Guy Focant

Hôtel Moderne de Liège

Érigé en 1906 sur les plans de l’architecte Arthur Snyers dans un style éclectique, l’immeuble s’élève sur cinq niveaux et présente une façade de cinq travées de dimensions égales. Le rez-de-chaussée et l’entresol, aujourd’hui remaniés, présentaient à l’origine deux monumentales entrées de style néoclassique pour le premier et une série de dix balconnets disposés deux par deux pour le second.

Le reste de la façade, intact, impose une grande verticalité à l’ensemble : les premier et second étages alternent trois séries de deux bow-windows (de section courbe au centre et de section polygonale sur les extrémités) qui se concluent par un balcon. Le troisième étage, sous les combles, prolongeait les travées en trois pignons à lucarnes (courbe au centre et triangulaire sur les côtés). Cette prolongation a aujourd’hui disparu et a fait place à deux nouveaux étages, construits dans la continuité du premier et du second. 

Avec cet imposant immeuble, l’architecte joue sur la ligne droite et la ligne courbe, et fait référence autant à l’Art nouveau qu’au néoclassicisme. La riche décoration intérieure, également teintée d’éclectisme, présentait notamment une allégorie des quatre saisons, œuvre de l’artiste liégeois Auguste Donnay.

Transformé en 1957 pour y intégrer une galerie toujours en activité, l’hôtel a définitivement fermé ses portes en 1976, les chambres étant alors transformées en studios.
 

1924 : le premier Congrès d’Action wallonne

En 1923, le Comité d’Action wallonne de Liège, en différend avec l’Assemblée wallonne, décide de quitter celle-ci et de fonder la Ligue d’Action wallonne de Liège, où se retrouvent de nombreuses figures de proue liégeoises du mouvement : Émile Jennissen, Auguste Buisseret ou encore Lucien Colson. Plus radicale, la Ligue est persuadée que « la Belgique ne peut poursuivre ses destinées par l’union des deux peuples qui la composent ». La Ligue va dès lors s’attacher à créer des sections locales qui l’aideront à organiser la propagande et le recrutement.

Le premier Congrès d’Action wallonne a lieu à l’hôtel Moderne, à l’initiative de la Ligue liégeoise, les 13 et 14 juillet 1924. Il réunit à peu près deux cents participants dont Albert Mockel, Auguste Buisseret, Julien Delaite et Georges Truffaut. Les congressistes adoptent des résolutions sur l’union douanière franco-belge, sur la loi relative à l’emploi des langues en matière administrative, et surtout sur une solution fédéraliste pour le pays. Six autres congrès seront organisés avant la disparition de la Ligue en 1940.

Rue Pont d'Avroy 29
4000 Liège

carte

Freddy Joris & Frédéric Marchesani, avril 2009

Guy Focant-SPW

Athénée Destenay

Suite à l’installation d’une école moyenne dans les locaux de l’école industrielle, sise jusque-là rue des Croisiers, décision est prise de construire un nouveau bâtiment pour abriter l’institution, sur les plans des architectes Louis Boonen et Joseph Lousberg. Facilement accessible depuis la construction d’une passerelle en 1878, le boulevard Saucy s’impose au choix du collège communal. 

Située sur l’ancien bief de Saucy comblé en 1872, l’école industrielle s’installe donc dans un nouveau quartier sortant de terre à la fin du xixe siècle. L’édifice est terminé en 1881 et inauguré en 1883. Bâtiment imposant de style néoclassique, l’école industrielle présente une riche façade : frise de feuillage en pierre, fronton à colonnes et linteaux de fenêtres en alternance de pierres. Un oeil-de-boeuf, dans lequel l’architecte pensait installer une horloge, anime également cette façade. Le fronton comporte une haute statue en pierre, Le Métallurgiste, réalisée sur concours par le statuaire Guillaume Beaujean. Cette oeuvre, imposante dans ses dimensions, renforce le caractère néoclassique du monument, déjà étayé par le jeu des colonnades. 

Le bâtiment a été surélevé au milieu des années 1950, sur ses deux ailes, par un troisième étage en briques rouges. Dans la cour trône un bronze représentant Zénobe Gramme, ancien élève de l’école (lorsqu’elle était rue des Croisiers), réalisé par le sculpteur liégeois Joseph Sauvage. Un intéressant monument aux morts des deux guerres mondiales se trouve au premier étage depuis 1946. Depuis 1962, le bâtiment abrite les locaux d’une école secondaire, l’athénée communal Maurice Destenay (aussi appelé athénée Saucy).

 

1912 : le septième Congrès wallon

Organisé par la Ligue wallonne de Liège, le Congrès wallon se déroule pour la première fois dans les locaux de l’école industrielle, le 7 juillet 1912, six ans après le dernier Congrès et sous la présidence de Julien Delaite. De nombreux sujets sont à l’ordre du jour : flamandisation de l’Université de Gand, défense de la langue et de la littérature wallonnes, mise en valeur de l’histoire wallonne. Au cours des débats, le projet de Delaite en faveur d’une séparation administrative fait l’objet d’un débat vif et d’un vote favorable. Pour la première fois depuis 1890, un Congrès wallon opte pour le fédéralisme. C’est en rentrant du Congrès que Jules Destrée conçoit sa « Lettre au Roi » sur la séparation de la Wallonie et de la Flandre.

 

1913 : le huitième Congrès wallon

À nouveau organisé par la Ligue wallonne de Liège, le Congrès du 6 juillet 1913 présidé par Delaite est essentiellement culturel: mise en valeur de l’histoire wallonne, littérature et philologie wallonnes en sont les thèmes principaux. Le Congrès est également l’occasion de s’insurger contre la récente loi sur l’emploi du flamand à l’armée. Ce congrès, qui aura bien moins de répercussions que le précédent, clôture une série de Congrès organisés à Liège. Un dernier Congrès wallon sera organisé à Verviers peu avant l’invasion.

Boulevard Saucy 16
4000 Liège

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Freddy Joris & Frédéric Marchesani, avril 2009

Collection privée

Colonne de Sainte-Walburge

Dès les premières années de son existence, le jeune état belge tient, tout naturellement, à rendre hommage aux révolutionnaires de 1830 qui lui ont permis de se libérer du joug hollandais. Au fil du temps, et malgré l’instauration du 21 juillet comme fête officielle, les journées de septembre continuent d’être célébrées avec faste par la population. A Liège, leur point d’orgue en est le « pèlerinage » au monument aux morts de 1830 de Sainte-Walburge, situé à l’endroit où les volontaires liégeois ont arrêté les Hollandais, le 30 septembre 1830.
 

La Colonne de Sainte-Walburge © Collection privée

Dès la fin du XIXe siècle, les volontaires survivants et les militaires y côtoient les premiers militants wallons. Pour le jeune Mouvement wallon, les événements révolutionnaires symbolisent également la lutte pour la liberté et contre l’imposition du néerlandais en Wallonie, autant de thèmes se trouvant au centre de leurs revendications. En mai 1900, le décès de Walthère Ista, le dernier combattant liégeois de 1830, fait planer une menace sur l’avenir de l’événement. Commence alors le combat de la Ligue wallonne de Liège pour la pérennisation de cette organisation à haute valeur symbolique.

 

 

Affiche de la première Fête de Wallonie à Liège © Province de Liège – Musée de la Vie wallonne - FHMW

En 1905, l’important Congrès wallon de Liège, évoque l’idée d’organiser  des fêtes purement wallonnes, sans pour autant se prononcer formellement à ce sujet. A leur sorite, les participants se rendent néanmoins à Sainte-Walburge, sous une pluie diluvienne. C’est en 1913, dans la foulée de l’adoption d’autres symboles identitaires comme le drapeau et l’hymne, que la Fête de Wallonie sera instaurée par l’Assemblée wallonne, premier parlement – officieux – du peuple wallon. Après une première organisation à Verviers, de nombreuses autres villes wallonnes tiennent leur première édition, la quatrième dimanche de septembre.

 

Après la Première Guerre mondiale, en 1923, le mouvement sera relancé depuis Namur, par François Bovesse, pour devenir la manifestation populaire que nous connaissons aujourd'hui.

A Liège, la colonne de Sainte-Walburge demeurera longtemps un haut-lieu de ces fêtes, comme en témoignent des dépôts de fleurs organisés le dernier dimanche de septembre pendant les deux conflits mondiaux, alors que les festivités avaient, bien évidemment, été suspendues.

 

Rue Sergent Merx 99

4000 Liège

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Si la notion d’« art wallon » a longtemps fait débat, il est incontestable que le territoire wallon actuel a engendré quelques grands noms de la peinture sous l’Ancien Régime. Avec le temps, plusieurs spécialistes ont pu identifier des traits communs à ces artistes dont le talent a traversé les époques. Au travers d’une synthèse et de documents illustratifs, cette leçon présente leurs parcours et leur travail.

Delaite Julien

Militantisme wallon, Politique

Liège 30/01/1868, Liège 01/09/1928

Pharmacien et chimiste formé à l’Université de Liège (1894), directeur d’un laboratoire d’analyses chimiques agréé par l’État, Julien Delaite se passionne également pour l’étude du dialecte wallon. Membre titulaire de la Société liégeoise de Littérature wallonne dont il assume le secrétariat de 1889 à 1905, il participe au renouveau dialectal et, dans le prolongement, donne une dimension à son engagement politique dans les rangs du parti libéral. Président fondateur de la Ligue wallonne de Liège, le 9 mai 1897, président des congrès wallons de 1905, 1912 et 1913, il réfléchit très rapidement à une formule fédéraliste pour résoudre la question belge et l’adopte résolument à partir de 1912. Il est l’un des premiers militants wallons à rédiger un projet fédéraliste. 

En 1912, à la suite du Congrès wallon de juillet dont il est le principal organisateur et après la Lettre au roi, il relève le défi de Jules Destrée visant à créer le premier parlement pour la Wallonie. Membre fondateur de l’Assemblée wallonne, il est l’un des délégués de Liège (1912-1914, 1919-1921) Il est aussi conseiller communal de Liège et conseiller provincial (1904-1921). Durant la Première Guerre mondiale, respectant la trêve de l’Union sacrée, Julien Delaite n’exerce aucune fonction au sein du Mouvement wallon et ne prend aucune position publique. Rejoignant l’Action wallonne et son programme fédéraliste après la guerre, homme d’action et de réflexion, Julien Delaite doit incontestablement être considéré comme un des pères du mouvement wallon.

Sources

CARLIER Philippe, Encyclopédie du Mouvement wallon, Charleroi, 2000, t. I, p. 429-430
Un siècle de projets fédéralistes pour la Wallonie. 1905-2005, Charleroi, Institut Jules-Destrée, 2005
Wallonie. Atouts et références d’une région, Namur, 2005
La Wallonie. Le Pays et les hommes (Histoire, Économie, Société), Bruxelles, t. II, p. 194
La Wallonie. Le Pays et les hommes (Arts, Lettres, Cultures), Bruxelles, t. IV, p. 482
PIRON Maurice, Biographie nationale, 1956-1957, t. 29, col. 530-533

Mandats politiques

Conseiller communal de Liège (1904-1921)
Conseiller provincial (1904-1921)

Forgé au cours du XIXe siècle, le mot « Wallonie » fut rapidement popularisé tant au sein de la région qu’il désigne que chez ses voisins. Point de départ de l’affirmation de l’unité wallonne, cette dynamique a conduit, voici un siècle, à l’adoption d’un drapeau et d’une fête que le Parlement wallon a consacrés officiellement en 1998. De la revue littéraire d'Albert Mockel jusqu'à la régionalisation, cette leçon met en lumière les grands repères symboliques de l'identité wallonne au travers d'une synthèse et de documents.

Delaite Julien

Officier (Historique)

LIÈGE 30.01.1868 – LIÈGE 01.09.1928

Dès ses études en pharmacie à l’Université de Liège, Julien Delaite témoigne de sa volonté de s’engager pour la réalisation de ses idéaux. C’est ainsi qu’il fonde et préside l’Association des Etudiants wallons, en marge d’un cursus qu’il achève, en 1894, comme docteur en sciences naturelles, avec la plus grande distinction. Cette formation scientifique l’amène d’ailleurs à publier plusieurs études et à devenir directeur d’un laboratoire d’analyses chimiques agréé par l’Etat qu’il gère à côté de plusieurs pharmacies.

Ses préoccupations sont cependant loin de se limiter à la chimie. Très tôt, il étudie également le dialecte wallon, auquel il consacre plusieurs publications. Il s’investit également dans l’action politique locale. Fort de ces engagements et intérêts, il assiste aux premiers congrès wallons de 1891 et 1893, typiques des débuts d’un Mouvement toujours confidentiel, principalement centré sur Bruxelles et les intérêts des francophones de Flandre. Dans ce cadre, peu orienté sur la Wallonie, Delaite se manifeste en mettant en cause la mainmise exercée de facto par Bruxelles sur cette première époque, exclusivement antiflamingante.

Julien Delaite jouera ensuite un rôle déterminant dans la (re)lance d’un Mouvement plus authentiquement wallon, par la fondation, en 1897, de la Ligue wallonne de Liège. Il devient alors rapidement l’animateur du Mouvement wallon qui se consacre désormais à l’élaboration d’un projet positif pour la Wallonie. Défendant la poursuite du pèlerinage de Sainte Walburge, il contribue à l’émergence d’une fête wallonne. De même, c’est lui qui, à la tête de la Ligue wallonne, lance le concours qui donnera naissance au Chant des Wallons, futur hymne officiel de la Wallonie. Il organise et préside également le grand Congrès wallon de 1905, tenu à Liège dans le cadre de l’exposition universelle et qui restera comme un jalon de la prise de conscience identitaire wallonne. S’il défend encore la thèse du maintien du français – vecteur des Lumières   comme langue officielle unique de la Belgique, ce congrès est aussi le point de départ d’une réflexion sur l’identité wallonne et la défense des intérêts de la Wallonie.

Membre du parti libéral, conseiller communal et provincial, Julien Delaite est également un des précurseurs de la solution fédérale, sujet auquel il consacre une étude dès 1898. Il y plaide pour la création de conseils régionaux en Flandre et en Wallonie, avec un Parlement fédéral paritaire. Bien que partisan de l’unité de la Belgique, le système fédéral lui apparaît comme le meilleur moyen de garantir les droits des Wallons. Les années qui suivent lui permettent de préciser sa pensée. Lors du Congrès wallon du 7 juillet 1912, il présente une Etude d’un régime séparatiste en Belgique et un projet de révision de la Constitution reconnaissant trois Régions. C’est en revenant de ce Congrès, qui s’est prononcé en faveur de la séparation administrative, que Jules Destrée a l’idée de sa Lettre au roi, qui sera publiée le 15 août suivant.

Membre de l’Assemblée wallonne, premier parlement – officieux   de Wallonie, Julien Delaite partage désormais le leadership du Mouvement wallon avec le tribun socialiste de Charleroi. Après la Première Guerre mondiale, resté fidèle à sa position fédéraliste, il est choisi comme Président d’honneur par la Ligue d’Action wallonne qui milite pour l’autonomie de la Wallonie, faisant déjà figure de pionnier pour un Mouvement dont l’histoire commence pourtant à peine.

Julien Delaite fut fait officier du Mérite wallon, à titre posthume, en 2012.

Philippe CARLIER, DELAITE Julien, dans Encyclopédie du Mouvement wallon, notice 1629.

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