Empereur d’Occident, se proclamant héritier des Romains et de Charlemagne, Otton Ier utilise son droit de nommer les évêques à des fins politiques. En attribuant aux évêques des charges comtales, l’empereur évite la dispersion de son patrimoine. Bien que Saxon et non carolingien, Otton accorde de l’importance à ses terres les plus occidentales. Comme les « (…) principautés territoriales du Hainaut, de Louvain-Brabant, du Limbourg, du Luxembourg et de Namur se sont édifiées au préjudice de l’autorité royale », la principauté liégeoise sera construite « par la volonté des rois – particulièrement ceux de la dynastie des Otton – désireux d’enrayer le processus d’hérédité ou, ce qui revient au même, de confiscation, par les princes territoriaux laïcs, des hautes charges publiques » (Histoire de la Wallonie, p. 113).
Véritable incarnation du système ottonien, Notger, par ailleurs formidable personnalité politique de son époque, peut être considéré comme le fondateur de la principauté de Liège. Désigné évêque de Liège par Otton Ier en 972, il obtient d’Otton II la confirmation de l’immunité des possessions de l’Église de Liège (980) ; en d’autres termes, soustraites à une charge comtale, plusieurs possessions (à Huy, Maastricht, Namur, Dinant, Tongres, Marchienne-au-Pont, Theux, etc.) dépendent de la seule autorité de l’empereur. En déléguant son pouvoir à la cathédrale saint-Lambert et à son titulaire, l’empereur transforme de facto l’évêque, en l’occurrence Notger, en un comte ayant droit de haute justice, de lever le tonlieu, de battre monnaie, d’établir des marchés et de dresser des fortifications. En 985, Notger reçoit en donation le comté de Huy, d’autres suivront. Les pouvoirs de l’évêque et du prince se rejoignent pour régler le spirituel et le temporel sur un territoire. La principauté de Liège devient le modèle de ce que l’on appellera l’« Église impériale ottonienne » (Reichskirche).
Références
AzKG-94 ; DHGe14 ; HW04-113-114 ; LJGdLg48 ; Meuse-Rhin10
Institut Destrée (Paul Delforge et Marie Dewez) - Segefa (Pierre Christopanos, Gilles Condé et Martin Gilson)