Photo Paul Delforge – Diffusion Institut Destrée © Sofam
Statue Charles MARTEL
Professeur à l’Académie de Bruxelles, le sculpteur liégeois Louis Jehotte (1804-1884) a offert ses services à sa ville natale, dès 1855, pour élever sur la place Saint-Lambert une statue équestre de Charlemagne. S’inscrivant dans un mouvement typique du XIXe siècle visant à honorer les « gloires nationales belges », cette proposition a embarrassé les autorités liégeoises tant en raison de la question non résolue à l’époque du lieu de naissance de Charlemagne, que par l’insistance du sculpteur d’installer son œuvre sur la place Saint-Lambert.
Au milieu du XIXe siècle, la question du lieu de naissance de Charlemagne n’est pas réglée : Belgique, France, Allemagne ? Elle reste d’ailleurs discutée encore aujourd’hui. Cependant, en dépit des protestations de Jehotte, l’emplacement qui est finalement choisi est le boulevard d’Avroy. C’est là que le monument est inauguré le 26 juillet 1868.
Formé à l’Académie de Liège, Louis Jehotte a bénéficié d’une bourse de la Fondation Darchis dans sa jeunesse, et a fait le voyage en Italie (Florence et Rome). Ami d’Eugène Simonis, il est comme lui élève de Mathieu Kessels à Rome (en 1823), avant de séjourner à Paris (1830) et à Copenhague où il fréquente l’atelier de Thorwaldsen (1831). Nommé professeur de sculpture à l’Académie des Beaux-Arts de Bruxelles en 1835, il y enseigne seul cette matière pendant 27 ans (1835-1863), influençant considérablement plusieurs générations d’artistes (Mélot, Bouré, Fiers, Meunier, Desenfans, etc.). Préférant sculpter des sujets religieux, Jehotte se fait rare en monuments publics.
Pourtant, c’est lui-même qui avance, en 1855, l’idée de Charlemagne, personnage auquel il consacre, avec son ami André Van Hasselt, une importante biographie résultant de vingt ans de recherches. Tenant particulièrement à ce monument, Jehotte a acquis un terrain à Bruxelles (rue de Pachéco) et c’est là qu’il exécute la fonte de cette œuvre colossale, pesant dix tonnes. En 1888, des vandales abîment trois des statues du piédestal et un nouveau procès oppose la ville et le sculpteur qui meurt sans que l’affaire soit réglée. À la veille de la Grande Guerre, la partie inférieure du socle est remplacée. Au début du XXIe siècle, il a été procédé à une rénovation totale du monument qui a retrouvé des couleurs et un large espace de dégagement.
Contrairement à l’impression que pourrait donner une vision lointaine de l’impressionnante statue équestre, Charlemagne n’est pas le seul personnage honoré par le monument. Toute « sa famille » – du moins six de ses ascendants les plus illustres – est associée par Jehotte, par une représentation en bas-relief sur le large socle de style romano-byzantin, par ailleurs ornés de motifs végétaux et de médaillons historiés alternant avec des têtes de lion. Dans les six niches à arcades en plein cintre, que séparent des colonnes ornées de l’aigle impérial, on rencontre tour à tour Charles Martel, Pépin de Landen, Pépin le Bref, Pépin de Herstal, ainsi que deux femmes, Bertrade et Begge.
Avec Charles Martel (circa 690 – Quierzy 741), c’est le grand-père paternel de Charlemagne que Jehotte représente sur le piédestal de l’empereur. Né à Andenne (selon certains auteurs), fils de Pépin II de Herstal, le maire du palais d’Austrasie, Charles Martel est appelé à hériter de sa charge en 714. De multiples péripéties entourent sa prise de pouvoir effective en 717. Vainqueur notamment de la bataille dite de l'Amblève (716), il a dû combattre à la tête des Austrasiens pour affirmer son pouvoir, et affronter la Neustrie pour contrôler puis pacifier l'ensemble du royaume franc dont il est le seul maître jusqu’à son décès, en 741. Il contribue à son expansion, notamment après avoir combattu du côté de l’Europe centrale, et à son raffermissement après avoir battu les armées omeyyades à Poitiers (732). Reconnu pour avoir donné une organisation militaire sérieuse au royaume des Francs, il laisse à ses deux fils, Carloman et Pépin le Bref, un pouvoir qui ne s’embarrasse plus guère des rois mérovingiens.
- Jacques VAN LENNEP, La sculpture belge au 19e siècle, t. 1. La Sculpture belge, Bruxelles, CGER, 1990, p. 71 Jacques VAN LENNEP, La sculpture belge au 19e siècle, catalogue, t. 2, Artistes et Œuvres, Bruxelles, CGER, 1990, p. 460-461
- Pierre COLMAN, Le site de la statue équestre de Charlemagne, dans Chroniques ’archéologie et d’histoire du pays de Liège, Liège, Institut archéologique liégeois, juillet-décembre 2004, n°7-8, tome II, p. 76-77
- Alain DIERKENS, La statuaire publique, dans L’architecture, la sculpture et l’art des jardins à Bruxelles et en Wallonie, Bruxelles, La Renaissance du Livre, 1995, p. 246-250
- Liège, Patrimoine architectural et territoires de Wallonie, Liège (Mardaga), 2004, p. 154
- Charles BURY, Les Statues liégeoises, dans Si Liège m’était conté, n°35, printemps 1970, p. 9-10
- Pierre COLMAN, Le sculpteur Louis Jehotte, alias Jehotte (1803-1884) académicien comblé...d’avanies, Liège, 2010
- Paul PIRON, Dictionnaire des artistes plasticiens de Belgique des XIXe et XXe siècles, Lasne, 2003, t. I, p. 764
- Alexia CREUSEN, dans Musée en plein air du Sart Tilman, Art&Fact asbl, Parcours d’art public. Ville de Liège, Liège, échevinat de l’Environnement et Musée en plein air du Sart Tilman, 1996
Boulevard d’Avroy
4000 Liège
Inaugurée le 26 juillet 1868
Paul Delforge
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