNE, Histoire sommaire de la littérature wallonne, Bruxelles. Office de Publicité, 1942
Préface de Jean Haust à la 2e édition du Pan de bon Diu, Liège, Vaillant-Carmanne, 1935, collection ‘Nos Dialectes’
Wallonia, 1893, p. 174
Louis REMACLE, Henri Simon, dans La Défense wallonne, 11 mai 1935
La Vie wallonne, octobre 1934, CLXX, p. 65-66 ; novembre 1934, CLXXI, p. 69-72
Maurice PIRON, Le souvenir de Henri Simon, dans La Vie Wallonne, CCXXIV, n° 8, 15 avril 1939
In memoriam. Textes inédits de Henri Simon dans La Vie Wallonne, CCXXXI, n° 3, 15 novembre 1939
Yves DUBOIS, Les monuments commémoratifs de la Grande Guerre en province de Liège, Université de Liège, mémoire 2010-2011, p. 103

Rue Henri Simon 13 
4140 Sprimont

carte

Paul Delforge

Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée - Sofam

Monument Henri VIEUXTEMPS

Statue Henri Vieuxtemps, réalisée par Égide Rombaux, 1898.

À l’heure de la prospérité de la ville et de la construction de nouveaux quartiers sur les hauteurs, au-delà du chemin de fer, les autorités verviétoises ne lésinent pas sur l’architecture des bâtiments publics et l’aménagement urbain. Les nouvelles avenues sont larges et agrémentées de plusieurs places. C’est sur la place du Congrès qu’en 1898 est inauguré un imposant monument dédié au musicien Henri Vieuxtemps. Les proportions de l’œuvre d’Égide Rombaux sont à la mesure du talent de l’artiste et des espoirs de développements futurs de l’économie locale.

Natif de Verviers (1820), Henri Vieuxtemps s’était révélé un jeune prodige qui maniait le violon à la perfection alors qu’il n’avait pas atteint ses quatorze ans. « L'archet faisait le tour du corps, ça n'en finissait plus ! » dira plus tard de Vieuxtemps Nicolas Ysaye, le père d'Eugène. Une carrière internationale était promise au jeune virtuose, invité vedette des grandes cours d’Europe et des grandes salles américaines. Il « chantait du violon » affirmera Eugène Ysaÿe qui sera son élève. Musicien et aussi  compositeur, « écrivant non pour mais par le violon », Vieuxtemps a exercé son talent jusqu’au début des années 1870, moment un problème de santé l’empêche définitivement de pratiquer son instrument. Même s’il prend sa retraite en Algérie où il décède en 1881, il est resté attaché à sa ville natale, dont les habitants étaient reconnus pour leur grande connaissance et leur esprit critique aiguisé en matière de spectacles culturels (musique, opéra, théâtre, etc.).

Après l’escalier de la Paix, la statue Chapuis et les fontaines David et Ortmans-Hauzeur, la statue Vieuxtemps est le dernier grand monument érigé au XIXe siècle, voire avant la Grande Guerre. Après celle-ci, la rue Vieuxtemps (près de la Tourelle) sera d’ailleurs rebaptisée rue de Louvain, si bien que Vieuxtemps donnera son nom à la place verdoyante qui accueille son monument. Le musicien est présenté debout, la jambe droite légèrement en avant ; son coude droit est posé sur un pupitre, laissant choir la main tenant l’archet orienté vers le bas ; il tient son violon sous son avant-bras droit. Le socle en pierre est aussi haut que la statue en bronze. Sur la face avant, décorée avec délicatesse, ont été gravées une palme (à droite) et la mention légèrement décentrée :
 

Monument Henri Vieuxtemps


« A
Vieuxtemps
1820-1881 ».

Quant au socle de la statue en bronze, il laisse apparaître, à gauche, dans son épaisseur, le nom gravé du sculpteur Egide Rombaux (1865-1942).

Fils du sculpteur Félix Rombaux, formé à l’Académie des Beaux-Arts de Bruxelles, sa ville natale, Rombaux fréquente Charles Van der Stappen en cours du soir, avant de participer à plusieurs chantiers de décoration de monuments civils en Europe. Praticien dans l’atelier de Jef Lambeaux à la fin des années 1880, Prix Godecharle 1887, il séjourne à Florence où se déploie sa créativité. Prix de Rome 1891, il prolonge son imprégnation dans la culture romaine jusqu’en 1894. Créant des œuvres originales fort appréciées, il concourt aussi pour obtenir des commandes publiques : face à une forte concurrence, il décroche le monument Vieuxtemps à Verviers. Chef d’atelier chez Devreese, il reste influencé par Jef Lambeaux tant dans ses portraits, que dans les divers sujets traités ou dans l’art décoratif qu’il pratique aussi. Professeur à l’Académie des Beaux-Arts de Bruxelles (1929-1935), il travaille à la restauration de nombreux monuments abîmés par les années de guerre et réalise plusieurs monuments publics comme le mémorial Gabrielle Petit à Bruxelles, Les Vendéens à Tournai ou les Solvay et Cardinal Mercier à Bruxelles. C’est à un artiste talentueux que les Verviétois ont confié la réalisation de « leur » Vieuxtemps.

 

Bruno FORNARI, dans Jacques VAN LENNEP (dir.), La sculpture belge au 19e siècle, catalogue, t. 2, Artistes et Œuvres, Bruxelles, CGER, 1990, p. 531-534
Suzanne CLERCX, Vieuxtemps, dans Biographie nationale, t. XXVI, col. 722-729
La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Lettres - arts - culture, t. III, p. 389-395

Place Henri Vieuxtemps 
4800 Verviers

carte

Paul Delforge

Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam

Monument Henri DE GORGE

Statue à la mémoire de Henri De Gorge, réalisée par Égide Mélot, 1855.


Propriétaire et directeur des charbonnages du Grand-Hornu, dans le Couchant de Mons, propriétaire d’autres concessions plus au sud, Henri Degorge (1774-1832), dit De Gorge-Legrand, a durablement frappé l’imaginaire de ses contemporains en réalisant, à partir de 1823, un ambitieux projet architectural sous la forme d’une cité ouvrière modèle. Conçu par l’architecte tournaisien Bruno Renard, le site du Grand-Hornu est achevé à l’entame des années 1830, avec la fameuse salle de l’Atelier de Construction de Machines à Vapeur et de Mécaniques (1831-1832). L’épidémie de choléra qui frappe l’Europe en 1832 emporte cet entrepreneur originaire de Lille qui venait d’être désigné pour représenter l’arrondissement de Mons au Sénat. Afin de témoigner leur reconnaissance à leur illustre parent, ses héritiers décident d’élever, au centre de la grande cour elliptique conçue par Bruno Renard, une statue en bronze – fondue chez « VP » à Paris – qui représente Henri de Gorge, tenant dans la main gauche un plan roulé (son avant-bras droit fait actuellement défaut). À ses pieds apparaissent divers attributs de l’industrie minière (cordage, pic). Sur les quatre compartiments du piédestal, les inscriptions suivantes indiquent :


« H-J. DE GORGE
FONDATEUR
1810 » (AVANT).


« NÉ À VILLERS-POL 
LE 12 FÉVRIER 
1774 » (CÔTÉ DROIT)

« DÉCÉDÉ À HORNU 
LE 22 AOÛT
1832 » (CÔTÉ GAUCHE).

« HOMMAGE 
PAR 
SES SUCCESSEURS
1855 » (À L’ARRIÈRE).

Monument Henri De Gorge


Il s’agit vraisemblablement de la toute première statue élevée en Wallonie en l’honneur d’un patron d’industrie. Elle a été réalisée par Égide Mélot (1816-1885), élève de l’École anversoise. Formé à l’Académie d’Anvers, sa ville natale, il a suivi les Anversois Joseph et Charles Geefs à Paris, à l’École des Beaux-Arts auprès de Jean-Étienne Ramey ; concurrent malheureux des Geefs pour le Prix de Rome 1836, Mélot parfait sa formation à Bruxelles, où il reçoit les précieux conseils du Liégeois Louis Jehotte. Très tôt, il participe à de nombreux Salons et, dans les années 1850, il est choisi pour réaliser la statue à la mémoire de Henri de Gorge. Par la suite, Mélot contribue à la réalisation des statues du temple élevé à Laeken pour les funérailles de Léopold Ier (1865) ; dans les années 1870, il travaille surtout à Bruxelles, sur le chantier de la Bourse et du Théâtre de la Monnaie et, dans les années 1880, sur celui du Conservatoire de Musique et celui du Palais des Beaux-Arts (Musée d’Art ancien) – il signe l’allégorie de la peinture, statue placée au-dessus de l’entrée principale. Plusieurs jeunes sculpteurs (comme Desenfans) viendront parfaire leur formation dans son atelier installé à Schaerbeek.

 

Léopold DEVILLERS, dans Biographie nationale, t. 8, col. 115-117
Hubert WATELET, dans Ginette KURGAN, Serge JAUMAIN, Valérie MONTENS, Dictionnaire des patrons en Belgique, Bruxelles, 1996, p. 166
Jacques VAN LENNEP, La sculpture belge au 19e siècle, catalogue, t. 1. La Sculpture belge, Bruxelles, CGER, 1990, p. 50, 54, 65, 77, 88, 165, 248, 269 ; t. 2, Artistes et Œuvres, p. 309, 338, 348, 416, 461, 562, 593
Jean-Jacques HEIRWEGH, Patrons pour l’éternité, dans Serge JAUMAIN et Kenneth BERTRAMS (dir.), Patrons, gens d’affaires et banquiers. Hommages à Ginette Kurgan-van Hentenryk, Bruxelles, Le Livre Timperman, 2004, p. 430 et 434
Marie-Laure ROGGEMANS, Jean-Marie DUVOSQUEL, Autour du Grand-Hornu, Bruxelles, Crédit communal & Fondation roi Baudouin, 1989
Hubert WATELET, Le Grand-Hornu. Joyau de la révolution industrielle et du Borinage, Bruxelles, 1993, 2e éd.
Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. II, p. 160

Au cœur de la cour principale du site industriel – Grand-Hornu

Rue Sainte Louise 82

7301 Boussu

carte

Paul Delforge