Archives Fonds Desarcy-Robyns, Fonds d’histoire du Mouvement

Hommage à Georges Truffaut (1963)

Cimetière de Sainte-Walburge

Le premier cimetière de Sainte-Walburge était situé autour de l’église du même nom, mais il fut désaffecté en 1866. Le cimetière actuel fut inauguré le 20 mars 1874 et était alors quelque peu à l’écart du quartier. Doté d’une entrée monumentale en 1907, le cimetière n’a cessé de se développer depuis. Entièrement clos, il a accueilli les dépouilles de nombreuses personnalités liégeoises liées au Mouvement wallon, ainsi qu’une importante manifestation récurrente.

 

Le pèlerinage à Sainte-Walburge

Le cimetière de Sainte-Walburge contenait un monument aux héros de la révolution de 1830 et les tombes de nombreux révolutionnaires, parmi lesquels le mythique Charlier-Jambe-de-Bois. Un pèlerinage devant ces monuments fut organisé dès les années 1890 et la Ligue wallonne de Liège s’y associa dès sa création en 1897, les journées de septembre étant alors perçues surtout comme une révolte contre la politique de néerlandisation de Guillaume Ier. C’est dans le même esprit qu’avant le Congrès wallon de 1905, les congressistes se rendaient au monument de Sainte-Walburge le 30 septembre. Le pèlerinage se poursuivrait lors des premières fêtes de Wallonie, ainsi qu’en d’autres occasions : une cérémonie en présence des membres de la Concentration wallonne eut lieu le 28 septembre 1930 au cours des fêtes du centenaire de l’indépendance et des résistants du Front wallon pour la libération du pays s’y rendirent le 30 septembre 1941 pour y déposer symboliquement leur charte.

 

Plusieurs belles figures du mouvement wallon sont enterrées dans le cimetière de Sainte-Walburge et la symbolique de certaines tombes est parfois très forte.

 

Théophile Bovy (1863-1937), auteur des paroles du Chant des Wallons(dont Louis Hillier composa la musique) est inhumé dans le caveau de la famille Bovy. Classique, le monument funéraire comporte l’inscription « Théophile Bovy. Auteur wallon. Chevalier de l’Ordre de Léopold. 1863-1937 ». Auteur de pièces en wallon, Bovy fut membre du comité exécutif de la Ligue wallonne en 1897 et président de l’Association des auteurs wallons.

 

 

Toussaint Brahy (1821-1888), poète wallon, fonda le Caveau liégeois en mars 1872, une association toujours active actuellement sous la présidence du folkloriste Jean-Denys Boussart. Le monument funéraire de Brahy comporte une colonne surmontée d’une pomme de pin, symbolisant le perron liégeois.

 

 

Maurice Destenay(1900-1973), député libéral de 1949 à 1965, échevin (1953), puis bourgmestre (1963) de Liège jusqu’à sa mort, développa une action wallonne énergique dès les années 1930, qui culmina dans sa défense des Fourons dans les années 1960. Outre sa tombe à Sainte-Walburge, on peut signaler le petit monument qui lui a été dédié au centre de Liège à proximité de la bibliothèque des Chiroux, à côté de l’avenue portant son nom.

 

 

 

Eugène Duchesne (1901-1966), inhumé dans le caveau familial, s’illustra comme militant wallon, puis comme résistant au cours de la Seconde Guerre mondiale et reçut la médaille d’or de Wallonie libre en 1959. Sa tombe conserve, posée sur la pierre tombale, un macaron figurant le drapeau wallon.

 

Jean Haust (1868-1946), originaire de Verviers, fut, selon l’Encyclopédie du Mouvement wallon, la figure la plus marquante et la plus connue de la dialectologie wallonne, qu’il fit entrer à l’Université en 1920, et un militant wallon très actif jusqu’au Congrès de 1945.

 

 

Alphonse Tilkin (1859-1918), auteur wallon et président de la Société des auteurs wallons en 1887, puis de celle des Auteurs dramatiques et chansonniers wallons en 1895, participa notamment au comité des Congrès wallons de 1890 à 1893. Sa sépulture porte à son sommet un coq prenant le perron liégeois sous son aile, la patte posée sur un exemplaire de Li Spirou, journal fondé par Tilkin. La dédicace (Di main d’maisse i scriya noss’ wallon) résume l’action du défunt.

Georges Truffaut (1901-1942) : membre fondateur et ardent animateur de la Ligue d’Action wallonne (1923), ce député socialiste de Liège, figure emblématique du Mouvement wallon durant l’Entre-deux-Guerres, poursuit le combat contre les Allemands en Angleterre dès mai 1940, tout comme le Namurois Luc Javaux. Lui aussi y perd la vie, le 3 avril 1942. Sa dépouille fut rapatriée en 1947 et sa sépulture, outre un buste, comporte un bas-relief représentant un flamboyant coq wallon. La dédicace est faite à : « Georges Truffaut, échevin, député, fondateur du Grand Liège, ardent wallon, capitaine de l’armée belge, mort pour la liberté, 1901-1942 ». La citation « Mieux vaut mourir de franche volonté que du pays perdre la liberté » rappelle la devise des Universitaires wallons et de Luc Javaux.

 

 

Le monument aux écrivains wallons. Un monument en forme d’obélisque au sommet duquel se trouve un flambeau, placé en face de la sépulture de Georges Truffaut, rend hommage aux écrivains wallons de manière générale : « À la mémoire de nos écrivains wallons regrettés » dit la dédicace de cette pierre, érigée en 1938 à l’initiative du Souvenir wallon.

 

 

 

Boulevard Fosse-Crahay 69

4000 Liège

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Freddy Joris & Frédéric Marchesani, avril 2009

Hillier Louis

Culture, Musique

Liège 22/07/1868, Paris 11/08/1960

Avec Théophile Bovy, le nom de Louis Hillier est définitivement associé au Chant des Wallons. Bovy est l’auteur des paroles. Hillier le compositeur de la musique.

De son vrai nom Louis Hirsche, né d’un père français d’origine sarroise et d’une mère liégeoise, Louis Hillier est répétiteur d’une classe de violon et d’harmonie au Conservatoire de Liège, à l’âge de 19 ans. Par la suite, il perfectionne ses connaissances à l’occasion de séjours en Allemagne (à la Hochschule de Berlin) et en Italie (conservatoire de Milan), où il donne ses premiers concerts. De retour à Liège, il se consacre surtout au journalisme (il collabore au quotidien L’Express, à la revue La Wallonie, à l’hebdomadaire Flamberge) avant de repartir pour Londres cette fois (1895-1918). Là, il signe quantité d’articles dans La Chronique de Londres, ainsi qu’au Sunday Referee, mais il poursuit surtout une carrière de violoniste, de chef d’orchestre, de compositeur et de chef d’un quatuor à cordes, The Hillier Belgian Quartet. 

Après 23 années de musique « légère », Louis Hillier devient directeur de la musique du Casino de Paris, mais l’incendie au Casino met fin à son contrat ; il part alors en tournée en Amérique du Sud et compose sept comédies musicales, dont C’est Nanette. Sous le pseudonyme Léo Diensis, il compose les paroles de chansons et de livrets. Auteur de nombreuses œuvres pour orchestre, de soli instrumentaux, auteur de cinq opérettes en un acte, d’œuvres de musique de chambre et de compositions pour orchestre, Louis Hillier a effectué de nombreuses tournées dans le monde tout en poursuivant ses activités journalistiques à Paris, où il se consacre à l’enseignement musical et théâtral.

Fondateur du Cercle artistique et littéraire liégeois La Wallonie, Louis Hillier œuvre aussi à faire apprécier partout la musique et les musiciens de son pays. Musicien de formation classique, il est évidemment surtout connu pour la composition de la musique du Chant des Wallons. En 1899, la Ligue wallonne de Liège avait lancé un concours visant à couronner un chant capable de servir de ralliement aux Wallons. Il s’agissait d’en écrire les paroles et la musique. Des 48 textes en compétition, celui écrit en wallon de Liège par Théophile Bovy avait été primé en 1900. L’année suivante, Louis Hillier, qui est alors à Londres, découvre le concours dans un journal et rentre sa partition musicale l’ultime jour du délai imposé. Après l’examen d’un jury de spécialistes, Hillier est proclamé lauréat du concours musical. Sa musique est associée aux paroles de Bovy et devient Li Tchant dès Wallons.

Malgré de nombreuses œuvres concurrentes, malgré la difficulté de fixer définitivement les paroles, la musique de Hillier traversera les époques et sera retenue officiellement par le Parlement wallon. 

Sources

DELFORGE Paul, Encyclopédie du Mouvement wallon, Charleroi, 2011, t. II 

© Coll. Université de Liège, Fonds d’Histoire du Mouvement wallon.

Bovy Théophile

Culture, Littérature

Liège 08/03/1863, Boulogne-Billancourt 06/06/1937

Avec Louis Hillier, le nom de Théophile Bovy est définitivement associé au Chant des Wallons. Bovy est l’auteur des paroles. Hillier le compositeur de la musique.

À la fin du XIXe siècle, Théo Bovy est un auteur wallon bien connu. Fils d’un graveur sur arme, il fait des études à l’Athénée de Liège et entame des cours de sciences à l’Université, avant de s’installer comme imprimeur (1885). Tout en éditant les autres, il se consacre lui-même à l’écriture, en français d’abord, en wallon ensuite. Sa première comédie Li diale è manèdje (Le diable dans le ménage) ne lui apporte pas la célébrité (1892). Par contre son initiative de créer un journal sera beaucoup mieux accueillie. Oscillant entre illustration de la langue wallonne et défense des intérêts politiques wallons, Li Clabot dispose d’un lectorat qui lui permet de vivre plus de quarante ans (1892-1932), ce qui constitue un record de longévité. Théophile Bovy en est le directeur de 1892 à 1908. Auteur dialectal, il va également inscrire dans la littérature wallonne 25 pièces de théâtre dont le ton ironique et souriant lui vaut un réel succès : en 1893, Li Grandiveûse, sa meilleure pièce, est la première comédie de caractère dans les lettres dialectales.

Le nom des Bovy va scintiller à Paris quand Berthe, sa fille, devient pensionnaire à la Comédie-Française. Du coup, Théo s’installe dans la Ville-Lumière où il exerce le métier de journaliste (1912). Avant la Grande Guerre, il est correspondant du journal Le Peuple et cet ami de Jean Jaurès aurait été présent sur les lieux de l’assassinat du tribun le 31 juillet 1914.

La gloire de Berthe sera plus éphémère que celle de son père. En effet, lauréat du concours fixant les paroles d’un chant des Wallons, Théophile Bovy est entré dans l’histoire de son pays. L’initiative en revient à la Ligue wallonne de Liège qui lance un concours destiné à couronner « un chant mâle et énergique », capable de servir de ralliement à l’ensemble de la Wallonie. L’épreuve littéraire se tient en 1899 ; 48 textes parviennent au jury qui n’est pas pleinement convaincu et se contente d’accorder seulement un second prix. Il revient à Théophile Bovy auteur de Strindans-nos bin (Soutenons-nous bien). L’année suivante, Louis Hillier remporte l’épreuve musicale et le texte de Bovy devient l’officiel Chant des Wallons. En 1916, Bovy prend l’initiative d’ajouter une cinquième strophe de circonstance aux quatre couplets de son Tchant des Wallons, afin d’affirmer le loyalisme des Wallons dans la lutte contre l’envahisseur allemand. Manquant de souffle, il sera oublié dès la paix revenue. Quant aux quatre autres couplets, il leur faudra plusieurs années pour qu’ils soient adoptés officiellement et par le plus grand nombre. Le décret du Parlement wallon du 15 juillet 1998 en a fait l’hymne officiel de la Région.

C’est à Boulogne-Billancourt que Théo Bovy a rendu son dernier souffle ; son corps est immédiatement ramené à Liège où il repose, au cimetière de Sainte-Walburge.

Sources

Bibliothèque des Dialectes de Wallonie, Dossier Théophile Bovy
DELFORGE Paul, Encyclopédie du Mouvement wallon, t. I, Charleroi, 2000 
La Vie wallonne, 1921-1922, p. 519-523
LEJEUNE Rita, Histoire de la littérature wallonne, p. 89 et 96
PIRON Maurice, Les Lettres wallonnes contemporaines, Paris-Tournai, 1944, p. 130
REM Georges, Boulevard Louis Hillier, dans Si Liège m’était conté, n° 32 de septembre-novembre 1969, p. 3-6.

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Bovy Berthe

Culture, Théâtre

Cheratte 06/01/1887, Montgeron 26/02/1977


Fille de Théophile Bovy, journaliste, poète, auteur dramatique, auteur des paroles du Chant des Wallons, Berthe Bovy entre à la Comédie française en 1907, où elle est dirigée par Sarah Bernhardt. Son rôle dans La Marâtre de Balzac la lance à Paris, où elle triomphe, en 1930, avec La Voix humaine de Jean Cocteau, pièce qui met en scène un seul personnage, une femme au téléphone, qui parle une dernière fois à son amant qui la quitte pour se marier. Expulsée du Théâtre français en 1942 pour avoir refusé une tournée en Allemagne, elle crée, sur les boulevards, Arsenic et Vieilles Dentelles et s’y forge une nouvelle image, celle d’une vieille dame très digne à laquelle il vaut mieux ne pas se frotter. En 1950, elle est réintégrée dans la Maison de Molière. La comédienne a aussi goûté au cinéma naissant, incarnant le page dans L’Assassinat du Duc de Guise en 1908. Elle comptera une cinquantaine de rôles mais ne s’impose qu’à partir du Joueur de G. Lamprecht (1938). On la voit encore dans Boule de Suif de Christian-Jacque (1945), dans L’Armoire volante avec Fernandel (1948) ou dans Fantômas contre Fantômas (1949). Ayant épousé Pierre Fresnay en troisièmes noces, elle fait ses adieux au public en interprétant Madame Pernelle, dans le Tartuffe de Molière en septembre 1967 ; elle a 80 ans. Sociétaire honoraire du Théâtre français (la 359e), Berthe Bovy est considérée comme une grande dame des arts du spectacle.

BOSQUET Jean, Nouvelle Biographie nationale, 1997, t. IV, p. 44-45
DELFORGE Paul, Cent Wallons du Siècle, Liège, 1995
La Wallonie. Le Pays et les hommes (Arts, Lettres, Cultures), Bruxelles, t. III
La Wallonie. Le Pays et les hommes (Arts, Lettres, Cultures), Bruxelles, t. IV

Forgé au cours du XIXe siècle, le mot « Wallonie » fut rapidement popularisé tant au sein de la région qu’il désigne que chez ses voisins. Point de départ de l’affirmation de l’unité wallonne, cette dynamique a conduit, voici un siècle, à l’adoption d’un drapeau et d’une fête que le Parlement wallon a consacrés officiellement en 1998. De la revue littéraire d'Albert Mockel jusqu'à la régionalisation, cette leçon met en lumière les grands repères symboliques de l'identité wallonne au travers d'une synthèse et de documents.