Comès Didier

Culture, Bande dessinée

Sourbrodt 11/12/1942, Sourbrodt 06/03/2013

Né sous l’occupation allemande, dans un territoire annexé au Reich en 1940, Dieter Herman restera durablement influencé par une situation géographique particulière, qui le met en contact avec deux fortes cultures. Ayant grandi dans un environnement forestier, aux bords de la Fagne, nourri de contes et de légendes, de femmes-sorcières et d’animaux sauvages, le jeune garçon entendait parler allemand par son père et français par sa mère. C’est en se tournant vers Malmedy, la Wallonne, qu’il accomplit des humanités dites professionnelles, avant de commencer à travailler, dès l’âge de 16 ans, comme dessinateur industriel, dans une usine de construction mécanique à Verviers. 

Entre des plans pour des machines textiles et une attirance certaine pour le jazz, Comès choisit de transformer son hobby en métier : ses « petits dessins » sont chaleureusement accueillis quand il signe ses débuts dans Le Soir Jeunesse, en 1969, avec une série à caractère humoristique (« Hermann »), avant d’animer « les Cheeses » dans le même hebdomadaire (1972). L’année suivante, Pilote publie la première aventure d’Ergün l’Errant : Le Dieu Vivant est considérée comme la meilleure « première œuvre » de science-fiction depuis le Rayon If d’Edgard-P. Jacobs. Pour le second épisode, Le Maître des Ténèbres, il faudra attendre 1980, quand l’aventure paraît dans À Suivre, le mensuel édité par la maison Casterman pour valoriser le « 9e art ».

Entretemps, c’est Tintin qui accueille l’une des œuvres les plus caractéristiques du talent de Didier Comès, L’Ombre du Corbeau, portrait onirique d’un soldat allemand durant la Grande Guerre, dont il écrit l’histoire et réalise tous les dessins. Conservant l’esprit rieur de ses premières séries, il participe encore à l’expérience désopilante du Trombone illustré et commet quelques « Comèseries » dans les pages de Pilote (1977). Mais la parenthèse humoristique est en train de se fermer devant l’œuvre qui se construit sous les doigts de l’héritier spirituel d’Hugo Pratt dont il est l’ami. À partir de 1979, les histoires publiées dans le mensuel À suivre posent définitivement un genre à part entière : Silence (1979), La Belette (1981), Eva (1982), L’Arbre-cœur (1986), Iris (1989). Viendront encore La Maison où rêvent les arbres (1995), Les Larmes du tigre (2000) et Dix de Der (2006).

Alfred du meilleur album au Festival d’Angoulême en 1981 pour Silence, album où Comès avait abandonné la couleur pour la technique du noir et blanc, prix saint-Michel de la meilleure BD en 1983 pour La Belette, Didier Comès est, par ailleurs, l’un des signataires du Manifeste pour la Culture wallonne (1983). Paradoxalement, en 2012, la rétrospective Comès qui est organisée à Liège, est la première à trouver place dans le « nouveau » musée des Beaux-Arts de Liège (BAL), qui a remplacé le Musée de l’Art wallon purement et simplement supprimé en 2011. En 2013, le Festival d’Angoulême présente 50 de ses planches originales et, à son décès, Le Figaro lui rend aussi hommage en le présentant comme « le dessinateur de la sorcellerie, du chamanisme, des rebouteux et du versant occulte de la campagne (…) : plus qu’un dessinateur, c’était un artiste et un maître du noir et blanc ».

Sources

À l’ombre du silence, Rétrospective Comès (11 mai – 16 septembre 2012), Liège, Museum, 2012
La Wallonie. Le Pays et les Hommes. Lettres - arts - culture, t. III, p. 354
Centre d’archives privées de Wallonie, Institut Destrée, Revues de Presse, dont Le Figaro, 8 mars 2013